Interpellation sur le manque d’enseignants en Région bruxelloise pour relever le défi du boom démographique

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Fadila LAANAN, Ministre-Présidente du Collège de la Commission communautaire française, en charge du Budget, de l’Enseignement, du Transport scolaire, de l’Accueil de l’enfance, du Sport et de la Culture

concernant le manque d’enseignants en Région bruxelloise pour relever le défi du boom démographique

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- L’Institut bruxellois de statistique et d’analyse (IBSA) vient de publier une étude consacrée aux besoins d’enseignants dans notre Région. Dans le contexte de forte croissance démographique que nous connaissons, le travail fourni visait à évaluer, je le cite, les « tensions entre l’offre et la demande en personnel à l’horizon de l’année scolaire 2019-2020 ».

Pour résumer les projections de cette étude, il apparaît que, dans un peu plus de trois ans, la Région bruxelloise comptera 24.000 élèves supplémentaires par rapport à 2013.

Cette forte augmentation aura donc des impacts en matière d’offre scolaire, qu’il s’agisse des enseignants ou des infrastructures. Le développement de notre ville-région au travers de nouveaux quartiers, mais également d’une densification de plus en plus importante, nous rappelle effectivement à cette réalité de croissance démographique et donc de besoins d’équipements scolaires en nombre plus important dans les années qui viennent.

L’étude souligne que cette situation devrait entraîner le recrutement de 436 temps plein au minimum, tous réseaux confondus, tout en insistant sur le fait que ce ne sont pas moins de 2.000 équivalents temps plein qu’il conviendrait de recruter pour assurer un encadrement optimal.

Un autre chiffre a retenu mon attention : 281 engagements d’enseignants à temps plein sont nécessaires dans l’enseignement francophone à Bruxelles.

Madame la ministre, la Commission communautaire française jouant un rôle important dans l’enseignement en Région bruxelloise, je souhaiterais connaître les implications de cette étude sur la politique menée par notre institution dans ce domaine et obtenir certains éclaircissements en la matière.

Qu’en est-il concernant notre institution ? Quelles sont les mesures adoptées pour faire face à cette situation ? D’un point de vue quantitatif, quelles estimations avez-vous effectuées en termes de recrutements pour répondre de manière optimale à cette augmentation d’élèves prévue dans trois ans à peine ? Quelle est la politique menée en termes de recrutement d’enseignants, notamment dans les filières techniques et professionnelles pour répondre au mieux à cette forte demande ?

La Commission communautaire française développe actuellement son offre d’enseignement secondaire général avec la création d’un établissement scolaire. Nous en avons déjà parlé dans cette assemblée il y a quelque temps. Dans quelle mesure les résultats de cette étude ont-ils été pris en compte pour parfaire l’offre scolaire ?

Concernant l’infrastructure, quelles sont les conséquences de cette étude sur les bâtiments disponibles offerts par la Commission communautaire française ?

Enfin, quels sont les contacts actuellement établis avec le partenaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles en vue de relever de la manière la plus efficace possible ce défi qui se présentera à nous à brève échéance ?

Par ailleurs, les conclusions de cette étude mettent en évidence la nécessité d’agir en maintenant davantage d’enseignants en fonction. Quelle est votre position par rapport à cette proposition au sein des établissements de la Commission communautaire française ? Il est en effet question d’encourager et de faciliter la circulation des novices entre les différents pouvoirs organisateurs afin de casser, dit-on, la logique linéaire des fins de carrière, ce qui permettrait d’entretenir la motivation.

Avez-vous pris connaissance de ces pistes de réflexion dans le cadre du projet pilote que vous avez récemment lancé ? Celui-ci, on le sait, s’appuie sur un plan de formation qui permettra aux enseignants d’enrichir leur développement personnel pour évoluer positivement tout au long de leur parcours professionnel dans l’enseignement.

Telles sont, en résumé, les questions que je souhaite vous poser sur ce sujet fondamental pour le développement de notre ville-région en général et pour l’offre d’enseignement que nous devrons proposer à un nombre croissant de jeunes fréquentant nos écoles en particulier. 

[Intervention de Madame Maison]

[Intervention de Madame Trachte]

[Intervention de Monsieur Manzoor]

[Intervention de Monsieur Fassi-Fihri]

Mme Fadila Laanan, ministre-présidente.- Le cahier du mois de juin de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse (IBSA) est, en effet, consacré au besoin d’enseignants en Région bruxelloise. La question du boom démographique en Région bruxelloise et de ses répercussions sur les infrastructures collectives a fait l’objet de diverses études actualisées au cours des années.

En réponse à l’augmentation de la population scolaire, le Gouvernement francophone bruxellois a d’ailleurs pris ses responsabilités en s’engageant, dans l’accord de majorité 2014-2019, à créer 1.500 places dans l’enseignement. En ce qui concerne les enseignants, je rappelle qu’il existe trois statuts : les nommés, les temporaires prioritaires et les temporaires non prioritaires. La Commission communautaire française continue, chaque année, de nommer de nouveaux enseignants, dans le strict respect de la législation de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ces nominations permettent de stabiliser les professeurs dans leurs fonctions.

Tous les ans, des enseignants temporaires non prioritaires deviennent des agents prioritaires, ce qui permet aussi une plus grande stabilité. Enfin, pour les enseignants temporaires non prioritaires, la Commission communautaire française organise annuellement un appel à candidatures qui est publié au Moniteur belge. Des annonces sont également publiées sur les sites du FOREm, d’Actiris et de la Commission communautaire française.

Cette année, l’appel courait du 4 au 29 avril 2016 et, pour la première fois, le processus se déroulait principalement de manière électronique. Au total, 877 personnes y ont répondu, dont 488 n’étaient pas en poste dans nos écoles. La réserve de recrutement pour le personnel enseignant de la Commission communautaire française est composée de 317 personnes, auxquelles s’ajoutent celles qui ont postulé pour les centres psycho-médico-sociaux.

S’il n’y a pas de pénurie à proprement parler, puisque tous les postes sont occupés, il y a néanmoins des matières pour lesquelles il est plus difficile de trouver des professeurs : les professeurs de langues germaniques (le néerlandais et l’allemand), les professeurs de sciences, les professeurs de boucherie, de boulangerie et pâtisserie et de salle.

Actuellement, comme je le disais, tous les postes sont occupés. Mais la Commission communautaire française a tout de même pris quelques mesures pour attirer des enseignants et pour éviter que ceux-ci ne migrent vers un autre réseau ou un autre pouvoir organisateur.

Premièrement, en tant que ministre-présidente en charge de l’Enseignement, j’ai mis en place la généralisation du mentorat à destination des jeunes enseignants. Il s’agit d’un projet d’accompagnement des nouveaux enseignants par un enseignant plus expérimenté appelé « mentor ». Ce dispositif permet d’éviter les sorties en début de carrière, car, comme vous le savez sûrement, l’enseignement est l’une des professions où le décrochage en début de carrière est le plus élevé. La moitié des enseignants quittent l’enseignement dans les cinq premières années. Il existe un vrai problème d’accompagnement et d’encadrement.

Deuxièmement, le plan de formation destiné aux enseignants de la Commission communautaire française a été étoffé. En effet, un projet pilote destiné à soutenir le développement personnel et professionnel des enseignants de la Commission communautaire française a été lancé. Ce plan permet d’accroître l’attractivité de la Commission communautaire française en tant que pouvoir organisateur, puisqu’elle offre des conditions de travail attrayantes.

L’augmentation de la population scolaire est particulièrement forte en Région bruxelloise. Selon les experts, sur la période 2015-2020, la population scolaire devrait augmenter de 7.700 élèves en secondaire. Différents travaux mettent en évidence que les besoins sont particulièrement criants dans le nord et l’ouest de la Région. Comme je l’ai rappelé, le Gouvernement francophone bruxellois a pris des engagements forts pour répondre aux besoins.

Dans cette perspective, je poursuis l’objectif de créer 1.500 places dans l’enseignement, dont 400 places dans l’enseignement spécialisé.

À la suite de ma proposition, le Gouvernement a décidé de construire un nouveau complexe scolaire sur le site du campus du CERIA. Celui-ci comprendra une infrastructure pour un degré d’observation autonome (DOA), d’une capacité de 600 places. Un deuxième bâtiment accueillera une nouvelle école destinée aux deuxième et troisième degrés, également d’une capacité de 600 places. Un troisième bâtiment sera construit. Il comprendra un hall omnisports et d’autres fonctions communes à l’ensemble du campus : bibliothèque, foyer, etc.

Comme je l’ai déjà indiqué, il s’agira d’établissements d’enseignement secondaire ordinaire général. Le projet pédagogique de ces écoles sera basé sur les pédagogies actives. Ces nouvelles infrastructures devraient sortir de terre pour 2020. Nous allons tout de même créer ces nouvelles places dès la rentrée de l’année scolaire 2017-2018 en y établissant des dispositifs mobiles. Cela permettra de déjà lancer la dynamique.

Cependant, compte tenu des besoins criants de places dans le nord-ouest de la Région, l’objectif poursuivi est d’accueillir une première cohorte d’élèves pour la rentrée 2018. Le bâtiment 16 actuel pourra accueillir le DOA dans une structure provisoire.

En matière d’enseignement spécialisé, 300 places doivent s’ouvrir de façon progressive à l’Institut Alexandre Herlin.

Le Gouvernement francophone bruxellois contribue de façon significative à répondre aux besoins liés à l’augmentation de la population scolaire due au boom démographique. La Commission communautaire française, en tant que pouvoir organisateur responsable, agit de manière concrète dans ce domaine. Les infrastructures existantes du site du CERIA, tous niveaux d’enseignement confondus, permettront d’accueillir de scolariser environ 5.900 élèves et étudiants.

L’Institut Lallemand organise toujours des cours d’orthopédagogie. Il n’existe pas de problèmes de recrutement dans les écoles d’enseignement spécialisé.

Parmi les mesures que j’ai citées à l’instant pour maintenir les professeurs à l’emploi, figurent le mentorat et le développement de la formation professionnelle. Le mentorat, qui consiste en un accompagnement des jeunes professeurs par des professeurs plus expérimentés, a pu être généralisé, structuré et pérennisé dans tous les établissements dépendant de la Commission communautaire française. Il permet un accompagnement personnel, social et professionnel de l’enseignant. Les résultats en sont assez exemplaires, puisque cette mesure permet le maintien des jeunes professeurs à l’emploi et l’amélioration de leur qualité de vie comme de leur enseignement.

Le développement de la formation professionnelle des enseignants se concrétise également par un projet pilote destiné à soutenir le développement professionnel des enseignants de la Commission communautaire française en s’adressant à ceux qui ont passé le premier cap de leur carrière professionnelle. En effet, après quelques années de pratique professionnelle, l’enseignant peut être en recherche d’une formation ou d’un plan de développement qui lui permettra d’augmenter ses compétences et ses acquis. Les objectifs du plan de développement mis en œuvre aujourd’hui à la Commission communautaire française sont les suivants :

– inciter des personnes de qualité à rester enseignants ;

– fidéliser les enseignants au sein du pouvoir organisateur (PO) de la Commission communautaire française et attirer de nouveaux enseignants de qualité ;

– améliorer de manière continue les pratiques pédagogiques. Actuellement, une réflexion est menée pour proposer un dispositif pour les enseignants en fin de carrière. Ce dispositif devrait permettre de réduire la linéarité de ladite carrière. L’ensemble de ces mesures consisteraient donc en un plan global de développement professionnel qui permettra à la Commission communautaire française de renforcer son attractivité comme employeur et d’améliorer les performances collectives des établissements scolaires. Il permettra également d’augmenter potentiellement le nombre de personnes souhaitant travailler à la Commission communautaire française. Il s’agit donc là d’une réelle plus-value.

On m’a également interrogée à propos de la collaboration avec le ministre Marcourt. Il est évident que nous suivons de très près le dossier de la formation des enseignants. Sont concernées la durée de cette dernière, mais également toute la question de la formation continuée.

Nous avons pu échanger nos expériences et le ministre Marcourt s’est montré très intéressé par notre dispositif de mentorat qui est assez exemplaire au sein de la Commission communautaire française. En effet, dans la réflexion menée à la Fédération Wallonie-Bruxelles, est abordée la problématique des enseignants qui quittent la profession. Le dispositif du mentorat peut constituer une piste.

De manière générale, nous restons toujours attentifs à tout ce qui se fait à la Fédération Wallonie-Bruxelles, notamment en matière de formation.

Concernant l’état général de l’offre d’enseignement menée par la facilitatrice école sous la tutelle de mon collègue Vervoort, je suis en mesure de vous communiquer, Monsieur Manzoor, les éléments suivants. Le comité d’expertise mis en place à l’Agence de développement territorial pour la Région de Bruxelles-Capitale (ADT) se réunit à intervalles réguliers. L’administration de l’enseignement de la Commission communautaire française en est l’un des membres permanents.

Un travail y a été réalisé concernant le nombre de places créées en Région bruxelloise et le nombre de places programmées. Par ailleurs, un marché visant l’étude des besoins a été lancé. Mon collègue, le ministre-président de la Région bruxelloise Rudi Vervoort, pourra vous communiquer de plus amples informations à ce sujet dans une autre assemblée que celle-ci.

Le groupe de travail auquel vous faites référence est piloté par la ministre de l’Enseignement obligatoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. À ma connaissance, il n’a pas été réuni depuis janvier 2016. Je suppose que ce groupe devrait être remis en route à la rentrée scolaire.

J’ignore si ce groupe de travail compte se saisir de la récente étude menée par l’IBSA. Je suppose que ce sera le cas, car les éléments qui y figurent devraient sans doute intéresser cette instance.

Pour rappel, la formation initiale est une compétence de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il en est de même pour la gestion globale de l’effectif des enseignants. Je peux tout de même vous donner quelques informations concernant la Commission communautaire française. L’ouverture du DOA aura lieu en septembre 2018, et l’accueil de la première cohorte d’élèves se passera dans une structure provisoire. Les chantiers des nouvelles infrastructures (DOA, deuxième et troisième degrés, hall omnisports) auront lieu en 2018-2020.

J’en viens aux emplois potentiels dans les nouvelles structures scolaires. À ce stade, il n’est pas possible de déterminer de façon précise le nombre de postes d’enseignants, puisqu’il résulte de l’encadrement fixé en Fédération Wallonie-Bruxelles, lequel est calculé en fonction du nombre total de périodes-professeurs (NTPP). Ce dernier dépendra du nombre d’élèves inscrits. Nous pouvons toutefois estimer qu’une soixantaine d’emplois seront créés dans cette nouvelle école.

Pour l’Institut Alexandre Herlin, les premières estimations sont d’une vingtaine d’emplois au minimum. Je reviendrai devant vous avec des chiffres plus précis. 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Nous avons compris que nous sommes face à un vaste chantier qui maintiendra une tension importante sur les écoles de la Commission communautaire française situées dans notre Région.

Deux questions complémentaires me viennent à l’esprit à la suite de votre réponse.

Vous mentionnez le mentorat : l’ensemble des jeunes enseignants sont-ils systématiquement suivis ? A-t-on une évaluation quant aux résultats produits par ce mentorat ?

Vous nous dites qu’il n’existe pas de pénurie à proprement parler, même si certaines matières sont en relative tension (langues germaniques, boulangerie-pâtisserie, etc.). S’agissant des filières techniques et professionnelles qui forment à des métiers très spécifiques, y a-t-il des politiques particulières de recrutement afin d’assurer le maintien d’un niveau suffisant de qualification professionnelle et d’enseignants de haut niveau dans ces écoles qui forment des jeunes à des emplois en pénurie à Bruxelles ?

Mme Fadila Laanan, ministre-présidente.- Pour ce qui concerne le mentorat, je communiquerai les éléments chiffrés par écrit, afin qu’ils apparaissent dans le compte rendu (annexe 1).

Pour ce qui relève des recrutements, à part les appels que nous lançons et la réserve de recrutement d’enseignants dont nous disposons, nous essayons d’avoir les meilleures personnes dans nos établissements. Nous utilisons probablement les mêmes techniques que les autres pouvoirs organisateurs pour alimenter notre réserve de recrutement que l’on peut solliciter en cas de besoin.

 

Pour retrouver le texte dans son intégralité, cliquez ici.
CR n°36 (2015-2016), Juillet 2016, pp. 4-9