Interpellation sur le choix des langues dans les crèches bruxelloises

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Fadila LAANAN, Ministre-Présidente du Collège de la Commission communautaire française, en charge du Budget, de l’Enseignement, du Transport scolaire, de l’Accueil de l’enfance, du Sport et de la Culture ;

concernant le choix des langues dans les crèches bruxelloises.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Depuis deux ans, le nombre de places en crèches a augmenté de 7%, ce qui représente une augmentation de 1.227 places en Région bruxelloise. Avant de devenir effectives, les crèches doivent pouvoir choisir leur organisme d’agrément : l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE) pour les francophones ou Kind en Gezin pour les néerlandophones.

En fonction de l’un ou de l’autre, c’est la langue de fonctionnement de la crèche qui est ainsi choisie. Pourtant, pour les crèches qui sont établies ou s’établissent sur le territoire bruxellois, la possibilité existe de garder une neutralité linguistique sans dépendre de l’organisme d’agrément francophone ou néerlandophone.

Modifié récemment par une ordonnance de la Commission communautaire commune, ces crèches autrefois bilingues ou neutres qui répondaient aux normes établies par cette dernière ne toucheront aucun subside de la Commission communautaire commune. Actuellement, on en dénombre une quinzaine en Région bruxelloise. Ces crèches dépendent soit de centres publics d’action sociale (CPAS), soit des communes.

Il y a tout juste un an, Bruxelles comptait 18.576 places d’accueil pour une population de 53.500 enfants de moins de trois ans. Il y a un an, nous atteignions un taux de couverture de 35% dans notre Région. C’est malheureusement sans compter sur une pratique de plus en plus répandue à Bruxelles qui consiste à appliquer des tarifs proportionnels aux revenus des parents. Ceci pris en compte, nous arrivons à un taux de couverture de 20% seulement.

En effet, des études récentes ont démontré qu’un enfant sur quatre à Bruxelles naissait dans la précarité. Aux problèmes du manque de places et des revenus des parents, se mêle celui d’une répartition inégale entre les communes bruxelloises. Au sud, dans les communes telles que Watermael-Boitsfort, Woluwe-Saint-Lambert, Auderghem ou Etterbeek par exemple, le taux de couverture dépasse les 50%. Par contre, les communes du croissant pauvre constituées par des parties de SaintJosse-ten-Noode, Schaerbeek, Molenbeek, Bruxelles Ville, etc. enregistrent un taux de couverture qui n’est que de 21%.

Comme si ces problèmes ne suffisaient pas, vient à présent s’ajouter le problème du choix de la langue lorsque la crèche décide de ne s’apparenter ni à l’ONE, ni à Kind en Gezin.

Côté flamand, la Communauté, en modifiant son règlement, exige de la direction et de l’un des parents de maîtriser le néerlandais. Du coup, parce que les règles de l’ONE cadraient avec une réglementation plus souple, l’organisme francophone a connu une augmentation de 13% de places conventionnées.

Pour les crèches, à Bruxelles, qui préfèrent rester neutres ou bilingues, elles devront à présent répondre aux normes d’un organisme descendant de la Commission communautaire commune. Sans consentir à quelconque aide financière de l’instance bicommunautaire, ces crèches devront toutefois se soumettre à une réglementation plus stricte que leurs homologues néerlandophones ou francophones.

Aujourd’hui, en raison de procédures trop complexes, les 24 millions engagés sur le budget de la Commission communautaire française n’aboutissent à aucun résultat en termes d’ouverture de places.

Madame la ministre-présidente, en vertu de l’ensemble de ces informations, je souhaiterais connaître la réflexion actuelle que nourrit le Collège de la Commission communautaire française dans ce dossier. Ainsi, pouvez-vous me dire si des réflexions sont en cours pour harmoniser le cadre réglementaire des crèches, qu’elles soient francophones, néerlandophones ou bilingues sur le territoire bruxellois ?

Pourquoi ne pas avoir envisagé une harmonisation complète au niveau communautaire, des transferts financiers entre les instances communautaires et, en tout cas, une simplification administrative pour toute crèche désireuse de rester neutre face au choix de la langue utilisée ?

Ce dossier me permet de remettre au goût du jour la stricte nécessité de tout mettre en œuvre pour améliorer le taux de couverture des crèches à Bruxelles. À maintes occasions, dont celle de la déclaration de politique générale précédente, vous nous aviez détaillé vos différentes stratégies pour la création de nouvelles places. Qu’est-il fait cependant pour lutter contre les écarts au sein même de la Région bruxelloise sur les taux de couverture des communes du croissant pauvre et de celui des communes du sud de la capitale ? 

[Intervention de Monsieur Maron]

[Intervention de Madame Maison]

Mme Fadila Laanan, ministre-présidente.- Le cadre réglementaire des milieux d’accueil de l’enfance relève des Communautés française et flamande, respectivement pour les milieux d’accueil francophones et néerlandophones.

La législation flamande a été revue en profondeur il y a quelques années et le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles travaille, avec l’ONE, à la réforme de son arrêté sur les milieux d’accueil. L’ordonnance de la Commission communautaire commune vise, quant à elle, à combler un vide juridique pour les organisations bilingues en Région bruxelloise. Les différentes législations sont la conséquence de la complexité de notre régime institutionnel et il n’est pas prévu de les harmoniser, car ce type de démarche demeure très complexe à mener.

L’action que je mène avec le Gouvernement francophone bruxellois pour une meilleure répartition géographique des places d’accueil au sein de la Région bruxelloise, et donc pour une plus grande équité, se traduit de trois façons.

Premièrement, la législation encourage la création de places dans les communes déficitaires. Ainsi, le décret modifiant celui du 18 juillet 2013 visant au soutien de l’accueil de l’enfance prévoit que, dans le cadre des appels à projets, la priorité sera accordée aux projets situés dans des zones géographiques dont le taux de couverture des besoins d’accueil est inférieur à la moyenne régionale.

De plus, pour ce qui concerne les nouvelles places, il est prévu qu’un taux de subvention majoré puisse être accordé à un porteur de projet en raison de la situation socio-économique du lieu d’implantation du futur milieu d’accueil.

Deuxièmement, j’ai demandé à mon administration de réaliser une étude quantitative visant à décrire et à analyser le profil de la population fréquentant les milieux d’accueil de l’enfance de zéro à trois ans francophones de la Région de Bruxelles-Capitale.

Enfin, nous continuons à collaborer étroitement avec l’ONE. Les critères de programmation de l’ONE se basent principalement sur les taux de couverture communaux et par quartier. Ils ont pour objectif de réduire les écarts.

Madame Maison, je suis évidemment d’accord pour dire qu’il faut suivre très étroitement les engagements pris au sein de la tripartite Fédération Wallonie-Bruxelles, Région wallonne et Commission communautaire française.

Enfin, j’ai demandé si la Commission communautaire française pouvait être pouvoir organisateur, non pas à un cabinet externe, mais aux juristes et experts au sein de mon cabinet. Ces derniers étaient en effet fort désireux de travailler sur cette question.

Cela n’a donc rien coûté ! De cette analyse, il ressort que la Commission communautaire française est aujourd’hui de facto compétente en tant que pouvoir organisateur, en vertu des articles 136 et 166, § 3 1° de la Constitution. Ce dernier article reconnaît également à la Commission communautaire française les mêmes compétences que les autres pouvoirs organisateurs pour les matières culturelles, d’enseignement et personnalisables. Elle dispose ainsi du statut d’autorité décentralisée pour les matières personnalisables.

De plus, en vertu de l’article 128 de la Constitution et de l’article 5, § 1er, chapitre II, 1°, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, les crèches sont une matière personnalisable.

Par ailleurs, outre sa qualité de pouvoir organisateur, la Commission communautaire française exerce la compétence transférée de la matière en vertu de l’article 3, 7° du décret spécial du 4 avril 2014, à l’exception des missions confiées à l’ONE.

Si les conclusions sont claires en la matière, la question fondamentale réside dans la capacité budgétaire de la Commission communautaire française à agir seule en matière de construction de crèches. Au stade actuel, et vu le contexte budgétaire de la Commission communautaire française, j’ai plutôt pris le parti de travailler avec les pouvoirs locaux et des partenaires privés, plutôt que d’être opérateur principal dans la construction de crèches.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’ai évidemment entendu les réponses de la ministre sur un dossier qui revient régulièrement en débat dans ce Parlement. J’ai noté – ce n’est pas une surprise – que la ministre travaille à une plus grande équité en vue de créer des places dans les communes les plus déficitaires.

J’espère qu’au terme de la législature, nous aurons pu en quelque sorte redresser les iniquités que vous avez regrettées mais qui continuent à peser, particulièrement sur un certain nombre de communes, en particulier celles qui sont confrontées massivement au boom démographique.

Vous avez également pointé le fait que vous avez lancé une étude quantitative. Quel est le sens et la valeur ajoutée de cette étude quantitative au regard des objectifs qui sont les vôtres ? Vous avez dit que vous vouliez établir le profil de la population, mais quel est finalement le but et le profit à retirer de cette étude au regard du défi gigantesque qui est celui de l’amélioration de l’offre de crèches dans notre Région ?

Je vous remercie de la précision que vous pourrez apporter à ces remarques.

[Intervention de Monsieur Maron]

Pour retrouver le texte dans son intégralité, cliquez ici.
CR n°46 (2016-2017), Mars 2017, pp. 23-26