Interpellation concernant le recours au travail intérimaire dans la fonction publique

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Fadila LAANAN, Secrétaire d’Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, en charge de la Propreté publique et de la Collecte du traitement des déchets, de la Recherche scientifique, des Infrastructures sportives et de la Fonction publique,

concernant « le recours au travail intérimaire dans la fonction publique ».

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- D’après la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire est la mise à disposition de travailleurs au bénéfice d’utilisateurs. Le recours au travail intérimaire est théoriquement rendu possible au sein de la fonction publique.

Parce que les conditions et modalités de cette pratique n’ont jamais été fixées par arrêté royal, cette possibilité n’a jamais été activée. Pourtant, elle est reprise et consacrée dans une directive européenne de 2008, qui permet toutefois d’en limiter la pratique sous certaines conditions, pour des motifs d’intérêt général.

Faisant suite à la sixième réforme de l’État, la loi spéciale du 8 août 1980 a été modifiée. Elle rend désormais les Régions et les Communautés compétentes en la matière. Les accords de majorité conclus au niveau fédéral et en Flandre en 2014 prévoient de lever les interdictions et autres restrictions qui pèsent actuellement sur l’ouverture du travail intérimaire à leurs secteurs publics respectifs.

C’est sans frilosité que le groupe MR reconnaît dans le recours au travail intérimaire un atout incontestable dans des situations d’urgence ou de surcharge temporaire de travail, lorsqu’il s’agit de mobiliser rapidement des ressources humaines de qualité. À l’instar des entreprises privées, les pouvoirs publics doivent pouvoir réagir de façon proactive aux variations constantes des situations, aux événements de l’actualité et aux changements de volume de travail qui résultent de décisions politiques ou administratives.

Je rappelle également que le travail intérimaire est un levier important pour la mise au travail des demandeurs d’emploi, en particulier les jeunes et les moins qualifiés. La fonction publique bruxelloise pourrait ainsi doter son arc d’une corde supplémentaire face à la catastrophe du chômage dans notre Région.

Je me souviens vous avoir interrogée le 15 juin 2015, il y a bientôt deux ans, sur l’opportunité, pour le secteur public, de recourir au travail intérimaire. Vous m’aviez répondu que le statut commun des agents régionaux bruxellois ou d’un organisme d’intérêt public (OIP), consacré dans les arrêtés du gouvernement du 27 mars 2014, ne le permettait pas.

Dans le cas contraire, cela aurait tout de même été inutile, aviez-vous ajouté, arguant que les catégories de contractuels – même en cas de surcroît de travail extraordinaire – répondaient déjà à ces éventualités par le recours aux contractuels de remplacement. Vous aviez même indiqué que ces derniers étaient appelés « contractuels des besoins exceptionnels et temporaires ».

Évoquant ensuite le cas de Bruxelles-Propreté, vous aviez précisé qu’un contrat avait été conclu avec la société Daoust pour pallier les longues absences durant les vacances d’été sans devoir recourir à des contrats de remplacement de courte durée.

Pour conclure enfin, vous aviez déclaré : « Comme j’estime, en tant que femme de gauche, que la précarisation de l’emploi est une chose à éviter, une convention entre Actiris et Bruxelles-Propreté a été conclue pour favoriser, tant que faire se peut, la mise à l’emploi de demandeurs d’emploi afin de leur donner une expérience professionnelle ». Vous aviez encore ajouté « avoir rassuré certains quant au fait que nous ne sommes pas favorables à l’utilisation d’intérimaires ».

En dépit de cet argumentaire, j’ai remarqué avec étonnement dans la presse, ce mardi 10 janvier, que des travailleurs intérimaires allaient être engagés afin de résoudre le problème de l’allongement de certaines collectes de déchets dans la capitale. Nous avons tous noté des ratés dans l’évaluation du personnel nécessaire dans le cadre de la réforme des collectes. Le personnel de Bruxelles-Propreté, rejoint rapidement par les syndicats, s’est plaint dès la première semaine de la mise en œuvre de la réforme et de l’insupportable charge de travail demandée.

Vous en conviendrez, l’évaluation des nouveaux besoins et les nouveaux calculs pour la bonne mise en œuvre de cette réforme – qui est d’ailleurs d’actualité depuis le début de la nouvelle réglementation – dépasseront, parce qu’ils exigent un saut qualitatif et quantitatif dans la réflexion, les délais dits « de très courte durée ».

Je m’interroge donc sur la réflexion que vous avez menée depuis l’an dernier, puisque vous opérez aujourd’hui un recours aux travailleurs intérimaires pour une durée de deux mois minimum, le temps pour vos services de repenser une nouvelle stratégie autrement plus efficace que l’actuelle.

Vous nous disiez justement que les besoins exceptionnels et temporaires pouvaient être pris en charge par une catégorie de contractuels. En quoi l’allongement de la période de collecte des déchets constitue-t-il une dérogation vis-à-vis de cette catégorie ?

La presse nous apprend aussi qu’une trentaine de personnes avaient été engagées dans le cadre de cette nouvelle réforme de la collecte des déchets. À combien les nouveaux recrutements nécessaires pour pallier les difficultés rencontrées à ce jour sont-ils évalués ?

Enfin, à l’aune des événements qui précèdent, avez-vous revu votre position quant au recours au travail intérimaire dans la fonction publique ? Le cas échéant, avez-vous initié une réflexion globale à ce sujet au niveau du gouvernement ? 

[Intervention de Monsieur Emmanuel De Bock]

[Intervention de Madame Zoé Genot]

Mme Fadila Laanan, secrétaire d’État.- D’emblée, je voudrais dire à M. Van Goidsenhoven que je n’ai pas changé d’avis. Je ne considère absolument pas que le travail intérimaire soit « un atout incontestable », pour reprendre votre expression. Au contraire, j’estime que cette forme de travail conduit à une précarisation des travailleurs.

Je rejoins plutôt les observations de Mme Genot. Si le travail intérimaire a permis à certains de trouver un emploi fixe, il faudrait aussi prouver qu’ils n’auraient pu accéder au marché du travail autrement.

Dans la fonction publique, ce type de contrat me paraît contraire aux principes de continuité et d’indépendance des fonctionnaires. Le recours de Bruxelles-Propreté à des travailleurs intérimaires a été la solution ponctuelle la plus adéquate pour soulager un jour par semaine – le mercredi – le travail de mes équipes.

Comme vous le savez sans doute pour l’avoir lu dans la presse ou constaté en tant que citoyen, depuis la réforme des collectes, le mercredi est un jour problématique pour les équipes, parce que les tournées sont lourdes et longues. L’organisation de cette journée doit être totalement repensée.

Les cinq autres jours fonctionnent plutôt bien, même s’il y a parfois des couacs. Il m’arrive en effet de recevoir des messages électroniques de citoyens dont les poubelles ont été oubliées, mais en règle générale, les tournées se passent bien.

Une réforme des collectes de cette ampleur est assez révolutionnaire et fait inévitablement quelques maladies de jeunesse. Nous avons constaté qu’il fallait trouver une solution pour le mercredi et pour ne pas laisser les agents dans la détresse à cause d’une surcharge de travail, nous avons décidé de recourir à une société intérimaire pour ce seul jour.

Notre volonté est cependant d’évaluer la situation afin d’examiner comment mieux répartir la charge de travail ce jour-là pour, au final, embaucher ce personnel de manière plus pérenne. Je vous rejoins tous sur ce point.

Certaines autres organisations publiques recourent en effet parfois au travail intérimaire. Ma position, en tant que socialiste, est claire : l’objectif reste de pouvoir accorder un réel statut. Même si l’engagement contractuel est possible, nous faisons tout pour que nos agents puissent être statutarisés, malgré tous les problèmes que nous connaissons.

C’est pour améliorer cette situation que nous créons un Selor régional. Il s’agit d’une réponse forte que nous apportons au fait que le Selor fédéral ne joue pas son rôle dans notre Région.

Bien entendu, cela touche les services de la fonction publique de manière générale, mais aussi les agents de Bruxelles-Propreté qui, dans un premier temps, entrent comme contractuels et qui peuvent ensuite passer des examens pour obtenir une statutarisation. Tous les ans, entre 100 et 115 agents sont statutarisés. Cela démontre que ce type de métiers peut apporter une réelle stabilité d’emploi et une pension à la hauteur du travail fourni tout au long de la vie.

Notre priorité reste donc l’obtention du statut. Le contrat est une formule allégée et rapide parfois nécessaire. Certains organismes font simplement appel à des contractuels parce qu’ils n’ont pas le temps d’attendre un recrutement par le Selor. Dans ce cas, nous accordons une autorisation, mais nous ne voulons pas que cela devienne une habitude, car le statut représente le bien-être que nous voulons offrir à nos agents.

Pour ce qui relève des engagements, nous passons également par des organismes comme Actiris. Nous nous devons de donner aux chômeurs bruxellois l’occasion de pouvoir intégrer la fonction publique sans discrimination.

Enfin, la question de l’ancienneté a également été abordée. Avec le nouveau statut, nous avons carrément mis fin à la limite des six ans d’ancienneté dans le secteur privé que l’on pouvait prendre en considération. Il n’y a désormais plus de limites en la matière, puisque toutes les expériences valorisables sont prises en considération. Il s’agit d’une avancée significative pour les travailleurs.

Concernant les agents intérimaires qui pourraient être pérennisés à terme s’ils le souhaitent, il est clair que l’expérience acquise au sein de l’agence sera valorisée, et ce même si le but n’est pas qu’ils restent intérimaires pendant des années.

L’évaluation est prévue pour le printemps 2017 et à cette occasion, l’idée est de pouvoir repenser complètement les équipes et tournées, afin de simplifier la vie du citoyen bruxellois de semaine en semaine sans que la charge de travail ne dépasse les limites de l’acceptable pour les agents de Bruxelles-Propreté.

Nous tenons à garantir le bien-être de nos travailleurs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous dialoguons en permanence avec la direction de l’agence, mais aussi avec les organisations syndicales, même si l’ensemble de la réforme proposée ne leur plaît pas.

Nous nous rejoignons tous sur le fait que l’intérim est une solution temporaire que nous devrons dépasser en proposant des contrats et, mieux encore, à terme, des statuts.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’ai entendu la réponse de la secrétaire d’État, qui nous dit n’avoir pas changé d’avis. J’observe néanmoins un certain assouplissement par rapport à sa position de juin 2015.

Mme Fadila Laanan, secrétaire d’État.- Quand on fait de la politique, on doit être capable de répondre en temps opportun aux problèmes qui se posent. Cela ne change toutefois rien à ma philosophie.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- En effet. Le général de Gaulle avait l’habitude de dire que la politique est l’art du possible.

Le cas échéant, si d’autres nécessités se faisaient jour, seriez-vous prête à aller plus loin dans l’usage de l’intérim ? Vous êtes-vous fixé une limite dans l’acceptabilité de ce moyen ?

Mme Fadila Laanan, secrétaire d’État.- Pour le moment, ce recours est appliqué un jour par semaine et touche entre 30 et 40 personnes. À terme, je souhaite que l’on pérennise ces emplois par des statuts contractuels.

[Intervention de Madame Zoé Genot]

Mme Fadila Laanan, secrétaire d’État.- Jusqu’à ce que nous ayons procédé à cette évaluation, prévue au printemps 2017. Ensuite, des solutions seront proposées pour mettre fin au recours aux intérimaires. Notre volonté n’est pas de garder des intérimaires à Bruxelles-Propreté. Nous avons répondu à un problème ponctuel qui a permis de soulager les travailleurs, lesquels étaient dans un inconfort total.

Je voudrais aussi vous rassurer au sujet du recours aux intérimaires. Rien que pour obtenir des contractuels – un statut déjà plus stable pour les travailleurs -, les débats sont déjà très longs au sein du gouvernement. Ce n’est pas accepté si facilement !

[Intervention de Madame Zoé Genot]

[Intervention de Monsieur Emmanuel De Bock]

Mme Fadila Laanan, secrétaire d’État.- Avec tous les sites internet disponibles, la situation est vraiment transparente. À Bruxelles, la situation est même assez exemplaire à cet égard.

[Intervention de Monsieur Emmanuel De Bock]

[Intervention de Madame Zoé Genot]

[Intervention de Monsieur Emmanuel De Bock]

 

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CRI COM (2016-2017) n° 73, Mars 2017, pp. 41-51