Bruxelles, la tête dans les nuages ?

Bruxelles, la tête dans les nuages ?

Une opinion de Gaëtan Van Goidsenhoven, député bruxellois, membre de la commission Développement Territorial et échevin du Développement de la Ville à Anderlecht.

 

Les gratte-ciels, comme on disait naguère, vont-ils faire leur grand retour à Bruxelles dans les prochaines années ? 

A la lecture du projet de PRDD (Plan régional de Développement durable), la volonté des autorités régionales semble claire : le renforcement de la structure urbaine prévoit l’implantation de bâtiments hauts qui définiront la skyline de la ville. Deux types de tours sont prévus, les plus hautes qui détermineront cette skyline métropolitaine sont désignées sous le vocable de « tours iconiques » ou d’ampleur régionale. Sans que l’on sache exactement quelle taille doivent avoir ces tours pour prétendre à « l’iconicité », la Région bruxelloise a défini des axes et périmètres d’implantation. Cinq axes ont été identifiés pour les tours iconiques isolées (moyenne ceinture Ouest, Canal, petite ceinture Est, moyenne ceinture Est et Vallée de la Woluwe). De surcroît, sept périmètres ont été fixés pour l’implantation de tours iconiques groupées (le Midi, le quartier Loi, le Nord, le Heysel, Delta et, enfin, les campus universitaires d’Erasme et de Woluwe). Si l’on comprend bien l’ambition régionale, cette volonté de construire haut – très haut même – est motivée par celles de densifier, renforcer et d’optimaliser la structure urbaine. Il est dès lors question de marquer le paysage bruxellois et non pas de le figer. Ces projets de grande ampleur devront être exemplaires à tous niveaux, en particulier en matière architecturale.

Symbole d’une certaine Bruxellisation, le retour en grâce des tours n’est pas un élément anodin. D’autres villes ont reconsidéré leur position en termes de « verticalité ». Après deux décennies (80-90) durant lesquelles très peu de tours ont été construites dans les villes européennes, un tabou à l’égard des IGH (immeubles de grande hauteur) semble être tombé. Londres, Rotterdam, Barcelone, Madrid, Vienne, Berlin, Milan, Turin ou Varsovie ont rompu avec une frilosité née d’un rejet à l’encontre d’un urbanisme jugé brutal, agressif et parfois inhumain. Bruxelles va-t-elle suivre ce mouvement ? C’est en tout cas l’une des ambitions nouvelles du PRDD. A l’heure actuelle, en effet, il est particulièrement difficile de construire des hautes tours, la réglementation actuelle – le règlement régional d’urbanisme en particulier – est une très lourde entrave vis-à-vis de cette volonté. Ainsi, c’est la réglementation urbanistique qu’il faudra modifier une fois le PRDD approuvé si on veut donner une nouvelle chance aux IGH dans notre ville-région.

Pour autant, ne passe-t-on pas à côté d’un débat nécessaire sur la verticalité ? En effet, les directives d’implantation des tours sont trop sommairement justifiées (le long des lignes de crête et des vallées et le long des espaces publics majeurs). Tant opérationnellement qu’en termes de garantie de qualité, on est en droit de se poser des questions. A titre d’exemple, est-il opportun d’implanter des tours iconiques groupées sur un espace couvrant le zoning d’industries Erasme, les échangeurs autoroutiers du Ring, une partie du quartier des Trèfles et le campus du CERIA ? La plupart de ces terrains sont occupés et ont récemment été urbanisés, y compris par des projets régionaux. Quelle valeur ajoutée un groupe de hautes tours offrira au paysage régional en lisière du dernier grand paysage urbain ouvert de la Région : Neerpede ? Si certains axes comme le canal ou des pôles intermodaux de communication paraissent mieux s’accommoder de tours iconiques, tout indique qu’une vision plus précise quant à l’impact sur le paysage bruxellois et sur la valeur ajoutée des pôles de verticalité dans le tissu urbain, devra s’imposer. Pour éviter d’inutiles polémiques et les craintes légitimes des riverains, les autorités publiques devront être claires et démontrer l’utilité et les gains offerts par ces bâtiments visibles d’un grand nombre de Bruxellois (libération du sol pour offrir des espaces publics de qualité, animation des socles au bénéfice d’une multitude d’usages, etc.). Il faudra de même prouver la capacité du monde politique et administratif de contrecarrer le discours de certains promoteurs qui essayeront de démontrer que les réussites architecturales possibles dans d’autres villes sont inatteignables à Bruxelles pour de sombres questions de coût de l’immobilier. Hauteur et médiocrité formelle ne peuvent coexister dans la ville envisagée par le PRDD.

L’avenir n’est pas sans risque d’autant que le nouvel outil de planification prévu dans le futur Code bruxellois de l’aménagement du territoire, le fameux PAD (plan d’aménagement directeur) permettra de se libérer plus aisément des contraintes planologiques qui contrarient l’implantation d’immeubles de haut gabarit. En tout état de cause, l’autorité politique devra développer une résistance forte aux pressions en tous genres pour éviter que la question de la verticalité ne rime pas avec naufrage démocratique et nouveau gâchis architectural.

 

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