Interpellation sur l’installation d’une boîte à bébés dans la Région de Bruxelles-Capitale

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Céline FREMAULT, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de l’Aide aux personnes handicapées, de l’Action sociale, de la Famille et des Relations internationales,

concernant l’installation d’une boîte à bébés dans la Région de Bruxelles-Capitale.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Nous avons appris par la presse du 12 janvier l’installation de la première boîte à bébés dans notre capitale, plus précisément dans la commune d’Evere. Nous devons cette initiative à l’asbl Corvia.

Le phénomène est ancien et neuf à la fois. Initiées sous l’impulsion du Pape Innocent III au 12e siècle face au nombre considérable de nouveau-nés non désirés jetés dans le Tibre, les tours d’abandon ont commencé à disparaître dès le début du 20e siècle avec, entre autres, l’apparition de l’aide aux personnes, de l’avortement et de la contraception. Malgré les différentes alternatives qui existent pour les femmes qui ne désirent pas assumer leur maternité, nous observons que pas moins de onze pays européens ont remis ce dispositif au goût du jour.

La détresse de certaines mères qui se trouvent dans l’incapacité d’élever et d’éduquer leur enfant reste, aujourd’hui encore, une problématique que nous avons peut-être sous-estimée dans l’aide et l’assistance que l’État peut proposer. Nombreuses sont les causes qui peuvent les pousser à prendre une décision aussi lourde. Les premières qui nous viennent à l’esprit sont évidemment liées à des conditions psychologiques, sociales, familiales ou financières extrêmement défavorables pour l’accueil d’un enfant.

Actuellement, en Belgique, le cadre légal et éthique empêche les femmes d’accoucher anonymement. Il donne ainsi raison à l’Organisation des Nations unies (ONU) et à la Convention relative aux droits de l’enfant, qui stipule, dans son article 7, que tout enfant a droit à pouvoir retracer sa filiation et ses origines.

Pourtant, parmi les nombreux pays à refuser que les femmes accouchent sous couvert d’anonymat, hormis la France, la plupart ont accepté que soient déployés de tels dispositifs. Ainsi, en Allemagne par exemple, plus de 200 nouveau-nés ont été déposés dans les 80 boîtes à bébés que comptait le pays avant que la législation ne se positionne en faveur des accouchements sous X.

En Italie, on ne dénombre pas moins de 400 enfants abandonnés chaque année. En Belgique, ce dispositif a été installé en 2000 dans le district de Borgerhout à Anvers, à l’initiative de l’association Moeders voor Moeders. Actuellement, neuf enfants y ont été déposés.

En Belgique toujours, entre 50 et 200 femmes, selon les sources, traversent la frontière chaque année pour se rendre en France et y accoucher sans devoir apposer leur identité sur l’acte de naissance.

Plus d’une fois, la proposition de modifier la loi pour permettre à celles qui le désirent de garder pour elles leur identité a été mise à l’agenda. La dernière proposition, portée par Mme Onkelinx, remonte à avril 2015. Elle ne prétendait pas changer l’éthique de l’enfance au profit des accouchements sous X, mais bien donner la possibilité d’opter pour des accouchements dans la discrétion ou la confidentialité.

La différence, pour les moins avertis d’entre nous, est de taille : les accouchements dits dans la discrétion autorisent l’enfant à retracer sa filiation dès ses seize, dix-sept ou dix-huit ans, puisque les informations sur la mère biologique sont maintenues confidentielles dans un registre spécifique. Le mécanisme des boîtes à bébés, lui, ne le permet pas.

Je ne prétends ni détenir la réponse éthique la plus adéquate, ni établir de hiérarchie parmi les droits fondamentaux, entre celui de protéger sa vie privée et celui de connaître son identité. Pourtant, l’arrivée d’une boîte à bébés à Bruxelles, à Evere pour être précis, est sans doute l’occasion de relancer le débat maintes fois initié au sein de nos assemblées.

M. Rudi Vervoort, ministre.- Evere ne bénéficiera pas de subsides pour ledit projet !

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je saisis l’occasion pour interroger la ministre sur le travail réalisé et le soutien accordé aux centres de planning familial, par exemple en termes de moyens pour faire face à de telles situations, dont ils sont témoins au premier plan.

Je souhaiterais également savoir si des contacts ont été pris avec l’asbl Corvia. Cette association bénéficie-t-elle du soutien de la Commission communautaire française, compétente pour l’action sociale, dans la réalisation de ses actions ? Des financements lui sont-ils attribués ?

L’apparition d’une boîte à bébés dans notre ville est-elle due au hasard ou est-elle la réponse la plus adéquate qu’une association ait pu apporter à des personnes qui s’interrogent encore sur les possibilités qui s’offrent à elles dans ces situations dramatiques ?

[Intervention de Madame Moureaux]

Mme Céline Fremault, ministre.- Votre interpellation dépasse la question de l’installation d’une boîte à bébés à Evere. Je tiens à souligner d’emblée que la Commission communautaire française n’a pas été associée à ce projet, ni même contactée pour une demande de soutien ou d’information. Cela peut paraître logique, Monsieur Van Goidsenhoven, puisque vous aurez remarqué que l’asbl Corvia n’est pas une asbl francophone. Elle ne peut donc pas recevoir de subside de la part de la Commission communautaire française.

Depuis 2000, neuf bébés ont été déposés dans la boîte à bébés d’Anvers, ce qui semble relativement marginal. Toutefois, la problématique de l’abandon d’enfants, hors boîte à bébés, reste préoccupante. Pas moins de 312 infractions de la sorte ont été enregistrées en 2015 et 69 au premier trimestre 2016. Nous observerons donc avec attention l’évolution de la boîte à bébés d’Evere.

Je rappelle, avec ma casquette de ministre de la Commission communautaire commune exerçant la tutelle sur les CPAS, que selon l’article 63 de la loi organique du 8 juillet 1976, tout mineur d’âge à l’égard duquel personne n’est investi de l’autorité parentale est confié au CPAS de la commune où il se trouve. Il faudra donc que l’asbl en question entame une collaboration sur ce point avec le CPAS d’Evere.

Par ailleurs, le débat sur la possibilité d’un accouchement sous X est fondamental. Il faut trouver un juste équilibre entre protection de la vie privée de la mère, d’une part, et droit à la connaissance de son histoire personnelle, d’autre part. Je me permettrai juste d’ajouter que glisser un bébé dans une boîte reste, pour moi, un procédé archaïque et particulièrement interpellant pour la santé et la sécurité d’un nouveau-né. Toutefois, la problématique de l’accouchement sous X ou en discrétion n’étant pas de la compétence de la Commission communautaire française, je vous invite à poser cette question, ou à la faire poser par l’un de vos collègues, au parlement fédéral, où votre parti est représenté.

Je pense aussi qu’il faut maximiser les moyens autour de l’accompagnement des grossesses. Je tiens à insister sur le fait que tout doit être réalisé par les différents services sociaux et médicaux pour pouvoir accompagner la mère du futur enfant de façon optimale. Il est vrai que, dans ce cadre, les centres de planning familial, notamment ceux agréés par la Commission communautaire française, ont un rôle essentiel à jouer.

En matière de prévention, le rôle des centres de planning familial est capital, notamment au niveau des moyens de contraception. J’insiste également sur le fait que les animations d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) dans les écoles sont indispensables pour informer les jeunes. Une augmentation substantielle de moyens leur a d’ailleurs été allouée, puisque nous sommes passés d’un budget de 300.000 euros à 500.000 euros.

En informant de façon adéquate, on évite des grossesses non désirées et accidentelles. Celles-ci peuvent malheureusement entraîner un abandon ou un rejet de l’enfant. C’est également dans les centres de planning familial qu’on peut trouver une pilule du lendemain accessible et gratuite, avec un réel accompagnement psychologique. C’est essentiel également.

Le centre de planning familial est également présent pour accompagner les grossesses et les doutes qui peuvent exister pendant celles-ci. Il est à l’écoute, à tout moment, pour aider à trouver les réponses et les solutions à toutes les questions qui pourraient découler d’une situation de grossesse imprévue. La majorité des centres de planning familial peuvent accompagner et assurer un suivi de grossesse.

Différents services sont d’ailleurs mis en place selon les centres. En prénatal, vous avez le suivi médical prénatal, la préparation à l’accouchement, les démarches juridiques et sociales, notamment concernant les allocations familiales, les primes et l’aide dans la recherche de lieux de garde. En postnatal, il y a le suivi médical postnatal de la maman et du bébé. Tous ces services sont là pour accompagner les parents et éviter d’arriver à des situations compliquées au moment de la naissance.

Je reste convaincue que c’est en maximisant l’accompagnement social, mais aussi la prévention, qu’on évite des situations d’abandon d’enfant. C’est un sujet délicat et je crois avec conviction que les mères isolées doivent être aidées le plus possible. Je soulignerai une initiative que je soutiens chaque année à la Commission communautaire française : l’association. Le petit vélo jaune, qui propose des coachings bénévoles de mamans en difficulté par d’autres mamans plus expérimentées, qui ont envie de partager leurs expériences. Il s’agit d’un beau projet, qui permet justement de lutter contre l’isolement de l’après accouchement.

Le soutien à la parentalité est une priorité du Gouvernement de la Commission communautaire française, et ce depuis plus de deux ans. Évidemment, nous y œuvrons en collaboration, notamment avec la Commission communautaire commune.

Nous avons lancé un appel à projets à la Commission communautaire française et différents projets innovants ont pu être soutenus en 2016. Il faut continuer dans cette voie.

Quant à la maison de la monoparentalité, nous avons procédé par étapes. Aujourd’hui, le centre complémentaire dédié aux violences conjugales est sur les rails. J’espère donc que nous pourrons ouvrir cette maison de la monoparentalité en janvier 2018. Les femmes enceintes pourront bien entendu faire appel à cette structure.

Le réseau fonctionne bien. Nous pouvons vous envoyer le rapport, si vous le souhaitez. Il fournit toute une série d’indications.

 

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CR n°45 (2016-2017), Février 2017, pp. 17-20