Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique
concernant la position de la Région bruxelloise dans le projet du Pathé Palace.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Le 24 avril dernier, la presse attirait notre attention sur le fait que la Fédération Wallonie-Bruxelles envisage de vendre le Pathé Palace au secteur privé. Au regard des moyens engagés depuis près de dix ans par l’institution dans ce projet de réhabilitation du plus ancien cinéma d’art et d’essai à Bruxelles, cette déclaration, bien que compréhensible, n’en est pas moins décevante pour tout le monde.
Pour rappel, le bâtiment a été racheté par la Communauté française en 2001 pour cinq millions d’euros et le budget de rénovation n’a cessé de grimper au fil des ans pour atteindre aujourd’hui le montant de seize millions d’euros.
Sans contribution financière de la part des autres entités, en ce compris la Région, la décision de céder le bâtiment au secteur privé n’est évidemment pas une surprise. En effet, la Fédération Wallonie-Bruxelles peine à rassembler les sommes manquantes, et compte tenu du caractère bilingue du projet, elle soutient que la Communauté flamande et la Région bruxelloise pourraient participer au cofinancement des travaux. Cette intervention prend en effet tout son sens lorsque l’on sait que le projet se veut la vitrine de l’art et du savoir-faire cinématographiques belges en plein cœur de la capitale de notre pays mais aussi de l’Europe. Cet espace serait un formidable outil de promotion pour nos artistes belges, francophones comme néerlandophones.
La Région bruxelloise aurait proposé de subvenir au financement par le recours au bail emphytéotique, tout en permettant à la Fédération Wallonie-Bruxelles de rester propriétaire du bâtiment. C’est une des issues que nous espérions pour ce dossier. Lorsque je vous ai interrogé sur le sujet en février dernier, vous nous aviez annoncé que des discussions et négociations étaient en cours. Vous aviez également reconnu votre attachement à ce projet, aux promesses qu’il offrait et ce qu’il représentait pour l’ensemble des Bruxellois.
Les moyens injectés par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour réaliser et finaliser ce projet ne sont pas suffisants et, si l’on en croit la presse, quelque 2,7 millions d’euros supplémentaires seraient encore nécessaires.
M. le ministre, j’aimerais obtenir des éclaircissements sur la situation. Quelles sont les pierres d’achoppement apparues lors des discussions ? Ces discussions sont-elles par ailleurs toujours en cours ou les parties concernées ont-elles décidé d’enterrer le projet ?
Quelle est la position de la Région dans ce dossier ? Quelles concessions est-elle prête à faire pour que ce bâtiment puisse demeurer dans le domaine public ?
Selon le ministre du Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région aurait balayé la solution du bail emphytéotique d’un revers de la main. Est-ce exact ? Dans l’affirmative, pour quels motifs ?
Pouvez-vous nous donner des assurances sur votre volonté d’offrir un réel destin à ce bâtiment emblématique du cœur de Bruxelles ?
[Interpellation jointe de Madame de Groote]
[Intervention de Monsieur F. Maingain]
[Intervention de Madame Grouwels]
M. Rudi Vervoort, ministre-président.– Ce dossier a évolué en deux temps : celui de Joëlle Milquet et celui d’Alda Greoli. Nous sommes passés d’une dynamique à une autre.
Au moment où Mme Milquet était en charge de ce dossier, la question se résumait à la recherche des 2,7 millions d’euros manquants pour terminer les travaux d’aménagement du Pathé Palace. Le projet culturel porté par la Fédération Wallonie-Bruxelles pourrait ensuite se développer pleinement, les crédits étant prévus pour le faire tourner. Il ne s’agit certes pas d’un projet rentable dans l’immédiat. Il n’est pas de nature à attirer les foules, mais il a sa place et pourrait redonner vie à ce bâtiment. Je n’ai pas à me prononcer sur le projet en lui-même, qui est porté par un autre niveau de pouvoir.
Nous avons ensuite reçu de bonnes nouvelles : lors de l’ajustement du budget 2016, la Fédération Wallonie-Bruxelles avait dégagé les montants nécessaires pour terminer les travaux.
Mais c’est le ministre du Budget qui est devenu notre interlocuteur, et non plus la ministre de la Culture : Mme Greoli s’exprime assez peu sur ce dossier, alors que M. Flahaut s’exprime beaucoup. Nous sommes donc rentrés dans une dynamique strictement budgétaire, et non de projet. En réalité, ce qui nous est demandé, c’est de payer le déficit d’exploitation du Pathé Palace, une fois que le projet sera mis en place.
C’est assez sympathique mais c’est une curieuse façon de procéder. Dans un premier temps, on achetait le bâtiment et on le relouait dans le cadre d’un bail emphytéotique à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Or, ici, il n’est plus nécessaire de le vendre puisqu’il est terminé. Nous allons donc prendre part à la gestion d’un projet en versant un montant qui devrait équilibrer la gestion.
Une question de principe se pose. En effet, on pourrait multiplier cela à l’infini. Le Théâtre national coûte certainement de l’argent à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pourquoi alors la Région bruxelloise ne serait-elle pas amenée demain à devoir suppléer ? On entre dans une dynamique qui ne me convainc pas. Certes, la Région bruxelloise peut participer à des projets mais elle doit alors être partie prenante au projet et donc opératrice comme c’est le cas pour Flagey. Pour ce faire, il faut qu’une vraie dynamique soit insufflée et il ne suffit pas de dire : « On a le projet des frères Dardenne, cela va nous coûter de l’argent, argent que l’on n’a pas, pouvez-vous le faire à notre place ? ». Comme la Communauté flamande a également été sollicitée, on peut considérer notre participation comme symbolique. Même si M. Sven Gatz est d’un commerce agréable, on ne peut pas considérer que cela soit suffisant pour considérer que c’est un projet avec une réelle dynamique. Avec 50.000 euros, on ne fait pas grand-chose.
Voilà la situation. La vraie question n’est pas d’ordre financier. De ce point de vue, les choses sont stabilisées, l’argent a été dégagé et les travaux de rénovation seront terminés. La vraie question est de savoir si la Fédération Wallonie-Bruxelles croit encore au projet lui-même.
Je ne voudrais pas donner l’impression que nous nous renvoyons le dossier. Je ne suis pas sûr que la Fédération Wallonie-Bruxelles suive le même raisonnement en d’autres circonstances ou en d’autres lieux et qu’elle ait les mêmes exigences vis-à-vis de la Région wallonne.
À l’époque où Mme Milquet était en charge de ce dossier, nous étions d’accord d’intervenir à hauteur de 2,7 millions d’euros. En réalité, on nous demande aujourd’hui de financer la totalité du projet sur un nombre d’années. Honnêtement, il nous est impossible de fournir de telles sommes.
Si le projet devait renaître, nous pourrions encore discuter de ses modalités. Mais si, comme c’est le cas pour l’instant, les négociations se limitent au volet budgétaire, la Région ne peut les poursuivre. C’est une question de principe.
À l’époque d’ailleurs, nous l’avions dit à Mme Milquet lorsqu’elle était allée solliciter directement M. Reynders pour Beliris. On lui a expliqué que les négociations avec Beliris concernaient d’abord le gouvernement fédéral et la Région bruxelloise, et qu’il était déplacé d’aller discuter des montants que d’autres niveaux de pouvoir allaient préempter sur la dotation de Beliris !
À ce moment-là toutefois, nous étions d’accord pour trouver une solution afin de terminer les travaux. Aujourd’hui, nous sommes dans une autre dynamique.
C’est le message que nous voulons faire passer. Si l’on crée quelque chose, il faut qu’il y ait du contenu. Nous ne sommes pas là uniquement pour des raisons budgétaires, pour compenser les difficultés financières que rencontre la Fédération Wallonie-Bruxelles pour développer des projets à Bruxelles.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je partage votre analyse, M. le ministre-président. La manière dont le ministre du Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles a annoncé que la Région devait suppléer à l’absence d’implication de sa ministre de la Culture était, en effet, abrupte. Cela étant dit, votre réponse m’inquiète, car je n’y vois pas d’issue. Nous sommes dans l’impasse et nous ne saurons jamais quelles sont les intentions réelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Or l’avenir de cette institution aura une incidence directe sur le rayonnement de la culture dans notre ville-région. Je suis également inquiet de constater qu’un changement de ministre puisse influer à ce point sur l’aboutissement d’un projet aussi essentiel.
J’admets que la Région ne peut être jugée responsable d’un projet aussi ambitieux, mais il lui incombe d’inciter les responsables de la Fédération Wallonie-Bruxelles à changer d’attitude. Le ministre du Budget a annoncé que la porte restait ouverte à la discussion. Si tout le monde s’en tient à ce genre de position, le risque est grand de voir échouer le projet.
Vu l’ampleur du défi, tous ceux qui veulent donner un avenir à ce projet doivent se mobiliser. À défaut, nous nous retrouverons dans l’impasse, à nous regarder en chiens de faïence, et les solutions qui seront dégagées ne plairont à personne.
Très sincèrement, je serais rassuré que vous exprimiez dès à présent votre volonté de forcer le dialogue avec la Fédération Wallonie-Bruxelles mais un dialogue réel, pas celui que vous nous décrivez et qui consiste en la simple réception d’une facture par voie postale.
J’entends votre propos mais comprenez également, au regard des enjeux de ce projet pour notre Région, que nous ne pouvons nous résigner à en rester là. Il est impératif de trouver une façon de débloquer la situation en ouvrant une concertation réellement constructive et productive avec les entités concernées.
[Réplique de Madame de Groote]
[Intervention de Monsieur Maingain]
[Intervention de Madame Grouwels]
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je vous annonce mon intention de déposer un ordre du jour motivé.
M. le président.- En conclusion des interpellations, M. Gaëtan Van Goidsenhoven annonce le dépôt d’un ordre du jour motivé conformément à l’article 119.2 du règlement.
Pour retrouver le texte dans son intégralité, cliquez ici.
CRI COM (2016-2017) n°109, pp. 7-18