Interpellation concernant la faillite d’une importante entreprise au port de Bruxelles.

INTERPELLATION DE M. GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN À MME BRIGITTE GROUWELS, MINISTRE DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE, CHARGÉE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES TRANSPORTS,

concernant « la faillite d’une importante entreprise au Port de Bruxelles ».

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Contre toute attente, une entreprise de logistique importante installée à l’avant-port et exerçant ses activités depuis de nombreuses années au sein du domaine portuaire a été déclarée en faillite le 4 juin dernier.

Certes, le Port enregistre chaque année un nombre de clients devenus insolvables et proclamés en cessation de paiement, mais l’entreprise de logistique en question a, pendant des années de présence au Port, montré un dynamisme sans relâche et s’est implantée, il y a quelques années déjà, dans de tout nouveaux entrepôts situés à l’avant-port afin de faire face à une croissance de ses activités.

Il est incontestable que la crise économique exerce une incidence sur les développements des affaires et qu’une trésorerie parfois insuffisante est de nature à mettre en péril toute une activité. Ces indices ne semblent pas avoir été perçus par le Port qui a marqué son accord, dans le courant de l’année 2012, pour le rachat des entrepôts de la firme en question pour un montant relativement important.

C’est au niveau de la décision prise par le Port que se pose une série de questions.

La direction du Port, qui a proposé au conseil d’administration de procéder au rachat du bâtiment, a dû, on l’imagine, procéder à une série d’investigations, tant sur le plan économique que financier, afin de s’assurer de la bonne santé de l’entreprise et de déterminer avec celle-ci des perspectives d’avenir.

Au minimum, les bilans et comptes de résultats des trois dernières années, ainsi que les différents ratios qui pouvaient en être dégagés, devaient faire l’objet d’une analyse par la direction du Port. Des entretiens avec les responsables de la firme, le Port devait dégager la probabilité d’une amélioration du chiffre d’affaires et de la rentabilité.

Ces différentes questions et l’inventaire de la situation passée et des prévisions de résultats ont-ils réellement été abordés par la direction du Port et présentés au conseil d’administration ?

Il semble qu’une certaine légèreté soit à relever du côté des investigations qu’aurait dû mener le Port, car on ne peut imaginer que la situation se soit à ce point détériorée au cours des six derniers mois qu’on en arrive à une faillite qui dépasserait les cinq millions d’euros.

Vous comprendrez, Mme la ministre, ma réelle inquiétude face à une telle déconfiture d’une entreprise installée dans le domaine portuaire.

Sur quelle base la direction du Port a-t-elle jugé l’opération de rachat du bâtiment comme une opération indispensable en vue de garantir la pérennité de l’entreprise ?

Une évaluation du potentiel de croissance des activités a-t-elle été demandée par la direction du Port et porté à la connaissance du conseil d’administration ?

Un rapport sur l’évolution des activités au cours des trois dernières années avec détermination des ratios a-t-il été produit par le Port ? Quelles sont les conclusions qui en ont été tirées ?

Un contact a-t-il été pris par le Port avec des clients de la firme pour apprécier la fiabilité des plans soumis par l’entreprise pour regagner des parts de marché ?

Comment expliquer l’ampleur de la perte en quelques mois, si les indices relevés par le Port étaient jugés comme favorables ?

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- Avant de répondre à vos questions relatives à la faillite de la SA Pavan, je ne voudrais pas passer sous silence le drame humain que cette déconfiture représente pour les quelque 35 personnes qui étaient employées depuis de nombreuses années dans cette société familiale. J’espère qu’elles retrouveront rapidement du travail, ce qui est déjà le cas pour un certain nombre d’entre elles, qui ont été engagées par un autre logisticien du Port.

Ceci étant, je tiens à vous signaler que, suite à la demande de la SA Pavan de vendre son bâtiment, la réflexion du Port s’est focalisée sur deux aspects :

– maintenir dans l’escarcelle du Port un bâtiment logistique en parfait état, situé à un endroit de développement stratégique important, et ce à des conditions de rentabilité suffisantes pour le Port ;

– permettre à cette société familiale de poursuivre ses activités in situ tout en maintenant l’emploi, en lui octroyant une nouvelle concession sous conditions.

Sur base de ces éléments, et compte tenu de la localisation du bâtiment dans la zone de développement du terminal à conteneurs et de la future plateforme logistique de Schaerbeek-Formation, le Port s’est montré intéressé et a fait expertiser le bâtiment. Ensuite le Port a négocié un prix d’achat qui, couplé avec un nouveau contrat de concession du bâtiment à Pavan, lui a permis d’obtenir un taux de rendement interne de 6,91% sur 30 ans, ainsi qu’un taux de capitalisation de 9,36%, l’équilibre budgétaire étant atteint la quinzième année.

Quant à la poursuite des activités de Pavan dans le bâtiment, il n’a évidemment pas échappé au Port que la société était en situation délicate. L’étude des comptes des cinq dernières années et des comptes prévisionnels des cinq prochaines années communiqués par Pavan à la demande du Port a permis d’obtenir les garanties suivantes de la SA Pavan :

– une augmentation de capital de la société de 1,4 millions d’euros ;

– une nouvelle concession de quinze ans ;

– l’engagement écrit de Pavan de maintenir l’intégralité du personnel employé ;

– le versement anticipé de six mois de redevances de location du bâtiment et le paiement de l’intégralité des arriérés dus par Pavan ;

– la constitution d’une garantie bancaire appelable à première demande, équivalente à un an de redevances ;

– le versement d’une indemnité de rupture de 400.000 euros au cas où Pavan mettrait fin à ses activités de façon anticipative ou revendrait son fonds de commerce, le cas de la faillite étant visé par cette indemnité.

Il convient de noter que, suite à la faillite, 80% de cette indemnité de rupture sont d’ores et déjà couverts par le montant retenu par le Port à titre de compensation de l’absence de constitution de garantie bancaire.

En conclusion, sur la base des éléments qui précèdent, je puis affirmer que le Port a parfaitement géré ce dossier délicat. J’en veux pour preuve supplémentaire que, si la vente de l’immeuble n’avait pas été conclue, le Port se trouverait dans une situation nettement moins confortable car il n’aurait pas récupéré les arriérés, qui se chiffreraient aujourd’hui à plus de 50.000 euros. Et il devrait négocier aujourd’hui avec le bailleur concernant la location ou la vente du bâtiment à des conditions financières nettement moins avantageuses que celles qu’il a pu obtenir dans le cadre de la vente.

Par conséquent, je ne partage pas votre analyse selon laquelle la direction générale et le conseil d’administration du Port auraient agi avec légèreté dans ce délicat dossier. Enfin, pour ce qui concerne l’ampleur de la faillite, j’attends les conclusions du curateur et vous signale que le Port a confié la défense de ses intérêts à son avocat.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- J’entends bien que le Port récupérera le bâtiment au terme de la concession. Je suppose que les autorités feront en sorte que cet espace, qui jouit d’une excellente localisation, soit réoccupé dans les meilleurs délais.

Le Port a-t-il exigé un plan financier en vue de garantir la pérennité de la firme ?

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- Le curateur n’a pas encore formulé ses conclusions concernant ce dossier. À ce stade, nous ne disposons donc pas de tous les éléments pour vous répondre.

Il est toutefois certain que les autorités du Port feront le nécessaire pour que cet immeuble moderne, jouissant d’un potentiel logistique certain, soit réoccupé. Cette entreprise est l’une des seules parmi les entreprises du Port à être tombée en faillite à cause de la crise. Elle n’est pas parvenue maintenir le cap, et c’est regrettable.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- À l’heure actuelle, vous ne savez pas si le Port a exigé un plan financier ?

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- J’ai expliqué qu’une série de garanties ont été exigées.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- J’ai bien noté cela, mais je n’ai pas entendu parler de plan financier.

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- La Société régionale d’investissement de Bruxelles (SRIB) a analysé la situation financière de la SA Pavan. Sur la base des comptes prévisionnels pour les cinq années à venir, nous avons eu une vision sur les plans financiers de cette firme. La situation n’était pas motivante, mais le Port a tout de même voulu soutenir cette entreprise, qui n’a pas pu maintenir le cap.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- La réponse se perd dans un certain brouillard. J’en déduis qu’il y avait une volonté de maintenir une activité qui concernait 35 employés, volonté qu’on peut comprendre au demeurant. Je ne suis cependant pas totalement convaincu qu’on ait travaillé avec la méthode la plus efficace pour garantir le meilleur usage des deniers du Port.

Qu’on ne soit pas en mesure de me dire si le Port a obtenu un plan financier est, sinon préoccupant, au moins troublant !

 

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CRI COM (2012-2013), Juillet 2013, pp. 46-51