Interpellation concernant les déclarations du directeur général f.f. de la STIB à propos des besoins budgétaires de la société de transports publics et sa considération pour les clients de la STIB.

INTERPELLATION DE M. GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN À MME BRIGITTE GROUWELS, MINISTRE DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE, CHARGÉE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES TRANSPORTS,

concernant « les déclarations du directeur général f.f. de la STIB à propos des besoins budgétaires de la société de transports publics et sa considération pour les clients de la STIB ».

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Comme bon nombre d’entre nous, j’ai été pour le moins stupéfait de lire l’interview que le directeur faisant fonction de la STIB accordait au quotidien De Morgen le 20 avril dernier.

M. Lauwers profitait en effet de cet entretien avec un journaliste pour dresser les contours de sa vision du futur de la société de transports publics, ainsi que des défis budgétaires auxquels elle est confrontée.

Cette interview fut ensuite très largement reprise dans différents médias nationaux et ne manqua pas de susciter divers commentaires sur lesquels je reviendrai.

Ainsi donc, le candidat au poste suprême à la STIB plaide pour que l’on aille chercher davantage d’argent chez les voyageurs. Je le cite : « La dernière machine à sous, c’est naturellement le client. Nous devons sans aucun doute le traire. Nous devons tendre vers une situation où le transport public est payé à son prix réel ».

M. Lauwers semble également douter de l’efficacité des abonnements. Je le cite à nouveau : « Avec ce système, on incite les gens à prendre le plus possible les transports en commun (…) Les gens peuvent marcher, faire du vélo et, en cas de besoin, prendre la voiture. Nous devons surtout veiller à ce que les gens se déplacent sainement et de manière confortable dans la ville. Si quelqu’un prend le bus pour deux arrêts, je trouve que nous avons échoué dans notre mission ».

Je souhaite aujourd’hui entendre votre réaction – au nom du gouvernement, j’insiste – suite aux propos du directeur faisant fonction de la STIB.

Avant tout, cette position est-elle largement répandue au sein de la STIB ? Je sais déjà que le conseil d’administration s’est tout à fait désolidarisé des déclarations fracassantes de M. Lauwers puisque j’ai pu lire que son vice-président, M. Chahid, au nom du PS, demandait ni plus ni moins la démission de M. Lauwers.

J’ai également pris connaissance des réactions des ministres Huytebroeck et Cerexhe, qui condamnaient les propos de Kris Lauwers.

Vous avez, pour votre part, fait preuve d’une grande prudence. L’heure me semble largement venue de vous entendre sereinement sur ce sujet. Aussi, j’attends de vous des réponses claires aux questions suivantes concernant votre politique de mobilité et le respect de nos concitoyens.

M. Lauwers exprime-t-il votre position dans sa manière de considérer nos concitoyens, qui sont les clients de la STIB ?

À l’heure où tout le monde s’accorde autour de l’idée qu’il faut décongestionner notre Région, soutenez-vous qu’il conviendrait de faire payer au client le prix fort pour ses déplacements en transports en commun, voire de le dissuader d’utiliser le réseau lors de petits trajets ?

Dès lors, les voyageurs doivent-ils craindre une augmentation significative des prix ?

Le principe même de la gratuité des transports publics est-il définitivement abandonné ?

Avez-vous aussi comme projet de vous attaquer aux abonnements sous l’autel de ces déficits budgétaires ?

Avez-vous connaissance de plans stratégiques internes à la STIB qui viseraient à « traire les voyageurs », comme le disait si poétiquement M. Lauwers ?

Enfin, maintenez-vous, oui ou non, votre confiance en M. Lauwers pour mettre en œuvre les accords de gouvernement ?

Quelles conséquences ses déclarations pourraient-elles avoir pour son propre avenir au sein de la STIB ?

Pour ma part, je ferai mienne l’introduction d’un article que le quotidien La Libre Belgique consacrait à ces événements : « Kris Lauwers vient sans doute de griller, voire de carboniser sa candidature à la direction de la STIB ».

[Interpellation jointe de M. Didier Gosuin]

[Interpellation jointe de Mme. Annemie Maes]

[Intervention de Mme Céline Delforge]

[Intervention de Mme Françoise Schepmans]

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- Récemment, durant la séance plénière du 27 avril 2012, j’ai déjà longuement répondu aux questions que vous me posez aujourd’hui en commission. J’avais alors commenté en détail les réactions suscitées par les propos de Kris Lauwers. Mais je vous répète volontiers les grandes lignes de ma réponse.

D’abord, je souligne une fois de plus que j’ai immédiatement et expressément pris mes distances avec les propos attribués à M. Lauwers par le journal De Morgen. Ils sont indignes du directeur d’une société de transports publics et démontrent un manque total de respect pour le client, pour le voyageur. Mais contrairement à d’autres, j’ai aussi tenté de jouer la balle et pas le joueur dans ce dossier, cela pour deux raisons.

La première est qu’il existe un droit de défense. Et dans sa défense, Kris Lauwers conteste avoir tenu certains propos qui lui ont été attribués par le journal en question. Le directeur de la STIB s’est-il mal exprimé ? Le journal a-t-il sorti certains mots ou phrases de leur contexte ? Je l’ignore.

Ce que je sais, c’est que le Kris Lauwers du journal n’est pas celui que j’ai appris à connaître en tant que ministre de tutelle. De Morgen brosse le portrait d’un homme alliant un discours radical à une attitude négative. Le Kris Lauwers que je connais associe une vision nuancée sur la mobilité et les transports publics à une approche neutre et constructive.

La deuxième raison pour laquelle j’ai pris mes distances avec les propos de Kris Lauwers tels qu’ils sont parus dans De Morgen, est que personne ne peut être jugé sur un seul fait. On ne peut pas avoir un jugement équilibré sur une personne en se basant sur une seule interview. Même en supposant que l’interview ait été restituée tout à fait correctement, l’image globale du fonctionnement de Kris Lauwers à la tête de la STIB ne peut être perdue de vue. Et cette image globale est indubitablement positive. Kris Lauwers a contribué en grande partie au succès de la STIB depuis 2005 en tant que directeur général adjoint, et depuis peu en tant que directeur général faisant fonction.

Cette société de transports en commun a évolué, passant d’une société qui offrait il y a une dizaine d’années la possibilité de se déplacer à des personnes qui ne disposaient pas d’autres moyens de déplacement à une société qui donne l’impression que se déplacer en transports en commun est un élément de la vie en ville, peu importe que l’on dispose ou non d’une voiture. L’utilisation du transport en commun est devenu un mode de vie et une manière non désagréable de se déplacer.

Il ne faut pas oublier que la STIB a pris de l’envol et fortement changé, notamment sous l’influence de cette personne, qui aide à la diriger depuis des années. La STIB risque même d’être victime de son propre succès.

Sa part de marché croissante et l’accroissement considérable de la population la confrontent à des problèmes de capacité. Afin de lever ces difficultés, il convient de fournir un énorme effort d’investissement. Un effort qui ne peut être financé que par des moyens régionaux. C’est également la teneur de la note d’orientation, qui a été approuvée par le gouvernement bruxellois et qui constitue la base du futur contrat de gestion de la STIB, dont nous avons largement débattu dans cette commission. Dans la mesure où nous avons eu ces débats il y a peu, je ne souhaite pas entrer dans les détails à propos d’éventuelles sources de financement. 

J’espère qu’il est maintenant clair pour tout le monde que le but n’est pas de traire les clients. La note d’orientation pour le nouveau contrat de gestion s’inscrit d’ailleurs dans une toute autre tendance, qui place l’usager au centre. Face au problème de capacité, nous devons nous demander comment servir au mieux les usagers.

Je ne suis pas opposée à une tarification urbaine, mais si celle-ci se limite à notre Région, les désavantages socio-économiques seront plus nombreux que les avantages, avec un risque de délocalisation des entreprises. L’introduction plus générale d’une redevance kilométrique serait plus indiquée.

En ce moment, une introduction éventuelle ou l’utilisation d’une partie des recettes pour le financement des transports publics n’est cependant que purement hypothétique. Il n’existe pas d’accord entre les trois Régions.

Par conséquent, nous devons continuer à chercher le financement des développements nécessaires pour le transport public à Bruxelles dans d’autres directions.

En ce qui concerne les questions relatives à la procédure de sélection d’un nouveau directeur général pour la STIB, je renvoie à ma réponse faite lors de la Commission de l’infrastructure du 9 mai dernier.

La procédure de sélection et les critères de recrutement d’un nouveau directeur général de la STIB ont été fixés par le gouvernement, qui est compétent pour la nomination et la démission du directeur-général de la STIB.

Un rôle important a ici été confié à un jury d’experts externes, qui sont chargés de la présélection des candidats jugés aptes sur la base de critères de sélection fixés également par le gouvernement. Tous les critères sont donc déjà fixés.

Ni le directeur général précédent, ni le directeur général adjoint de la STIB ne se sont vus confier un rôle dans le cadre de cette procédure de sélection. Ils n’ont pas pu et ne peuvent pas l’influencer.

La procédure de sélection prévoit un traitement confidentiel des candidatures. Aujourd’hui, seul le jury a connaissance de la liste des candidatures et le jury n’a, en toute logique, pas fait de communication à ce sujet. C’est pourquoi cette procédure de sélection se poursuit comme elle a été fixée. Il est par ailleurs déconseillé de se baser sur les informations de tiers, qui ne sont pas impliqués dans cette phase de la procédure.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- À entendre Mme Grouwels, on croirait qu’il n’y a aucun problème ! J’espérais qu’une fois passées les questions d’actualité et l’émotion première, nous n’aurions plus affaire à de la langue de bois. Cet espoir risque vraisemblablement d’être déçu cet après-midi.

Derrière tout cela, je devine une grande hypocrisie et un double discours. J’ai l’impression que l’on ne se rend pas bien compte que la situation se dégrade en termes de confort dans les transports en commun, que les ruptures de charge sont toujours d’actualité. On connaît même des suppressions de ligne le week-end, là où les pouvoirs locaux demandent à corps et à cris de les maintenir.

En définitive, je pense que la STIB vit des heures difficiles. Je ne puis vous dire ce que M. Lauwers a voulu faire. Vous dites que ses propos ne lui ressemblent pas, qu’il n’a pu dire que le contraire. Pourquoi alors avoir donné une interview au journal De Morgen ? Quel était le message qu’il voulait faire passer, si ce n’est celui qui a été colporté et qui a entraîné toute cette émotion ?

Si, en définitive, ces propos qui ont choqué bon nombre d’entre nous, revêtent bel et bien le sens que nous leur prêtons, que voulait dire M. Lauwers ? Voulait-il adresser un signal d’alarme, signifier que la STIB est aux abois ?

Nous ne pouvons clore le débat sans que se soient présentés un certain nombre de questionnements au préalable. Qu’est-ce qui se dit au sein de la STIB ? Y a-t-il une rupture de plus en plus profonde entre la vision des dirigeants de cette société et le discours officiel du gouvernement ?

Nous nous devons de voir les choses telles qu’elles sont et devons arrêter de nous barricader derrière cette forme d’aveuglement, de contestation. Il existe un réel malaise et nous devons l’appréhender !

Je ne cherche pas à avoir la tête de qui que ce soit, mais nous répondre que ces propos ne lui ressemblent pas, qu’ils vont à l’encontre de sa vision des choses ne fait que nous détourner des véritables questions : quelle est sa vision des choses ? Pourquoi avoir pris la parole ? Quel était le sens de cette interview ?

Une fois pour toutes, j’aimerais savoir s’il y a effectivement eu partage de vue entre le gouvernement et les personnes qui, quotidiennement, s’occupent de la gestion de la STIB.

[Intervention de M. Didier Gosuin]

[Intervention de Mme Annemie Maes]

 

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CRI COM (2011-2012) n°94, Mai 2012, pp. 29-45