Proposition de décret visant l’établissement d’un cadastre des rémunérations des gestionnaires publics au sein des organismes d’intérêt public et des entités dérivées de l’autorité publique

PROPOSITION DE DÉCRET VISANT L’ÉTABLISSEMENT D’UN CADASTRE DES RÉMUNÉRATIONS DES GESTIONNAIRES PUBLICS AU SEIN DES ORGANISMES D’INTÉRÊT PUBLIC ET DES ENTITÉS DÉRIVÉES DE L’AUTORITÉ PUBLIQUE

Proposition déposée par : MME FRANÇOISE BERTIEAUX, MM. GILLES MOUYARD, JEAN-LUC CRUCKE ET GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN

Résumé et objectif de la proposition

Nous partons du du principe que la rémunération de toute personne doit être proportionnée à l’emploi et aux responsabilités qu’elle exerce et à l’expertise et aux connaissances que lui impose l’exercice de sa mission. Sans écarter la nécessité d’encadrer les rémunérations des administrateurs publics et des gestionnaires publics, nous considérons au MR qu’un préalable indispensable, et actuellement non rencontré, consiste en l’élaboration d’un cadastre reprenant ces rémunérations. L’objectif du cadastre est double. D’une part, connaître et rendre public le montant des rémunérations des administrateurs publics et des gestionnaires publics. D’autre part, il permettra d’objectiver ce montant au regard des différents paramètres pertinents pour évaluer les rémunérations. Une fois ce cadastre établi, les rémunérations pourront faire l’objet d’un ajustement, dans le respect des dispositions légales et contractuelles, tant à la baisse qu’à la hausse, si nécessaire, au regard notamment des responsabilités qui incombent aux gestionnaires publics.

Développements

Les auteurs de la présente proposition de décret partent du principe que la rémunération de toute personne doit être proportionnée à l’emploi et aux responsabilités qu’elle exerce et à l’expertise et aux connaissances que lui impose l’exercice de sa mission.

La fixation de la rémunération des dirigeants d’organismes publics ne peut se concevoir qu’en lien étroit avec la réalisation des objectifs préalablement fixés.

Dans un contexte économique tendu et alors que des efforts sont demandés aux citoyens et aux services publics, il est de plus en plus difficile de concevoir que les gestionnaires publics quel qu’ils soient perçoivent des rémunérations ainsi que des avantages de toute nature qui seraient disproportionnés.
La circulaire adoptée par le Gouvernement lors de la législature 2009-2014 s’inscrit dans cette dé- marche tout comme le décret de la Communauté française du 11 avril 2014 portant assentiment à l’accord de coopération du 20 mars 2014 entre la Région wallonne et la Communauté française relatif à la gouvernance dans l’exécution des mandats publics au sein des organismes publics et des entités dérivées de l’autorité publique qui limite le nombre de mandats publics détenus par une même personne et plafonne les rémunérations y afférentes.

Dans le contexte actuel, plus que jamais, dans un souci de transparence et de confiance entre l’organisme public et ses usagers, les rémunérations et avantages que perçoivent les gestionnaires de ces organismes doivent être rendus publics, balisés et contrôlés.

Bien que certains organismes publics de la Communauté française soient soumis à la concurrence, il n’empêche qu’ils sont animés par des préoccupations de services publics. La gestion et le financement de ces organismes relèvent d’ailleurs en grande partie, si pas exclusivement, des pouvoirs publics. Ce faisant, leurs dirigeants doivent également s’inscrire dans l’accomplissement de services publics. Dès lors, il semble incontestable que les rémunérations et avantages divers dont ils bénéficient soient publics et objectivés.

L’article 10 du décret du 9 janvier 2003 relatif à la transparence, à l’autonomie et contrôle des organismes publics, des sociétés de bâtiments scolaires et des sociétés de gestion patrimoniale qui dépendent de la Communauté française détermine les modalités de rémunération des administrateurs publics et des gestionnaires publics. Pour ces derniers, il s’agit d’une possibilité offerte au Gouvernement qui ne semble pas avoir été exercée.

Pour fixer ces rémunérations, il était prévu de réaliser une étude de benchmarking pour permettre au Gouvernement de fixer, le cas échéant, des fourchettes de rémunérations pour les administrateurs et les gestionnaires publics des organismes publics. Six ans après ce décret, les auteurs de la proposition n’ont pas connaissance de la réalisation d’une telle étude.

Selon l’article 15 du décret du 9 janvier 2003, les informations relatives aux rémunérations des administrateurs publics et gestionnaires publics devaient être reprises de manière anonyme dans le rapport annuel d’activités de l’organisme. Ces informations devaient également être transmises au ministre de tutelle. Le dispositif actuel ne prévoit donc pas de transmettre ces informations au Parlement.

Le 3 avril 2014, le Gouvernement de la Communauté française a adopté une circulaire fixant l’encadrement et le plafonnement de la rémunération des gestionnaires publics dans les organismes publics. Cette circulaire mettait en œuvre une décision conjointe des Gouvernements de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles du 4 décembre 2012. Toutefois, la circulaire n’étant pas contraignante, il ne s’agissait que d’une indication adressée aux organismes publics.

Par un décret du 24 novembre 2016, la Région wallonne a adapté son cadre légal relatif aux administrateurs publics et aux commissaires de Gouvernement en rendant contraignant les principes contenus dans la circulaire de 2014 en matière de plafond de rémunération mais également en prévoyant la transmission au Parlement des informations relatives à la rémunération des administrateurs publics, des gestionnaires publics et des commissaires de Gouvernement.

Dans un premier temps, le Gouvernement de la Communauté française a annoncé que « l’application de cette circulaire en Fédération Wallonie-Bruxelles est tout à fait satisfaisante et n’appelle pas à révision de le norme contraignante (sic) ». Toutefois à la lumière des avancées décrétales wallonnes, le Gouvernement a reconnu la nécessité de légiférer également en la matière notamment pour « garder des règles et des mécanismes de contrôle identiques par rapport à des organismes de gestion qui sont déjà communs » et d’envisager l’élargissement du champ d’application du décret de 2003 à d’autres organismes publics. Ce faisant, le Gouvernement ne vise que le montant des rémunérations en laissant de côté la publicité de celle-ci.

Sans écarter la nécessité d’encadrer les rémunérations des administrateurs publics et des gestionnaires publics, les auteurs considèrent qu’un préalable indispensable, et actuellement non rencontré, consiste en l’élaboration d’un cadastre reprenant ces rémunérations. Actuellement, chaque ministre de tutelle reçoit les montants individualisés de la rémunération de chacun des administrateurs et de chaque gestionnaire public mais ces informations ne sont pas publiques. En outre, il n’existe pas un document reprenant l’ensemble de ces informations.

Si les montants avancés dans la presse peuvent paraître importants, il faut d’abord s’assurer qu’ils sont exacts et qu’ils englobent toutes les formes de rémunération. Il ne faut pas non plus perdre de vue que ces personnes ont sous leur responsabilité plusieurs dizaines voire centaines de personnes. En outre, étant au sommet de la hiérarchie et dans le respect de la pyramide salariale, il est normal que le supérieur soit mieux rémunéré que son subalterne.

Toutefois, avant de se positionner sur la hauteur de ces rémunérations, les auteurs sont d’avis qu’il convient de les objectiver en les mettant au regard de différents paramètres, notamment :
— les objectifs fixés tant par l’organisme que par le contrat de gestion, le Gouvernement ou les actionnaires ; 
— le profil de fonction ;
— le niveau de responsabilité ;
— l’expérience ;
— le domaine d’activité ;

C’est seulement à l’aune de ces différents paramètres que l’on pourra déterminer si une rémunération est proportionnée à l’emploi et aux responsabilités. En l’absence de ce cadastre, il est prématuré d’y répondre. L’établissement de ce cadastre est donc primordial.

Les auteurs de la présente proposition ne partent pas de l’a priori que les rémunérations actuelles sont trop élevées. Mais l’opacité qui les entoure ne permet pas de s’assurer qu’elles correspondent à l’emploi et aux responsabilités liées à la fonction. L’absence de justification de ces rémunérations est donc problématique.

L’utilisation de deniers publics doit se faire dans la transparence. Il n’est pas normal que ce soit au travers de scandales que l’on découvre les montants, parfois importants, des rémunérations de gestionnaires publics négociés ou fixés de manière discrète voire secrète. A l’instar des parlementaires ou des ministres, il est logique que la transparence des rémunérations s’applique également aux gestionnaires publics rémunérés sur base, exclusivement ou majoritairement, de deniers publics. De plus, les barèmes de la fonction publique sont publiés et il est donc possible de connaître le salaire des agents de la fonction publique. Pourquoi cela ne serait-il pas possible pour les gestionnaires publics ?

Il n’y a aucune justification objective à cette absence de transparence dans la rémunération des gestionnaires publics alors que les autres rémunérations payées à l’aide de deniers publics le sont.

L’objectif du cadastre est donc double. D’une part, connaître et rendre public le montant des rémunérations des administrateurs publics et des gestionnaires publics. D’autre part, il permettra d’objectiver ce montant au regard des différents paramètres pertinents pour évaluer les rémunérations.

Une fois ce cadastre établi, les rémunérations pourront faire l’objet d’un ajustement, dans le respect des dispositions légales et contractuelles, tant à la baisse qu’à la hausse si nécessaire au regard notamment des responsabilités qui incombent aux gestionnaires publics. Cette évaluation devra également tenir compte qu’il s’agit des deniers publics.

Ainsi, le cadastre permettrait de comprendre les disparités qui existent entre les rémunérations de l’administrateur général de la RTBF et celui de l’ONE et éventuellement rétablir un équilibre entre ces deux fonctions.

Afin d’atteindre cet objectif, la présente proposition de décret procède en deux temps. Elle reprend le champ d’application du décret du 9 janvier 2003 relatif à la transparence, à l’autonomie en l’élargissant afin de viser des organismes qui échappement actuellement à cette législation.

Ensuite, la proposition charge le Gouvernement d’établir formellement un cadastre des rémunérations des mandataires et des gestionnaires publics, en ce compris celles des commissaires de Gouvernement, et de le transmettre à l’attention du Parlement au plus tard le 1er septembre de chaque année. Ce cadastre devra non seulement reprendre les rémunérations mais expliquer celles-ci au regard des paramètres évoqués plus haut. C’est au travers de ces justifications que l’on pourra évaluer la pertinence de la rémunération et éventuellement l’adapter.

Par ailleurs, ces informations sont transmises de manière anonymisée au Parlement comme c’est déjà actuellement prévu pour le Gouvernement.

En effet, si les mesures prévues ont pour objectifs d’assurer davantage de transparence et de permettre le contrôle des parlementaires et, à travers eux, des citoyens, quant aux rémunérations fixées et donc quant à l’utilisation des deniers publics, il est primordial d’être attentif au respect et à la protection de la vie privée.

Le respect de ce droit fondamental implique qu’il ne peut être question d’une ingérence disproportionnée et excessive. Dès lors, dans le respect des prescrits de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel, les données récoltées par les organismes lors du cadastre doivent donc impérativement être transmises de manière anonymisée.

Il convient également de souligner que le traitement prévu pour les gestionnaires publics est donc plus conforme au respect de la vie privée que celui réservé à certains patrons du Bel20 où le nom et le montant de la rémunération sont régulièrement associés dans la presse.

Enfin, concernant le cadastre en tant que tel, y sera intégrée la participation des administrateurs publics et commissaires du Gouvernement aux réunions dans la mesure où l’assiduité et la participation active aux réunions des organes de gestion est une obligation à laquelle les administrateurs publics et les commissaires du Gouvernement s’engagent en signant la Charte lors de leur désignation par le Gouvernement.

PROPOSITION DE DÉCRET 

visant l’établissement d’un cadastre des rémunérations des gestionnaires publics au sein des organismes d’intérêt public et des entités dérivées de l’Autorité publique

Article 1er

Au sens du présent décret, on entend par
1. «Organisme public» : Les personnes morales de droit public relevant de la Communauté française dénommées ci-après :

a) la RTBF visée par le décret du 14 juillet 1997 portant statut de la Radio-Télévision belge de la Communauté française et ses filiales ;

b) l’O.N.E. visé par le décret du 17 juillet 2002 portant réforme de l’Office de la Naissance et de l’Enfance, en abrégé «ONE» ;

c) l’ETNIC visée par le décret du 27 mars 2002 portant création de l’Entreprise publique des Technologies nouvelles de l’Information et de la Communication en Communauté française ;

d) le Fonds Ecureuil visé par le décret du 20 juin 2002 relatif à la création de Fonds Ecureuil de la Communauté française ;

e) l’Institut de la Formation en cours de carrière (IFC) visé par le décret du 11 juillet 2002 relatif à la formation en cours de carrière dans l’enseignement spécial, l’enseignement secondaire ordinaire et les centres psycho-médico-sociaux et à la création d’un Institut de la formation en cours de carrière ;

f) l’Académie de Recherche et de l’Enseignement supérieur (ARES) visé par le décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études ;

g) Wallonie-Bruxelles International visé par l’accord de coopération du 20 mars 2008 entre la Communauté française, la Région wallonne et la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-capitale créant une entité commune pour les relations internationales de Wallonie-Bruxelles, en abrégé «W.B.I» ;

h) l’école d’administration publique commune à la Communauté française et à la Région wallonne visée par l’accord de coopération du 10 novembre 2011 entre la Communauté française et la Région wallonne créant une école d’administration publique commune à la Communauté française et à la Région wallonne, en abrégé « EAP » ;

i) l’office francophone de formation en alternance visé par l’accord de coopération-cadre du 24 octobre 2008 entre la Communauté française, la région wallonne et la Commission communautaire française relatif à la formation en alternance, en abrégé « OFFA » ;

j) le centre hospitalier universitaire de Liège visé par l’arrêté royal du 31 mars 1987 portant l’organisation, le fonctionnement et la gestion des hôpitaux universitaires de l’Etat à Gand et à Liège, en abrégé « CHU de Liège » ;

k) le fonds d’investissement dans les entreprises culturelles (Fonds St’art) ;

l) la société de gestion du Bois Saint-Jean ;

m) toute autre entité juridique créée par la Communauté française ou dont la Communauté française devient actionnaire après l’entrée en vigueur du présent décret.

2. «Sociétés de bâtiments scolaires» : les sociétés visées par le décret du 5 juillet 1993 portant création de six sociétés de droit public d’administration des bâtiments scolaires de l’enseignement organisé par les pouvoirs publics ;

3. «Sociétés de gestion patrimoniale» : les sociétés visées à l’article 20 du décret du 14 juin 2001 relatif au programme de travaux de première nécessité en faveur des bâtiments scolaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire organisés ou subventionnés par la Communauté française ;

4. « administrateur public » : toute personne ou son suppléant :

a) qui, de manière cumulative :
— siège au sein de l’organe chargé de la gestion d’un organisme public ;
— a été nommée par le Gouvernement ou par le Parlement ou sur proposition de ceux-ci, conformément au décret ou à l’arrêté portant création dudit organisme public, à ses statuts ou aux droits du Gouvernement dans l’actionnariat ou a été nommée, au sein de l’organe de gestion d’un organisme public, sur intervention de la Communauté française, d’un organe qui en dépend, d’une province ou d’une commune ;

b) et qui n’est pas administrateur de droit de l’organe de gestion d’un organisme public ;

5. «L’administrateur de droit» : toute personne physique, administrateur ordinaire, siégeant au Conseil d’administration ou Bureau ou Comité permanent et désignée par une personne morale de droit public en vertu du décret instituant l’organisme public ou par le décret lui-même.

6. « gestionnaire public » : toute personne, autre qu’un administrateur public, chargé de la gestion journalière, ou agissant au sein de l’organe chargé de la gestion journalière de l’organisme public. »

7. « organe de gestion » : le conseil d’administration de l’organisme public ou, à défaut, tout autre organe, quelle que soit sa dénomination, qui dispose de tous les pouvoirs nécessaires à la réalisation de la mission ou de l’objet social de l’organisme public ;

8. « Le fonctionnaire dirigeant» : toute personne physique, administrateur exécutif d’un organisme public qui siège au Conseil d’administration et au Bureau ou Comité permanent avec voix consultative et désignée par la Communauté française.

9. « commissaires de Gouvernement » : les commissaires de Gouvernement tels que visés dans le décret du 9 janvier 2003 relatif à la transparence, à l’autonomie et contrôle des organismes publics, des sociétés de bâtiments scolaires et des sociétés de gestion patrimoniale qui dépendent de la Communauté française.

Art. 2
§ 1er. Le Gouvernement transmet au plus tard le 1er septembre au Parlement un rapport comprenant les rémunérations, indemnités et jetons de présence, par organisme public, société de bâtiments scolaires et société de gestion patrimoniale, des administrateurs publics, des gestionnaires publics et du fonctionnaire dirigeant. Ces informations sont individualisées et anonymisées.

Le rapport reprend également les règles et modalités de rémunération des gestionnaires publics en précisant les éléments qui justifient cette rémunération.

§ 2. Le Gouvernement transmet au plus tard le 1er septembre au Parlement les informations relatives aux rémunérations des commissaires du Gouvernement auprès des organismes publics, des sociétés de bâtiments scolaires et des sociétés de gestion patrimoniale. Ces informations sont reprises dans le rapport visé au paragraphe 1er.

Fr. Bertieaux

G. Mouyard

J.-L. Crucke

G. Van Goidsenhoven

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Février 2017