Interpellation sur les objectifs fixés par le gouvernement concernant le Plan Formation 2020

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Monsieur Didier GOSUIN, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de la Formation professionnelle

concernant les objectifs fixés par le gouvernement concernant le Plan Formation 2020

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Lors de la quatrième séance du Gouvernement consacrée à la formation, le Collège thématique a déclaré vouloir atteindre l’objectif de 20.000 demandeurs d’emploi – soit 3.000 de plus que les chiffres actuels – à pouvoir bénéficier d’un stage ou d’une formation. Cet objectif vise principalement à enrayer le chômage des jeunes et de celui de ceux dits « peu qualifiés ».

Le nouveau Plan formation 2020 comprend apparemment 44 mesures pour renforcer, qualitativement et quantitativement, la formation professionnelle à Bruxelles. Les grandes innovations concernent les quatre stratégies qui viennent structurer le tout, à savoir :

– un développement de la formation en alternance ;

– la création de pôles emploi-formation, en partenariat avec des secteurs économiques clefs ;

– un focus particulier sur la qualité des stages en entreprises ;

– l’augmentation des épreuves de validation des compétences.

Ces nouvelles mesures ne peuvent être saluées que favorablement. Sont-elles pour autant suffisantes pour enrayer la situation catastrophique qui est celle du chômage à Bruxelles aujourd’hui ?

Au total, 96.000 personnes sont demandeuses d’emploi en Région bruxelloise. Parmi elles, 39,5% sont âgées de 15 à 24 ans. Quant à la qualification, 30,9% d’entre elles sont dites « faiblement qualifiées » et 22,2% le sont moyennement.

Trop nombreux sont les défis à relever et auxquels ne répondent que partiellement les mesures dont vous nous parlez.

Avec le Plan formation 2020 que vous nous proposez, quelles sont les mesures qui permettront d’orienter les demandeurs d’emploi vers les métiers en pénurie ? Quelles stratégies vont-elles être adoptées et proposées pour la mise à l’emploi des chômeurs de longue durée ?

Vous dites vouloir agir sur le chômage des jeunes et des moins qualifiés. C’est un bon début, mais qu’en est-il des autres ? Un taux de couverture de 20.000 formations ne concerne potentiellement que 25% du total des demandeurs d’emploi à Bruxelles. En juillet dernier, le Conseil de l’Union européenne avait pointé dans une recommandation adressée à la Belgique les écarts notables en matière d’emploi entre certains groupes de population, qui entraînent toujours une sous-exploitation chronique de la main-d’œuvre, notamment parmi les personnes peu qualifiées, les jeunes et les personnes plus âgées. Cette observation rejoint donc ma remarque sur la nécessité d’orienter vos politiques vers l’ensemble des catégories de personnes ici visées.

Qu’est-il donc prévu pour la mise à l’emploi des plus de 50 ans ? Des mesures concrètes sont-elles prévues en ce sens dans le Plan formation 2020 ? En effet, la même recommandation précise que les taux d’activité et d’emploi très faibles des travailleurs plus âgés requièrent des politiques encourageant le vieillissement actif et soutenant la demande des travailleurs plus âgés sur le marché de l’emploi.

Enfin, il y est conseillé d’introduire des mesures fiscales supplémentaires pour faciliter le retour à l’emploi. Que prévoit le Plan formation 2020 à cet égard ?

De plus, je me permets ici de faire le parallèle avec les objectifs stratégiques de l’Union européenne repris dans son nouveau cadre appelé « Éducation et formation 2020 ». Dans celui-ci, il y est notamment fait mention de la nécessité de recourir à l’innovation, y compris l’esprit d’entreprise, dans l’éducation et la formation.

Nous connaissons tous le rôle que joue l’entrepreneuriat dans la création d’emplois et dans l’autonomisation des personnes. Avez-vous donc jugé utile de traduire cet objectif stratégique dans votre Plan formation 2020 ?

De manière plus générale, je souhaiterais savoir à quel moment le Plan formation 2020 sera présenté et le document distribué aux membres du parlement. Je souhaiterais également connaître les coûts et la ventilation des budgets par catégorie de personnes et par catégorie de secteurs.

Vous avez annoncé dans la presse le 21 décembre 2016, les différents obstacles que rencontrerait la formation en alternance. En l’occurrence, vous citez la valeur inférieure attribuée au diplôme de formation en alternance par rapport à celui issu du secondaire professionnel ou technique. Vous évoquez ensuite le blocage institutionnel que vous attribuez à la Fédération Wallonie-Bruxelles et au conservatisme du monde enseignant.

Interrogée par mes soins cette semaine à ce propos, la ministre de l’Enseignement et de l’Éducation en Fédération Wallonie-Bruxelles s’en est défendue en qualifiant ce propos d’injuste notamment en raison de l’existence des équivalences (14) et des mesures de valorisation des diplômes. La ministre a également rappelé que dans le cadre du Pacte d’excellence, le groupe central a expressément demandé que les différents Gouvernements se prononcent sur la question du périmètre précis des mondes de la formation et de l’enseignement dans la formation en alternance.

En vertu de ce qui précède, j’aimerais comprendre ce qui, dans ces mesures et proportions, constitue le blocage dont vous avez fait part par voie de presse. Je ne peux que regretter le manque de coordination et de communication eu égard à un enjeu d’une telle importance pour notre Région. 

[Intervention de Madame Emmery]

[Intrvention de Monsieur Fassi-Fihri]

M. Didier Gosuin, ministre.- Le Gouvernement thématique Formation du 6 décembre 2016 a effectivement adopté en deuxième lecture un plan global sur le renforcement de la qualification des Bruxellois.

Ce plan, également approuvé par le Gouvernement régional bruxellois, constitue une première à plus d’un titre. C’est d’abord un plan global sur l’enjeu crucial de la qualification, ce qui n’avait pas encore été produit à Bruxelles. Ensuite, il a été élaboré en concertation étroite avec l’ensemble des acteurs – fédérations sectorielles, opérateurs de formation, d’emploi, d’enseignement, d’insertion et de validation des compétences – au travers d’un groupe de travail sur la Stratégie 2025, qui réunit régulièrement tous ces acteurs depuis 2015.

Ce plan est aujourd’hui une démarche partagée avec les partenaires sociaux bruxellois : en amont, les partenaires travaillent avec nous à l’élaboration du plan, puis l’approuvent en première lecture au sein du Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale. C’est ce qui a permis d’obtenir un réel consensus et l’engagement de tous.

Ce plan a été conçu avec les représentants des entreprises et sera mis en œuvre avec et par les entreprises. C’est à la fois la crédibilité du pouvoir politique, mais aussi du monde des entreprises, qui est en jeu. La problématique de l’emploi, de la formation, c’est un enjeu public, mais également un enjeu sociétal, qui doit impliquer tous les acteurs de la société. Enseignants, chefs d’entreprise, tout le monde doit être impliqué ! Ce n’est pas uniquement l’affaire des pouvoirs publics.

Du reste, une part importante de l’effort de formation repose sur le développement des stages en alternance, des formations professionnelles individuelles (FPI) en entreprise et des stages de transition, désormais appelés stages First.

Hier en commission au Parlement régional, j’ai rappelé que l’objectif inscrit dans notre déclaration de politique régionale d’offrir 2.000 stages par an d’ici la fin de la présente législature avait déjà été atteint. Il sera donc dépassé. Le nombre de stages en entreprise est passé de 660 fin 2014 à 1.228 fin 2016.

À peine 30 entreprises publiques de la Région bruxelloise participent au dispositif, ce qui reste très insuffisant au vu des dix-neuf communes et CPAS, des organismes d’intérêt public (OIP), de la Région, de l’État fédéral et des Communautés. Nous disposons donc d’une marge de manœuvre.

La grande majorité des stages en entreprise concernent des petites et moyennes entreprises (PME). Je me suis engagé à communiquer les chiffres exacts au secrétariat. Les entreprises devraient s’impliquer davantage et offrir bien plus de possibilités de stage, d’encadrement et de formation.

La quatrième originalité du plan réside dans le fait que l’ensemble des partenaires participent à sa dynamique, tant néerlandophones que francophones, ce qui permet de développer les partenariats de formation linguistique initiés depuis un an. Bruxelles Formation, les organismes d’insertion socioprofessionnelle (OISP), l’enseignement de promotion sociale, le Service formation PME, Espace formation PME (EFP), Syntra Brussel, le Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding (VDAB), l’enseignement secondaire, les centres d’éducation et de formation en alternance (CEFA), l’emploi, la validation des compétences et le monde économique, tous contribuent au dispositif. La mobilisation est donc totale.

Ce n’est pas parce que nous avons réuni tout cela que c’est acquis. Il faut donc rester vigilant et continuer à mettre la pression, à faire des évaluations, à analyser les chiffres et à rappeler chacun à ses engagements. Le rôle de mon administration, et le mien, est de ne pas relâcher l’effort.

Ce plan intègre aujourd’hui tous ces acteurs dans une dynamique conjointe, au service des bénéficiaires finaux. L’objectif est de favoriser la mise à l’emploi des publics prioritaires : les chercheurs d’emploi peu qualifiés, quel que soit leur âge, et les jeunes qui arrivent sur le marché du travail.

Ce plan se décline en 44 mesures qui développent et renforcent qualitativement et quantitativement la formation professionnelle pour augmenter le taux d’emploi des Bruxellois, en améliorant leurs compétences et leur niveau de certification. Ce plan pluriannuel vient donc structurer et systématiser les actions menées depuis le début de la législature dans une vision à 360 degrés pour la formation et ses liens avec l’emploi, l’enseignement et le développement économique.

Les quatre stratégies sur lesquelles nous nous focalisons, et qui constituent les leviers essentiels à développer en Région bruxelloise, ont toutes été intégrées au Plan formation 2020 : l’alternance, les stages, la validation des compétences et les pôles formation-emploi. Ces quatre notes stratégiques ont d’ailleurs été annexées au Plan formation 2020. Bien entendu, les 44 mesures reprises dans le Plan formation 2020 sont bien plus larges et transversales que ces seuls quatre leviers.

Vous avez évoqué, Monsieur Van Goidsenhoven, la problématique des métiers en pénurie. L’une des mesures du Plan formation 2020, visant à inscrire les offres de formation dans un cadre commun de programmation, permettra désormais de construire une programmation commune à l’ensemble des opérateurs, notamment sur la base des métiers en pénurie.

Il ne vous aura pas échappé que nous avons finalisé, notamment avec le bassin emploi-enseignement, etc., le cadastre global et évolutif des emplois, qui est constamment mis à jour. C’est cette nouvelle politique de programmation qui est mise en œuvre par Bruxelles Formation, comme régisseur de la formation professionnelle. La volonté est d’adapter en permanence, de réorienter et de développer des formations pour l’ensemble de son offre et celle de ses partenaires.

C’est un outil qui s’articule avec les travaux du bassin puisque, comme je vous l’ai dit, le bassin vient de produire un tout premier document d’orientation sur les nouvelles offres à créer, tant en formation que dans l’enseignement à Bruxelles, sur lequel nous nous appuyons déjà.

Concrètement, ce cadre commun croisera différents critères d’objectivation de la force du lien entre emploi et formation : difficultés de recrutement, métiers en tension ou en pénurie, métiers pour lesquels la demande est soutenue du côté des employeurs (les métiers en demande), métiers attirant les demandeurs d’emploi, dits attractifs.

En réalité, les métiers en pénurie sont déjà largement couverts par l’offre de formation et d’enseignement. Il ne faut évidemment pas se contenter de cette seule ouverture. Il faut veiller à mener davantage de stagiaires vers ces formations, et donc à en renforcer l’attractivité. Nous le faisons déjà avec la fédération d’entreprises de la construction.

Il convient également de veiller à assurer la mise à l’emploi dès la fin de la formation au travers de la méthodologie du service Link d’Actiris, qui sera progressivement étendue à tous les opérateurs de la formation. Je vous fixe rendez-vous dans quelques semaines pour discuter des évolutions en la matière.

L’ordonnance que nous avons fait adopter au Gouvernement se trouve maintenant au Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale (CESRBC), passera par la suite au Conseil d’État et vous aurez enfin à la voter. Elle prévoit un dispositif très particulier qui encourage et favorise celui qui a suivi une formation.

Dans les mécanismes actuels, je ne peux plus accepter que quelqu’un ayant suivi une formation commence à bénéficier d’aides après six mois de recherche. Il devrait au contraire être prioritairement aidé et encouragé à trouver un emploi dès le premier jour. Cela constituerait aussi une motivation, pour les jeunes, à s’engager dans un processus de formation.

La pénurie est donc une priorité qui fait l’objet de toute notre attention, mais se focaliser sur les seuls métiers en pénurie n’aurait évidemment pas de sens en matière d’emploi. C’est l’ensemble du marché du travail qu’il faut couvrir et face auquel il convient d’adapter notre offre d’enseignement et de formation.

Outre les jeunes, le Plan formation 2020 vise également d’autres publics cibles : les travailleurs en reconversion, les personnes de nationalité ou d’origine étrangère – dont les primo-arrivants – et les chercheurs d’emploi de longue et très longue durée, ainsi que ceux âgés de plus de 50- 55 ans, en cohérence avec la réforme des groupes cibles.

On constate une amélioration incontestable des chiffres du chômage et du nombre de demandeurs d’emploi jeunes. Il est faux d’affirmer que cela se fait au détriment des travailleurs plus âgés : depuis le début de la législature, tous les groupes d’âges sont en diminution. Certes, cette diminution est plus importante chez les jeunes et les demandeurs d’emploi non qualifiés, mais c’est notre objectif, car ce sont eux qu’il faut absolument remettre au travail. Mais même les travailleurs les plus âgés, y compris ceux dont les hauts diplômes sont un frein financier pour l’entreprise – le monde économique essayant toujours d’écarter ceux qui sont les plus chers et les plus âgés -, sont concernés.

Dans quelques jours, vous prendrez connaissance des tableaux d’évolution établis par l’Observatoire bruxellois de l’emploi. Les mesures que nous prendrons devraient encore accentuer ces résultats, mais tous les indicateurs sont positifs depuis le début de cette législature.

Nous allons également nous intéresser aux personnes handicapées. Vous le constaterez dans le projet d’ordonnance que nous déposerons au niveau régional.

En ce qui concerne les détenus, vous devez savoir que, pendant près d’un an et demi, il nous a été impossible de mener des politiques de formation dans les prisons. Pour des raisons que j’ignore, le niveau fédéral n’a plus consacré de moyens permettant aux pouvoirs communautaires de mener des politiques de formation à leur égard. Il a fallu que nous posions le problème au sein du Comité de concertation pour, enfin, pouvoir retrouver depuis quelques mois le chemin des prisons, afin d’y organiser des formations à l’attention des détenus. Si l’on veut donner à chacun un espoir et une chance de réinsertion, y compris à ceux qui ont dérapé dans leur vie, il faut leur remettre le pied à l’étrier.

Le Plan formation 2020 vise, comme on l’a dit, à augmenter de 3.000 le nombre de bénéficiaires de formations. Je rappelle que, dans notre déclaration de politique régionale, l’objectif ambitieux à atteindre en fin de législature était d’offrir 20.000 formations par an. Ce chiffre de 20.000 bénéficiaires a été atteint et, aujourd’hui, nous plaçons la barre plus haut : nous voudrions que 20.000 demandeurs d’emploi se voient offrir une formation. Car, parmi les bénéficiaires d’une formation, il y a aussi des personnes qui ne sont pas des demandeurs d’emploi et il y a également des demandeurs d’emploi qui suivent deux ou trois formations. Nous avons décidé d’offrir annuellement des formations à 3.000 demandeurs d’emploi qui sont, bien sûr, repris dans nos groupes cibles : les jeunes, les travailleurs les moins qualifiés et les demandeurs d’emploi de longue durée.

Le chantier du redéploiement de l’insertion socioprofessionnelle (ISP) viendra notamment répondre à la question de la formation et de l’emploi des personnes peu diplômées. Je vous demande un peu de patience car nous ne pouvons pas tout mettre en place en un jour, mais en 2017, ce dossier sera sur les tables du Gouvernement et du Parlement.

L’ensemble des 97.220 chercheurs d’emploi bruxellois n’ont pas tous les mêmes besoins en termes de formation (degré, type, durée) et certains n’ont même pas besoin de formation du tout.

Il est important de comprendre que, lorsqu’on parle de chômage, on ne parle pas en termes de stock. Ces 97.220 chômeurs sont composés d’individus qui entrent et sortent, ce ne sont pas toujours les mêmes. Ce n’est donc pas un nombre fixe d’individus que nous devons former. Nous ne devons donc pas travailler sur les stocks de personnes mais sur les flux de personnes. C’est en analysant la part de flux (deux tiers au moins) que l’on peut identifier le nombre de personnes effectivement à former. En effet, si les chiffres du chômage sont relativement stables, les personnes qui composent cette catégorie varient beaucoup. Le mode de raisonnement qui consiste à dire « vous avez autant de personnes au chômage, autant de formations, vous devez donc planifier une première tranche de 25.000 personnes puis une autre tranche identique l’année suivante » n’a pas de sens.

L’insertion d’une personne sur le marché de l’emploi doit faire l’objet d’un diagnostic personnalisé de ses besoins et d’une orientation adéquate par Actiris. C’est l’objet des différentes mesures prises. Nous allons, cette année, ouvrir et inaugurer la Cité des métiers qui sera un instrument d’orientation, d’accompagnement et d’information.

La formation n’est donc pas la seule réponse à apporter et c’est la raison pour laquelle il faut aussi développer une politique de validation des compétences, de stages et de lutte contre la discrimination, mais aussi une stratégie régionale de sensibilisation des jeunes à l’entrepreneuriat. C’est là une stratégie tout à fait inédite que nous avons développée en Région bruxelloise. Y participe notamment la formation PME en alternance qui, comme vous le savez, constitue l’un des meilleurs canaux pour accompagner des jeunes chefs d’entreprises dans la maîtrise des compétences qui leur permettront de monter leur business, de créer du développement économique et donc des emplois.

En revanche, il est vrai que nous n’avons pas intégré de mesures fiscales dans ce plan, tout simplement parce que celles-ci n’entrent pas dans le champ de nos compétences.

Pour ce qui est du financement du Plan formation 2020, les subventions à la formation professionnelle francophone à Bruxelles ont augmenté de 7.800.000 euros durant les deux premières années de la législature, soit de 2014 à ce jour. Les moyens bruxellois dédiés à la formation, du côté francophone, sont passés de 63 à près de 71 millions d’euros sur deux exercices budgétaires.

Dans le cadre du Plan formation 2020, ces budgets progressent encore, en 2017, de plus de 3.600.000 euros. Cette progression est évidemment soutenue par les budgets de la Commission communautaire française, dont nous connaissons les limites, et l’on ne saurait imaginer de les augmenter encore sans compromettre d’autres politiques, tout aussi essentielles.

Nous devons donc rechercher un équilibre, mais cette progression est aussi soutenue par la Région, qui agit comme un acteur de formation : Stratégie 2025, équipement d’écoles et financement de pôles de formation à l’emploi. Cette année-ci, il convient d’ajouter un investissement non récurrent de trois millions d’euros dans l’un des pôles de formation-emploi en cours de mise en œuvre. Je ne les compte donc même pas dans le budget de 3.600.000 euros. Trois pôles formation-emploi sont pour l’instant en phase de démarrage. Le pôle transport et logistique devrait émerger dans les semaines qui viennent.

Je n’oublie pas non plus la programmation du Fonds social européen (FSE) 2014-2020. Les fonds européens cofinancent les projets, pour cette période de sept ans, à concurrence de 153.500.000 euros d’actions de formation. Le budget est donc en augmentation de 57 millions d’euros par rapport à la programmation précédente. En 2017, plus de 13 millions d’euros supplémentaires, venant de l’Union européenne, seront ainsi disponibles pour la qualification des Bruxellois.

Les projections budgétaires actuelles, dont le pilotage plus fin et intégré est en cours de construction avec l’ensemble des opérateurs, prévoient de maintenir à la même hauteur les investissements annuels dans le secteur de la formation professionnelle.

Il y a déjà des résultats : 1.326 stagiaires formés par Bruxelles Formation en plus par an entre 2014 et 2015. Ces moyens visent à atteindre des objectifs de 20.000 demandeurs d’emploi distincts en formation, tous partenaires confondus. C’est donc 3.000 chercheurs d’emploi supplémentaires qui vont pouvoir en bénéficier.

Évoquons aussi l’augmentation de 1.000 apprenants en formation en alternance, la validation des titres de compétences (2.000 titres par an). Nous venons d’ailleurs d’ouvrir près de dix centres de compétences afin de développer davantage le volume des validations des compétences. Cela génère tout un débat sur la validation des compétences, les objectifs, les cibles, etc.

Vous me demandez si ces mesures sont suffisantes compte tenu des enjeux liés aux défis de l’emploi et de la qualification. Monsieur Van Goidsenhoven, vous ne m’entendrez jamais faire preuve d’autosatisfaction au vu des grandes difficultés sociales que nous connaissons. Nous faisons notre devoir avec les moyens, la volonté et la détermination qui sont les nôtres.

Il est évident que j’aimerais me lever le matin avec une solution miracle en tête pour les 97.220 demandeurs d’emploi. L’enjeu en la matière est colossal. L’action pour l’emploi et la qualification des Bruxellois entreprise depuis le début de la législature est sans précédent, tant par son ampleur que par sa cohérence.

Il est indubitable qu’elle commence à donner des résultats qui doivent se déployer dans les mois et années à venir. Auparavant, y a-t-il jamais eu un plan de formation regroupant tous les acteurs, opérateurs et niveaux de pouvoir ?

Nous avons lancé des réformes et les poursuivons. Elles sont encore au stade de mise en œuvre et il nous faut maintenir nos efforts pour développer leurs effets, même si nous sommes tributaires de la situation économique.

Les restructurations ont doublé en 2015 et 2016. Il y a eu Caterpillar, ING, Axa. On comprend désormais très bien l’objectif : éviter la date butoir de fin 2016 pour dégraisser dans les entreprises et se séparer des travailleurs les plus âgés avec des accords de prépension. Toutes les restructurations qui ont été décidées avant 2016 le démontrent. Le résultat de l’accord social, que je ne conteste pas, a encouragé un certain nombre de grands groupes à anticiper des restructurations pour bénéficier d’une fenêtre d’opportunités quant aux prépensions.

Évidemment, ces décisions ont un impact direct sur le volume de l’emploi et l’activité économique. Il faut rester très modestes dans notre chef, et dans celui de ceux qui prétendent créer des dizaines de milliers d’emploi on ne sait comment, sans que cela ne soit statistiquement vérifié.

La croissance est très faible. La reprise économique est certes là, mais une reprise économique n’a pas nécessairement un impact positif sur l’emploi. Des stratégies économiques visant à réduire la masse salariale peuvent encore exister – à tort ou à raison – dans un certain nombre d’entreprises pour les maintenir. Incontestablement, les réformes entreprises aujourd’hui couvrent systématiquement l’ensemble des problématiques bruxelloises, que ce soit sur le plan économique ou social.

Ce plan fera bien entendu l’objet d’un suivi et d’une évaluation, dès 2018. Peut-être faudra-t-il réorienter, convenir que certaines mesures sont trop faibles, mal ciblées, etc. Notre objectif est de qualifier mieux et davantage.

Vous m’avez encore interrogé sur la formation en alternance et la source du blocage. Monsieur Van Goidsenhoven, je ne partage pas votre analyse selon laquelle nous ne nous parlons pas. Mme Eliane Tillieux et moi-même ne sommes pas très contents et nous le feront savoir : un accord tripartite est intervenu pour reconnaître l’équivalence des formations en alternance et de l’enseignement. Ne nous voilons pas la face : aujourd’hui, quand un jeune sort de la formation en alternance que nous organisons, il reçoit un certificat qui n’a pas la même valeur que celui délivré au jeune qui a suivi une formation dans un centre d’éducation et de formation en alternance (CEFA). C’est inacceptable, mais c’est pourtant une réalité juridique !

Nous avions abouti à un accord et les quatre Gouvernements avaient approuvé un arrêté. Ce dernier, soumis en concertation, notamment au sein des instances de l’enseignement, a révélé une certaine frilosité dans le chef du monde de l’enseignement, qui craint qu’on ne lui prenne des prérogatives. Que se passerait-il si davantage de jeunes allaient dans l’alternance organisée par l’Espace formation PME (EFP) ou l’Institut wallon de formation en alternance et des indépendants et des petites et moyennes entreprises (IFAPME) plutôt que dans les CEFA ? C’est la réalité et, pour l’instant, ce blocage n’a toujours pas été levé. Ce n’est pas correct.

Par ailleurs, depuis deux ans, toute une série de jeunes ont reçu leur certificat de l’EFP et l’IFAPME. Or, ces certificats n’ont toujours pas été homologués par la Fédération Wallonie-Bruxelles et ce, malgré les différentes équivalences. Des milliers de jeunes sont concernés par cette situation. Ce n’est pas convenable et c’est la raison pour laquelle Mme Tillieux et moi-même avons écrit un courrier commun à la ministre pour lui demander de débloquer ce dossier. Cela fait des mois qu’on nous promet ce déblocage. Il faut le faire si on veut donner une image positive.

Vous parlez également du périmètre de l’enseignement prévu dans le Pacte d’excellence auquel je suis globalement favorable. La tentation est de dire que l’enseignement s’occupe de tous les jeunes jusqu’à dix-huit ans. Ce faisant, on ne reconnaît cependant pas la spécificité de la formation en alternance. Nous nous battons donc pour que, dans ce périmètre, soit reconnue la spécificité de la formation dispensée par l’EFP et l’IFAPME.

Dans l’avis que nous serons amenés à donner sur le Pacte d’excellence, nous évoquerons cet aspect, qui nous paraît essentiel. Cela ne signifie pas que nous voulons avoir un monopole sur l’alternance. Le CEFA a sa légitimité et fait son travail, mais reconnaissons également le travail d’excellence fourni par l’EFP et l’IFAPME. 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Merci pour la réponse assez longue et détaillée au regard des nombreuses questions que j’avais posées au ministre. J’aurais néanmoins souhaité qu’il détaille davantage les mesures à prendre concrètement en faveur de la mise à l’emploi des plus de 50 ans. Il est sans doute impossible de tout détailler aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle il serait peut-être intéressant que nous puissions prendre connaissance du Plan formation 2020 le plus rapidement possible.

M. Didier Gosuin, ministre.- Je suis à la disposition du parlement pour présenter ce Plan en commission et pour en débattre.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- C’est une très bonne nouvelle. En ce qui concerne l’attitude de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) dans ce dossier, j’ai bien sûr interrogé la ministre de l’Enseignement. Elle n’a pas semblé comprendre ce que vous reprochez à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il semble donc que nous soyons loin de trouver une solution dans le domaine de la formation par alternance. Il serait donc opportun que des contacts soient renoués car les solutions que vous préconisez semblent loin d’être concrétisées. Pour ma part, je vais remonter au créneau mais mon rôle n’est évidemment pas le vôtre. Il y a donc manifestement un certain nombre d’éléments à éclaircir.

 

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CR n°44 (2016-2017), Janvier 2017, pp. 15-21