Proposition de résolution relative à la promotion de l’usage du français dans les institutions européennes et à la revalorisation du multilinguisme suite au Brexit

PROPOSITION DE RÉSOLUTION RELATIVE À LA PROMOTION DE L’USAGE DU FRANÇAIS DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES ET À LA REVALORISATION DU MULTILINGUISME SUITE AU BREXIT

Proposition déposée par : M. HAMZA FASSI-FIHRI, MMES CHRISTIANE VIENNE, FRANÇOISE BERTIEAUX, JOËLLE MAISON ET VÉRONIQUE SALVI, MM. JEAN-CHARLES LUPERTO ET GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN

Résumé et objectif de la proposition

Le Brexit a suscité plusieurs questionnements par rapport à la manière dont l’Union européenne va dé- sormais se comporter sans le Royaume-Uni et entraîne un certain nombre d’enjeux et d’opportunités. La revalorisation du multilinguisme en fait partie, vu que désormais, l’anglais ne sera plus considéré stricto sensu comme langue officielle de l’Union européenne. En effet, l’Irlande et Malte, seuls pays anglophones, ont respectivement le gaélique et le maltais comme langue d’adhésion. Pourtant, les faits tendent à démontrer que l’anglais garde une place prépondérante en tant que langue de travail et dans la communication de nombreux services et agences exécutives, au détriment parfois des autres langues européennes. En tant que représentants des Francophones de Belgique, les auteurs de la présente proposition entendent saisir cette opportunité pour promouvoir le français et le multilinguisme au sein des institutions européennes et contribuer ainsi à un rapprochement entre celles-ci et les citoyens qu’elles sont censées servir.

Développements

 

Le français est la langue parlée par les citoyens de la Fédération Wallonie-Bruxelles de même que par 290 millions d’autres francophones établis sur les cinq continents. Selon les estimations de l’organisation internationale de la Francophonie ce chiffre pourrait plus que doubler vu l’évolution de la démographie du continent africain pour atteindre 760 millions de locuteurs en 2060, plaçant ainsi le français parmi les trois langues les plus utilisées au monde. Au vu de ces chiffres, on serait en droit de penser que le français figure en bonne place dans les langues utilisées au sein des instances internationales.

Il est vrai que depuis la création des Nations unies, le français est à la fois langue officielle et langue de travail des principaux organes de l’ONU. On le retrouve aussi aux côtés de l’anglais dans des instances telles que le comité international olympique, l’OTAN ou encore le Conseil de l’Europe.

Au niveau de l’Union européenne, les choses sont moins simples, malgré l’histoire et la réglementation en vigueur. D’abord l’histoire. Monet, Schuman sont les premiers à avoir proposé la communauté du charbon et de l’acier, de même que la communauté européenne, quelques années plus tard. La Belgique, avec le Benelux, ne sont pas en reste. Sur les six membres fondateurs trois comptent le français comme langue officielle. Sa place est donc prépondérante. Avec le traité de Rome, instituant la Communauté européenne, un premier règlement est adopté, portant sur le fonctionnement général. Le règlement n˚ 1/58 daté du 15 avril 1958 a veillé à ce que les langues officielles de l’UE soient celles des Etats membres qui la composent. Cette année-là, il y en avait 4 : l’allemand, le français, l’italien et le néerlandais. Mais au fur et à mesure des élargissements successifs, ce nombre a augmenté pour s’établir aujourd’hui à 24. Officiellement donc, le multilinguisme et le respect de la diversité linguistique sont de rigueur et chacune des 24 langues est considérée sur le même pied d’égalité. Mais dans les faits, les agents des institutions et organismes européens qui doivent communiquer entre eux au quotidien ont eu tendance à privilégier certaines langues de travail parmi lesquelles, l’allemand, le français et l’anglais. Depuis les années 90 et notamment suite aux élargissements à l’est, cette érosion s’est accélérée pour finir par faire de l’anglais la quasi seule langue utilisée par les fonctionnaires européens.

Désormais, les conférences de presse se font majoritairement en anglais, les réunions se tiennent en anglais, les documents sont d’abord et avant tout rédigés en anglais. Il suffit, pour s’en convaincre, de consulter les sites des 53 agences, services et directions générales. Les onglets consacrés à l’actualité y sont, majoritairement, uniquement rédigés en anglais ! Or rien ne justifie cet appauvrissement de la diversité linguistique, d’autant que la Cour Européenne de Justice a rappelé, dans un arrêt du 27 novembre 2012 consacré aux avis de recrutement, que ceux-ci doivent être publiés dans toutes les langues officielles de l’Union et que rien ne justifie la maîtrise d’une seconde langue parmi un choix arbitrairement limité à trois langues officielles.

Le 23 juin 2016, le Royaume-Uni a voté par référendum, sa sortie de l’Union européenne. Ce Brexit a suscité de nombreuses questions parmi lesquelles la question linguistique et le statut de l’anglais. Seules Malte et l’Irlande comptent encore l’anglais comme langue officielle alors même que leur langue d’appartenance à l’Union est respectivement le maltais et le gaélique. Avec le Brexit, l’anglais ne sera plus langue officielle de l’UE. Pourtant, son poids au sein des Institutions reste, on l’a vu, prépondérant, et de loin.

Selon l’Eurobaromètre spécial numéro 386 de février/mars 2012 (soit bien avant le Brexit), le français était la langue partagée par 60 millions de locuteurs européens, soit la 4è langue en importance démographique avec 12% derrière l’allemand (16%), l’italien (13%, chiffre identique pour l’anglais à l’époque) et devant l’espagnol et le polonais (8%).

Avec le contexte politique nouveau faisant suite au Brexit, il apparaît important aux auteurs de la présente résolution d’examiner la situation au niveau national et européen, de réévaluer les équilibres linguistiques au sein des Institutions européennes, de réaffirmer leur attachement à la diversité linguistique et culturelle tout en promouvant l’usage du français.

 PROPOSITION DE RÉSOLUTION
relative à la promotion de l’usage du Français dans les institutions européennes et à la revalorisation du multilinguisme suite au Brexit 

 

En ce qui concerne le multilinguisme en vigueur dans l’Union européenne

a) Vu le règlement CE n˚1/1958 qui fixe le régime linguistique et définit les langues officielles et de travail dans les institutions européennes ;

b) Considérant que l’Union européenne compte aujourd’hui vingt-quatre langues officielles ;

c) Considérant que les conclusions du Conseil du 12 juin 1995 sur la diversité linguistique et le plurilinguisme dans l’Union européenne soulignaient qu’il convient de préserver la diversité linguistique et de promouvoir le plurilinguisme dans l’Union, dans l’égal respect des langues de l’Union et à la lumière du principe de la subsidiarité ;

d) Vu la résolution sur la diversité linguistique dans l’Union européenne adoptée par l’assemblée nationale française le 6 janvier 2004 ;

e) Vu l’arrêt du 27 novembre 2012 de la CJUE qui condamne la Commission européenne à respecter le multilinguisme dans ses avis de recrutement ;

f) Constatant que l’anglais tend à devenir la langue de travail unique utilisée par les fonctionnaires de la commission européenne portant ainsi atteinte au principe de pluralisme linguistique institué ;

g) Regrettant que l’essentiel de la communication des institutions européennes vers le grand public et notamment les sites internet officiels, ne se font pas dans toutes les langues mais principalement en anglais ;

h) Estimant que le strict respect du multilinguisme peut contribuer à un rapprochement entre le citoyen et ses institutions ;

En ce qui concerne la place du français dans l’Union européenne ;

i) Considérant que la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a pour régime linguistique l’anglais et le français et que le Comité des Représentants Permanents (COREPER) utilise l’anglais, le français et l’allemand ;

j) Vu que la procédure à la Cour de justice de l’Union européenne et au Tribunal de première instance se déroule en français ;

k) Considérant que les principales institutions de l’Union Européenne se situent dans des villes francophones ou françaises, telles Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg ;

l) Considérant le « Rapport au Parlement sur l’emploi de la langue française » publié en novembre 2016 ;

m) Considérant plus particulièrement son chapitre consacré aux « pratiques linguistiques dans le fonctionnement des institutions européennes » qui démontre le déclin de l’usage du français et des autres langues au profit de l’anglais ;

En ce qui concerne la Francophonie

n) Vu l’accord entre la Communauté française, la France, le Grand-Duché de Luxembourg, et l’ACCT (Agence de Coopération Culturelle et Technique) en janvier 2002 visant à créer un plan d’action pour la défense du français au sein des institutions européennes ;

o) Vu l’accord passé par la COCOF et l’Alliance Française Bruxelles Europe, et le CGRI (Commissariat Général aux Relations Internationales) en 1996 visant à dispenser des cours de français aux diplomates et journalistes en poste à Bruxelles ;

p) Vu la déclaration des chefs d’Etats et de gouvernements de la Francophonie adoptée le 27 novembre 2004 lors du sommet de Ouagadougou et qui entendait notamment « assurer le statut et la promotion du français comme grande langue de communication sur le plan international et comme outil d’élaboration et de transmission des savoirs. » ;

q) Vu le Vade-mecum relatif à l’usage de la langue française dans les organisations internationales adopté par la 22è session de la Conférence ministérielle de la Francophonie à Bucarest, le 26 septembre 2006 ;

r) Vu le document de suivi du Vade-mecum relatif à l’usage de la langue française dans les organisations internationales conçu pour « se doter des moyens de renforcer, en toutes circonstances, la présence de la langue française au service du multilinguisme. » ;

s) Vu la résolution relative à la nécessité d’une coopération renforcée au sein de la Francophonie sur le plurilinguisme et l’usage du français dans les organisations internationales adoptée par l’APF le 8 juillet 2010 à Dakar ;

En ce qui concerne le Brexit

t) Vu la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit) votée par referendum par le Royaume-Uni le 23 juin 2016 ;

u) Considérant que désormais seuls les citoyens maltais et irlandais utilisent l’anglais comme langue officielle bien que ce soient le maltais et le gaélique qui aient été introduits par eux comme première langue officielle respective auprès de l’Union européenne ;

v) Considérant que cet événement implique la nécessité de mettre à jour les statistiques au sujet des langues officielles de l’Union européenne.

Le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

demande au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

1 – de proposer à la Francophonie en tant qu’organisation internationale de mettre à profit la période de négociation liée au Brexit pour intervenir auprès de l’Union européenne afin de rendre au français la place qui lui revient ;

2 – de prendre une initiative avec des Etats membres de la Francophonie et de l’Union européenne pour déterminer ensemble une stratégie en vue de promouvoir le français comme langue de travail au sein des instances européennes ;

3 – d’inviter ses autorités politiques, administratives et membres de sa diplomatie à privilégier l’usage du français lorsqu’ils doivent intervenir par des prises de parole et de communication dans des contextes multilingues ;

4 – de promouvoir des initiatives de promotion du français visant les fonctionnaires européens et le monde professionnel qui gravitent autour de l’Union européenne (formations en langue française, stages, mise à disposition et échanges d’experts francophones, visites culturelles dans les capitales des institutions européennes (toutes francophones, . . .) ;

5 – d’agir avec et/ou auprès du Gouvernement fédéral afin

a. de travailler de concert avec les représentants des autres Etats membres afin d’accentuer la promotion et le respect des principes du multilinguisme et de la diversité´ culturelle ainsi que le statut des langues officielles ;

b. de rendre accessible, plus rapidement et de manière systématique, par les institutions et organismes de l’UE qui ne le font pas encore, une traduction française et des autres langues officielles de l’Union de tout document publié quel que soit son support ;

saisira l’Assemblée parlementaire de la Francophonie/Région Europe de cette question afin de mobiliser l’ensemble des parlementaires nationaux d’Europe auprès de leurs gouvernements respectifs ;

communiquera la présente résolution au Parlement européen en lui suggérant de réactiver le ré- seau des parlementaires européens francophones.

H. Fassi-Fihri
C. Vienne
F. Bertieaux
J. Maison
V. Salvi
J.-C. Luperto
G. Van Goidsenhoven

 

Pour retrouver la proposition dans son intégralité, cliquez ici.
554 (2017-2018) – n°1, Novembre 2017, 5 p.