Interpellation concernant le futur « village de la construction » au bassin Vergote

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique,

concernant « le futur « village de la construction » au bassin Vergote ».

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- L’accord de majorité sur lequel le gouvernement fonde son action mentionne clairement l’ambition de votre équipe gouvernementale de réaliser un village de la construction sur la rive gauche du bassin Vergote.

Pour rappel, après bien des hésitations, il fut décidé que ce village accueille les entreprises actuellement implantées au quai de Béco, pour lequel la majorité a d’autres projets. Au départ, ces entreprises devaient le quitter toutes affaires cessantes, car un ministre de l’époque voulait y créer une piscine. Ensuite, dès le départ du ministre et la remise au frigo du projet de piscine, il fut question d’un parc public, consacrant définitivement le quai de Béco aux activités récréatives. Bref, la majorité a décidé qu’il n’y avait plus de place pour la mixité des affectations à cet endroit et qu’il était urgent de déplacer les entreprises ailleurs.

Tout un temps, il fut question – des plans ont été dressés à cet effet – de grouper ces commerces sur le site de Tour & Taxis, suite à l’abandon, à cet endroit, du projet du Brussels International Logistic Center (BILC), pourtant sur le métier depuis une dizaine d’années. Après bien des vicissitudes, le projet de village de la construction échoua au bassin Vergote.

J’ai pris bonne note du souhait du gouvernement de veiller, au bassin Vergote, à une intégration urbaine de ces entreprises actives dans le domaine des matériaux de la construction et je m’en réjouis. Je souhaite aujourd’hui mieux percevoir le contour du projet au travers de quatre facettes du dossier.

Évoquons d’abord les incidences socio- économiques. S’agit-il simplement de concéder une large partie du bassin Vergote à ces commerces parce qu’il n’y a pas d’autre endroit où les placer ? Ce n’était pourtant pas le premier choix des autorités régionales. Les entreprises sont-elles toutes enthousiastes à l’idée de déménager vers ces nouveaux lieux ? Combien de nouveaux emplois seront-ils créés par ce projet ? Et combien d’emplois bruxellois ?

De nouveaux commerces et entreprises actifs dans la vente de matériaux sont-ils appelés à venir s’installer dans le futur village ? Si oui, lesquels, et avec quelles conséquences positives sur l’emploi des Bruxellois ?

J’ai cru comprendre que les autorisations urbanistiques venaient d’être délivrées pour les travaux d’aménagement des nouveaux entrepôts. Pourriez-vous nous en dire davantage sur le calendrier des travaux envisagés ? Toujours dans le cadre de ces aménagements, quels montants seront-ils payés par les pouvoirs publics bruxellois ? A contrario, quels coûts seront-ils pris en charge par les entreprises concernées ?

Concernant les conséquences environnementales du projet, rappelons que le village sera situé aux portes d’un quartier en voie d’urbanisation quasi totale. Les projets d’urbanisation de Tour & Taxis et du bassin Béco y génèrent déjà un nouveau et important trafic, qui rend le quartier moins aisé à traverser. Quelles sont les incidences du projet de village de la construction au niveau du volume de charroi de véhicules à cet endroit stratégique ? Où se situent les limites du gouvernement dans le développement d’activités génératrices de trafic de véhicules dans le quartier ?

En face, le centre de transport international routier (centre TIR) génère déjà de nombreuses nuisances. En outre, voici quelques années, les habitants du quartier s’étaient mobilisés contre le projet du Brussels International Logistic Center (BILC) par peur de l’augmentation du charroi. Et entre-temps, une nouvelle urbanisation a changé le visage des lieux.

Enfin, nous sommes au bord de l’avenue du Port, dont l’état général est indigne d’une ville du XXIe siècle. À ce sujet, la situation est stable, puisque la seule amélioration au cours des dix dernières années aura été le tracé de deux pistes cyclables sur les trottoirs existants, sans la moindre intervention en voirie.

Comment ce projet peut-il parfaitement s’imbriquer dans le tissu urbain existant ? Quels travaux d’aménagement sont-ils nécessaires pour limiter au maximum les nouvelles nuisances pour celles et ceux qui vivent ou travaillent dans la zone ?

Concernant l’usage de la voie d’eau, les terrains finalement choisis pour créer ce village de la construction se situent le long du canal. Or le premier choix des autorités bruxelloises portait sur les terrains sur le site de Tour & Taxis, qui, bien entendu, ne sont pas reliés au canal. Il n’y avait donc a priori aucune utilité à placer ces entreprises sur des terrains aussi précieux que ceux disposant de quais. Doit-on s’attendre à ce que ces commerces n’emploient pas la voie d’eau ? En d’autres termes, pourriez-vous nous détailler les engagements contractuels des entreprises en matière d’usage du canal pour acheminer leurs marchandises ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Il me sera difficile de répondre aux questions précises qui n’étaient pas contenues dans le texte de votre interpellation. Nous gagnerions en efficacité en ayant plus de détails à l’avance. Le Bureau élargi pourrait peut-être y être attentif.

M. Van Goidsenhoven, nous allons commencer par une bonne nouvelle. Avez-vous lu la presse ?

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Parfaitement.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Entre le moment où vous avez déposé votre interpellation et aujourd’hui, il y a eu du changement. Cela vous donne au moins l’impression que vos demandes pèsent sur le cours de l’actualité.

Le projet de village de la construction a reçu son permis d’environnement en septembre 2014 et son permis d’urbanisme le 13 février dernier. Le Port de Bruxelles peut maintenant désigner l’entrepreneur chargé des travaux.

Le village de la construction est prévu dans le masterplan Horizon 2030 du Port de Bruxelles, afin de répondre de manière optimale aux besoins des négociants en construction qui, devant quitter le bassin Vergote, souhaitaient garder une implantation tout aussi centrale et connectée à la voie d’eau pour leurs activités.

Le nouveau projet leur permettra de remplacer leurs installations actuelles, désuètes et inadaptées – de vieux entrepôts avec des hauteurs libres insuffisantes -, d’optimiser leur exploitation, de renforcer l’usage de la voie d’eau pour leur approvisionnement, de faire croître leurs activités et donc – c’est à espérer – le nombre de personnes qu’elles occupent. Bruxelles conservera ainsi des entreprises qui y ont leur clientèle et intensifiera son trafic par voie d’eau.

Pour être plus précis, ce site devrait occuper au minimum 41 personnes en phase de démarrage, et des engagements sont pris pour porter le trafic par voie d’eau à 210.000 tonnes en phase de croisière.

Du point de vue architectural, ce projet a été conçu par le bureau TETRA architects, sélectionné début 2014 par un jury multidisciplinaire – maître-architecte, expert en transport du port, représentants des entreprises – qui a veillé tant à l’intégration urbanistique du projet qu’à l’amélioration des conditions d’exploitation du site, notamment pour ce qui concerne l’utilisation de la voie d’eau. Le nouveau projet apportera donc une plus-value au quartier par son esthétique, par l’attention portée à la durabilité des bâtiments et par l’exploitation du site, ainsi que par des ouvertures sur le bassin Vergote depuis l’avenue du Port et la rue de l’Entrepôt. TETRA a d’ailleurs reçu un prix international pour ce projet.

Les coûts de déménagement sont pris en charge par la Région au travers du protocole d’accord entre la Région, le Port de Bruxelles et les entreprises concernées.

J’en viens aux conséquences environnementales.

Le projet de village de la construction intègre l’approvisionnement par voie d’eau comme une donnée de base. La part des volumes transportés par barge croissant sensiblement, les volumes routiers et, donc le charroi sur l’avenue du Port et les voiries avoisinantes ne devraient donc pas augmenter, même en cas d’accroissement des activités.

Par ailleurs, la rétrocession, par le futur occupant du village de la construction, d’un terrain et d’un bâtiment qu’il occupe actuellement au bassin Vergote permettra d’agrandir le terminal palette voisin et de renforcer significativement son potentiel en termes de volumes et de types de marchandises traitées. Elle accroîtra donc également l’utilisation de la voie d’eau, notamment pour l’approvisionnement du centre TIR et du centre de distribution urbaine qu’il est prévu d’y installer.

Enfin, la question du charroi des entreprises de la rive gauche du bassin Vergote doit être envisagée dans le cadre du réaménagement de l’avenue du Port.

Tout cela s’intègre évidemment dans le Plan canal au sens large.

Que ce soit par sa qualité ou le soin à s’intégrer à son environnement immédiat en prenant en compte l’objectif d’un renforcement de l’usage de la voie d’eau, le projet de village de la construction cadre avec les objectifs du Plan canal, d’autant que sa mise en œuvre permettra de concrétiser le projet d’espace vert et récréatif sur le quai Béco, à placer lui aussi dans le contexte du Plan canal.

Nous mettrons donc tout en œuvre pour que ce projet puisse se concrétiser rapidement, même si l’intégration du Port de Bruxelles dans le périmètre comptable de l’entité régionale nous oblige à revoir le plan de financement. Avec le Port de Bruxelles, nous cherchons à garantir que des moyens puissent être disponibles dès 2016 afin que ce projet prioritaire puisse être lancé.

Je ne manquerai pas de tenir la commission informée de son avancement dans les mois qui viennent.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Si j’ai bien compris vos réponses, les quais seront bel et bien utilisés dans le cadre du transport par voie d’eau. Vous avez brièvement évoqué la question du trafic. Le cas échéant, je vous adresserai quelques questions écrites plus précises à cet égard.

Concernant le rendement en termes d’emplois, pourriez-vous préciser les choses ? Y aura-t-il de nouvelles créations d’emplois ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- C’est bel et bien l’objectif. Nous disposons aujourd’hui du chiffre de départ que j’ai évoqué (41 emplois). Cependant, il est évident que le projet en lui-même, en fonction du développement de l’utilisation de la voie d’eau, devrait produire des emplois supplémentaires. Chiffrer plus précisément ces estimations aujourd’hui ne serait pas pertinent car ce serait préjuger d’éléments et de développements que nous ne maîtrisons pas totalement. Il faut que l’activité économique suive. Même si nous créons les conditions pour que cela se fasse, nous devons rester prudents dans l’annonce de chiffres relatifs à la création d’emplois.

 

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CRI COM (2014-2015) n°58, Mars 2015, pp. 12-18