Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique
concernant le développement du projet de musée d’art moderne et contemporain sur le site de Citroën Yser.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- In tempore non suspecto, j’avais déposé une interpellation sur le développement du projet de musée sur le site Citroën. L’actualité fait qu’il y a eu de multiples déclarations, occasionnant de nombreuses évolutions au sein de mon interpellation. En effet, un partenariat entre la Région bruxelloise et le Centre Pompidou a été annoncé en grande pompe. Nous avons lu dans la presse qu’il devrait se développer en deux phases.
La première, objet d’un protocole d’accord signé, constitue une phase de préfiguration du projet. Il serait évidemment intéressant de voir exactement ce que cela couvre. La seconde consiste à concrétiser le projet sur la base des modalités déterminées durant la phase de préfiguration.
La mission de préfiguration remettra ses conclusions, nous dit-on, à la fin juin 2017.
Nous avons appris que le rôle du Centre Pompidou dans le projet serait capital. M. Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou, a souligné dans un article de La Libre qu’il s’agit d’un accord sui generis sur mesure qui tient compte de la place de Bruxelles au cœur de l’Europe, du nombre de collectionneurs français présents à Bruxelles et du dynamisme culturel bruxellois. Il ne s’agit donc pas d’un simple musée pop-up comme c’est le cas du Centre Pompidou ouvert à Malaga, ni d’une grande succursale comme à Metz. Serge Lasvignes le compare plutôt au Louvre d’Abu Dhabi où un grand musée aide à la création d’un autre grand musée et où, petit à petit, ce dernier constituera ses propres collections.
Vous conviendrez que cela pose question sur les clauses réelles de l’accord, le processus envisagé et les modalités selon lesquelles des collections vont pouvoir être rassemblées. J’imagine qu’il s’agira dans un premier temps d’œuvres prêtées par le Centre Pompidou, mais il est également plus ou moins fait allusion à des collections privées. Qu’en est-il ? S’agira-t-il d’un musée d’art moderne, d’art contemporain ou les deux ? Nous n’y voyons pas encore très clair dans ce vaste projet.
Nous avons également appris que sur 15.000m², un musée d’art moderne et contemporain serait créé couvrant la période 1920-2020. Cela sous-entend que l’art moderne y aurait sa place. Ce musée sera, si j’ai bien compris, en partie construit sur les ateliers Citroën et, pour les œuvres dites fragiles, en partie sur l’immeuble de bureaux Citroën.
Si j’ai bien compris, ce nouveau bâtiment ferait l’objet d’un concours d’architecture. Pourrait-on en savoir davantage sur ce processus ?
Quant au coût de ce musée, une estimation de 140 millions d’euros circule. Ce montant intègre-t-il le coût d’acquisition du bâtiment, qui s’élève à 20,5 millions ? Comment ce chiffrage a-t-il pu être fait ?
Concernant le calendrier, l’ouverture du futur musée serait reportée à 2020. Dispose-t-on, dans le cadre de l’étude qui devait rendre ses conclusions à l’été 2016, d’un calendrier plus précis ?
J’ai eu l’occasion de lire dans un autre article, celui de L’Écho, que votre volonté était de ne pas laisser le bâtiment vide durant les travaux, mais de lui permettre d’amorcer sa vie de pôle culturel. C’est aussi une manière de protéger l’édifice. Qu’est-il prévu ? Selon quelles modalités ?
J’aimerais aussi vous entendre sur les autres institutions abritées dans ce vaste ensemble. On a lu que 9.000m² seraient consacrés à un musée de l’architecture reprenant le Centre international pour la ville, l’architecture et le paysage (CIVA) et Het Architecture Archive – Sint-Lukasarchief VZW. Comment envisagez-vous cela précisément ?
Enfin, nous avons appris également par la presse la désignation d’un chargé de mission pour ce projet de pôle culturel sur le site de l’ancien garage Citroën. Au vu des retombées positives que représenterait un tel projet pour la Région de Bruxelles-Capitale et pour rencontrer au mieux les ambitions définies dès le départ dans ce chantier, de multiples qualités sont requises. Je m’interroge donc sur le processus de désignation de la personne qui va piloter ce grand dossier. Une procédure d’appel à candidatures a-t-elle été enclenchée ? Si oui, cet appel a-t-il été rendu public ou a-t-il été limité au personnel de l’administration et aux membres du cabinet ?
Quel cahier des charges le chargé de mission s’est-il vu confier ? Quels sont les objectifs que l’on attend de lui, ainsi que les budgets et les prérogatives dont il dispose pour mener à bien sa lourde mission ?
Quelle est la durée de cette mission ? Quand débutera-t-elle et quand s’achèvera-t-elle ?
De quelle manière et par quels moyens le travail réalisé sera-t-il évalué ? Des évaluations à mi-parcours et au final de la tâche du chargé de mission sont-elles envisagées dès à présent ? En fin de mission, un rapport sera-t-il communiqué au parlement ?
Ce serait une heureuse surprise parce que, jusqu’à présent, nous avons surtout alimenté notre connaissance du dossier grâce à un certain nombre d’articles de presse. Mais je ne doute pas que vous ferez en sorte de nous informer le plus largement possible ce matin.
[Interpellation jointe de Arnaud Verstraete]
[Interpellation jointe de Paul Delva]
[Interpellation jointe de Cieltje Van Achter]
[Intervention de Fabian Maingain]
[Intervention de Arnaud Pinxteren]
[Intervention de Brigitte Grouwels]
[Intervention de Julie de Groote]
[Intervention de Arnaud Pinxteren]
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Il s’agit d’un exercice un peu particulier, mais nous devons nous adapter aux évolutions réglementaires du parlement.
Monsieur le président, il serait intéressant de compiler les interpellations et les réponses relatives au projet Citroën depuis l’entame en 2013 et la présentation de l’idée de créer un musée d’Art moderne et contemporain sur ce site. Il serait en effet intéressant de découvrir certaines évolutions intellectuelles quant à l’approche relative à ce dossier. Mon ambition est de fédérer celles et ceux qui sont attachés à cette Région, à son développement, son rayonnement. Indubitablement, ce projet en est l’une des plus belles illustrations. Il est assez logique que cela suscite la réflexion, le questionnement, le débat. De tels projets ne sont pas montés tous les cinq ans, ni même tous les dix ans. Il s’agit de projets structurants majeurs pour une entité comme la nôtre. La culture est en effet à mes yeux la synthèse du vivre-ensemble et de la rencontre des grands enjeux de demain.
Évidemment, il s’agit ici d’une matérialisation. Il faut réfléchir à la manière adéquate pour rencontrer tous les besoins et toutes les attentes de nos concitoyens à l’égard d’un projet de ce type. Bien sûr ont été évoqués les retombées économiques, l’emploi, etc. On ne s’est pas lancé dans ce projet en n’évoquant que la dimension culturelle du projet. Tous les autres aspects doivent être intégrés dans cette réflexion.
Je ne vais pas répéter ce que j’ai dit il y a quinze jours. Par rapport à votre demande, je ne vois aucun inconvénient à ce que le bureau d’études vienne présenter l’étude au sein de cette commission. Cela permettra de donner un éclairage moins politique sur le dossier et d’imprimer une autre dynamique au débat. Si c’est moi qui le fais, vous le contesterez sans doute.
Toutes les questions sur les collections et le bâtiment ont bien sûr été abordées dans l’étude. Si l’on présente le projet, c’est qu’une réponse a été trouvée à chacune de ces questions.
M. Van Goidsenhoven est un lecteur attentif de la presse. Je vous invite à vous référer à l’excellent dossier réalisé par L’Écho il y a une dizaine de jours. Une visite a été organisée avec des représentants du bureau d’études et des bureaux d’architecture entre autres pour démontrer à quel point le projet était enthousiasmant. Dans cet article se trouvent toutes les réponses aux questions que vous avez posées, notamment les vôtres, M. Van Goidsenhoven.
Lire toute la presse permet d’avoir une vision plus synthétique des choses. Dans cet article, on explique par exemple comment séparer les œuvres fragiles des autres, quel est le programme du musée, comment s’articule le volet temporaire des futures expositions. Le bureau d’études fera un bien meilleur exposé que je ne pourrais le faire sur ces différents aspects.
Lors de cette visite, la question a été posée de savoir si les architectes belges seraient intéressés par le dépôt d’un projet dans le cadre du concours d’architecture qui sera organisé. Le bureau présent a répondu qu’à son avis, tous seraient candidats y compris son propre bureau. J’ai même lu dans Le Vif, sur les ambitions culturelles et muséales de Bruxelles, un billet très personnel d’un journaliste qui décrit, assis dans la tour Up Site, dans la lumière du matin, un projet fou. La chute dit « et finalement, ce projet, il se réalise ».
L’article est totalement décalé, mais il montre bien la manière dont un projet de ce type-là interpelle tout le monde. Je ne retiens que les aspects positifs et l’enthousiasme des uns et des autres.
Vous avez aussi posé des questions précises… Pour un peu on me demanderait quelle sera la couleur de la peinture sur les murs. Nous n’en sommes pas encore là. Le processus est entamé, les décisions de principe ont été prises.
Concernant le Centre Pompidou, M. Lasvignes a été très clair quant au fait qu’il ne s’agira pas d’une annexe. Nous sommes dans une autre dynamique. Leur intérêt porte sur Bruxelles, capitale européenne. C’est gagnant-gagnant.
Ils ne sont pas là pour les beaux yeux de la Région. Ils vont apporter leur expertise pour que ce musée, à un moment, vole de ses propres ailes, dans un partenariat sur la durée. Nous allons constituer nos collections, construire notre ambition.
J’ai lu cette carte blanche un peu malheureuse sur le manque d’ambition, sur le fait qu’on devrait le faire nous-mêmes, sur le complexe permanent du Bruxellois qui voit toujours trop petit. Ici, je trouve précisément qu’on voit grand ! Certains disent qu’on aurait pu faire mieux… Je les laisse parler.
Tout ceci constitue un peu de bruit parasite, ce n’est pas très important. Nous répondrons à toutes les questions que vous vous posez. C’est précisément le sens de la mission qui a été confiée et qui devrait aboutir fin juin début juillet 2017 par le dépôt du projet. Ce dernier abordera alors de manière beaucoup plus formalisée tant les aspects liés à la collaboration avec le Centre Pompidou que ceux portant sur le projet lui-même.
D’ici là, il y aura la phase de construction du projet, avec l’ensemble des acteurs. Il ne s’agit évidemment pas d’un projet muséal coupé du reste de la Région et isolé dans une sorte de tour d’ivoire. Pour que les Bruxellois se l’approprient, on doit créer un processus inclusif de l’ensemble des acteurs bruxellois, y compris les écoles. Un musée doit être un lieu ouvert et non réservé à une élite. Outre l’intérêt patrimonial présenté par le garage Citroën, ce site a été choisi à proximité du canal, non loin de Molenbeek. Il s’agit de démontrer que la culture n’est pas réservée à certains quartiers de Bruxelles et qu’elle s’adresse à tout le monde.
Je ne vais pas maintenant refaire tout le B.A.-ba du projet, mais c’est vraiment cela. C’est en cela qu’il est à la fois questionnant et enthousiasmant pour nous.
Notre porte reste bien entendu ouverte à la collection fédérale, si un accord de coopération devait s’avérer possible.
La porte reste ouverte, nous verrons bien. De plus, il faut être très modeste, dans la vie politique ! Il y aura des élections en 2019 et tout cela peut encore évoluer. Ce qui compte, c’est que ce projet voie le jour et se concrétise. En lui-même, il mérite déjà qu’on y mette toute notre énergie. Je crois à la pertinence de ce type d’initiatives, car par les temps qui courent, plus que jamais, notre société a besoin de culture. En tout cas, c’est un aspect qui nous différencie du reste du monde animal. Je ne crois pas à la Création, mais à l’évolution… (Colloques) Pour ce que ça va coûter, j’ai donné une estimation la fois dernière. Le bureau d’études va devoir en affiner le contenu. Ils vont répondre à toutes ces questions.
M. le président.- Nous organiserons à ce moment-là une séance spécifique sur cette question avec le cabinet et le bureau d’études.
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Bien sûr. Nous aurons alors bien avancé sur les dimensions architecturales et autres, nous aurons les contours du concours… à défaut des résultats, car il faut rester réaliste sur le calendrier.
Ce qui est certain, c’est que le CIVA intègre le projet qui sera à 100% culturel. Est-ce qu’un hôtel s’y établira aussi ? On n’en sait rien actuellement, même si cette hypothèse fait partie de la réflexion. Il y aura certainement un restaurant, vu la place disponible. D’ailleurs, tous les musées font de même aujourd’hui. C’est évidemment tout le quartier qui va changer. La question de la mobilité devra également être abordée. Le bâtiment CIVA est donc propriété de la SAU. Rappelons que, dans le Plan régional d’affectation du sol (PRAS), le bâtiment est affecté à de l’équipement. Cela donne donc déjà les contours du possible : école, crèche, culturel, etc.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- L’été dernier déjà, j’avais exprimé dans un courrier notre besoin d’éclaircissements dans ce dossier. Nous demandions alors de pouvoir prendre connaissance de l’étude de programmation. Vous nous l’annoncez aujourd’hui, je m’en réjouis, mais à l’heure actuelle, nous sommes dans un grand flou impressionniste alors que nous réclamions plutôt la précision des pointillistes.
Comprenez notre impatience lorsque nous constatons que la presse dispose de plus d’informations que le parlement qui les réclame pourtant. Je ne trouve pas cela normal de devoir se référer à la presse pour être informé sur les projets régionaux.
Votre présente réponse me laisse à nouveau sur ma faim. Si l’exercice d’aujourd’hui était superfétatoire, il aurait été plus intéressant alors d’interroger le bureau d’études. Je suis donc assez déçu. Nous ne vous demandons quand même pas où vous avez prévu d’installer le marchand de cartes postales ou la couleur choisie pour les murs.
Ce n’est pas cela le propos. Le propos, c’est que nous puissions au moins disposer des mêmes éléments que ceux qui ont été présentés à la presse. Ce n’est pas le cas à ce jour et je le regrette.
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Nous allons verser le dossier de presse. Vous pourrez constater que l’étude programmatique ne s’y trouve pas.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Nous aurons peut-être le début d’une explication un tant soit peu précise. Que cela n’intéresse pas de venir ici parce qu’on trouve que cette commission est une perte de temps, c’est un point de vue. Moi je le regrette.
On dira que l’opposition opte pour un positionnement négatif. Ce n’est pas mon état d’esprit. Je vous l’ai dit, Monsieur le ministre-président, si votre projet va dans le sens de l’intérêt de Bruxelles, je serai le premier à vous soutenir et à en témoigner. Mais en l’occurrence, à part un certain nombre d’articles dans la presse et de déclarations, je ne peux pas à ce stade me forger une opinion que je qualifierais de suffisante.
Qui plus est, des questions précises vous ont été posées, dont celle relative à la désignation d’un chargé de mission. Une procédure d’appel à candidature a-t-elle été enclenchée ? Si oui, cet appel a-t-il été rendu public ? Quel cahier des charges le chargé de mission s’est-il vu confier ? J’imagine qu’il y en a un. Quels sont ses objectifs ? Quelle est la durée de cette mission ? Par quels moyens ce travail sera-t-il réalisé et évalué ? Une équipe est-elle prévue pour travailler à ses côtés ? Comment sera-t-elle composée ? Y aura-t-il des muséographes ? J’imagine que ce monsieur, qui a sans doute des qualités éminentes, ne sera pas abandonné à lui-même pendant deux ans.
Sa nomination est l’aboutissement d’une réflexion et d’un certain nombre de décisions. Or, à cet égard, je ne vous ai pas entendu. Pourtant, il s’agit de questions précises qui méritent un minimum de réponses. C’est bien d’être romantique – moi aussi, je suis parfois pétri d’émotions -, mais il me semble opportun de récolter des informations de nature beaucoup moins passionnée, poétique et romantique afin de nous forger une opinion plus précise.
Grâce à ces informations, nous ne devrons plus rédiger des cartes blanches que vous jugez ensuite inadéquates. Si vous voulez qu’on puisse s’exprimer clairement et se forger une opinion construite, nous avons besoin d’informations dont nous ne disposons pas à l’heure actuelle.
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Au moins, les cartes blanches, ça coûte moins cher que les capsules vidéo et des annonces à la radio pour le moins oiseuses. L’argent public peut être quand même mieux dépensé que cela.
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CRI COM (2016-2017) n°16, Octobre 2016, pp. 7-40