INTERPELLATION JOINTE DE M. GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN À M. CHARLES PICQUÉ, MINISTRE-PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE, CHARGÉ DES POUVOIRS LOCAUX, DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DES MONUMENTS ET SITES, DE LA PROPRETÉ PUBLIQUE ET DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT,
concernant « »la lutte contre les bandes urbaines ».
[Interpellation principale de M. Vincent Lurquin]
Interpellation jointe de M. Gaëtan Van Goidsenhoven. – M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Selon de récents articles, le nombre de jeunes embrigadés dans des bandes urbaines serait passé de 1.000 à 2.000 en l’espace de cinq ans. Ce phénomène est donc particulièrement inquiétant. Il l’est d’autant plus que les travailleurs sociaux actifs auprès de ces jeunes sont très pessimistes quant à l’évolution du phénomène dans les mois et les années à venir. Disposez-vous de données statistiques qui confirment cette augmentation très préoccupante ?
Puisque la Région va récupérer de nouvelles compétences en matière de sécurité, quel pourrait être son rôle dans la mobilisation d’un ensemble d’acteurs dans le combat contre cette forme de délinquance qui mine notre qualité de vie, la STIB, les communes, la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB), etc. ?
Quel est l’inventaire des projets qui sont d’ores et déjà soutenus par les autorités régionales et qui visent à lutter contre ce phénomène ? Ces soutiens représentent-ils d’importants moyens budgétaires ? Quelle est l’évaluation des dispositifs subventionnés ces dernières années ? L’heure est largement venue de dresser un réel bilan des sommes colossales injectées depuis des années dans divers dispositifs de prévention.
Des dizaines d’agents de prévention parcourent les rues et tentent d’approcher les jeunes pour développer des projets individuels avec ceux-ci. Tous les acteurs de terrain confirmeront que, ces dernières années, il devient extrêmement difficile d’approcher des adolescents en rupture avec la société. Au début des contrats de sécurité et de prévention, les éducateurs travaillaient souvent avec des groupes de jeunes âgés de quatorze à dix-huit ans. Aujourd’hui, cela devient rarissime. Nos agents de prévention s’attellent donc à encadrer les enfants en âge d’école primaire.
Ensuite, ces adolescents sont trop souvent abandonnés à eux-mêmes et trop souvent livrés aux réseaux de trafic de stupéfiants, qui peuvent leur garantir des revenus importants. On constate donc une véritable évolution de comportement chez certains des jeunes autrefois ciblés par les dispositifs de prévention. Or, la réponse des autorités ne semble pas en adéquation avec ces réalités de terrain évolutives.
Je souhaiterais donc, sans aucun esprit de polémique, que les réflexions et les actions concernant la lutte contre les bandes urbaines puissent être l’occasion d’une prise de conscience de cette évolution très préoccupante.
[Intervention de M. Vincent Lurquin]
[Intervention de M. Vincent De Wolf]
M. Charles Picqué, ministre-président.- Il n’est effectivement pas exclu que la Région bruxelloise recrute des policiers fédéraux et régionaux, sans forcément exercer l’autorité sur ceux-ci, mais en faisant cependant en sorte qu’ils remplissent des tâches qu’elle a définies.
[Intervention de M. Vincent Lurquin]
[Intervention de M. Vincent De Wolf]
[Intervention de Mme Gisèle Mandaila]
[Intervention de M. Philippe Pivin]
[Intervention de M. Hervé Doyen]
[Intervention de M. Vincent Lurquin]
M. Charles Picqué, ministre-président.- Nous devrons prolonger ce débat lorsque nous disposerons d’informations complémentaires sur les modalités d’octroi des moyens et des compétences à la Région. Je rappelle qu’à ce jour, la réforme de l’État n’a été ni votée, ni approuvée par le parlement fédéral.
Cela dit, même si de nombreuses inconnues subsistent, il vaut mieux anticiper que se retrouver sans projets, ni intentions lorsqu’aura lieu le vote des dispositions légales nous permettant d’agir en matière de sécurité.
Toutefois, ne me demandez pas de prendre demain des mesures opérationnelles pour la sécurité à Bruxelles, puisque nous ne sommes pas encore compétents en la matière. Peut-être ne le serons-nous d’ailleurs que via le niveau fédéral ou via les zones. Je vais y revenir.
Dans le débat parlementaire et politique qui nous occupe aujourd’hui, je perçois une évolution que je juge positive. À présent, on parle de sécurité en des termes différents de ceux que nous utilisions il y a dix ou quinze ans. À cette époque, sitôt que l’on évoquait l’insécurité, l’on se retrouvait stigmatisé et l’on passait pour un fanatique de la répression et des politiques sécuritaires. Quelques esprits naïfs pensent encore que cette problématique ne doit pas être abordée par le biais de la répression. Je leur laisse la responsabilité de leur inconscience. Il est clair que la sécurité ne se borne pas à la prévention, mais qu’elle relève aussi de la police, qui sanctionne et réprime.
Par le passé, on entendait surtout résoudre ce problème par la prévention dont, selon moi, on exagérait les vertus. Face à certains comportements, aucune mesure de prévention ou d’anticipation sociale n’est efficace. Je ne dis pas qu’il faut enterrer les politiques de prévention, mais nous nous trouvons face à une situation qui exige de voir la sécurité comme une pièce fondamentale de l’organisation urbaine, de la cohésion sociale et du vivre ensemble.
Je sais que mon discours peut paraître très général, mais il n’en demeure pas moins nécessaire. Par exemple, si la politique de mobilité se heurte à l’insécurité des transports publics, que nous évoquerons tout à l’heure, elle risque de perdre en efficacité. La politique de sécurité au sens strict n’est donc pas seule en jeu.
Je ne veux pas crier au loup, mais je pense que nous sommes entrés dans une nouvelle zone de turbulences, notamment sur le plan de la sécurité dans les villes. Sans revenir sur des choses que vous savez déjà, la crise économique et sociale n’arrangera pas les choses.
La prévention a ses limites. En d’autres termes, et nous devrons en débattre à la fois ici, au gouvernement et avec le niveau fédéral, les 30 millions d’euros dont il est question doivent être, selon moi, majoritairement réservés à la politique de sécurité assurée par les services de police. Un seul point fait peut-être office d’exception : celui des bandes urbaines. J’y reviendrai.
Ces 30 millions d’euros seront octroyés dès 2012. C’est la raison pour laquelle il convient de ne pas tarder à décider ce que nous voulons en faire. La décision de l’affectation des moyens du fonds sera prise par la Région de Bruxelles-Capitale lorsque le pouvoir fédéral aura donné son avis. J’ai rendez-vous avec la ministre de l’intérieur très prochainement. En outre, nous devons nous concerter au plus vite avec le niveau fédéral, qui doit malgré tout exercer un certain contrôle sur cet argent et avoir connaissance des projets que nous comptons soutenir avec ces moyens financiers. Je reviendrai sur le cas de ces 30 millions d’euros lorsque j’aborderai la question des transports en commun.
D’après moi, nous avons aujourd’hui une politique de sécurité urbaine intégrée au Plan national de sécurité, ainsi qu’un Plan de sécurité intégré au Plan zonal. Cela n’empêche qu’il faut avoir un Plan de sécurité intégré à l’échelle régionale. Bien sûr, vous me direz que l’on pourra l’obtenir en additionnant les zones et ce qu’elles font ou ont programmé de faire. C’est possible, mais je n’en suis pas sûr. Il existe une vision transversale appliquée à l’ensemble de la Région et elle est peut-être différente de l’addition des plans de sécurité intégrés des six zones.
Par conséquent, il nous faut mettre en place ce Plan global de sécurité régionale. Il ne s’agit pas ici de compliquer la situation en mettant en place une nouvelle structure ou instance. Il s’agit avant tout d’avoir un organe de coordination dans la perspective de la rédaction de ce Plan régional de sécurité. Ainsi, cette instance ferait office d’organe supplémentaire de concertation qui viendrait se superposer à ce qui existe déjà. Nous allons donc travailler à partir des compétences qu’avait le gouverneur, ainsi que de la liaison de son travail avec le directeur de coordination.
Ce que nous avons créé avec l’Observatoire dans les limites de ce que nous pouvions faire, à savoir de la pure observation des faits, est la plate-forme qui doit générer l’instance susceptible d’élaborer le Plan régional de sécurité. Nous attendons donc de pouvoir disposer des compétences du gouverneur, car il faut bien évidemment tenir compte de la législation le concernant. Ce débat aura lieu au niveau fédéral.
Bien entendu, nous désignerons un haut fonctionnaire de la Région, qui travaillera sous l’autorité du gouvernement ou du ministre-président. Je ne suis pas encore à même de vous détailler les procédures de sélection, car nous devons au préalable en discuter avec le pouvoir fédéral. En effet, ce fonctionnaire, qui remplacera le gouverneur et jouera un rôle de décentralisation du ministère de l’intérieur, gardera un lien avec le pouvoir fédéral. Il faudra donc définir avec ce dernier les modalités de nomination, le contenu des missions, etc.
Il en va de même pour le fonctionnaire qui remplacerait le vice-gouverneur. Sa mission première consistera à vérifier le respect des lois linguistiques.
Il ne s’agit donc pas de créer une fonction supplémentaire, mais de se fonder sur ce que les compétences actuelles du gouverneur permettent.
J’en viens à la méthodologie d’élaboration du Plan de sécurité. Nous devrons nous fonder sur les diagnostics locaux de sécurité élaborés par les zones de police. L’idée est, bien entendu, de collaborer avec ces dernières. Cette structure régionale devra traiter, au travers des directives et objectifs du Plan régional de sécurité, des phénomènes qui dépassent les frontières entre zones. Notre objectif n’est pas de remplir des missions déjà dévolues aux zones de police. Il faudra identifier clairement les phénomènes »transzonaux » spécifiques de la Région bruxelloise. Le principe de subsidiarité pourrait donc logiquement être conservé entre zones et Région.
Afin d’assurer la coordination et le suivi du Plan régional de sécurité, Il conviendra de prévoir du personnel. Il ne s’agira toutefois pas de charges administratives excessives. Cette tâche n’absorbera pas les 30 millions d’euros. En reprenant la compétence du gouverneur, la Région récupérera les moyens prévus pour le personnel et le fonctionnement de cette mission.
Il convient de montrer une grande rigueur pour faire régner l’ordre public et, par ailleurs, que cet objectif soit contrôlé et validé par les instances démocratiques. Nous devrions dès lors prévoir un débat au sein du parlement pour évaluer cette vision régionale de la sécurité.
En 2010 déjà, nous avions mis en place huit groupes de travail avec l’État fédéral. Ceux-ci se concentraient sur des phénomènes majeurs liés à la gestion de la sécurité, et notamment sur la question de la libération de la capacité policière, l’évaluation des normes KUL, le renforcement des missions fédérales liées au transport des prisonniers, l’exécution des peines, la problématique des armes, le décrochage scolaire et le recrutement. Les travaux de ces groupes ont été suspendus avec la chute du gouvernement. J’ai promis à la ministre fédérale de les relancer prochainement.
Les communes, via leurs services de prévention et leur police, communiqueront leur diagnostic local. L’instance où sont représentés notamment l’observatoire et le gouverneur, déterminera les priorités régionales, en concertation avec les objectifs du plan national. Chaque zone élaborera ensuite son propre plan de sécurité en y intégrant les objectifs du plan régional.
Le fonds de 30 millions sera affecté en priorité au renforcement de la sécurité dans les transports en commun. Selon les derniers chiffres fournis par la police fédérale, la police des chemins de fer ne remplit pas sa mission, ce qui est réellement scandaleux ! Au niveau de la commune de Saint-Gilles, les chiffres de la délinquance sont gonflés par la gare du Midi. Avoir substitué des services de sécurité privés – dont l’activité et l’efficacité sont relatives – aux policiers, dans la gare qui constitue le principal point d’entrée du trafic international, témoigne d’un désinvestissement incroyable de la part des autorités fédérales.
Certains rétorquent que les 30 millions ne feront que permettre à la Région de compenser les manquements des autorités fédérales. La police des chemins de fer n’a effectivement pas été dotée des moyens suffisants et il arrive qu’aucun agent ne circule dans le métro par manque d’effectifs. En conséquence, ce sont les zones de police qui interviennent le plus souvent dans le métro, ce qui distrait les polices zonales de leur travail en surface, qui est tout aussi considérable.
La priorité sera mise sur l’augmentation massive du nombre de policiers dans les gares les plus dangereuses ou les moins sécurisées. Actuellement, ce sont des policiers fédéraux qui remplissent cette mission.
Je vais en parler avec Joëlle Milquet. Mais pesons les avantages et les inconvénients d’un statut de policier fédéral ou zonal, puisqu’on ne peut pas avoir de policiers régionaux. Nous avons eu ce débat, il est clos pour le moment, mais vous savez que nous ne sommes pas d’accord. Je suis pour une police régionale avec, par protocole ou coulée dans les textes les plus stables, une décentralisation de cette police par commune, avec une responsabilisation des bourgmestres. Je ne crois pas à cette formule de zones qui n’apporte ni les avantages des synergies régionales, ni l’assurance d’une politique de proximité. C’est mon point de vue, mais notre perception est évidemment très variable d’une zone à l’autre.
[Intervention de M. Vincent De Wolf]
[Intervention de M. Charles Piqué, Ministre-Président]
[Intervention de M. Vincent De Wolf]
[Intervention de M. Charles Piqué, Ministre-Président]
[Intervention de M. Vincent De Wolf]
M. Charles Picqué, ministre-président.- Nous sommes dans la politique-fiction. Mais parfois, nous avons des discussions sur ce que nous voulons. Je trouve absurde de ne pas faire coïncider la responsabilité administrative et opérationnelle de la police avec la responsabilité politique.
Passons vite sur ce point, puisqu’on en reparlera plutôt dans quinze ans. Mais j’imagine une police régionale qui a sa mission et un quota de policiers mis à la disposition des communes. Dans ce cas, vous avez un plan régional qui assure la cohérence à l’échelle de la ville, et la politique de proximité qui est assurée par les communes. Ou alors, faut-il fusionner les communes ? Mais ce n’est pas le débat : je me projette dans l’avenir.
Comme on ne dispose pas de policiers régionaux avec un statut régional, on se base sur le statut du policier fédéral et sur celui du policier zonal. Quels sont les avantages et les inconvénients des deux ? Je n’ai pas encore épuisé le débat.
Il y a cependant un élément auquel je vous rends attentif : le recrutement. Cela m’ennuie moins de voir des policiers originaires de Namur ou de Bruges patrouiller dans le métro et les gares que dans nos quartiers. En effet, la surveillance dans les espaces de transports en commun (gares, stations de métro) est un travail spécifique même si c’est un peu différent dans les trams. Ce travail est moins lié au travail réalisé dans les quartiers. Du moment qu’il y a des policiers dans les gares et les métros, je suis content. A fortiori, les missions seraient précisées par la Région. Cette dernière passerait, avec le niveau fédéral ou les zones de police, une convention d’utilisation de ces policiers, lesquels seraient rétribués par la Région.
En bref, il s’agirait donc d’un dispositif spécifique pour les transports en commun dont les grandes lignes seraient précisées par la Région mais dont l’opérationnalité serait assurée soit par les zones de police, soit par le niveau fédéral.
J’en viens à présent aux bandes urbaines. Elles constituent, à l’instar de la sécurité dans les transports en commun, une priorité régionale. Avec les moyens dont nous parlons, il s’agirait de recruter des policiers bruxellois. À cet égard, je tiens à vous faire partager une suggestion : beaucoup mieux préparer les candidats bruxellois aux examens de police. Pourquoi ne pas créer un module de préformation ?
[Intervention de M. Philippe Pivin]
M. Charles Picqué, ministre-président.- C’est exact mais cette préformation peut également prendre une autre forme. L’idée est de constituer une réserve de recrutement de candidats bruxellois et on les forme afin qu’ils réussissent les examens, ce qui n’est pas toujours le cas pour le moment.
La première priorité est l’élaboration du Plan de sécurité régional, qui ne devrait pas coûter trop cher.
La deuxième priorité est l’engagement de policiers pour le métro et les gares, ce qui serait un peu plus onéreux.
En troisième lieu, un peu d’argent devra être consacré à la préparation des candidats policiers bruxellois.
Quatrième priorité : le phénomène des bandes urbaines.
Les chiffres concernant les quelque 400 membres que comptent ces bandes couvrent la Région bruxelloise et la zone de Machelen-Vilvorde. En 2010, 47% des infractions commises par les bandes urbaines en Région bruxelloise l’ont été sur le territoire de la zone Bruxelles-Ixelles. Cette dernière a d’ailleurs chargé un commissaire spécifique de traiter de cette question. Nous devons mieux comprendre les dessous de ce phénomène. Les bandes urbaines ne sont pas seulement composées de joyeux lurons qui cassent des vitres : elles commettent des actes de violence et des viols collectifs, organisent des trafics de stupéfiants, etc.
Un tel phénomène doit figurer parmi nos priorités. Il est le seul qui mériterait que l’on consacre le budget de 30 millions d’euros à un volet également préventif. J’ignore dans quelles proportions. Mme Mandaila, ce travail pourrait effectivement être mené par des associations qui entretiennent des contacts avec le terrain et pratiquent déjà la médiation. Toutefois, les « clients » de ces associations restent des délinquants.
[Intervention de Mme Gisèle Mandaila]
M. Charles Picqué, ministre-président.- Elles sont utiles, mais augmenter leurs subsides n’éradiquera pas la délinquance au sein de ces groupes. Des jeunes qui participent à des activités ludiques, créatives et éducatives commettent parallèlement des actes délinquants. La prévention est utile, mais seule, elle ne suffira donc pas à régler le phénomène des bandes urbaines.
Je passe rapidement sur les différents points que vous avez abordés de manière générale lors de vos débats. Bruxelles-Ville, Ixelles et Evere ont développé un programme de suivi intensif consacré au phénomène des « gangs de rue ». Le projet de prévention et de récidive, mis en place à Evere, concerne également Schaerbeek. Ces outils sont donc à notre disposition.
Les événements survenus à Matonge mériteraient à eux seuls un débat. Avons-nous assez d’informations sur ce qui s’y est passé ? Il est probable que non car notre Région n’est pas habilitée à consulter les données confidentielles du parquet ou de la justice.
Je sais que les bandes urbaines ne sont pas le seul facteur déclenchant des émeutes mais je pense que des causes différentes se sont en quelque sorte agrégées. Je connais des jeunes de ma commune qui se sont rendus à Matonge pour le seul motif que l’on s’y empoignait.
Sauf à me demander d’adopter un point de vue post-colonialiste, on ne saurait exiger de moi que je me prononce sur la situation politique de pays qui me sont aussi étrangers que le Mali, le Cameroun ou le Congo. Certes, je n’ignore pas que le lien historique belgo-congolais explique certaines choses. Il conviendrait néanmoins de rappeler aux communautés accueillies à Bruxelles que, si elles sont évidemment autorisées à exprimer démocratiquement des points de vue sur la situation politique de leurs pays d’origine, elles ne peuvent pas pour autant importer dans notre espace public les conflits ou les troubles dont ils sont le théâtre.
J’autoriserais bien volontiers une manifestation devant une ambassade mais je condamne le saccage d’un quartier sous prétexte qu’une élection ne s’est pas déroulée démocratiquement de l’autre côté de la planète. Si nous n’y prenons garde, de tels événements pourraient se multiplier dans la grande ville internationale et multiculturelle qu’est Bruxelles.
En tout cas, je dis clairement à mes amis ici présents qui sont en contact avec les Congolais de Matonge que ces événements n’ont pas donné une image positive de leur communauté.
[Intervention de Mme Gisèle Mandaila]
M. Charles Picqué, ministre-président.- La question mériterait un autre débat. Je ne m’estime pas suffisamment compétent pour analyser les causes profondes de ce qui s’est passé.
Concernant les trams et les bus, il s’agit d’un choix opérationnel. Cela sera discuté lorsque les lignes posant problème seront identifiées. Quand je parle des stations de métro et des gares, je pense également à leur proximité immédiate.
Je ne suis pas en mesure de vous dire – vous ne me l’avez d’ailleurs pas demandé – dans quels trams et bus ce système sera installé. Pour ma part, je pense qu’il faut des équipes volantes. Il doit peser l’hypothèse que trois policiers peuvent monter dans un tram ou un bus à n’importe quel moment et n’importe où. La probabilité de tomber sur des policiers existerait donc bien, ce qui n’est pas le cas actuellement. Mais on se situe ici déjà dans l’opérationnalité sur laquelle nous reviendrons plus tard…
Pour garder nos policiers, il faut une affectation obligatoire dans les zones bruxelloises, surtout quand vous sortez de l’ERIP (École régionale et intercommunale de police). C’est le minimum : lorsque Bruxelles paye une formation à des personnes, il ne faut pas qu’elles s’en aillent travailler ailleurs. Je dois en discuter avec la ministre de l’Intérieur.
Il faut également veiller – avec toute la prudence qui s’impose lorsqu’on évoque pareil sujet – à offrir un bon statut pour les policiers. Cela aura bien sûr un coût vu les primes et les avantages possibles.
Dans les 30 millions d’euros, il est exact qu’on ne trouve pas actuellement ni le transport des prisonniers ni la protection des ambassades. Mais là, autant je suis disposé à prendre à ma charge ce que le niveau fédéral devait initialement réaliser dans le transport public, autant l’échelon fédéral risque de ne plus rien faire si avec ces 30 millions d’euros, on nous demande également d’assurer la sécurité du Palais de Justice, de protéger les ambassades et de transporter les prisonniers. Il faudra reprendre la discussion à cet égard dans les groupes de travail dont j’ai parlé tout à l’heure afin que le niveau fédéral investisse plus à Bruxelles dans le cadre de ces missions. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas inclu, dans les 30 millions d’euros, d’autres dépenses que celles que je vous ai décrites.
[Intervention de M. Vincent Lurquin]
M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- En ce qui concerne la problématique des bandes urbaines, je rejoins l’avis du ministre-président et me réjouis du fait que l’on veuille en faire une priorité.
D’un autre côté, le propos reste relativement inquiétant parce qu’il traduit en quelque sorte un aveu de faiblesse, d’échec partiel quant à la gestion de ce phénomène. Il faut donc manifestement s’en emparer.
Au cours de conversations que j’ai pu avoir avec des chefs de zones, j’ai pu également constater que la définition des bandes urbaines et des individus les constituant était parfois imparfaite ou laissait, du moins, une zone d’ombre autour de certains phénomènes de délinquance en bande.
En tous les cas, quelque chose se développe actuellement à ce propos et devient préoccupant. La Région a, me semble-t-il, un rôle à jouer en la matière. On parle ainsi d’utiliser certaines sommes afin de mettre en place des politiques de prévention orientées vers cette problématique des bandes.
Je souhaite véritablement que l’approche soit faite diamétralement et puisse aboutir à de réels résultats avant que ce phénomène n’échappe à tout contrôle.
Je me réjouis également de l’annonce de la reprise des huit groupes de travail qui furent lancés sous Yves Leterme et qui, de mon point de vue, témoignaient d’une bonne méthode de travail avec les bourgmestres, la Région et le pouvoir fédéral bien évidemment.
En effet, cette méthode a démontré son efficacité, sa capacité à réunir les énergies. On se souvient malheureusement de ce que cette dynamique avait été mise en place à la suite d’événements malheureux et sous la pression médiatique.
Ainsi, j’espère que l’on ne devra pas attendre que se reproduise ce type d’événement émotionnant pour relancer les groupes qui, je l’espère, pourront reprendre le travail le plus rapidement possible. D’autant que les projets déjà sur table sont, me semble-t-il, d’envergure et en grande partie utilisables.
Je crois que nous serons amenés prochainement à évoquer à nouveau ces questions de sécurité, tout simplement parce qu’elles sont liées à l’enjeu de notre qualité de vie. Beaucoup de nos politiques sont impactées par ces difficultés liées à la sécurité.
En outre, vous le savez, les meilleures mesures ne peuvent qu’émerger d’un climat de réflexion serein. De mon point de vue, l’émotion ainsi que l’émergence de propositions survenant au lendemain d’un drame sont perturbantes et rarement porteuses de signaux réels, positifs et crédibles envers la population.
Pour retrouver l’intégralité des discussions, veuillez cliquer ici.
CRI COM (2011-2012) n° 31, Janvier 2012, pp. 11-44