Interpellation concernant l’organisation de la politique régionale de prévention et de proximité.

INTERPELLATION DE M. GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN À M. CHARLES PICQUÉ, MINISTRE-PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE, CHARGÉ DES POUVOIRS LOCAUX, DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DES MONUMENTS ET SITES, DE LA PROPRETÉ PUBLIQUE ET DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT,

concernant « l’organisation de la politique régionale de prévention et de proximité »

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- L’autorité régionale est un acteur majeur dans le financement des politiques de prévention et de proximité mises en oeuvre par les pouvoirs locaux.

Votre accord de majorité stipule d’ailleurs que la Région soutiendra les efforts des acteurs de terrain pour améliorer la sécurité en Région de Bruxelles-Capitale. Vous précisez aussi que, pour lutter contre l’augmentation du sentiment d’insécurité, il est primordial de renforcer la présence humaine, sécurisante et dissuasive. Ces louables intentions se traduisent en conventions avec les communes bruxelloises, ce dont je me félicite.

J’ai cependant souhaité vous entendre à propos des lignes de force de votre politique de sécurité. Dans ce contexte, j’ai pris connaissance avec un certain étonnement de l’arrêté du gouvernement régional accordant une subvention globale de plus de 16 millions d’euros aux communes bruxelloises dans le cadre de la politique de prévention et de proximité.

Je m’intéresserai d’abord au contenu de vos objectifs stratégiques au travers de ces contrats de prévention. Selon quelles analyses les objectifs et axes de travail ont-ils été fixés (médiation, accrochage scolaire, travail de rue, présence visible dans l’espace public) ? Des concertations ont-elles été opérées avec les pouvoirs locaux qui visent les réalités de nos quartiers, avant de définir ces objectifs et axes de travail ?

Quelles sont les modalités de la définition de ces objectifs ? Évoluent-ils au fil des contrats ?

Quelles sont vos exigences en matière de collaboration entre services communaux de prévention, notamment pour éviter des troubles urbains qui dépassent les frontières d’une commune ? De sévères constats avaient été dressés lors des émeutes d’Anderlecht, à l’occasion desquelles il fut très difficile, voire impossible de faire travailler de concert des services de prévention issus des diverses communes desquelles provenaient certains agitateurs.

Comment évolue ce chantier visant à structurer les collaborations entre services communaux, que vous financez ? Attendons-nous, pour nous pencher sur cette question, un nouvel incident majeur ? Quelles sont vos instructions au sujet de l’indispensable concertation entre l’action des services de prévention et les polices locales et fédérale actives en Région de Bruxelles-Capitale ? Ces deux mondes continuent-ils à s’ignorer ? Selon quelles modalités exigez-vous des collaborations effectives sur le terrain entre le personnel que vous financez et la police ?

J’en viens à présent au second volet de mon intervention : les aspects purement budgétaires.

L’arrêté a surtout pour ambition de répartir les mannes budgétaires entre les communes. Or, force est de constater que certaines communes perçoivent des montants plus élevés que d’autres. Ceux-ci varient entre 284.000 euros pour Woluwe-Saint-Pierre et 1.900.000 euros pour la ville de Bruxelles. Cette répartition est probablement le fruit d’une application de critères scientifiques centrés sur les problématiques de sécurité rencontrés dans nos différentes communes.

Selon quels critères scientifiques les mannes budgétaires ont-elles été réparties entre les communes qui bénéficient de ces subventions ? Comment expliquez-vous que certaines communes comme Ixelles, Schaerbeek ou Molenbeek, perçoivent un montant beaucoup plus important que la commune d’Anderlecht (555.000 euros de plus pour Schaerbeek et 800.000 euros de plus pour Molenbeek) ?

Comment expliquez-vous que des communes d’une taille significativement moindre qu’Anderlecht, à savoir Saint-Josse et Saint-Gilles, reçoivent les mêmes montants ?

[Intervention de M. Ahmed El Khannouss]

M. Charles Picqué, ministre-président.– Rappelons d’abord les objectifs et axes du Plan bruxellois de prévention et de proximité. Les axes ont été définis en concertation avec le ministre de l’Intérieur. Mais alors que le fédéral n’intervient pas pour l’ensemble des communes bruxelloises, le gouvernement régional a, quant à lui, décidé d’étendre son action aux dix-neuf communes.

En 2009, les axes de travail ont été modifiés afin de mieux les faire correspondre aux réalités du terrain. Aujourd’hui, nos objectifs prioritaires s’articulent autour de quatre axes : la médiation, la lutte contre le décrochage scolaire, le travail de rue et la présence visible dans l’espace public (stewards et autres gardiens de parc).

Pour la répartition des moyens, nous nous inscrivons dans un programme qui, en 2001, a été fondé sur un appel à projet. Monsieur Van Goidsenhoven, la détermination des montants a été décidée par un gouvernement auquel votre parti était associé.

Avec le temps, le montant a bénéficié d’une indexation de 2% certaines années. En outre, un effort financier supplémentaire a été consenti afin de renforcer la présence des gardiens de parc ou d’espaces publics.

Quant à la répartition entre les communes, nous ne l’avons pas revue. Elle a le mérite d’assurer aux communes une certaine prévisibilité quant aux moyens dont elles disposent. J’ai déjà annoncé que nous devrions nous diriger désormais vers un nouveau plan pour 2011-2014, en nous basant sur l’évaluation que l’Observatoire bruxellois pour la prévention et la sécurité devra réaliser. Je reviendrai sur le rôle de cet observatoire, qui est une nouvelle donnée de notre vie politique régionale et est désormais dûment constitué.

Le ministère de l’Intérieur répartit les fonds sans critère connu. Nous nous fondons sur les appels à projets de 2001. Évidemment, nous prenons aussi en compte les critères au niveau fédéral, à savoir le nombre d’habitants, le taux de criminalité et le revenu moyen par habitant. Le montant est donc alloué sur la base des besoins estimés dans les demandes de subventions qui sont introduites par les communes.

Je vous l’ai dit, cela relève davantage du subside par projet que d’un système comme celui de la dotation générale aux communes, qui se fait selon des mécanismes intangibles fixés par l’ordonnance. Les collaborations entre les communes sont encouragées tant pour les zones de police que pour le niveau supralocal. Cette volonté apparaît d’ailleurs dans les obligations générales des communes prévues par les Plans locaux de prévention et de proximité.

De même, l’échange de bonnes pratiques entre communes est soutenu. Il faut savoir que la Région subventionne un poste de coordinateur auprès de l’asbl Forum belge pour la prévention et la sécurité urbaine. Son rôle est justement de permettre l’échange d’informations sur la manière dont les communes répondent à un certain nombre de défis et l’échange d’informations entre les fonctionnaires de prévention et les médiateurs de toutes les communes bruxelloises.

Il importe également que la police locale puisse être associée au comité de suivi des plans locaux de prévention et de proximité. Une articulation est d’ailleurs prévue lors de la rédaction des plans locaux de sécurité communale et les plans zonaux de sécurité.

Je reviens maintenant à l’Observatoire que nous avons créé et dont le comité d’orientation s’est réuni pour la première fois le 22 septembre. J’en rappelle les objectifs :

– évaluer la politique régionale et les dispositifs qui sont subsidiés par la Région ;

– réunir une série d’informations dépersonnalisées ;

– rédiger un rapport annuel à l’attention du gouvernement bruxellois sur la situation de la sécurité ;

– élaborer un programme régional d’action annuelle ;

– formuler une série d’avis et de recommandations.

Voilà comment cela fonctionne pour le moment.

S’il y a lieu de revoir la répartition des moyens, cela devra se faire via une analyse que l’Observatoire, où tout le monde est représenté, devra suggérer et valider. Les contrats sont en cours de signature et les versements interviendront sans doute dans le cadre du suivi administratif. Il faudra probablement deux ou trois mois pour que cela soit fait. Nous nous trouvons à un tournant. D’ici peu, dès les programmes de 2011, nous allons peut-être devoir repenser la manière dont nous répartissons les moyens. Mais il ne s’agit pas ici d’un mécanisme de répartition fondé sur des paramètres multiples, comme cela existe pour la dotation générale aux communes.

Nous devons intégrer le critère de vitalité communale à travers les projets qui vont être présentés. C’est là l’élément majeur : les communes seront aidées en fonction des projets qu’elles vont remettre et de la qualité de ceux-ci. Il faut exclure une répartition des moyens qui serait basée uniquement sur le taux de criminalité, par exemple. Nous sommes plus dans la logique qui préside aux travaux subsidiés qu’à la dotation générale aux communes.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Si je vous entends bien, M. le ministre-président, nous pouvons nous attendre à une objectivation de la répartition des montants pour 2011. On nous parle d’un appel à projets qui remonte à 2001, mais vous conviendrez avec moi que les situations peuvent fortement évoluer, et qu’apparaît la nécessité de voir émerger de nouveaux projets.

Je suis persuadé qu’il est indispensable de revoir cette répartition, et je ne doute pas que si le Parquet et le ministère de l’Intérieur ont jugé utile de donner plus de moyens dans certains périmètres bien connus, c’est qu’il y a des propositions, mais aussi des besoins particuliers en termes de prévention et de sécurité.

Enfin, je reste un peu sur ma faim quant au constat qu’il n’y a pas de volonté particulière de développer de façon plus aboutie ces relations entre les différents services de prévention. Il y a bien sûr des échanges de bonnes pratiques, et ces gens se connaissent heureusement, mais lors de phénomènes majeurs qui peuvent se dérouler sur plusieurs communes, ou rassembler des gens de plusieurs communes en un point particulier, il y a, comme nous avons pu le constater en 2008, plusieurs lacunes en termes d’organisation, et aucune réponse n’a pu y être apportée. Je sais qu’un observatoire de la sécurité et de la prévention va être porté sur les fonts baptismaux dans quelques mois, mais je pense néanmoins que ce besoin particulier devrait mieux être pris en compte. Cela fait déjà deux ans et demi que le problème a été souligné, mais il n’y a pas de réponse en la matière.

M. Charles Picqué, ministre-président.- Il ne faut pas noircir le tableau. Les fonctionnaires de prévention qui sont dans les communes ont très bien compris l’intérêt de travailler ensemble. Plusieurs réunions se sont tenues et, sur le terrain, elles ont eu pour résultat une certaine mobilité des travailleurs d’une zone ou d’une commune vers une autre dès lors que des événements étaient prévisibles.

Rappelez-vous, cela a été le cas dans votre commune : les fonctionnaires de prévention ont travaillé ensemble et des fonctionnaires de prévention d’autres communes ont rejoint Anderlecht de manière à éventuellement identifier des personnes venant d’autres communes et d’avoir des contacts et un dialogue avec celles-ci.

Ce n’est pas coulé dans un protocole précis, cela se fait de manière informelle. Définir, dans le cadre des nouveaux plans de prévention, un dispositif plus précis à mettre en oeuvre pour que les fonctionnaires de prévention se mobilisent ensemble est une bonne idée. Mais il faut laisser de la souplesse et surtout induire une culture de la collaboration. Il me semble que, sur ce plan, il existe une volonté parmi les fonctionnaires de prévention.

Nous reviendrons ici avec des propositions. Je suis d’accord d’envisager une plus grande formalisation des mécanismes de concertation entre les fonctionnaires de prévention.

Le seul problème que nous risquons d’avoir par rapport au calendrier idéal que je viens d’énoncer, à savoir des programmes à partir de 2011 sur une base de quatre ans, et celui de la nécessité d’établir nos dispositifs d’intervention en faveur des communes en concertation avec ceux du pouvoir fédéral. Je ne nous vois pas juxtaposer des programmes régionaux et fédéraux en l’absence d’une certaine harmonisation, et convergence entre ces programmes.

Et comme le ministre de l’Intérieur est en affaires courantes, je m’inquiète du respect du calendrier : je les vois mal, pour le moment, s’appliquer avec nous à définir des plans de prévention pour Bruxelles. C’est là qu’il risque d’y avoir du retard. Mais plus vite nous serons en mesure d’avoir un interlocuteur au niveau fédéral, plus vite nous pourrons aller vers ces nouveaux contrats pluriannnuels.

M. Ahmed El Khannouss.- Je faisais allusion au rapport d’évaluation auquel il est notamment fait référence dans l’arrêté du mois de mai. Sera-t-il disponible pour les membres du parlement ?

M. Charles-Picqué, ministre-président.-Vous parlez du rapport d’évaluation global qui a été établi il y a un an et demi ? Ou bien du rapport annuel ? Je ne sais pas où on en est maintenant. Nous pourrons diffuser ces rapports quand nous en aurons fait l’analyse. Sur le principe, il n’y a pas de problème.

Mais je vous le dis, il faut maintenant partir sur de nouvelles bases et trouver un système d’évaluation à travers le travail de l’observatoire dont ce sera la mission.

 

Pour retrouver l’interpellation dans son intégralité, cliquez ici.
CRI COM (2009-2010) n° 115; Octobre 2010, pp. 7-15