Interpellation jointe concernant le baromètre de la STIB : la baisse de satisfaction des voyageurs.

INTERPELLATION JOINTE DE M. GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN À MME BRIGITTE GROUWELS, MINISTRE DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE, CHARGÉE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES TRANSPORTS, 

concernant « le baromètre de la STIB : la baisse de satisfaction des voyageurs ».

[Interpellation principale de Mme Céline Delforge]

[Interpellation jointe de M. Emin Özkara]

[Interpellation jointe de M. Paul De Ridder]

Interpellation jointe M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- L’enquête de satisfaction menée par la STIB vient d’être communiquée pour l’année 2010 et le résultat montre une nouvelle diminution du nombre de passagers satisfaits. En effet, par rapport à 2009, la cote de satisfaction qui était de 5,5/10 – déjà en retrait par rapport à 2008 qui avait fourni un score de 6,1/10 – passe en 2010 à 5,4/10.

La STIB avait annoncé monts et merveilles lors de la mise en service du bouclage de la Petite ceinture. Il faut reconnaître que le miracle ne s’est pas produit. Malgré l’existence de la station de Bruxelles-Ouest, les chiffres de satisfaction mettent en évidence que le service offert par la STIB en 2010 a déçu les utilisateurs.

On constate également que la participation du nombre de personnes au sondage s’est nettement réduite par rapport à 2009, ce qui est un message supplémentaire de l’usager qui, malgré le large battage médiatique déployé par la STIB pour inciter à participer à l’enquête de satisfaction, éprouve la pénible frustration de n’être pas entendu par la STIB dans ses attentes de desserte du réseau.

Comme justification à cette baisse de satisfaction, la STIB invoque « un contexte difficile qui est l’augmentation importante de la pression démographique à Bruxelles, année record en termes de congestion et d’embouteillages (…) et une importante augmentation de fréquentation ».

Pour moi, cette justification ne tient pas la route. La STIB invoque une augmentation de fréquentation et y associe le fait de congestion et d’embouteillages record en 2010. On aimerait y voir clair dans ces affirmations qui tentent de rejeter la faute sur d’autres niveaux de pouvoir.

De façon incontestable, le réseau tel qu’il a été configuré depuis 2009 avec ses infernales ruptures de charge (notamment à Churchill, Lemonnier, Rogier et Legrand/Louise) est mal digéré par les usagers qui ne trouvent pas dans le réseau de surface actuel des conditions de déplacement confortables. Les ruptures de charge sont une source notoire d’insatisfaction que la STIB continue d’ignorer. L’enquête fait apparaître l’insatisfaction marquée pour le manque de ponctualité, ce qui devait être amélioré, suivant les spécialistes de la STIB, par l’instauration des ruptures de charge. La preuve en est désormais faite : les ruptures de charge n’améliorent pas la ponctualité et, pire, elles présentent le lourd désagrément pour l’usager d’augmenter inutilement son temps de parcours.

On apprend par la presse que la vitesse des trams et bus ne parvient pas à dépasser les 17 km/h alors que dans d’autres villes, comme à Strasbourg, le tram a une vitesse commerciale supérieure à 20 km/h. Le score bruxellois est piètre, alors que la STIB a multiplié le nombre de sites propres pour trams et bus au cours des dernières années et qu’elle avait annoncé une amélioration de la vitesse commerciale grâce à la mise en place de Vicom.

On ne peut qu’abonder dans le sens du porte-parole de la STIB quand il admet que la faible vitesse commerciale des véhicules « éloigne des clients, qui ne sont plus attirés par rapport au transport individuel ». En effet, dans la réalité, si l’on tient compte des ruptures de charge, la réelle vitesse de déplacement de l’usager du transport public se trouve bien en-deçà des 17 km/h, vu l’allongement des temps de parcours ainsi imposés à la clientèle.

On attend en vain que la ministre respecte l’engagement pris dans la déclaration gouvernementale de réduire le nombre de ruptures de charge. À ce jour, aucune, absolument aucune rupture de charge n’a été supprimée. Est-il surprenant dès lors que le résultat de l’enquête de satisfaction dégringole d’année en année ?

Pour ce qui est du métro, la mise en service du bouclage de la Petite ceinture a connu quelques errements et un manque de lisibilité du réseau dû notamment à la réorganisation des numéros de lignes laissant l’usager désorienté, notamment avec le double terminus à la station Simonis. La STIB n’a-t-elle pas reconnu implicitement ce manque de clarté du réseau en allongeant à certaines heures la ligne 2 jusqu’au Heysel ?

Il est grand temps pour la STIB de se ressaisir et d’entamer un examen objectif des points engendrant l’insatisfaction de sa clientèle et d’y apporter les correctifs nécessaires.

Quelles ont été les réelles améliorations apportées au réseau de la STIB en 2010 pour augmenter la vitesse commerciale des trams et des bus ? Où en est le degré d’avancement du programme Vicom et que reste-t-il à faire en 2011 ? Quel est le programme 2011 des mises en site propre des bus et trams ? Quelles seront les ruptures de charge qui seront revues afin d’améliorer les conditions de déplacement de nos concitoyens ?

[Intervention de Mme Maes]

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- Le baromètre de satisfaction 2010 a été réalisé via le site internet de la STIB et via des questionnaires papier distribués sur le réseau et dans les Kiosk et les Bootik.

8.565 clients ont répondu au questionnaire électronique. Un peu moins de 300 personnes ont donné leur avis sous format papier. La grande majorité des participants sont des clients réguliers de la STIB, mais je ne peux pas vous dire aujourd’hui s’il s’agit de navetteurs ou de Bruxellois.

Mme Delforge, pour des raisons méthodologiques, nous n’avons pas sensiblement modifié l’enquête de 2010 par rapport à sa version de 2009. Cela comporte évidemment des avantages au niveau de la coopération.

Certaines questions complémentaires ont été modifiées en fonction d’évolutions récentes, qui concernent par exemple Collecto, Mobib et le système du tiers payant.

Les facteurs les plus importants pour la clientèle restent, dans l’ordre : le confort, la fréquence, la gestion des correspondances et la ponctualité. La tendance est à la stabilité, avec une amélioration des résultats du métro, une stabilisation de ceux du tram et une détérioration de ceux du bus. Les usagers fréquents sont moins satisfaits que les occasionnels et les nouveaux. Les Bruxellois le sont moins que les navetteurs. Les fréquences après 20 h (24 h pour Noctis) obtiennent la satisfaction la plus basse.

L’information des voyageurs, en particulier dans le métro, mais aussi sur le site web, l’attitude commerciale du personnel, le style de conduite des chauffeurs et la sécurité la journée obtiennent de bons scores.

Les innovations mises en place en 2010, telles que les nouveaux outils d’information en temps réel, les pôles de correspondances ou encore les portillons d’accès ont été fortement appréciés par les voyageurs, ainsi qu’en témoignent les différents baromètres réalisés.

Le bon score du service de taxi collectif Collecto montre qu’il existe une réelle complémentarité entre les services offerts la nuit à Bruxelles.

Le confort de l’attente et l’information aux arrêts de bus, le réseau Noctis restructuré, les correspondances en soirée et le week-end, la ponctualité, la propreté dans les stations de métro et l’accessibilité des véhicules aux vélos reçoivent des scores moins bons.

La sécurité obtient encore un score général de 5,8. La sécurité la journée est mieux jugée : les chiffres sont stables pour la station et l’arrêt souterrain, il y a un léger mieux pour le métro et le tram, et une légère diminution pour le bus.

La sécurité en soirée obtient encore de pires résultats : on constate une légère diminution pour la station de bus et de métro et un résultat stable pour l’arrêt en souterrain. Le tram et le métro améliorent légèrement leurs scores. Le bus obtient toujours le plus haut score, tant en journée qu’en soirée, tandis que le métro obtient les moins bons résultats en soirée.

Les résultats du baromètre de satisfaction donnent donc une bonne indication de ce que les clients estiment important, mais ne récompensent que rarement les efforts fournis par la STIB et la Région afin d’améliorer le service offert aux clients.

Les résultats sont anonymes, mais le profil des répondants est connu. Celui-ci n’a pas varié par rapport aux années précédentes. Il s’agit de 87% de francophones, de 50% d’employés, de 16% d’étudiants et de 10% de cadres. Quelque 62% des répondants possèdent une voiture, 61% utilisent les transports en commun à des fins professionnelles, 67% utilisent les transports en commun plus de dix fois par semaine, 60% sont abonnés, 98% voyagent pendant la semaine et aux heures de pointe.

En 2010, différentes interventions ont ainsi eu lieu et des travaux ont été réalisés sur le réseau afin d’améliorer la vitesse commerciale des trams et des bus, directement grâce à l’aménagement de sites propres et de contresens, et indirectement via l’aménagement d’arrêts, de terminus et de réglages de feux de signalisation. À la fin de l’année 2010, le réseau de tram comptait 70% (sur 90%) de sites protégés et le réseau de bus, 17% (sur 40%).

Quelque 22 projets du programme Vicom prévus dans le contrat de gestion actuel ont été réalisés, 28 projets en sont à différentes phases d’exécution et 23 projets ont à peine progressé. Je le regrette, et il serait intéressant d’analyser les causes de cette inertie.

En 2011, ces efforts seront poursuivis. En outre, il a été procédé, en concertation avec les communes, à l’établissement d’une liste de priorités pour les axes des transports publics. Cela exige une préparation minutieuse, la diffusion d’informations aux personnes concernées ainsi que l’adaptation de la signalisation et d’autres mesures d’infrastructure, principalement de nature à réduire la vitesse, et de mesures d’accompagnement, comme une hausse des contrôles effectués par la police. Un certain nombre d’axes importants ont déjà été considérés comme prioritaires : la chaussée de Neerstalle, la chaussée de Helmet et l’avenue de Jette.

Par ailleurs, une certaine réticence – qui explique peut-être la maigre progression de certains projets – se fait ressentir. Certaines personnes craignent que les véhicules roulent plus rapidement sur des sites propres. Cette réticence qui s’observe depuis quelques années à l’égard des mesures Vicom a atteint une triste apogée avec la récente polémique autour du réaménagement de la chaussée d’Ixelles. Je reste néanmoins optimiste à l’égard de ce projet très important et espère le voir avancer rapidement.

Il ne faut pas perdre de vue les restrictions budgétaires auxquelles nous sommes confrontés. Les économies de 2010, qui ont conduit à une diminution de l’offre et au report des investissements, ont eu un effet négatif sur la satisfaction des clients. Bien que cela se soit passé conformément à la clause d’adaptation prévue dans le contrat de gestion, la position et les opportunités de la STIB de faire face aux défis posés par l’accord de gouvernement ont été affaiblies.

En 2011, nous avons pu récupérer une série de dotations qui devraient nous permettre de rattrapper le retard. Nous espérons disposer en 2012 des moyens nécessaires pour concrétiser l’ambition de la Région d’optimaliser ses transports en commun. Par ailleurs, des améliorations ont été réalisées grâce à des interventions ciblées sur le réseau du métro.

En 2011, de nouveaux efforts seront fournis pour informer les clients en temps réel, aménager l’offre, prévoir de nouvelles infrastructures pour les trams, renouveler le matériel roulant, organiser les pôles de correspondances, réaménager des stations de métro et des arrêts de bus, prendre les mesures pour améliorer la vitesse commerciale, etc.

Je ne peux vous énumérer toutes les dispositions prévues, mais j’ai déjà eu l’occasion d’en parler plus en détail lors des discussions budgétaires ou en réponse à des questions ou des interpellations.

En outre, la suppression des correspondances ne sera plus un sujet tabou. La STIB veut examiner si des ruptures de charge restent nécessaires et à quelles conditions. Nous savons bien que c’est une question sensible pour les usagers. Toutefois, dès que l’on pourra augmenter la vitesse commerciale, on sera en mesure de supprimer certaines correspondances. À Lyon, ville assez comparable à Bruxelles, les usagers des transports publics doivent prendre plus de correspondances et rien ne dit qu’ils en sont plus mécontents. Le taux de correspondances y est de 1,7% contre 1,36 à Bruxelles. 

Nous nous efforçons de rester cohérents, que ce soit dans les investissements financiers ou matériels, ou encore dans notre politique d’exploitation. Nous sommes particulièrement attentifs au confort des passagers et à la gestion du temps. Voilà les objectifs que s’est fixés la STIB pour accroître la satisfaction des usagers. 

[Intervention de Mme Céline Delforge]

[Intervention de M. Emin Özkara]

[Intervention de M. Paul De Ridder]

 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Je suis heureux d’apprendre que les ruptures de charge ne sont plus au rang des tabous de notre société de transport public.

Ce qui m’effraie un peu, c’est de parler de coefficient de correspondance. Il faut relativiser ces chiffres, vu la dimension du réseau de transport public et du nombre de kilomètres de réseau souterrain.

Ces enquêtes sont fondamentalement intéressantes, mais si l’on souhaite encore que les gens y participent et en voient l’utilité, il faut fournir un certain nombre de réponses et forcément dépasser le stade des tabous, surtout en ce qui concerne les ruptures de charge.

Il faut aussi s’attaquer à des causes plus profondes. On nous apprend maintenant que 23 projets sont en retard ou à peine avancés concernant Vicom. Je suis assez effrayé, parce qu’on voit finalement qu’il y a encore tant de choses à faire et que certaines réponses sont légères : 28 projets exécutés, 22 réalisés, 28 projets en cours, 23 en retard ou à peine avancés.

Pourquoi ne pas prendre des mesures fortes et à court terme pour remédier à ces retards qu’on ne peut même pas nous justifier ? J’aimerais que cette étude puisse effectivement s’accompagner d’une réponse réelle aux besoins et aux désagréments que subissent la clientèle de la STIB, et de manière plus large, nombre des habitants de notre Région.

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- Nous sommes en train de faire toute l’analyse du contrat de gestion de la STIB afin d’en préparer un nouveau. Il me semble que c’est un moment important pour ne pas uniquement dessiner les lignes d’action pour l’avenir mais aussi pour gérer les problèmes concrets efficacement.

Les remarques apportées par Mme Delforge sont pertinentes, les schémas théoriques ne correspondent peut-être pas tout à fait à la réalité. Il serait, dès lors, intéressant de nous communiquer ses observations de terrain afin de compléter nos informations.

Nous sommes tout à fait disposés à transmettre à la STIB les constats que vous avez faits sur le terrain.

[Intervention de Mme Céline Delforge]

Mme Brigitte Grouwels, ministre.- Il ne faut pas demander ce genre d’information en une fois, pour toutes les lignes et à chaque moment de l’année, car on ne pourra pas vous les fournir. Commençons par le cas que vous avez cité. Si vous nous donnez les renseignements nécessaires, nous demanderons à la STIB d’examiner ce qui se passe sur cette ligne et, en particulier, si les temps de parcours ne sont pas réalistes.

Par ailleurs, considérant les réponses des usagers à l’enquête, je crois que nous devons continuer à améliorer la fréquence des transports et surtout l’information en temps réel, qui est particulièrement appréciée des utilisateurs. C’est une offre de qualité que l’on doit pouvoir offrir.

Je répondrai ultérieurement à la question de M. De Ridder relative à la sécurité pendant la nuit, car je ne dispose pas actuellement de tous les éléments pour lui répondre. 

En général, il est mieux de ne pas avoir de tabou, quelle que soit la discussion. Nous voulons vraiment examiner les ruptures de charge de manière critique, même si je suis convaincue qu’on a encore besoin de beaucoup d’investissements, comme pour les projets Vicom, par exemple, pour être en mesure de faire tomber des ruptures de charge. Entre-temps, nous voulons investir dans l’amélioration de ces « hubs » de passage.

Concernant les dossiers Vicom qui restent à la traîne, ce sont les dossiers les plus difficiles. Les plus faciles ont été exécutés, comme l’installation de bandes de bus là où c’était le plus aisé. Dans une Région telle que Bruxelles, ce n’est pas aussi simple partout. Toutefois, ce problème m’interpelle également. Maintenant que nous faisons l’évaluation du contrat de gestion de la STIB, nous allons nous demander pourquoi ces projets prévus n’ont pu être réalisés. Ce point sera sûrement étudié dans les semaines et les mois qui viennent. 

 

Pour retrouver les interpellations dans leur intégralité, veuillez cliquer ici.
C.R.I. COM (2010-2011), Mai 2011, pp. 17-34