Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique
concernant le Port de Bruxelles dans le cadre de la mise en réseau des ports maritimes et intérieurs.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Ces dernières années, le transport de conteneurs a entraîné une intensification des relations entre ports maritimes et ports intérieurs. Bruxelles n’échappe pas à cette tendance et il est arrivé que la bonne santé du terminal à conteneurs permette à elle seule de présenter des chiffres globaux de trafic sur notre voie d’eau relativement acceptables.
Aujourd’hui, certains experts évoquent l’exigence de développer des « couloirs de trafics comme réponse aux logiques de massification, tant pour le transport ferroviaire que pour le transport fluvial ».
Or, cette nouvelle échelle de travail suppose également un resserrement des relations entre les services parapublics qui gèrent les ports maritimes et intérieurs. Cette véritable mise en réseau des ports maritimes et intérieurs constitue un enjeu majeur pour le développement du transport fluvial et maritime. Cela vaut également pour Bruxelles, du moins si la région entend renforcer sa place dans cet ensemble plus global.
C’est pourquoi je souhaite vous interroger sur cet enjeu stratégique.
Quelles sont les relations d’interdépendance entre le port de Bruxelles et les ports voisins immédiats ou plus lointains ? J’ai lu que les ports maritimes européens sont de plus en plus congestionnés. Les riverains ne cessent de lutter contre les projets de désenclavement routiers autour de ces ports maritimes. C’est aussi le cas à Anvers. Pour préserver leur bon fonctionnement, ces ports maritimes rechercheraient des collaborations avec des ports et terminaux intérieurs. Autrement dit, ces ports de mer articulent toujours davantage leur fonctionnement autour de ports intérieurs, au sein desquels la création de plateformes intermodales devrait se multiplier.
Pourriez-vous nous indiquer les synergies et partenariats déjà conclus entre notre port et d’autres ports intérieurs, ainsi qu’avec des ports de mer comme celui d’Anvers ? Dans quel cadre juridique se nouent ces partenariats ?
Quant aux enjeux et objectifs stratégiques visés, sur lesquels je souhaiterais aussi vous entendre, je rappelle à mes collègues que, d’ici 2018, le port d’Anvers s’attend à atteindre 115 millions de tonnes de trafic via la navigation intérieure. La plus grande croissance devrait concerner, selon les experts, le secteur des conteneurs. J’ai lu que la part de marché de la navigation intérieure pour les conteneurs devrait atteindre 43% d’ici 2018.
En clair, dès demain, l’acheminement des conteneurs depuis les ports de mer vers l’intérieur du pays devrait s’opérer en masse via la voie d’eau. Voilà des perspectives encourageantes pour notre port intérieur. Voilà de quoi assurer une augmentation significative des emplois liés à la voie d’eau dans les prochaines années.
Évidemment, même si le cadre général est particulièrement favorable, il convient d’accompagner cette évolution.
Pourriez-vous nous éclairer quant à l’éventuelle coopération institutionnelle dans le cadre de cette mise en réseau de nos ports belges ? Quel est le rôle de la Région de Bruxelles-Capitale ?
Plus généralement, qu’en est-il de la politique marketing du Port de Bruxelles pour encourager plus encore les coopérations avec d’autres ports visant à consacrer des couloirs de trafic passant par Bruxelles.
Des efforts sont-ils singulièrement consentis ? Des moyens humains et budgétaires sont-ils réservés à Bruxelles pour développer ces coopérations opérationnelles avec les autres ports ?
Quels sont les résultats sur les volumes transportés déjà engrangés au travers de cette mise en réseau de nos ports ? Quelles sont, selon vos informations, les perspectives attendues pour le volume de nos trafics par voie d’eau, pour l’emploi des Bruxellois et, ne l’oublions jamais, pour la préservation de l’environnement par la diminution des transports routiers ?
[Intervention de Madame Brigitte GROUWELS]
[Intervention de Madame Cieltje VAN ACHTER]
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Tout port, qu’il soit intérieur ou côtier, est avant tout un nœud de transport, une interface entre les origines et destinations plus ou moins lointaines des personnes et des marchandises qui y transitent. Il ne peut donc exister que par son intégration dans un réseau plus ou moins étendu et dense d’autres ports et/ou plateformes avec lesquels il échange ses trafics. Cela est particulièrement vrai pour les marchandises conteneurisées, qui arrivent à Bruxelles du monde entier via Anvers, Rotterdam et Zeebruges.
En tant que port intérieur, le Port de Bruxelles bénéficie d’infrastructures fluvio-maritimes exceptionnelles en termes de gabarit et de capacité d’accueil : l’avant-port bruxellois et sa voie d’accès (le canal maritime de Bruxelles à l’Escaut, aussi connu comme le canal de Willebroek) sont catégorisés en classe VIb (classification européenne des transports), ce qui signifie que le Port de Bruxelles a la capacité d’accueillir des bateaux d’un tonnage inférieur ou égal à 6.000 tonnes. Il est ainsi connecté directement, par voie fluviale ou maritime, à l’ensemble du Nord Ouest européen.
Afin de tirer le meilleur parti de ces capacités pour son approvisionnement, la Région doit donc aborder le rôle de son port au-delà de ses limites institutionnelles, dans un contexte plus large, national et international. Un port intérieur comme celui de Bruxelles ne peut se développer qu’en synergie avec les deux autres Régions de l’axe ABC (Anvers-Bruxelles-Charleroi), mais également des partenaires européens que sont les Pays-Bas, la France, l’Allemagne et, pour le volet maritime, l’Europe côtière et la Méditerranée.
L’essentiel des importations portuaires, directement liées à la consommation bruxelloise, provient de ces ports et pays européens : matériaux de construction (sable, ciment, gravier pour le béton, mais aussi depuis peu, briques et blocs de béton palettisés) pour les chantiers bruxellois, essence et diesel vendus dans les stations-services de la capitale. Ces produits proviennent essentiellement d’Anvers et des PaysBas, qui sont nos deux plus gros partenaires commerciaux, tout comme pour les marchandises à haute valeur ajoutée que sont les produits alimentaires (en tenant compte du rôle de Schiphol pour les importations de fruits et légumes exotiques) ou les marchandises conteneurisées. L’Allemagne et la France fournissent des céréales, la Russie des aciers spéciaux et rachètent les ferrailles bruxelloises pour leurs industries.
À cet égard, l’établissement d’accords de partenariats interrégionaux visant la mise en œuvre d’une dynamisation du report modal est une opportunité à saisir pour atteindre différents objectifs : dynamisme et compétitivité des activités productives et de négoce bruxelloises, réduction de la congestion routière, des externalités et des émissions de gaz portés par l’Europe notamment. Mais aussi création d’emplois peu qualifiés et de valeur ajoutée bruxelloise.
Dans le cas des conteneurs, l’essentiel des flux actuels provient du monde entier, essentiellement via Anvers. Citons par exemple les vins chiliens, australiens ou sud-africains, des farines à destination de l’Afrique ou de l’Europe, les célèbres jouets et textiles chinois. Pour ce qui concerne la voie d’eau, l’acheminement sur Bruxelles se fait au moyen d’une ligne régulière de 3 à 5 départs par semaine vers le terminal de l’avant-port. Cette navette est complétée par une liaison régulière avec Garocentre à La Louvière et des possibilités moins structurelles avec Rotterdam et Zeebruges, qui augmentent l’attractivité du terminal bruxellois sans aucun mouvement de camion supplémentaire pour Bruxelles.
Cette nécessaire collaboration entre le Port de Bruxelles et ses homologues régionaux et internationaux est d’ailleurs soulignée tant dans le masterplan horizon 2030 du Port de Bruxelles que dans son contrat de gestion 2013-2018 (art. 25, notamment).
Lors de la régionalisation des voies navigables et, donc, de l’ancienne Société nationale du canal et des installations maritimes de Bruxelles en octobre 1993, deux accords de coopération ont été signés.
L’un avec la Flandre pour la création du Port de Bruxelles et de son homologue flamand Waterwegen en Zeekanaal, et pour leur coordination dans la gestion de la voie d’eau. Les deux Régions se rencontrent régulièrement pour discuter de dossiers communs tels que le suivi informatisé des bateaux (projet AIS), la stratégie tarifaire de promotion de la voie d’eau, y compris pour le transport maritime, et la coordination des travaux pour limiter les interruptions de la navigation.
L’autre sous forme d’une convention entre les Régions bruxelloise, flamande et wallonne créant la Commission interrégionale des voies hydrauliques, une commission de concertation pour la coordination entre Régions de leurs stratégies et travaux d’infrastructures.
Depuis avril 2010, un accord de coopération existe également entre le Port d’Anvers et le Port de Bruxelles, destiné à améliorer les échanges d’informations et de trafics conteneurisés entre les deux ports. Anvers cherche à améliorer sa desserte d’hinterland ; Bruxelles veut attirer vers la voie d’eau des trafics qui lui arrivent par la route essentiellement, et vers les entreprises portuaires bruxelloises, les fonctions logistiques créatrices de valeur ajoutée et d’emplois qui les accompagnent.
Dans cette optique, l’accord prévoyait une promotion conjointe des services portuaires bruxellois par les deux ports, notamment pour le développement du site de Schaerbeek-Formation. Ainsi, le Port d’Anvers assure la présence du Port de Bruxelles sur les salons auxquels il participe. Celle collaboration se concrétisera aussi par une participation des entreprises portuaires et logistiques bruxelloises à la campagne Supply chain que le Port d’Anvers organise à Bruxelles le 14 septembre prochain.
Enfin, au niveau européen, le Port de Bruxelles est leading partner du projet CCP21 Connecting Citizen Ports 21 qui regroupe les ports de Liège, Paris, Lille, Utrecht, Port de Suisse et les Ports du Rhin autour de projets de développements portuaires innovants dans un contexte urbain. Le projet bruxellois est la plate-forme de transbordement de palettes du bassin de Biestebroeck.
Le port participe activement à différentes associations internationales telles que la Fédération européenne des ports intérieurs – la FEPI, qui a récemment tenu son congrès dans notre parlement – où il a l’occasion de s’informer des nouvelles réglementations et des programmes européens. Il est également membre de l’Association internationale villes et ports (AIVP), de l’Association mondiale pour les infrastructures de transport maritimes et fluviales (AIPCN), fondée en 1885 à Bruxelles, et de l’Inland Navigation Europe (INE) qui regroupe les acteurs publics et privés autour de l’utilisation des voies d’eau.
J’en viens aux enjeux stratégiques. Le conteneur permet de conditionner pratiquement tout type de marchandises, mais également d’être manutentionné partout dans le monde de manière standardisée, tous modes confondus. Ces deux éléments font sa force et lui ont permis une croissance inégalée au cours des dernières décennies.
De ce fait, les trafics conteneurisés par voie d’eau sont bien entendu l’un des éléments stratégiques pour l’avenir du port, mais également pour la Région puisque ceux-ci concourent à la réduction des externalités causées par le transport routier.
Par ailleurs, le transport de conteneurs représente actuellement 50% des volumes manutentionnés à Anvers, qui est donc plus que désireux de transférer à la voie d’eau un maximum de ceux destinés notamment à Bruxelles et préserver ainsi sa compétitivité par rapport à ses concurrents que sont Rotterdam, Amsterdam ou Le Havre.
L’intérêt de Bruxelles de s’insérer dans un réseau dense et fréquent de navettes fluviales correspond à la fois à la recherche d’une solution durable pour le transport de conteneurs qu’à l’amélioration de la compétitivité de ce transport dans l’intérêt des entreprises bruxelloises ou l’attraction d’activités logistiques complémentaires, porteuses de valeur ajoutée et d’emplois peu qualifiés. C’est notamment l’enjeu de la création d’un cluster logistique à Schaerbeek-Formation.
Comme expliqué ci-dessus, le Port de Bruxelles entretient de nombreux contacts avec ses homologues belges et européens. Il participe en outre à deux salons professionnels par an, qui lui permettent de rencontrer de nouveaux prospects, tel l’actuel exploitant du terminal à conteneurs. Ces salons sont sélectionnés en fonction de leur pertinence par rapport aux spécificités portuaires bruxelloises. En 2015, ces salons sont la Foire de Munich (mai 2015) et Transport & Logistics à Anvers (septembre 2015).
Il participe également à de nombreux forums et conférences : Inland Terminals, River Dating, Activités de promotion du Port d’Anvers et de Logistics in Wallonia…
Il organise régulièrement des visites et événements pour des délégations étrangères désireuses de découvrir les installations portuaires bruxelloises et leur potentiel de développement.
Enfin, le Port de Bruxelles participe chaque année à la mission économique organisée par la Communauté portuaire bruxelloise dans un port européen. Ce fut à Strasbourg en 2014 et ce sera à Rouen en 2015.
Les moyens humains et budgétaires affectés à la coopération interportuaire ne sont pas concentrés sur une ou quelques personnes ou projets, mais sont une compétence transversale, exercée par différentes personnes et équipes : directions générale et commerciale, marketing et développement… Une partie de la mission de l’expert en transport cofinancé par le port et la Région correspond également à cette mission. L’important dans ce domaine est la mise en commun des expertises et des informations pour aboutir à une stratégie cohérente et performante. N’hésitez donc surtout pas à interpeller vos représentants siégeant au sein du conseil d’administration du Port de Bruxelles à propos d’éléments plus factuels.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- C’est bien pour cette raison que je vous interpelle. Nous avons en effet perdu un certain nombre de représentants au sein du conseil d’administration du Port de Bruxelles, à la suite du récent renouvellement de ce dernier sous la présente législature.
Pour le reste, j’ai pris bonne note des réponses que vous avez fournies. Cependant, vous n’avez pas fait référence aux éventuels résultats engrangés de cette mise en réseau des ports les volumes transportés. Enregistre-t-on déjà des résultats tangibles ?
Pour retrouver le texte dans son intégralité, cliquez ici.
CRI COM (2014-2015) n°137, Juin 2015, pp. 39