Interpellation sur la forte augmentation du nombre d’appels signalant des cas de maltraitance des personnes âgées

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Céline FREMAULT, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de l’Aide aux personnes handicapées, de l’Action sociale, de la Famille et des Relations internationales,

concernant la forte augmentation du nombre d’appels signalant des cas de maltraitance des personnes âgées.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Le Service d’écoute pour personnes âgées maltraitées (Sepam), créé en 2009 et agréé par la Commission communautaire française, a pour vocation principale de garantir un service d’écoute téléphonique à toute personne concernée par une situation de maltraitance. Son ambition est également de sensibiliser les Bruxellois à la question de la maltraitance des personnes âgées, en offrant des informations, des conseils d’orientation, du soutien et de l’accompagnement aux seniors.

Derrière le mot maltraitance se nichent des formes très diverses d’atteintes aux personnes : insultes, humiliations, escroqueries, harcèlement, solitude et autres coups.

Dernièrement, le Sepam a fait état de chiffres particulièrement interpellants. Le nombre d’appels reçus par cette asbl était de 1.090 pour l’année 2015, soit trois fois plus qu’en 2009, où l’on faisait état de 436 appels auprès de ce service.

Le rapport du Sepam fait également état d’une inégalité des genres face à la maltraitance, puisqu’il nous indique que 74 % des cas concernent des femmes. Les personnes les plus âgées, c’est-à-dire celles qui ont plus de 80 ans, sont également les plus touchées.

Madame la ministre, l’un des éléments les plus inquiétants concerne les appels pour des cas de maltraitance subie en institution, c’est-à-dire dans une maison de repos ou un hôpital : 38 % des faits concernant les plus de 80 ans se dérouleraient en institution. Cela représente une augmentation par rapport aux 31 % déjà indiqués pour 2014.

Toujours d’après le Sepam, ces cas s’expliqueraient par le mauvais service proposé et les difficultés quotidiennes du personnel. Il est ainsi fait état de fatigue, de manque de personnel, etc. Si l’association indique que l’écoute est l’un des éléments qui permettent de clarifier des situations, il n’en reste pas moins que ces chiffres sont relativement inquiétants.

Outre le Sepam, qui semble fournir un travail de qualité mais qui se concentre essentiellement sur l’écoute, quels sont les outils qui ont été mis en place pour sensibiliser davantage à la maltraitance des seniors ? Concernant les cas signalés en institutions, quelles dispositions ont-elles été prises afin d’assurer une meilleure formation du personnel spécialisé et un meilleur soutien à celui-ci ?

Quelles actions de sensibilisation ont-elles été menées afin d’inciter davantage les victimes ou les parents de victimes à signaler des cas de maltraitance ? La situation difficile que vivent certains seniors ne peut en effet nous laisser indifférents.

[Intervention de Monsieur Diallo]

[Intervention de Madame Sidibé]

[Intervention de Madame Rousseaux]

[Intervention de Monsieur du Bus de Warnaffe]

Mme Céline Fremault, ministre.- Depuis janvier 2009, InforHomes (via le Service d’écoute pour les personnes âgées maltraitées (Sepam)) et son homologue néerlandophone Home-Info sont reconnus en tant que dispositifs de lutte contre la maltraitance par l’ensemble des autorités bruxelloises (Commission communautaire française, Commission communautaire commune et Vlaamse Gemeenschapscommissie).

Leurs missions sont de trois ordres : observation, diagnostic et intervention. Leurs actions sont au nombre de trois :

– être le référent du grand public pour les appels relatifs à la maltraitance ;

– coordonner la réponse aux situations de ce type auprès des professionnels ;

– analyser ces situations afin de mener un travail en amont.

Ce dispositif de lutte contre la maltraitance des personnes âgées s’est concrétisé en 2015 de la façon suivante :

– dispositif via la réponse aux appels reçus en matière de maltraitance, ainsi qu’une approche de situation concrète en lien avec les réseaux des professionnels du secteur ;

– prévention de la maltraitance par la sensibilisation, formation et information de publics divers ;

– analyse des données collectées à partir des situations concrètes qui nous sont confiées.

La presse a fait état d’une explosion du nombre d’appels enregistrés pour maltraitance. Le rapport d’activités du Sepam fournit une série de chiffres s’étalant de 2009 à 2015.

On assiste en fait à une croissance annuelle : on passe de 436 appels en 2009 à 700 en 2010 (soit une croissance de 61 %), à 840 en 2011 (20 % d’augmentation), à 924 en 2012 (10 % d’augmentation), à 1.036 en 2013 (2 % d’augmentation), à 1.068 en 2014 (3 % d’augmentation) et à 1.090 en 2015 (soit 2 % d’augmentation).

Les chiffres pour 2016, sur la base des quatre premiers mois, sont du même ordre que ceux que je viens de vous citer.

La forte augmentation a principalement concerné les années 2009 à 2013. Les deux dernières années ont connu une croissance plus faible, de 3 % et 2 %. Cette croissance s’explique, selon le Sepam, surtout par le fait que l’asbl est de plus en plus connue et que son efficacité n’est plus à démontrer. Une série de situations sont donc sorties de l’ombre, alors qu’auparavant, elles n’apparaissaient pas.

Parmi les dossiers de 2015, 72 concernaient une situation vécue au domicile, soit 25 %, et 213 une situation en institution (maison de repos, maison de repos et soins, résidence services ou hôpital), soit 75 % des dossiers. Cette proportion entre les deux types de lieux reste identique à celle observée depuis le début de la collecte des chiffres.

Vous m’interrogez sur les dispositions prises dans le secteur des maisons de repos. Toutes les maisons de repos de la Commission communautaire française ont migré vers la Commission communautaire commune. Je me réfère donc aux débats qui ont eu lieu sur le sujet en commission des Affaires sociales de la Commission communautaire commune, qui parlaient de la sensibilisation du personnel des maisons de repos.

La législation de la Commission communautaire commune impose à chaque membre du personnel de suivre une formation continuée de minimum 30 heures par an. Ces formations, qui doivent être approuvées par la Commission communautaire commune, doivent porter sur la maltraitance, la qualité des soins, la diversité, la participation des personnes âgées et l’hygiène. La législation prévoit des dispositions semblables pour les directeurs des maisons de repos, qui doivent suivre au minimum deux jours de formation continuée par an sur la maltraitance, la qualité des soins, etc.

Une collaboration a aussi été organisée entre Infor-Homes, le Sepam, la Commission communautaire commune et le service d’inspection. Ce service est composé d’assistants sociaux, mais aussi d’infirmières, avec la possibilité de faire intervenir un médecin inspecteur sur des cas plus complexes.

Le service d’inspection met également l’accent sur le fait que les plaintes sont traitées prioritairement : dès qu’elles sont communiquées à l’administration, elles font l’objet d’un suivi immédiat. S’ensuivent une série de contacts téléphoniques directs avec mes collaborateurs et les plaignants. Dans certains cas plus complexes, je rencontre personnellement ces derniers, ce qui me permet d’appréhender la situation de façon plus fine.

Pour les cas les plus complexes, des réunions entre l’administration et les cabinets des ministres en charge de l’Aide aux personnes, voire de la Santé, peuvent être organisées.

En ce qui concerne la prévention de la maltraitance, je souhaite tout d’abord rappeler ce qu’a répondu le Sepam dans la presse : les appels reçus reflètent le ressenti des personnes et les témoignages sont toujours bruts. Contrairement à ce qu’on peut penser, ils ne concernent pas tant des coups ou des actes sordides, mais surtout des problèmes de cohabitation qui, au quotidien, sont ressentis comme des actes de maltraitance. Lors de chaque appel, un dossier est ouvert, mais il n’y a pas forcément de plainte déposée. C’est une nuance importante à apporter.

En matière de prévention, il faut d’abord travailler au niveau global et sur le concept de société bienveillante pour tous. Une campagne a été imaginée et réalisée par l’asbl Énéo, mouvement social des aînés. Elle ne porte pas uniquement sur l’image collective des aînés, mais sur ce que les autres nous renvoient. Il importe donc que l’image soit juste, claire et valorisante.

Il y a aussi le projet Villes amies des aînés de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui balise toutes les actions possibles quand elles touchent aux compétences institutionnelles, qu’elles soient régionales, communautaires ou fédérales.

Au niveau de la Commission communautaire française, le fait d’avoir un décret commun pour le secteur ambulatoire, l’action sociale, la famille et la santé permet cette approche globale et cohérente, qui facilite l’échange d’informations et de bonnes pratiques et, partant, la prévention de la maltraitance. Je pense notamment au Centre de coordination d’aide et de soins à domicile, aux services de santé mentale et aux centres d’action sociale globale (CASG).

La toute grande majorité des professionnels intervenant en gériatrie et dans la prise en charge des personnes âgées signalent qu’ils voient l’entourage et les familles fatigués, car faisant souvent appel trop tard à leurs services.

D’où l’importance de la notion de répit et de soutien aux aidants proches par le subventionnement de structures alternatives de prise en charge comme les centres de jour ou les courts séjours qui participent à ces formules de soutien.

La décision prise par la Commission communautaire française d’augmenter le contingent d’heures de services des aides familiales à 7.000 heures en plus pour les Bruxellois rien qu’en 2015 participe aussi au soutien de la bientraitance et des aidants proches. Il en va de même pour la revalorisation de l’ancienneté des travailleurs et travailleuses dans les services agréés d’aide à domicile.

En Commission communautaire commune, il y aura aussi en 2016 une augmentation du subventionnement du secteur, puisque j’ai voulu qu’il n’y ait pas de disparité entre les agents qui relevaient de la Commission communautaire française et qui ont vu l’augmentation du nombre d’heures ainsi qu’une valorisation de leur parcours personnel, et ceux qui relevaient de la Commission communautaire commune.

Je tiens aussi à souligner que la Commission communautaire française, via Action sociale et handicap, soutiendra financièrement la nouvelle antenne bruxelloise de l’asbl Aidants proches. Certains d’entre vous étaient d’ailleurs présents au colloque organisé à ce sujet dans cette enceinte. C’est un acteur vraiment incontournable qui travaille sur la prévention en lien avec les personnes âgées et qui favorise l’offre de répit pour les aidants proches.

La future assurance autonomie permettra une meilleure accessibilité aux services d’aide et de soins à domicile, réduisant la charge que les familles et les aidants proches doivent assumer.

Tout est fait, en matière de sensibilisation, pour inciter les victimes, ou en tout cas leurs parents, à se signaler au Sepam en cas de maltraitance. Des brochures sont aussi distribuées dans les centres de jour et dans les maisons de repos.

Infor-Homes organise chaque année une matinée de sensibilisation subventionnée par la Commission communautaire française et dont la prochaine édition aura lieu le 15 juin prochain sur la question de la maltraitance des professionnels du terrain. Infor-Homes organise aussi des formations auprès des étudiants de différents niveaux et auprès des professionnels du domicile, du milieu hospitalier et des maisons de repos.

Toutes ces activités contribuent à l’objectif primordial d’amélioration de la qualité de vie. L’enveloppe globale d’Infor-Homes a également augmenté en 2016. Concernant les maisons de repos, ses inspections se font de façon très maillée. Elles peuvent effectivement se faire de manière spontanée, Mme Rousseaux. Souvent, on attend un début de plainte. Il y a des nuances dans les impressions et les perceptions. Nous sommes extrêmement attentifs à cette situation. L’augmentation des budgets en témoigne aussi.

Des contacts sont en cours concernant le numéro de téléphone à quatre chiffres, mais la question est aussi de déterminer le coût généré par ce type de dispositif.

Ceux qui le souhaitent peuvent demander un rapport d’activités provenant de ces structures. Nous vous le transmettrons bien volontiers.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’entends que la multiplication des faits de maltraitance a été marquante entre 2009 et 2013. Vous liez ce constat au fait que le numéro d’appel d’urgence est de mieux en mieux connu. Comment pourrions-nous objectiver l’évolution de ce phénomène de société afin de lui apporter la réponse la plus adéquate possible ?

Mme Céline Fremault, ministre.- La thématique de l’objectivation rejoint toutes les questions en matière de maltraitance et de violence. À partir du moment où vous mettez un numéro d’appel en place, des appels sont reçus alors qu’ils ne l’étaient nullement auparavant. Ce n’est que sur la durée que nous aurons une vision objective de la situation.

Nous travaillons au renforcement des objectivations avec le secteur. S’il le faut, nous augmenterons encore le budget y afférent au cours des prochaines années. Une fois le problème cerné et défini, il faudra dûment le quantifier.

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CR n°33 (2015-2016), Mai 2016, pp. 22-25