Proposition de résolution visant à interdire le port de signes convictionnels au sein des services du ministère de la Région de Bruxelles-Capitale et des organismes d’intérêt public de la Région de Bruxelles-Capitale

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à interdire le port de signes convictionnels au sein des services du ministère de la Région de Bruxelles-Capitale et des organismes d’intérêt public de la Région de Bruxelles-Capitale

Proposition déposée par : MM. Didier GOSUIN, Vincent DE WOLF, Mme Françoise SCHEPMANS, M. Michel COLSON, Mmes Françoise BERTIEAUX, Isabelle MOLENBERG et M. Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN

Développements

Les problématiques de l’intégration et du choix d’un modèle de société reviennent régulièrement dans l’actualité, à travers différents sujets comme le port du voile à l’école, les violences dans les quartiers en difficulté ou le statut de la femme dans certaines communautés. Ces questions relatives au « vivre ensemble » se posent avec de plus en plus d’insistance et d’acuité. Trop longtemps, le débat a été encommissionné. Trop souvent d’aucuns ont vilipendé, au nom du politiquement correct, celles et ceux qui doutaient de la pertinence des politiques d’intégration menées jusqu’alors. Nous pensons, au contraire, que le politique doit poser un choix clair quant au modèle de société.

Si certains Etats se sont construits autour du principe « un peuple, une religion, une langue », force est de constater que ce modèle n’est pas celui autour duquel s’est structuré notre société. Force est également de constater qu’il ne permet plus à l’heure actuelle de répondre aux défi s inhérents à la nouvelle composition des Etats contemporains. Plus encore qu’hier, l’accélération des mouvements sociaux et migratoires, de même que l’intégration toujours accrue de nos sociétés dans un monde globalisé, condamne l’Etat « monoculturel » : s’y substitue un nouveau modèle que certains qualifient déjà de « post moderne », au sein duquel coexistent plusieurs cultures, plusieurs langues et plusieurs religions. Porteuse de richesse, cette diversité peut également entraîner un phénomène de radicalisation identitaire. Cette radicalisation est d’autant plus dangereuse qu’elle entraîne en un second temps, un rejet, une stigmatisation de l’autre et, poussé à son paroxysme, un affrontement des différences. Si la diversité culturelle constitue avant tout une chance pour tous, elle se doit d’être accompagnée par les pouvoirs publics vers les chemins d’un « vivre ensemble » respectueux de tous et de chacun.

La réalité pluriculturelle de notre société fait émerger des sensibilités nouvelles et, partant, appelle des réponses à des questions nouvelles, en lien notamment avec la prise en compte des différences culturelles, philosophiques et religieuses dans la sphère publique. Refuser cette réflexion ne participerait qu’à entretenir les incompréhensions et les peurs mutuelles. En notre qualité de mandataires politiques, il nous appartient de poser des choix de société clairs et de participer concrètement à leur mise en œuvre.

A cet égard, deux modèles de société s’offrent à nous.

Le multiculturalisme, tout d’abord, envisage l’individu essentiellement comme le membre d’une communauté caractérisée par une culture, une religion, une origine ethnique. Ce courant se fonde généralement sur le relativisme culturel et les accommodements raisonnables, c’est-à-dire l’affirmation inconditionnelle de l’équivalence des systèmes de pensée et la justification de la différenciation des droits.

Nous ne souscrivons pas à ce modèle et ce, pour deux raisons. D’une part, il ne rencontre pas notre projet d’une société conçue comme un ensemble cohérent : on y revendique sa différence avant d’y revendiquer sa participation à un modèle commun. Il s’ensuit une accentuation des différences identitaires menant, in fi ne, au communautarisme, à une forme de « babelisation » du vivre ensemble, ainsi qu’à l’émergence de castes légales. Ce « droit à l’isolement » génère la méconnaissance mutuelle, la peur de l’autre et des tensions sociales. D’autre part, cette parcellisation de la société et le « relativisme culturel » conduisent à des dérives qui sont la négation même des principes d’égalité et de libre choix. Ainsi, l’on ne peut admettre qu’un mari s’oppose aux soins que requiert l’état de santé de son épouse, au motif que le médecin est un homme ou que ses croyances lui interdisent telle pratique médicale. Au nom de l’application différenciée des droits, on ne peut refuser à une personne un droit fondamental.

A l’opposé de ce modèle, l’interculturalisme fait prévaloir l’individu sur ses attaches culturelles, philosophiques ou religieuses les droits et les devoirs du citoyen ne sont pas fonction de ses affinités ni de ses origines ethniques. Ce modèle postule également qu’une société ne peut se construire et favoriser au mieux l’intégration de tous que si les citoyens partagent un patrimoine commun de valeurs fondamentales, tels que le droit à la vie, la liberté de conscience, la démocratie, l’égalité de l’homme et de la femme ou encore la séparation des Eglises et de l’Etat. Ces valeurs, qui ont présidé à l’avènement des sociétés démocratiques, sont universelles : elles ne sont pas l’apanage d’une culture ou d’une époque. Au contraire, elles s’imposent à tout Etat qui ambitionne l’émancipation de l’ensemble de ses membres. Ces valeurs sont notamment scellées dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et dans ses Protocoles additionnels. Il revient à l’Etat de s’imposer comme le premier garant de ces valeurs et de les promouvoir au titre de patrimoine commun de l’ensemble de ses membres. Sensible aux évolutions qui traversent la société, il doit en permanence adapter son action afin de conférer à ce patrimoine commun de valeurs une effectivité toujours accrue.

Ce modèle ne postule pas l’indifférence de l’Etat à l’égard de la diversité des cultures. Au contraire, cette diversité sera valorisée par l’Etat pour autant que ces cultures s’inscrivent dans le respect des valeurs fondamentales.

Nous souscrivons à ce modèle.

L’exercice de la fonction publique doit être assuré dans le respect d’une stricte impartialité. A aucun moment, l’administré ne doit pouvoir considérer que ses droits et obligations seront conditionnés ou influencés par ses propres affinités culturelles et philosophiques, ou par celles de son correspondant au sein de l’administration. II s’ensuit que toute personne qui participe à l’exercice de l’administration doit refléter cette neutralité dans son attitude, son comportement et ses vêtements.

L’administration publique est un tout. Il ne peut être question de distinguer les règles en vigueur pour les fonctionnaires selon qu’ils exercent leurs fonctions en contact ou non avec le public.

Par ailleurs, chaque fonctionnaire doit avoir la garantie que l’ensemble de ses collègues se consacre à l’exécution de leurs fonctions dans le même esprit d’impartialité que lui.

On ajoutera qu’une telle distinction entraînerait des difficultés en termes d’organisation, dans la mesure où les agents ne se cantonnent pas nécessairement à un lieu clos : dans le cadre de leurs fonctions, il est fréquent que les agents se déplacent dans les locaux et rencontrent des usagers.

Dès lors, nous postulons l’interdiction, pour les prestataires de service public au sein des services du ministère de la Région bruxelloise et des organismes d’intérêt public de la Région, de l’expression de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses dans l’exercice de leur fonction. 

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à interdire le port de signes convictionnels au sein des services du ministère de la Région de Bruxelles-Capitale et des organismes d’intérêt public de la Région de Bruxelles-Capitale

Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale,

Considérant l’article 40 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises;

Considérant que les arrêtés du Gouvernement bruxellois relatifs au statut des agents du ministère et des organismes d’intérêt public de la Région bruxelloise ne soulignent pas à suffisance l’importance pour tout fonctionnaire de respecter une stricte impartialité;

Considérant que, en vertu du principe d’impartialité, l’administré ne doit pas pouvoir considérer que ses droits et obligations seront conditionnés ou influencés par ses propres affinités culturelles et philosophiques, ou par celle de son correspondant au sein de l’administration;

Considérant dès lors que toute personne qui participe à l’exercice de l’administration doit refléter cette neutralité dans son attitude, son comportement ainsi que ses vêtements;

Considérant que toute personne chargée d’une mission de service public s’abstient du port de signes convictionnels dans l’exercice de ses fonctions;

Considérant que par signe convictionnel, on entend tout vêtement ou accessoire exprimant une conviction politique, philosophique ou religieuse;

Considérant que cette nouvelle règle vient compléter l’obligation de neutralité applicable aux membres du personnel des services du ministère de la Région de Bruxelles-Capitale et des organismes d’intérêt public de cette Région;

Demande au Gouvernement bruxellois de modifier en ce sens :
– l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 juin 2009 modifiant l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 6 mai 1999 portant le statut administratif et pécuniaire des agents du ministère de la Région de Bruxelles-Capitale;
– l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 26 septembre 2002 portant le statut administratif et pécuniaire des agents des organismes d’intérêt public de la Région de Bruxelles-Capitale.

Didier GOSUIN
Vincent DE WOLF
Françoise SCHEPMANS
Michel COLSON
Françoise BERTIEAUX
Isabelle MOLENBERG
Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN

 

Pour retrouver la proposition dans son intégralité, cliquez ici.
A-46/1 – G.Z. 2009, Octobre 2009

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CRI. 27 (2010-2011), Mai 2011, p. 26