Interpellation concernant le MoMa bruxellois

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, ministre-président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Fonction publique, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique,

concernant « le MoMa bruxellois ».

 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Au début du mois de mai 2014, soit quelques semaines avant les élections régionales, les Bruxellois étaient informés de l’ouverture d’un nouveau musée d’art moderne en 2017 dans les bâtiments Citroën situés le long du canal. La Région bruxelloise avait en effet conclu un accord de principe avec le groupe automobile français. Lors d’une rencontre avec la presse, vous aviez affirmé : « Nous aurons notre MoMa ou Guggenheim bruxellois ».

Voilà qui devait mettre un terme à cette saga à l’occasion de laquelle différents autres sites, bordant ou non le canal, avaient été envisagés afin d’y créer ce nouveau pôle culturel.

Pour rappel, le bâtiment Citroën situé place de l’Yser couvre une superficie de 16.000m² et devrait donc abriter à brève échéance des Picasso, Dalí et autre Miró.

Vous expliquiez que « la zone du canal avait été choisie afin de réconcilier les deux côtés de Bruxelles. Ceci constitue un symbole très fort qui montre notre volonté de développer cette zone ».

Je m’intéresse aujourd’hui au suivi effectif de ce dossier et à ses avancées concrètes depuis le début de cette nouvelle mandature.

Concernant tout d’abord le site Citroën, une convention définitive a-t-elle été signée avec Citroën concernant l’acquisition du terrain ?

Quels sont les enseignements principaux de l’étude de faisabilité commandée dans le cadre de votre projet ?

Qu’en est-il des moyens budgétaires nécessaires tant pour l’acquisition que pour les aménagements ?

Le calendrier initialement annoncé par vos soins – ouverture au public en 2017 – pourra-t-il être respecté ?

En ce qui concerne le devenir de Citroën au centre-ville, est-il exact que votre gouvernement envisage de céder à Citroën les terrains situés sur le site stratégique de Tour & Taxis ? Une éventuelle implantation d’un garage Citroën à cet endroit cadre-t-il avec les ambitions affichées par le gouvernement pour ce site remarquable et qui fait l’objet de tant d’attentions : parc, rénovation profonde du centre TIR, siège de Bruxelles Environnement, rénovation du bâtiment Byrrh, quartier Tivoli, etc. ?

En l’état de mes informations, je ne vous cache pas mes réserves au sujet de la bonne intégration de cette activité garage dans tout le quartier qui émerge enfin après de nombreuses années d’attente.

Qu’en est-il d’ailleurs de la compatibilité de votre projet avec le plan particulier d’affectation du sol (PPAS) de la Ville de Bruxelles ? PPAS actuellement en voie de finalisation pour Tour & Taxis.

Quelle garantie avez-vous obtenue en termes de création de nouveaux emplois à l’occasion de cette installation envisagée de Citroën sur ce site ?

Enfin, pour ce qui relève du contexte général autour de ce projet de musée d’art moderne à Bruxelles, je ne puis passer sous silence la cacophonie qui règne parfois dans ce dossier. Dans le Soir du 24 octobre 2014, vous affirmiez que le musée d’art moderne se ferait indépendamment des discussions avec le niveau fédéral quant aux collections à y présenter au public. Nous allons acheter l’ensemble du bâtiment, relocaliser Citroën, et puis on verra si l’autorité fédérale continue à jouer le jeu. Bref, on consacre nos budgets à cette opération et on verra bien, par la suite, que faire de cette infrastructure !

Cependant, d’autres que vous réfléchissent à de nouvelles infrastructures culturelles de grande ampleur à Bruxelles, y allant de leurs petites et grandes idées d’implantations alternatives : le Cinquantenaire pour M. Draguet, ou les Anciens Établissements Vanderborght, situés rue de l’Écuyer. Votre gouvernement ne peut ignorer cet état de fait mais continue pourtant à travailler seul.

Il est urgent de dépasser les questions d’orgueil. Il semble plus que jamais nécessaire de rompre cette logique de course contre la montre entre, d’un côté, le gouvernement bruxellois qui veut absolument créer son musée le long du canal, mais a besoin du niveau fédéral pour y présenter une collection crédible, et de l’autre côté l’autorité fédérale et ses prestigieux représentants, tels M. Draguet, qui avancent d’autres implantations et un calendrier aussi serré que le vôtre, soit début 2017.

N’est-il donc pas temps de prendre langue avec vos collègues du niveau fédéral pour trouver une solution crédible pour notre Région ? Pouvez-vous aujourd’hui nous rassurer quant à votre volonté de dialoguer avec les indispensables partenaires dans ce dossier si important pour notre image de marque ?

Dans le cas contraire, devons-nous en conclure que vous avez pu obtenir la garantie de pouvoir présenter le contenu d’une collection privée d’œuvres contemporaines en provenance de Belgique ou de l’étranger ? Pouvez-vous nous affirmer en ces temps de restrictions budgétaires que vous n’êtes pas en train de vous lancer dans une opération qui viserait à doter notre Région d’une merveilleuse coquille vide ?

[Intervention de Mme Cieltje VAN ACHTER]

[Intervention de Mme Annemie MAES]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Avez-vous vu l’interview du ministre Reynders dans La Libre Belgique de ce matin ? Il a manifestement des projets pour le Palais de justice.

[Intervention de Mme Annemie MAES]

[Intervention de M. Mohamed AZZOUZI]

[Intervention de M. Hamza FASSI-FIHRI]

[Intervention de M. Willem DRAPS]

[Intervention de M. Hamza Fassi-FIHRI]

[Interventiond e Mme Caroline PERSOONS]

[Intervention de Mme Brigitte GROUWELS]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Ayant été chef de groupe dans une vie antérieure, je connais bien notre règlement d’assemblée, règlement qui est très clair et doit être respecté : seuls les interpellants et les co-interpellants ont le droit de répliquer.

Dans ce dossier, je dois avouer que les derniers développements ne cessent de m’étonner, ne serait-ce parfois que par leur caractère totalement ingénu voire contradictoire.

Par exemple, j’ai lu deux interviews de M. Reynders : dans l’une, il vante les mérites du Cinquantenaire, dans l’autre, du Palais de justice. Pour quelqu’un qui a une vision claire des projets pour Bruxelles – il en a même fait un ouvrage -, je trouve cela pour le moins curieux. Nous mettrons cela sur le compte des journalistes qui, encore une fois, n’ont sans doute pas compris ce qu’on leur disait…

Il me semble que la dynamique est totalement inversée. En accédant à la ministre-présidence au mois de mai 2013, j’ai été confronté à une situation vraiment catastrophique en matière de gestion des musées et ce, du point de vue de la Région bruxelloise dont je défends les intérêts.

Quelle que soit la majorité en place au niveau fédéral, je considère qu’un état fédéral géré de façon responsable doit pouvoir fonctionner avec des majorités asymétriques. Si nous ne sommes pas arrivés à ce degré de maturité, nous allons effectivement rencontrer de nombreux problèmes au cours de cette législature.

Lors de mon accès à la ministre-présidence donc, tout le département d’art moderne et contemporain avait été fermé. Plus personne n’avait alors accès aux collections. Je me suis dès lors attelé à connaître la vision du niveau fédéral en la matière.

Peu importe qui se trouve dans la majorité ! Vous qui étiez dans la majorité précédemment, vous semblez aujourd’hui avoir opéré votre reconversion mentale et c’est votre droit.

Je pose la question suivante : de quel projet s’agit-il au Cinquantenaire ? J’ai rencontré les différents acteurs concernés – M. Michel Draguet, l’État fédéral, les associations de mécènes privés (les collections privées recèlent en effet des trésors qui ne demandent qu’à être exposés), … – et je leur ai demandé : « À quoi pouvons-nous nous attendre au niveau fédéral en termes de projet concret ? » Je n’ai pas obtenu de réponse.

J’ai lu récemment dans la presse les déclarations du responsable de la Régie des bâtiments. Désignant le Cinquantenaire, il affirmait qu’il suffirait de recouvrir le tunnel et d’y construire un cube qui pourrait contenir le musée d’art moderne. J’ai envie de lui rétorquer : « Avec quel argent ? Où sont les budgets nécessaires ? ». Soyons sérieux : on peut blablater sans fin mais la question centrale qui se pose concerne les budgets disponibles au niveau fédéral. On remarque que les institutions biculturelles sont mises au pain sec et que le niveau fédéral n’a aucun projet ni vision en la matière. Des choix ont été opérés au niveau fédéral ; il faudra les assumer. On constate qu’en ce qui concerne la politique biculturelle en Région bruxelloise, il existe d’autres agendas qui feront sans doute qu’un jour, on nous expliquera que les collections fédérales devront être dispersées dans tout le pays, faute de place à Bruxelles pour les exposer. 

[Intervention de M. Willem DRAPS]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Nous verrons bien ! Il faudra être extrêmement attentif à cet aspect du dossier. Peut-être justifiera-t-on qu’il serait quand même plus logique d’exposer du Delvaux à La Panne qu’à Bruxelles.

C’est la raison pour laquelle j’ai pris différents contacts et que je me suis dit qu’on pourrait défendre une vision de développement urbain territorial qui prenne en compte les besoins de Bruxelles. Sachant que le plan de redéveloppement de la zone du canal constitue un axe majeur du développement urbain pour les années à venir – pour un tas de raisons différentes : sociologiques, de développement économique, de développement territorial, caractère emblématique du bâtiment existant, … – je me suis dit que cela ne serait pas plus mal de proposer quelque chose qui tienne la route et qui rencontre des priorités irréalisables au Cinquantenaire. Que l’État fédéral rénove déjà l’existant au Cinquantenaire ! Les bâtiments y sont dans un état lamentable ! Qu’on ne vienne pas me dire que l’on va encore ajouter un musée alors qu’on n’est même pas capable d’entretenir en bon père de famille le bâti existant ! Il ne faut pas se moquer du monde !

Cela s’inscrit dans une vision du développement urbain qui prenne également en compte les aspects sociologiques, l’intérêt territorial de Bruxelles et le fait que l’on rassemble les deux rives du canal. Voilà l’un des enjeux fondamentaux du vivre ensemble à Bruxelles pour l’avenir. C’est pourquoi donner une richesse économique au travers d’un bâtiment emblématique à cet endroit est fondamental !

Je rencontre donc M. Draguet qui, manifestement, n’adhérait pas initialement à cette idée. Il fait partie de ces hommes et de ces femmes qui considèrent qu’en dehors de ce qu’ils pensent, tout est sujet à caution, d’autant plus que leurs interlocuteurs ne sont pas des spécialistes.

Certes, le projet peut représenter un coût, mais celui-ci n’inclut déjà pas la construction. L’art contemporain n’a rien à voir avec l’art ancien, ne serait-ce qu’au niveau de la conservation des œuvres. Les contraintes, par exemple en matière de sécurité, ne sont pas les mêmes En outre, au niveau de la technique architecturale, nous pouvons rencontrer les besoins car il n’a été procédé à aucune étude ou une quelconque démarche apportant la preuve de ce que d’aucuns affirment.

Je présente alors, il est vrai, un projet global dans lequel sont impliqués l’ensemble des acteurs. Ainsi, le Vanderborght a une véritable utilité en attendant le musée d’art moderne et contemporain : celle de rendre à nouveau visibles des collections d’œuvres d’art rangées dans des placards depuis la fermeture du musée d’art moderne à la Place Royale. C’est la raison de l’existence de la convention qui a été conclue.

Aujourd’hui, il est vrai que les majorités fédérale et bruxelloise ne sont plus les mêmes et que les préoccupations risquent elles aussi d’être différentes. Cela étant, nous continuons à œuvrer de façon cohérente dans les projets que nous défendons depuis le début.

Nous avions évoqué l’idée que Beliris intervienne partiellement au cours du processus. On retrouve des traces de ce projet dans le département de M. Reynders. Croire que nous n’en avions pas discuté avec Beliris serait une erreur !

Peut-être devons-nous envisager d’autres pistes aujourd’hui, mais je n’exclus pas a priori d’activer celle de Beliris.

Nous savions que Citroën rencontrait des problèmes pour gérer ce bâtiment, surdimensionné par rapport à ses besoins. Les négociations ont donc été entamées ; j’ai moi-même rencontré les responsables de Citroën l’année dernière. Aujourd’hui, on s’oriente – et c’est vraiment dans l’intérêt de la Région – vers l’acquisition de l’ensemble du bâtiment et la relocalisation de Citroën, non pas sur le site même de Tour & Taxis mais dans les environs de ce dernier et il ne convient pas de dénigrer l’aspect garage. Si l’on observe les projets actuellement développés dans le secteur automobile, en ce compris boulevard de Waterloo, le concept du garage n’est plus celle associée à une image d »huile de graisse. La visibilité architecturale est souvent de mise, surtout dans le cas qui nous préoccupe, et elle s’inscrit désormais dans un patrimoine urbain.

Bien sûr, je n’évoquerai pas aujourd’hui les aspects financiers. Je vous confirme cependant que l’opération telle qu’elle sera menée est tout à fait soutenable financièrement. Le cas échéant, cela se fera par le biais de la Société d’acquisition foncière (SAF).

L’ensemble du site ne sera pas affecté à la fonction muséale. Pour un musée, il faut compter une superficie de 10.000 à 20.000m² au maximum pour que cela soit rentable. Pour faire un musée dit « moderne », outre les salles d’exposition, il faut ajouter une cafétéria, une boutique, … La partie musée donnera sur la place de l’Yser tandis que la partie arrière, énorme et donnant sur le canal, sera dédiée à un projet immobilier résidentiel. Or, qui dit projet immobilier de ce type suppose bien sûr un retour financier au bénéfice de la Région. C’est bien sûr l’objectif poursuivi et ce, dans une zone où le marché est plus que porteur. Il n’y a donc aucune crainte à avoir en termes de rentabilité du projet.

Reste évidemment l’enjeu des œuvres. D’aucuns ont inventé le concept de « collection une et indivisible ». Cependant, cela fait sourire puisque les collections sont déjà réparties dans toute la Région. Pensons au palais de Justice, au Cinquantenaire, à la place Royale… Il serait naïf de croire que, pour cette raison, le projet que nous défendons ne serait pas possible.

On assiste clairement à un retour, soit d’une volonté de gestion de la Région par le niveau fédéral sur certains plans, soit d’une tentation de cogestion de la Région par d’autres niveaux de pouvoir. Il convient d’être très prudent en la matière. En effet, certaines déclarations de M. Didier Reynders m’inquiètent quelque peu car on est en train de faire de Beliris ce qu’il n’a jamais été.

Jusqu’à présent, nous avons toujours eu la capacité de développer des projets prioritaires pour nous et qui peuvent intéresser également les deux autres Régions. Via Beliris, nous avons toujours pris notre part en matière de transports publics et de mobilité. Les musées relèvent eux, jusqu’à preuve du contraire, du niveau fédéral.

Cependant, quand on commence à s’interroger sur Beliris, il y a le danger du retour en arrière et le risque de transférer une économie d’un pouvoir vers un autre. Je pensais, sans doute naïvement, que le mécanisme jouerait également sur l’encours. Heureusement, le montant était inscrit et a été répercuté par ceux qui nous représentaient au niveau fédéral. Cependant, vu le rythme d’ordonnancement des montants – technique qui va être largement utilisée par le niveau fédéral -, on allait visiblement vers un blocage des moyens disponibles en termes de trésorerie chaque année. Non seulement on assiste déjà à cette baisse de rythme mais, de surcroît, on s’interroge actuellement sur le programme même de Beliris. Ceci constitue bel et bien un recul. Certes, on l’avait déjà anticipé dans l’accord de majorité en orientant Beliris vers de grands projets, non contestables : le métro, des investissements en matière de mobilité, … Ceci nous permet de dégager des moyens pour mener à bien d’autres politiques dont la Région a besoin.

Évidemment, si le niveau fédéral a d’autres intentions… Je renvoie donc la balle à ceux qui ont la compétence. M. Didier Reynders vient d’arriver dans la fonction, je le reconnais aisément.

Je reste évidemment très soucieux des intérêts de notre Région. Et j’ose espérer que cet intérêt sera partagé.

Ne mélangeons pas les genres ! Cela fait deux jours que j’ai le sentiment que nous menons ici des débats où on parle beaucoup de compétences fédérales. Je l’ai vécu hier en commission des affaires intérieures au sujet des questions liées au phénomène de radicalisation.

J’ai l’impression que, de manière larvée, le gouvernement fédéral est en train de se dédouaner de ses compétences et ses responsabilités en la matière. J’ai conseillé aux bourgmestres ce matin d’y faire très attention, parce que c’est aussi une manière pour le niveau fédéral de dire que la Région bruxelloise, « ça ne fonctionne pas ». En réalité, ce sont clairement des compétences fédérales qui sont exercées dans ces questions-là.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- C’est la quatrième fois que je vous interroge sur cette question. Je n’ai pas attendu le contexte actuel pour le faire. Je puis vous assurer que ma démarche ne recèle aucun agenda caché. Vous pouvez au moins me faire l’économie de ce reproche. Je me réjouis du fait que nous puissions avoir enfin ce genre de débat en commission. Il s’agit en effet de débattre de l’avenir de la ville et de la manière dont elle est conçue.

Précédemment, je me suis retrouvé fort démuni en termes de résultats sur des questions pourtant précises. Vous avez déclaré alors que vous souhaitiez préserver une certaine confidentialité car la question du musée était délicate. Je vous avais interpellé sous la précédente législature lors de laquelle il était question de poser un grand geste architectural, ainsi que l’a souligné Mme Persoons. Il est donc logique que nous soyons informés de l’évolution de ce dossier.

Il est particulièrement désagréable de n’obtenir que rarement une réponse claire dans ce dossier, et de découvrir quelques jours plus tard dans la presse des déclarations radicales de votre part. Si des choses doivent être révélées, c’est dans cette enceinte que vous devez le faire et y mener un débat ouvert. Je ne suis pas opposé à votre projet. Il convient néanmoins que cette commission soit saisie des grands débats concernant les développements de la ville.

Vous avez évoqué des contacts à l’égard des collectionneurs privés. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ? Ceci rapprocherait votre démarche de celle de Bilbao. Vous avez évoqué les cacophonies au niveau fédéral en termes de muséographie, en raison du fait que M. Draguet estimerait être le seul dépositaire de la réflexion sur le sujet. Vous avez souligné le fait que vousmême n’étiez pas un spécialiste. Ne pourriez-vous pas être conseillé sur ce sujet par une personne compétente en muséographie ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Pas par M. Draguet !

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- D’autres personnes pourraient convenir ! Certaines sont impatientes d’être consultées.

Si la relocalisation du garage ne se fait pas sur le site de Tour & Taxis, où se fera-t-elle ?

Le calendrier qui a été communiqué dans la presse, à savoir 2017, reste-t-il d’actualité ?

Quelles sont les conclusions de l’étude de faisabilité ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Nous ne maîtrisons que le calendrier de l’acquisition. Des négociations sont en cours avec Citroën, qui portent sur l’ensemble des aspects : la relocalisation, le prix, les évaluations des terrains, l’incidence terrain etc. Une emphytéose sera probablement accordée à Citroën.

Il m’est impossible de communiquer à ce stade les montants concernés par cette acquisition.

La volonté de mener à bien cette opération est certes présente dans le chef des deux partenaires. Nous nous trouvons quasiment dans la phase de finalisation des négociations, avec d’autres interlocuteurs publics bruxellois. Celles-ci devraient aboutir début 2015.

Les élections du 25 mai dernier ont une incidence indéniable sur la bonne volonté des uns et des autres de faire avancer le projet. Si nous étions restés dans la configuration précédente au niveau de la coalition fédérale, nous n’aurions sans doute pas cette discussion aujourd’hui. Mais il faut à présent tenir compte des autres visions sur Bruxelles de la nouvelle majorité fédérale.

Des contacts informels sont en cours avec des groupes de mécènes et des collectionneurs privés, qui sont demandeurs de l’ouverture d’un tel musée.

Lors de ma visite à Pékin, j’ai pu constater combien Bruxelles était perçue par les Chinois comme une place stratégique du marché de l’art contemporain.

Il faut valoriser cela et là est tout l’enjeu des collectionneurs privés. Le fait de disposer d’un lieu fixe dédié à l’art moderne et contemporain est une bénédiction absolue pour le monde de l’art.

Pour nous, cela représenterait une manière d’attirer ce public à Bruxelles. Cette démarche est en lien avec les galeries et les collectionneurs privés, tant il est vrai que l’art est aussi un marché.

L’art n’a aucune frontière et il se trouve des artistes partout. De ce point de vue, Bruxelles a une situation géographique unique et développer un projet de ce type est une véritable opportunité. Il en va de l’intérêt de tous. Tirer profit de cette situation et de la notoriété qu’elle pourrait conférer à Bruxelles, aurait des conséquences positives dans tous les domaines, non pas seulement dans la vente de tickets de musée donc.

Certes, ma vision de l’art contemporain est subjective et je suis par exemple peu réceptif à cette œuvre en forme de sapin qui fait polémique à Paris actuellement. Cela ne m’empêche néanmoins pas d’avoir une vision en ce qui concerne notre Région et je considère qu’en la matière, il en va de mon rôle et de ma responsabilité d’homme politique de faire au mieux, de proposer une vision d’ensemble dans laquelle serait intégrée l’idée de ce musée.

Rien ne s’est fait au niveau fédéral et ce désinvestissement de leur part n’est pas neuf. En voyant l’état des musées à Bruxelles, nous sommes en droit de nous poser des questions par rapport au futur de la Région.

À l’heure actuelle, j’ai l’impression que le niveau fédéral trouble les pistes en évoquant tel ou tel problème ponctuel – le cas du Conservatoire est un bon exemple – et qu’il s’agit là d’un moyen de se débarrasser des responsabilités qu’il a vis-à-vis de Bruxelles, capitale de notre pays.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Enfumage, procès d’intention, interprétation d’articles parus dans la presse,… tout cela n’est pas très intéressant de mon point de vue.

Vous pourriez par contre faire la démonstration que vous avez la capacité de réunir tous les acteurs autour de la table. Vous dites que vous êtes porteur d’une vision de la ville. Formidable ! Montrez que vous portez une idée suffisamment mûre et développée pour pouvoir convaincre. Et sortons de ce débat stérile qui consiste à reporter la faute sur un autre.

Vous allez me répondre que le gouvernement fédéral s’est formé il y a quelques semaines seulement et que les possibilités de contact sont réduites à ce jour. Je pense que vous avez de ce point de vue-là un leadership à inscrire, des réponses à apporter, une vision claire à exprimer. Vous pouvez aussi solliciter les forces vives de cette Région, je ne vois pas de porte fermée à ce stade. Pour convaincre, il faut aussi pouvoir fédérer.

L’ambition d’avoir un musée d’art moderne et d’art contemporain à Bruxelles est tout à fait légitime. Il est possible de rassembler une série de personnes et de décideurs motivés. Pour ce faire, il faut aller vers l’autre et ne pas en faire de facto un adversaire.

Mon interpellation ne s’inscrit pas le moins du monde dans un climat polémique ou de petites phrases. Plus ce projet sera fédérateur et plus il aura de chances d’aboutir. Je ne crois pas qu’il soit utile d’alimenter des polémiques. Il faut plutôt ouvrir le débat et rassembler tous ceux qui ont un rôle à jouer pour éviter que des malentendus n’alimentent des disputes qui, à ce stade, n’ont pas beaucoup d’intérêt.

 

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CRI COM (2014-2015) n°8, Novembre 2014, pp. 7-29