Interpellation jointe concernant la gestion et la vétusté des ponts bruxellois

Interpellation jointe de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Pascal SMET, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Travaux publics et des Transports,

concernant la gestion et la vétusté des ponts bruxellois.

[Interpellation principale de Monsieur Vincent De Wolf]

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- En réponse à une interpellation du 7 mars 2016, vous vous êtes exprimé sur le dossier des ponts bruxellois et de leur vétusté. Vous annonciez notamment que des mesures avaient été prises à la suite d’un rapport de Beliris, rapport qui avait inspiré ladite interpellation.

Quelles sont ces mesures et depuis quand sont-elles appliquées ?

Vous indiquiez que Bruxelles Mobilité avait inspecté en 2015 un tiers des ponts bruxellois à votre demande, à la suite de quoi vous aviez décidé de lancer un appel d’offres pour désigner un bureau externe certifié qui procéderait au contrôle de tous les ponts et à la rédaction d’un rapport sur leur état. Une fois en possession dudit rapport, vous entendiez élaborer un plan d’investissement circonstancié.

Pourquoi Bruxelles Mobilité n’était-elle pas en mesure de réaliser une évaluation exhaustive de ces ouvrages ?

Pourquoi l’évaluation n’a-t-elle été que partielle ?

Quelle est la liste des ponts visités par Bruxelles Mobilité et quels ont été les enseignements de ces visites ?

Quel est le bureau externe certifié qui a été choisi pour mener à bien cette mission vitale pour la mobilité et la sécurité des Bruxellois ? A-t-il déjà finalisé son évaluation de l’ensemble des ponts de notre Région ? Un rapport est-il disponible sur leur état de délabrement et, surtout, sur la dangerosité de certains d’entre eux ?

Enfin, avez-vous dessiné les contours du plan d’investissement, qui fait cruellement défaut depuis trop longtemps dans ce dossier ? Dans l’affirmative, quels sont-ils ?

À quelles fins seront alloués les budgets ?

Avez-vous désormais décidé d’effectuer des contrôles annuels ? Avec quel personnel ? Un renforcement des effectifs de Bruxelles Mobilité est-il prévu pour lui donner les moyens nécessaires à sa mission, contrairement à ce que nous avons constaté pour l’année 2015.

Combien de ponts constituent un danger imminent pour les Bruxellois ?

En quoi était-il utile, dès lors que vous aviez lancé un appel d’offres pour désigner un bureau externe certifié, de mobiliser votre administration et ses ressources humaines comme matérielles sur une évaluation partielle de l’état des ponts qui a commencé le 1er mars 2016 ?

Quelles leçons avez-vous tirées d’une telle évaluation partielle ?

Par ailleurs, les patrons des entreprises belges de grands travaux ont exprimé leurs craintes dans la presse, le 10 mai dernier, quant à l’état de vétusté des ponts belges et au manque d’investissement relatif à leur entretien. Ils expliquent que, proportionnellement, nous investissons deux fois moins que nos voisins européens, puisque nous nous situons sous la moyenne des 28 pays européens en matière d’investissement public. Ce manque d’investissements affecte tout naturellement la fiche de santé globale de nos ponts belges, dont 70% ont plus de 35 ans. Les patrons des entreprises belges de grands travaux expliquent également que l’une des principales raisons de leurs craintes est le manque de vision à long terme des Régions.

Comment votre collaboration avec Infrabel – et donc avec le pouvoir fédéral – et avec les autres Régions s’opère-t-elle afin de développer une vision cohérente et à plus long terme de l’entretien des ponts ?

Pouvez-vous nous éclairer sur la répartition et la coordination des tâches entre la Région, Bruxelles Environnement, Bruxelles Mobilité et les communes, soit l’ensemble des responsables des voiries sur ponts, par rapport à ces ponts situés sur le territoire bruxellois ?

Pourquoi la mission fondamentale de Bruxelles Environnement relative aux ponts appartenant à Infrabel ne figure-t-elle pas dans le rapport d’activité de Bruxelles Environnement ?

Enfin, cela fera bientôt une petite dizaine d’années que les Anderlechtois entendent parler d’une rénovation, voire d’une reconstruction du pont Pierre Marchant, pour lequel vous avez d’ailleurs obtenu un permis valable en 2016, afin d’en faire un pont à haubans. Ce permis a malheureusement été abandonné depuis lors.

J’entends encore les nombreuses déclarations du début de la législature qui témoignaient de l’ambition de faire de la zone du canal l’épine dorsale du développement urbain. Chacun s’étonnera donc de voir ce pont toujours fermé à la circulation, sans même y constater de signes d’amélioration ni de réfection.

Il devait pourtant faire l’objet de grandes avancées pour 2016 : un budget de 610.000 euros avait été évoqué pour l’étude de faisabilité des travaux et la rédaction du cahier des charges. Le projet de pont à haubans n’avait finalement pas été retenu par le gouvernement, car jugé trop onéreux. C’est un montant de 3,6 millions d’euros hors TVA qui avait finalement été arrêté.

En octobre 2016, vous aviez déclaré que les délais nécessaires préalables au commencement des travaux étaient de quinze mois, auxquels devaient s’ajouter les douze mois de travaux. En attendant, ce pont est toujours fermé et cette fermeture continue d’avoir des conséquences pour le moins désastreuses sur l’économie locale.

Qu’en est-il de l’obtention des permis nécessaires pour le démarrage rapide des travaux ? Où en sont l’étude de faisabilité et la rédaction du cahier des charges pour le cas particulier, mais exemplatif, du pont Marchant ?

[Intervention de Madame Cieltje Van Achter]

M. Pascal Smet, ministre.- Un projet de plan pluriannuel d’investissements pour les ponts est en cours d’élaboration. Un prestataire de services est chargé d’inspecter tous les ouvrages d’art, y compris les ponts. Le projet devrait être finalisé dans les semaines qui viennent.

Dès la fin des inspections, un plan-programme d’investissements doit être réalisé, à l’instar de celui des tunnels.

L’état des ouvrages d’art est évalué à l’aune de six catégories, similaires à celles utilisées par la Région wallonne. La catégorisation de l’état de l’ensemble des ouvrages d’art sera remise en même temps que le plan pluriannuel d’investissements.

Dès que l’examen sera terminé, nous rendrons public le rapport d’inspection.

Pour les travaux de génie civil, les montants liquidés en 2017 sur la base de l’allocation budgétaire dédiée aux travaux d’entretien sont les suivants :

– le marché d’entretien des ouvrages d’art, un peu plus d’un million d’euros ;
– le marché des joints, des chapes et de l’étanchéité, 2,3 millions ;
– l’entretien des garde-corps et des règles de sécurité, 217.000 euros.

Selon la réglementation en matière de gestion des ouvrages d’art établie par l’ancien ministère des Travaux publics, la récurrence des inspections visuelles – inspections de type A – est de trois ans. Mais une nouvelle campagne d’inspection des ouvrages d’art a commencé en 2015. Son objectif est de contrôler un tiers d’entre eux par an. Je transmettrai une liste des ponts déjà inspectés à annexer au compte rendu.

Après la crise des tunnels – qui a mobilisé énormément de ressources dédiées à la gestion des ouvrages d’art -, j’ai demandé à Bruxelles Mobilité de sous-traiter avec un bureau externe la mission d’inspection de tous les ponts.

Un appel d’offres a été lancé le 6 octobre 2016, et l’association momentanée entre les entreprises SECO, SGI Belgium, SGI ingénierie Luxembourg et Trafiroad a été notifiée le 20 mars 2017 comme adjudicataire du marché.

Pour le moment, l’inspection du restant de nos ouvrages d’art est en cours et sera conclu par la remise d’un plan pluriannuel d’investissements pour les ponts, qui devrait être prêt dans les semaines à venir.

Dans l’intervalle, toute situation pouvant poser un risque immédiat pour les usagers est rapportée à l’administration qui, évidemment, en tant que gestionnaire des ponts, doit immédiatement prendre les mesures nécessaires à la sécurisation.

Depuis plusieurs années, il existe des contacts avec Infrabel, notamment au sujet des ouvrages cogérés. L’administration maintient également des échanges avec les autres administrations régionales et communales. Mais nous avons demandé à Infrabel d’inspecter et regarder tous leurs ponts. Je vais d’ailleurs vous fournir, en annexe au compte rendu, une liste de tous les ponts gérés par la Région, cogérés avec la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) ou gérés par la SNCB, ainsi que les viaducs.

Je viens encore d’aborder la question du pont Marchant avec votre bourgmestre, M. Van Goidsenhoven. Les analyses du béton seront bientôt prêtes. Sur cette base, le bureau de design pourra définir les modalités d’action. J’ai par ailleurs réitéré ma demande à l’administration d’un calendrier pour la rénovation de cet ouvrage. Sur la base des analyses de béton, nous pourrons continuer les travaux.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Pour résumer ce que j’ai entendu, le chantier va se mettre en place. Nous avons donc un projet en cours d’élaboration qui sera prêt dans les semaines qui viennent concernant un plan pluriannuel destiné à la rénovation des ponts. J’imagine que cela se fera très prochainement. Pouvez-vous me préciser ce que signifie « quelques semaines » ? Ce sera avant ou après les congés parlementaires ? En effet, « quelques semaines » deviennent rapidement, vous en conviendrez, de très longs mois dans cette Région bruxelloise.

Le problème n’est pas nouveau. Vous le savez. Le temps passe avec le risque accru de dégradations très importantes qui entraîneront des coûts et des difficultés de rénovation d’autant plus significatifs, mais aussi des risques accrus en termes de sécurité. J’entends bien que maintenant, nous sommes proches de pouvoir disposer d’un plan pluriannuel, encore faut-il passer à l’action par rapport à cet exemple du pont Pierre Marchant.

Cela fait tellement longtemps qu’on parle de sa rénovation avec des valses-hésitations qui ont eu pour conséquence que ce pont a dû être fermé depuis deux ans et demi déjà sur une zone qui semblait devoir devenir l’une des zones leviers du développement urbain de la Région. Vous dites que l’on procède à une analyse de test de béton, etc. que vous avez demandé un calendrier. Il y a un certain nombre de mois, lorsque je vous avais interrogé, vous m’aviez répondu qu’il n’y aurait rien avant 2019. J’imagine que cette perspective n’a pas beaucoup évolué.

Le problème, voyez-vous, M. le ministre, c’est que, durant ces dernières années et pas seulement avec vous, mais avec votre prédécesseur aussi, nous avons eu tellement d’engagements, tellement de propos encourageants qui ont souvent abouti à pas grand-chose voire à rien du tout. Vous comprenez que ce qui m’importe, c’est d’avoir des avancées concrètes, un calendrier précis pour que nous puissions aussi avoir pleine confiance dans la capacité qui est la vôtre de mener à bien un vaste chantier, sans doute très compliqué, pour ne pas se retrouver dans un accroissement de difficultés dans les années qui viennent. Il est vrai que le dossier des tunnels prend beaucoup d’énergie mais celui des ponts est évidemment extrêmement important aussi.

Ensuite, je ne vois toujours pas clair à propos d’un élément sur lequel je vous avais interrogé. Quel est le rôle particulier de Bruxelles Mobilité au regard de celui qui est confié au bureau d’études auquel vous avez fait allusion ?

M. Pascal Smet, ministre.- Il est clair que Bruxelles Mobilité reste le gestionnaire, mais il a simplement été demandé que toutes les inspections et la rédaction du plan soient réalisées de concert par Bruxelles Mobilité et le bureau externe. Force est de constater que la situation a été prise en main au vu du nombre élevé de rénovations de tunnels en cours actuellement.

Concernant les ponts, je ne vais pas à m’amuser à faire des inspections et à établir un programme d’investissements pour m’arrêter là. Il va de soi que le programme d’investissements relatif aux ponts sera également exécuté à un rythme accéléré. Pensons aux tunnels Montgomery, Stéphanie, Trône et Arts-Loi (ce projet a néanmoins été retardé, car la police est intervenue plusieurs fois dans le cadre d’événements liés aux attentats). La rénovation du tunnel Porte de Hal est en cours. La rénovation du tunnel Reyers débutera cet été. Le marché pour la rénovation du tunnel Léopold II sera attribué cet été et les travaux pourront commencer l’année prochaine.

Entre-temps, nous effectuons des réparations d’entretien. Il en ira de même pour les ponts. Sur la base du programme, les priorités seront fixées. Sur la base des priorités, les rénovations auront lieu.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- C’est là où réside le problème. Vous vous souviendrez du fait que lorsque vous étiez déjà ministre de la Mobilité il y a quelques années, vous aviez pris sur vous de lancer un projet de pont à haubans, assez coûteux. Votre successeur n’avait pas la même opinion que vous. Vous êtes revenu en poste, dix ans plus tard, il n’y a toujours pas de pont et encore moins de pont haubané. On me dit que l’on avance sur un projet alternatif. Vous comprendrez que cette méthode est critiquable. Cela témoigne d’un manque de vision ou de maîtrise. Un ouvrage d’art est aujourd’hui bloqué depuis deux ans et demi !

 

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CRI COM (2016-2017) n°123, Juin 2017, pp. 42-50