Interpellation sur les retards annoncés de l’ouverture des bureaux d’accueil pour les primo-arrivants sur le territoire de Bruxelles-Capitale

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Monsieur Rudi VERVOORT, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de la Cohésion sociale

concernant les retards annoncés de l’ouverture des bureaux d’accueil pour les primo-arrivants sur le territoire de Bruxelles-Capitale

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Depuis hier, le Gouvernement wallon a adopté le parcours d’intégration obligatoire pour les primo-arrivants souhaitant s’installer en Wallonie. Cela démontre la capacité d’avancer dans une politique où notre Région semble, malheureusement, accumuler les retards.

En ce qui concerne Bruxelles et les compétences de la Commission communautaire française en particulier, l’ouverture de deux bureaux d’accueil pour les primo-arrivants (BAPA) sur le territoire de notre Région devait intervenir à la fin de l’année 2015, voire au début de l’année 2016. Or, force est de constater que rien n’est encore effectif en la matière à ce jour.

En outre, plusieurs informations font état de nouveaux retards annoncés : en début de mois, la presse annonçait plusieurs semaines de retard par rapport au calendrier initial. Dans ce même hémicycle, au mois de novembre, vous disiez qu’il ne fallait « pas trop s’avancer. Le vote de l’ordonnance pourrait intervenir dans un délai relativement court ». Néanmoins, inutile de le rappeler, même si l’actualité s’en charge presque quotidiennement, il y a urgence. Ce retard dans l’ouverture des bureaux d’accueil constitue donc un élément nouveau auquel il convient d’apporter un certain nombre d’éclaircissements.

Pourriez-vous donc nous livrer le détail du calendrier d’ouverture de ces BAPA ? Il est effet important de connaître cet agenda avec précision, puisqu’il faut s’attendre, en raison de cette crise des migrants qui ne faiblit pas, à un nombre croissant de primo-arrivants sur le territoire de la Région.

Qu’en est-il de l’organisation pratique de ces BAPA ? Disposez-vous d’informations concrètes quant au recrutement du personnel ?

Par ailleurs, l’asbl Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRÉ) estime qu’entre 15 et 20.000 primo-arrivants devraient bénéficier des soutiens qui sont inclus dans le parcours d’intégration. Quand on sait que le maximum de places disponibles s’élèvera à 7.000 places (4.000 pour les deux bureaux d’accueil qui doivent encore ouvrir, ajoutées aux 3.000 du bureau d’accueil flamand, le Brussels Onthaalbureau voor Inburgering, BON), il ne faut pas être savant pour constater que nous allons rencontrer un problème lié au nombre de places disponibles. Il faut y apporter des réponses sans tarder.

Qu’en est-il de la mise en place d’autres bureaux d’accueil destinés aux primo-arrivants ? Avez-vous revu à la hausse les objectifs que vous vous étiez fixés ? Avez-vous pu dresser, en concertation avec les communes, une liste des priorités visant à élargir une offre qui sera, chacun le sait, rapidement saturée ?

Face à ce nombre important de dossiers à traiter, je souhaiterais connaître les modalités de choix des bénéficiaires. Selon quelles priorités ces choix vont-ils être effectués ? Sur la base de quels critères objectifs les places seront-elles attribuées aux demandeurs ?

Qu’en est-il de la concertation avec la Commission communautaire commune et la Vlaamse Gemeenschapscommissie ?

Dans la mise en œuvre du parcours d’accueil, chacun reconnaît qu’il est important que les primo-arrivants puissent suivre des formations à la citoyenneté, tout comme il est capital qu’ils puissent se familiariser le plus rapidement possible avec la langue française afin de parvenir à une intégration effective. Dans ce cadre, quel est l’état d’avancement de vos contacts avec la Commission communautaire commune ?

[Intervention de Monsieur Fabian Maingain]

[Intervention de Monsieur Alain Maron]

[Intervention de Monsieur Kompany]

M. Rudi Vervoort, ministre.- Vous me permettrez de rester dans le cadre de l’assemblée qui nous réunit ce matin et de ne pas déborder sur les compétences de l’Assemblée réunie.

Avant de faire le point sur l’avancement de la mise en place des bureaux d’accueil des primo-arrivants, je rappellerai quelques éléments du calendrier, afin de démontrer que nous travaillons avec rapidité, mais pas dans la précipitation. C’est à la mi-septembre 2015 que le Collège a statué afin d’agréer deux structures, au lieu d’une initialement prévue. Il s’agit de structures de catégorie 4, soit la catégorie la plus élevée, exigeant d’accueillir 2.000 primo-arrivants par an en vitesse de croisière.

Ce genre de structure ne se crée pas en un jour, surtout qu’il a fallu presque tout faire : trouver les locaux, les aménager, engager le personnel, le former, communiquer, et tout cela dans le respect des règles de bonne gestion et des marchés publics.

Les deux structures nous annoncent pouvoir ouvrir, l’une dans le courant du mois de mars, et l’autre dans le courant du mois d’avril. Au vu de la masse de travail que la mise en place des BAPA a représentée, on peut considérer que tout cela a été réalisé dans de brefs délais. Dans les prochaines semaines, ces BAPA pourront en effet commencer à fonctionner.

Nous sommes évidemment tous concernés par l’afflux massif de migrants sur le territoire. Croire que le parcours d’accueil réglera le problème de l’afflux des réfugiés serait cependant faire un raccourci plus que hasardeux. L’objectif des BAPA ne relève d’ailleurs pas de ce champ-là. Il intervient dans un second temps, pour ceux qui seront amenés à demeurer sur le sol belge. Il faut d’abord falloir gérer la question des migrants et là, les BAPA ne participent en rien, puisqu’il s’agit d’une compétence fédérale.

Au passage, je signale que le Gouvernement bruxellois n’a eu de cesse de demander un plan de répartition définitif applicable à l’ensemble du territoire. Force est de constater que, au-delà de quelques déclarations plus ou moins musclées en fonction de leur auteur, nous ne disposons toujours pas aujourd’hui d’un plan de répartition global.

Or, nous en avons évidemment besoin, surtout en Région bruxelloise, puisque nous sommes particulièrement concernés par la problématique, vu notre rôle de capitale. En l’absence de M. De Wolf, pourriez-vous faire passer ce message à qui de droit, Monsieur Van Goidsenhoven ? L’avancement de la mise en œuvre de ce plan de répartition serait une bonne chose.

Nous n’avons pas encore pris de décision concernant le nombre de places et les priorités à établir, afin d’obtenir des éléments de la part des BAPA quand ils ouvriront. On peut avoir toutes les discussions du monde sur ce qu’il faudrait faire, mais je ne puis que vous ramener à la réalité budgétaire de la Commission communautaire française. Il faudra donc tenir compte de cet aspect. Peut-être faudra-t-il élargir le champ d’application, au travers notamment de l’intervention de la Commission communautaire commune. C’est un autre débat que vous mènerez certainement au sein d’une autre assemblée.

En ce qui concerne la nécessité de cours de citoyenneté, je souhaiterais vous rassurer en vous précisant que nous finançons déjà depuis de nombreuses années des cours de citoyenneté donnés par des opérateurs financés via la compétence de la Cohésion sociale. Ces opérateurs accueillent déjà un grand nombre de personnes primo-arrivantes. Il n’y a donc pas de vide pour l’instant. Comme je l’ai déjà dit à M. Maron, il ne faut pas croire que rien n’a été fait avant la création des BAPA. 

Les politiques que la Commission communautaire française et d’autres mènent en matière de Cohésion sociale incluent depuis des années l’accueil des primo-arrivants. Il ne faudrait pas faire croire que nous en sommes à l’année zéro et que, subitement, nous allons nous préoccuper de l’accueil des primo-arrivants. Les BAPA consistent en la création d’un dispositif spécifique répondant à l’ampleur du phénomène. Soyons de bon compte à cet égard, et reconnaissons que la Commission communautaire française a mené cette politique depuis plusieurs années.

La difficulté était d’éviter que toute la compétence de la Cohésion sociale soit phagocytée par la politique de l’accueil des primo-arrivants. Vu la masse, il était indispensable de créer des dispositifs spécifiques. À défaut, nous n’aurions plus fait que de l’accueil de primo-arrivants et nous aurions laissé tomber tous les autres volets de cette politique que nous menons, par ailleurs, depuis de nombreuses années.

Pour toutes les formations linguistiques, je pense que la sélection des opérateurs qui assureront ces formations est en cours. L’appel a été lancé, et nous en sommes au stade de la sélection.

La discussion sur l’ensemble de cette problématique est fragmentée, puisqu’elle implique des compétences de la Commission communautaire française, un peu de compétences régionales et un peu de compétences de la Commission communautaire commune. Il m’est difficile de parler au nom des autres responsables, mais mon objectif n’est pas de leur renvoyer la balle.

Concernant le dispositif obligatoire, ce sont les deux membres concernés du Collège de la Commission communautaire commune qui porteront le projet. Si vous le souhaitez, interpellez-les. Ils sont à votre disposition.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’entends que les deux BAPA seront ouverts en mars et avril. Nous sommes conscients de la nécessité d’ouvrir ce genre de structure avec ordre et méthode, mais de là à affirmer que la Commission communautaire française n’a rien à se reprocher, il y a une marge. D’autres niveaux de pouvoir ont parfois été plus proactifs que nous. Les BON (Brusselse Onthaalbureaus voor Inburgering) existent depuis longtemps et connaissent une certaine réussite.

M. Rudi Vervoort, ministre.- La politique menée par la Flandre depuis de nombreuses années dépasse largement le cadre des primo-arrivants. Elle concerne aussi le logement social et vise la flamandisation des francophones.

Nous savons que la position du MR sur la défense des minorités est à géométrie variable.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je n’ai pas à recevoir de leçons sur ce sujet.

J’entends donc que la Commission communautaire française est irréprochable…

Vous dites que la crise migratoire n’a qu’un lien très ténu avec ce qui nous occupe. Pourtant, à la rentrée, vous annonciez urbi et orbi qu’un seul bureau d’accueil suffirait. Vous avez ensuite changé d’avis parce que les événements vous y ont poussé.

Certes, tous les migrants ne s’établiront pas en Région bruxelloise pour y passer le restant de leurs jours. Toutefois, pour ceux qui s’établiront plus durablement, il faut faire en sorte qu’ils vivent en bonne intelligence dans notre Région, accèdent à l’emploi, s’intègrent, apprennent la langue, etc.

La réalité doit être regardée en face et nous devons être proactifs. J’entends que nous devons tenir compte de la réalité budgétaire, mais nous devons aussi nous projeter dans l’avenir et préparer l’étape suivante.

Je crains malheureusement qu’on en reste pour un long moment à ce que vous nous avez présenté assez brièvement ce matin. Nous sommes tous persuadés que ce sera manifestement insuffisant au regard des réalités et des nécessités de terrain. Dès aujourd’hui, le rôle du gouvernant que vous êtes est de songer à l’étape suivante, pour pouvoir répondre plus concrètement à des besoins qui ne seront pas couverts de façon suffisante. Par rapport à cela, permettez-moi de vous dire, Monsieur le ministre, avec tout le respect que j’ai pour vous, que vous ne nous avez absolument pas rassurés. 

 

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CR n°29 (2015-2016), Février 2016, pp. 4-7