Interpellation sur la mise en place d’une « Task-Force » chargée de coordonner la stratégie culturelle sur le territoire régional

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique

concernant la mise en place d’une « Task-Force » chargée de coordonner la stratégie culturelle sur le territoire régional.

 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- En juillet dernier, à l’occasion d’une interpellation adressée à la présidente du Collège de la Cocof et portant sur la mise en place d’un groupe de travail chargé de coordonner la stratégie culturelle sur le territoire de notre Région, il nous a été signifié que « la mise en place d’une instance de concertation entre les différents pouvoirs publics compétents à Bruxelles en matière culturelle revenait à l’initiative du ministre-président de la Région bruxelloise. C’est en effet lui qui dispose de toute la légitimité pour rassembler autour de lui l’ensemble des pouvoirs publics compétents, tant du côté francophone que du côté néerlandophone. »

En effet, toujours selon la présidente du Collège de la Cocof, « la Région peut, sur la base de ses nouvelles compétences culturelles, jouer ce rôle de levier au niveau de la concertation. Si la Cocof entend jouer pleinement son rôle, de manière loyale et active dans le cadre de ces concertations pour développer des projets à Bruxelles, la mention a été faite de contacts déjà existants le ministre-président ».

En janvier dernier, une réunion a eu lieu, regroupant huit responsables politiques et pas moins de 150 directeurs d’organisations culturelles bruxelloises. À l’issue de celle-ci, la nécessité a été soulignée de proposer une alternative à la situation actuelle, décrite comme « un champ de bataille politico-culturel, où les enjeux uniques sont traités sous des angles multiples ».

Monsieur le ministre-président, lors de votre rentrée politique du mois de septembre, vous faisiez état dans la presse d’une récente rencontre avec les acteurs culturels bruxellois. Vous souligniez à cette occasion l’émergence d’une dynamique bruxelloise qui dépasse le clivage entre Communautés. C’est donc en toute logique que je souhaiterais vous interpeller à ce sujet à l’aune de cette réunion.

Qu’en est-il de la mise en place effective de ce groupe de travail, dans le but de développer des concertations entre différents partenaires publics ?

Quelle est la composition de ce groupe de travail et quelles sont les actions qu’il a pu entreprendre, à court ou à moyen terme, dans le but promouvoir et d’installer une politique culturelle digne de notre ville-capitale ?

Quelles avancées concrètes ont-elles été constatées en vue d’élaborer un véritable projet culturel bruxellois en parfaite synergie avec les Communautés et avec le concours de leurs ministres de la Culture respectifs ?

Autour de quelles thématiques précises ces concertations se sont-elles articulées ?

Quelles sont les priorités que vous avez identifiées à la suite de cette rencontre afin de pouvoir enfin donner un signal concret de votre volonté d’avancer dans la politique culturelle bruxelloise ?

Un calendrier des futures rencontres a-t-il déjà été fixé ?

Le groupe MR considère que les politiques culturelles ont un urgent besoin de structuration et de coordination pour se montrer à la hauteur des enjeux de notre ville-région. Or, si votre déclaration de politique générale témoigne d’une volonté de mener une politique culturelle ambitieuse, de nombreux obstacles demeurent pour qu’enfin les acteurs culturels bruxellois, quelle que soit leur appartenance linguistique, participent pleinement à la construction d’une identité positive, propre à notre Région. 

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Je commencerai par expliquer la création du groupe de travail chargé de coordonner la stratégie culturelle sur le territoire régional, puis je passerai au rôle de la Région en matière culturelle. Ces deux sujets sont intimement liés.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à diverses reprises, la Région bruxelloise, par sa situation et son histoire, est en soi un projet culturel. Je ne peux concevoir de projet de Région, de projet de société pour ses habitants, pour ceux qui y travaillent, qui la visitent et qui y vivent, sans que la question fondamentale de la culture soit au centre de nos préoccupations.

En effet, il ne peut y avoir de projet urbain sans identité et il ne peut y avoir d’identité urbaine sans une action culturelle qui soit vectrice d’émancipation individuelle et collective. J’exprime ainsi la réalité d’une identité bruxelloise. Il suffit de rencontrer les acteurs culturels pour se rendre compte que cela fait partie d’un sentiment profond et partagé. 

En ce sens, cet enjeu culturel doit mobiliser toutes les forces vives que compte la Région bruxelloise et transcender les aspects institutionnels. Face à ce constat, doublé de l’urgence dans laquelle se trouve notre société mondialisée – replis identitaires, montée en puissance des radicalismes et extrémismes de toute nature -, de nombreux enjeux de développement culturel dépassent le simple territoire local ou régional et dépendent, par conséquent, de pouvoirs publics différents.

Nous ne devons pas oublier l’intervention légitime des Communautés et de leurs commissions communautaires à Bruxelles, au travers de leurs différents outils et institutions. Par ailleurs, depuis de nombreuses années, des pouvoirs publics n’exerçant pas directement de compétences culturelles spécifiques interviennent dans le champ culturel bruxellois. Il en va ainsi du gouvernement fédéral et des budgets octroyés aux CPAS en vue de garantir la participation des usagers à la vie culturelle ou dans le cadre préventif de la politique des grandes villes (même si ceux-ci sont maintenant transférés vers les Régions) et des contrats de sécurité et de société.

De même, des politiques spécifiquement régionales contribuent pleinement à l’épanouissement et la pérennisation des projets portés par les opérateurs culturels bruxellois. Je pense ici à notre compétence en matière d’image de Bruxelles, qui nous a bien servis dans le passé pour développer la culture et le tourisme à Bruxelles et valoriser son attractivité. Nous avons aussi utilisé nos compétences en matière d’emploi, avec par exemple l’attribution de postes d’agent contractuel subventionné (ACS) pour des projets culturels, de mobilité, d’aménagement du territoire, de revitalisation des quartiers fragilisés, de logement. Toutes ces compétences, lorsqu’on les exerce, doivent intégrer la dimension culturelle si on veut réussir le développement de la ville de demain.

J’ai pu constater, lorsque nous nous sommes rendus au musée d’Ixelles, la multitude des acteurs culturels présents à Bruxelles. Même Mme Sleurs était présente.

Je ne l’ai plus entendue depuis, mais je puis vous confirmer que Mme Elke Sleurs était bel et bien présente. Nous avons pu constater que depuis la candidature de Bruxelles comme capitale européenne de la culture portée par mon prédécesseur, et l’organisation de Bruxelles 2000, la culture bruxelloise est en mouvement, transcendant au quotidien et au fil de projets des plus fédérateurs nos logiques communautaires ! Ils ont pour noms Brosella Folk & Jazz Festival, Kunstenfestivaldesarts, Nocturnes des musées bruxellois (Museum Night Fever), Toernee General du Koninklijke Vlaamse Schouwburg (KVS) et du Théâtre national de Belgique (TNB), sans oublier bien sûr la Zinneke parade.

Comme vous le savez, tous ces éléments ont également amené le secteur culturel bruxellois à se fédérer autour d’un Plan culturel pour Bruxelles, appelant pour la première fois au développement d’une véritable politique culturelle concertée au niveau bruxellois et à la « mise sur pied, par les deux Communautés, la VGC, la Cocof et la Région de Bruxelles-Capitale, d’une cellule de coordination pour les affaires culturelles ».

Vous reconnaîtrez certainement que le secteur a depuis été entendu, puisque nous aurons tour à tour porté et finalisé le Plan culturel pour Bruxelles avec mon collègue Rachid Madrane. L’Agence de développement territorial pour la Région de Bruxelles-Capitale (ADT) aura été également chargée par mon gouvernement de réaliser une évaluation de l’offre en termes d’équipements créatifs et culturels. De même, un important chapitre dédié à la culture aura été intégré sous mon impulsion au projet de Plan régional de développement durable (PRDD) et j’ai décidé tout récemment de soutenir le Réseau des arts et le Brussels Kunstenoverleg (BKO) dans leur démarche de réflexion et de participation aux enjeux bruxellois, les associant en outre régulièrement, par exemple à la création de l’Agence bruxelloise du tourisme.

Dans le même esprit, je ne dois pas vous rappeler mon engagement constant dans le projet de création du musée d’art moderne et contemporain dans le bâtiment Citroën, visant à doter ce quartier du canal d’un pôle culturel majeur et à le transformer en véritable quartier de vie.

Enfin, comme vous l’évoquez, et aux côtés des soutiens concrets apportés aux projets culturels au travers de la promotion de l’image de Bruxelles, la dernière réforme de l’État et l’article 4bis ajouté dans la loi spéciale des Institutions bruxelloises du 12 janvier 1989 attribuent explicitement à la Région la pleine compétence pour les matières culturelles biculturelles d’intérêt régional, tels les beaux-arts, le patrimoine culturel, les musées et les autres institutions scientifiques culturelles, à l’exception toutefois des monuments et sites et des institutions culturelles fédérales.

Sur la base de cette toute nouvelle compétence, à implémenter aux côtés des autres pans de compétences confiées récemment à la Région, il nous sera donc possible, par exemple, de porter légalement un projet de musée d’art moderne et contemporain. De la même manière, le Meyboom, datant de 1308 et reconnu comme patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’Unesco, l’Ommegang ou encore la Zinneke Parade appartiennent indéniablement à notre patrimoine culturel immatériel bruxellois et sont donc partie intégrante du patrimoine culturel, qui est une compétence également confiée à la Région. C’est dans cet esprit que je travaille actuellement avec mon cabinet à la rédaction d’un projet d’ordonnance qui vous sera soumis prochainement.

D’autres projets à portée métropolitaine et/ou internationale et s’adressant tant à des publics issus de deux de nos Communautés nationales qu’à des publics étrangers, tels que le Kunstenfestivaldesarts ou les Toernee General, sont également inscrits à notre agenda. Comme vous le voyez, les défis sont multiples, autant que les acteurs, et si la culture doit effectivement transcender toutes les compétences, il y a lieu, comme pour toute création théâtrale, de désigner un « régisseur général », garant de la bonne utilisation des ressources et respectueux des énergies et de l’autonomie des créateurs comme des différents intervenants et corps de métier rendant possible cette création.

C’est bien là le rôle que j’entrevois pour notre Région, celui de « régisseur-ensemblier » et non de « coupole », au service de cette « task force » que vous évoquez, sorte d’agence de développement culturel pour Bruxelles réunissant à parité les représentants des différents pouvoirs publics concernés et les représentants des réseaux : le Réseau des arts à Bruxelles, le Brussels Kunstenoverleg, la Concertation des centres culturels bruxellois qui est la structure représentant les vingt-deux centres communautaires, le Conseil bruxellois des musées ou encore le Conseil consultatif de cohésion sociale.

Une telle plate-forme d’initiative régionale constituera le lieu idéal de dialogue autour d’une réflexion et d’une action culturelle transversale, coopérative et intégrée, attendue par l’ensemble des opérateurs culturels bruxellois.

Lors du panel organisé par les réseaux culturels bruxellois le 12 janvier dernier, j’ai pu entendre le souhait, exprimé par l’ensemble des huit ministres présents, de plus de dialogue entre les entités de ce pays et d’une meilleure coordination des politiques culturelles à l’égard de la Région bruxelloise.

Depuis, j’ai pris l’initiative de rencontrer Sven Gatz, Didier Reynders, Joëlle Milquet et Fadila Laanan, et d’organiser tout récemment une première rencontre de travail avec l’ensemble des réseaux évoqués plus haut afin d’entendre leurs besoins et attentes à l’égard de notre Région. Au regard de leur mobilisation face à cette invitation, je ne peux que me réjouir de cette nouvelle collaboration, de la formidable énergie et du dynamisme de nos acteurs culturels.

À la suite de cette rencontre, nous avons convenu qu’ils me feraient parvenir une première série d’axes et actions concrètes qu’ils souhaitent nous voir aborder en priorité. Je tiens ici à rappeler que le temps culturel n’est pas le temps politique. Il y a donc lieu, au vu des enjeux fondamentaux de l’action culturelle en Région bruxelloise, de se donner le temps de la consultation, de la concertation, de la « co-construction » qui nous est si chère et qui constitue notre marque de fabrique.

Voilà donc le rôle que j’entrevois pour la Région, celui de facilitateur, l’objectif étant de répondre aux attentes et besoins des Bruxellois.

Les rôles que nous avons pu jouer dans d’autres domaines, comme l’enseignement, ont bien montré l’utilité pour la Région de se doter des moyens d’objectiver ses besoins émergeant.

Notre rôle et notre responsabilité sont d’accompagner cette émergence avec ouverture, inclusion et non repli. C’est là que se situe très clairement l’avenir de notre Région. 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- M. le ministre-président, j’ai pris bonne note des avancées que vous portez à notre connaissance. Vous avez pointé le fait que le temps culturel n’était pas le temps politique et que nous en étions au moment de la consultation et de la concertation. Quelles en sont les échéances ? Pensez-vous que des avancées significatives seront réalisées dans les mois qui viennent ?

Dans le cadre du Plan culturel bruxellois, vous aviez parlé d’une cellule de coordination. Pourriez-vous m’en dire plus quant à sa composition et son fonctionnement ?

Enfin, comme vous avez soulevé la question dans votre réponse, pouvez-vous me dire ce qu’il en est de l’état d’avancement du projet de musée ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- En termes de calendrier, nous avons évoqué avec les réseaux une formalisation de leurs attentes pour le printemps prochain. Nous verrons ensuite comment concrétiser ces demandes. Force est de constater que les acteurs sont très nombreux.

Nous ressentons, dans le secteur culturel bruxellois, le besoin de jeter des ponts entre Communautés. J’ai évoqué le musée d’art moderne et contemporain. L’action culturelle de la Communauté flamande, par exemple, est très visible et menée au bénéfice de l’ensemble des Bruxellois de manière citoyenne. Des acteurs culturels sont donc ouverts à la réalité bruxelloise. La manière dont les Bruxellois approchent les politiques culturelles a fortement évolué.

Parfois, les politiques culturelles accusent du retard par rapport à la perception qu’en ont les habitants. Nous devons alors nous inscrire dans un processus qui facilite le consensus.

Quant au musée, nous programmerons une visite à la fin de cette année. 

 

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CRI COM (2015-2016) n°11, Octobre 2015, pp. 7-15