Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN Goidsenhoven, Député, adressée à Mme Bianca Debaets, Secrétaire d’Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, chargée de la Coopération au développement, de la Sécurité routière, de l’Informatique régionale et communale, de la Transition numérique, de l’Egalité des chances et du Bien-être animal,
Concernant « les mesures prises par la Région en vue de lutter contre l’écart salarial entre les femmes et les hommes à Bruxelles ».
M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- La question de l’égalité sur le marché du travail n’est pas neuve. À l’analyse de terrain, les femmes semblent, encore aujourd’hui, désavantagées tant pour l’accès à l’emploi que pour le salaire et la pension. Ces inégalités ont pour conséquence, entre autres, que la pauvreté touche davantage les femmes.
J’ai cependant pu relever qu’une évolution positive semblait se dessiner. Je me réfère ici au rapport 2012 sur l’écart salarial rédigé par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, l’institution publique fédérale belge chargée de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et de combattre toute forme de discrimination et d’inégalité fondée sur le sexe.
Toutefois, selon ces experts, dans l’Union européenne, les femmes ont dû travailler en moyenne jusqu’au 2 mars 2012 pour gagner autant que les hommes sur toute l’année 2011, avec des conséquences sur les pensions que j’évoquerai dans un instant.
Globalement, l’écart salarial entre les femmes et les hommes s’est réduit. En 40 ans, il a diminué de moitié. Les salaires des femmes et des hommes continuent d’augmenter, mais de façon plus marquée pour les femmes, ce qui explique que l’écart des salaires se réduit.
Ce dernier est moindre dans le secteur public que dans le secteur privé. Dans le privé, une femme employée ou ouvrière perçoit un salaire annuel brut en moyenne inférieur de 35% à celui d’un homme. Sur une base annuelle, l’effet du temps partiel, essentiellement féminin, est pris en compte et creuse l’écart. Traduit en salaire horaire brut, la moyenne est de 24% pour les employées et de 15% pour les ouvrières. Le travail à temps partiel est ici neutralisé. L’écart est donc moins important.
La logique du travail n’est pas neutre en termes de genre. Les femmes occupent plus souvent des emplois à temps partiel. Elles sont plus affectées que les hommes à des tâches domestiques non rémunérées. Sur le marché du travail, les fonctions à prédominance féminine sont plus souvent organisées en temps partiel, comme dans le nettoyage ou la distribution. Or, le travail à temps partiel est moins bien rémunéré. Cela vaut d’ailleurs tant pour les femmes que pour les hommes, même si ces derniers sont minoritaires dans cette catégorie. La femme travaillant à temps partiel est donc doublement pénalisée.
Mais le rapport auquel je fais référence constate que les femmes effectuent moins d’heures que les hommes, que ce soit à temps plein ou à temps partiel, ce qui explique en partie l’écart salarial. Bénéficiant d’un salaire moins élevé que celui des hommes, les femmes sont lésées en termes de primes, dans la mesure où celles-ci sont partiellement calculées sur ledit salaire.
Vous le savez, le taux d’emploi des femmes n’a cessé d’augmenter depuis de nombreuses années. Celui des hommes est stable. La crise économique s’est toutefois fait ressentir, surtout parmi les hommes. Chez les femmes, et pour la première fois depuis des années, ce taux diminue légèrement. Toutefois, il convient de noter que l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail concerne le plus souvent des emplois moins bien rémunérés, ce qui a pour effet de creuser l’écart salarial.
L’absence de perspectives à long terme, des emplois mal rétribués et la discrimination à l’embauche sont autant d’éléments qui maintiennent l’inégalité de genre dans la participation au travail et qui peuvent amener certaines femmes à y renoncer.
Toujours selon le rapport 2012 sur l’écart salarial réalisé par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, une femme sur cinq travaillant à temps plein a touché un salaire mensuel brut inférieur à 2.000 euros. Pour les hommes, c’est le cas pour un salarié sur dix. Enfin, les femmes restent sous-représentées dans les fonctions supérieures : en 2009, 4% des femmes gagnaient plus de 5.000 euros bruts par mois contre 7,6% des hommes.
Je vous sais attentive à cette problématique. Dès lors, je souhaite vous interroger au sujet des mesures prises au niveau bruxellois pour tendre davantage vers cet indispensable équilibre entre hommes et femmes sur le marché du travail. Je suis, pour ma part, convaincu que cet équilibre ne se décrète pas. Il se travaille par petites touches, par incitants, voire par différentes mesures vis-à- vis des employeurs, privés comme publics.
Pour atteindre cette égalité, il nous faut travailler sur les facteurs qui alimentent les inégalités au départ d’analyses précises. Au niveau de la Région de Bruxelles-Capitale, le projet d’approche intégrée de la dimension de genre est en place depuis 2010 et a donné lieu à l’adoption, en mars 2012, d’une ordonnance qui engage le gouvernement à intégrer la dimension de genre dans l’ensemble des politiques, mesures, préparations de budgets ou actions qu’il prend et cela, en vue d’éviter ou de corriger d’éventuelles inégalités entre les femmes et les hommes.
Par cette ordonnance, la Région s’engage à développer des instruments de mesure de l’égalité des sexes, à récolter des données sexuées et à tenir compte des besoins des femmes, mais aussi à considérer la dimension de genre dans les plans de gestion, marchés et contrats publics, dans les instruments de planification stratégique des services publics et dans l’octroi de subsides.
Quels projets très concrets ont-ils été développés récemment dans ce cadre par les départements sur lesquels vous exercez votre tutelle ? Quels résultats ont-ils déjà été engrangés ? Quels outils efficaces vos services utilisent-ils afin de bien cerner le phénomène des inégalités au travail dans notre Région ? Plus fondamentalement, où se situent selon vous les prochains défis réalistes à atteindre ? Quels sont les opérateurs régionaux et les budgets qui doivent être mobilisés dans ce but ?
Vous l’aurez compris, j’encourage le gouvernement bruxellois à intégrer cette dimension de genre dans tous ses projets, en particulier dans les exercices d’évaluation des mesures prises jusqu’ici, en vue de tendre vers une certaine efficience des politiques publiques régionales en matière d’économie et d’emploi.
Au travers de mon interpellation, je souhaite donc obtenir des engagements qui confirment la volonté gouvernementale d’agir plus encore dans cette matière, qui nous concerne toutes et tous.
[Intervention de M. Benoît Cerexhe]
[Intervention de M. Emmanuel De Bock]
Mme Bianca Debaets, secrétaire d’État.- Il s’agit effectivement d’une question qui dépasse le cadre de mes compétences.
Le gouvernement bruxellois est le premier gouvernement paritaire en Belgique. Toutefois, lorsqu’on regarde la composition de cette commission, on se dit qu’il y a encore du travail ! Quoi qu’il en soit, je me réjouis de voir que les hommes s’intéressent, avec enthousiasme, à cette question.
L’ordonnance portant intégration de la dimension de genre dans les lignes politiques de la Région de Bruxelles-Capitale relève bien de mes compétences. Elle permet de travailler de manière transversale dans le cadre d’autres compétences. J’ai déjà entrepris une première action dans ce domaine en demandant que chaque note d’orientation contienne des objectifs stratégiques pour l’égalité entre les hommes et les femmes.
Il incombe à chaque cabinet d’examiner comment résoudre ce problème dans le cadre de ses politiques.
Bien que je souhaite une solution au problème de l’écart salarial entre les hommes et les femmes, cela échappe en grande partie aux compétences de la Région.
De nombreux aspects ne sont pas de notre ressort au niveau régional, comme le régime des congés et les conventions salariales, qui relèvent du niveau fédéral. Sur le plan de l’accueil de la petite enfance, j’interviendrai au niveau communautaire.
Au niveau bruxellois, nous poursuivons notre travail de sensibilisation afin de neutraliser les stéréotypes. La répartition des tâches ménagères entre les genres est encore très traditionnelle. Ce sont généralement les femmes qui s’occupent des enfants, des parents malades ou des tâches ménagères.
Nous devons poursuivre la sensibilisation à différents niveaux pour trouver un meilleur équilibre entre les conjoints et combattre l’idée qu’il existe des métiers masculins et féminins.
D’ailleurs, dans un « hackathon » organisé ce weekend par la Ville et la Région, on a tenté d’attirer des programmeuses, car c’est au départ un monde assez masculin. Ce sont d’ailleurs des femmes qui ont gagné le prix.
Nous travaillons ensemble et nous progressons petit à petit. Nous recourrons dans ce cadre à une campagne qui s’adressera aux écoles, aux institutions de soins et aux acteurs locaux.
Il est également important de désigner un coordinateur pour les questions liées au genre, qui sera exclusivement chargé de mener une politique transversale.
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CRI COM (2014-2015) n°1, pp. 35-40