Interpellation sur la pérennisation des projets culturels à Bruxelles

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Fadila LAANAN, Ministre-Présidente du Collège de la Commission communautaire française, en charge du Budget, de l’Enseignement, du Transport scolaire, de l’Accueil de l’enfance, du Sport et de la Culture

concernant la pérennisation des projets culturels à Bruxelles

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).– Vous aviez annoncé, lors de votre déclaration de politique générale, la réédition, en 2017, de la promotion des cafés-théâtres à Bruxelles. Nous y voilà déjà. Alors que, l’an passé, quatre jours avaient été consacrés à cette promotion, l’édition de 2017 sera, elle, prolongée pour offrir un mois complet d’activités.

Présenté au café-théâtre le Fou rire, le festival a commencé le 1 er novembre et se terminera le 26 novembre. Au total, ce sont seize cafés-théâtres bruxellois qui sont concernés par cette stratégie de revalorisation et de promotion. En réalité, il s’agissait, à l’origine de cette initiative, de redynamiser la culture de proximité dans notre capitale, tout en redonnant aux cafés-théâtres, comme vous aimez à le dire, leurs lettres de noblesse.

Au centre des activités se trouvent notamment le renforcement de la programmation des cafés-théâtres (entièrement libre), des activités de stand-up, des concerts, de la magie, de l’improvisation et de l’humour.

La formule 2017 propose une carte d’accès de 20 euros permettant d’assister à une représentation mise en place par chaque structure, soit seize représentations au total. C’est un prix dérisoire qui, à court terme, pourrait sans conteste donner une impulsion à la visibilité et à la renommée de ces lieux.

Pourtant, la stratégie telle qu’elle est adoptée risque de ne porter aucun fruit à long terme. Là où vous annonciez vouloir renforcer les moyens de fonctionnement des cafés-théâtres, je crains en effet qu’une action ponctuelle de ce genre – même d’un mois – ne vienne rapidement ruiner tout effort de pérennisation. Or, cette inquiétude relative à la pérennisation des moyens est régulièrement exprimée par les acteurs culturels, que ce soit au niveau de la Commission communautaire française ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

De manière plus générale – et le projet de Bruxelles sur scènes en est une parfaite illustration -, il est regrettable de constater ce manque de vision systématique, privilégié par la Commission communautaire française pour les projets culturels, qu’ils soient ou non de proximité.

Si les finances de la Commission communautaire française ne permettent pas de porter des projets culturels de grande ampleur dans la capitale – par ailleurs, relégués à la Région, semble-t-il -, force est de constater son absence injustifiée dans les projets culturels phares qui concernent Bruxelles et les Bruxellois, en ce compris, bien entendu, les Bruxellois francophones. Qu’en est-il, par exemple, de l’implication, voire de l’expression de la Commission communautaire française, de son soutien et de sa visibilité dans les projets tels que ceux du Pathé Palace, du Musée du Chat, ou du Musée Citroën ? Nous n’avons rien entendu de son côté, malgré les menaces qui pèsent sur le Pathé Palace et sur le Musée du Chat.

La Commission communautaire française a-t-elle été invitée aux discussions et a-t-elle été impliquée d’une quelconque manière dans la réflexion en amont de la réalisation de ces projets, qui auront un impact significatif sur la vie culturelle des prochaines années ?

Madame la ministre-présidente, vous avez maintes fois expliqué que les finances de la Commission communautaire française ne permettaient pas de concrétiser ou de porter des projets culturels d’ambition. Pourtant, là où la Commission communautaire française pourrait clairement jouer un rôle et se donner une mission – même minimes -, elle demeure malheureusement absente.

En parallèle, s’agissant de l’initiative – que je salue – de la promotion des cafés-théâtres, je m’étonne de voir des activités intensifiées sans cohérence, au détriment d’autres implications normalement attendues de la part de la Commission communautaire française.

Quel est le budget alloué à l’organisation de Bruxelles sur scènes, déployé durant tout le mois de novembre dans la capitale ? Quelle est la variation de budget par rapport aux dépenses effectuées dans le cadre de la première édition de ce festival ? Quelle est la part des moyens destinés à pérenniser les activités des cafés-théâtres bruxellois au-delà de leur mois promotionnel ? Quelles sont, justement, ces actions de pérennisation ? C’est un point très important à mes yeux.

Enfin, qu’avez-vous à dire sur l’implication actuelle de la Commission communautaire française dans les grands projets culturels bruxellois en construction ? Des discussions conjointes avec les autres institutions actives en la matière ont-elles été menées ? Il faut l’espérer car nous n’avons, certes, pas toujours les moyens que nous souhaitons, mais nous avons néanmoins une certaine influence sur ces diverses questions.

Dès à présent, je vous remercie pour les éclaircissements que vous pourrez m’apporter.

[Intervention de Monsieur Colson]

Mme Fadila Laanan, ministre-présidente.- Monsieur Van Goidsenhoven, j’ai toujours beaucoup de plaisir à répondre à vos questions en matière culturelle, car je sais que nous partageons les mêmes préoccupations dans ce domaine.

Le budget alloué au festival Bruxelles sur scènes se répartit en deux parties. Un subside est accordé à l’asbl visit.brussels pour assurer la promotion de l’événement durant plusieurs semaines, à hauteur de 13.000 euros en 2016 et, en raison de l’augmentation de la durée du festival, de 20.000 euros en 2017. L’autre partie du subside consiste, pour la Commission communautaire française, à rembourser aux différents cafés-théâtres participants la différence entre le prix payé par les visiteurs sur la base des pass vendus par visit.brussels – soit 20 euros pour un accès à dix-sept cafés-théâtres – et le prix des places pratiqué habituellement.

Ce montant déboursé a posteriori par la Commission communautaire française dépend, bien sûr, du nombre de pass vendus, ce que nous ignorons encore à l’heure actuelle, puisque la promotion et la campagne Bruxelles sur scènes sont encore en cours, le festival battant toujours son plein. Nous espérons toutefois que le succès sera au rendez-vous et qu’un grand nombre de pass seront vendus, car telle est bien la finalité de cette opération de promotion du secteur.

Indépendamment du festival en tant que tel, les moyens dévolus au secteur du café-théâtre ont fortement été revalorisés.

En effet, nous sommes passés d’une enveloppe de 100.000 euros à une enveloppe de 225.000 euros pour les seize asbl soutenues par la Commission communautaire française. Je peux aussi vous assurer que cette revalorisation a été extrêmement appréciée et qu’elle correspond bien aux desiderata de ce secteur qui se sent enfin soutenu et entendu.

Vous devez savoir que celui-ci ne souhaite pas faire l’objet d’une réglementation spécifique et entend, au contraire, préserver toute sa liberté de programmation. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas deux cafés-théâtres identiques en Région bruxelloise. C’est d’ailleurs bien cela qui fait tout le charme de ces établissements.

Vous me demandez enfin quelle est l’implication de la Commission communautaire française dans les grands projets culturels. Monsieur Van Goidsenhoven, vous n’ignorez pas que l’essentiel des moyens culturels sont dévolus par la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui intervient à raison de 36% dans le financement des politiques culturelles, contre seulement 2,5% pour la Commission communautaire française. Il en résulte que le financement des musées d’envergure ne peut être assuré par la Commission communautaire française : c’est une réalité institutionnelle que nous ne pouvons pas changer à l’heure actuelle.

Ajoutez à cela que c’est la Région de Bruxelles-Capitale qui est compétente depuis la sixième réforme de l’État pour le financement des matières biculturelles d’intérêt régional.

Certains exemples de projets que vous citez – le Musée Citroën ou le Musée du Chat – relèvent clairement de cette politique d’attractivité internationale. Vous me questionnez également sur le Pathé Palace et je pense m’être exprimée largement à ce sujet. Il n’est pas question que la Commission communautaire française investisse plusieurs dizaines de millions d’euros pour racheter cet espace. Ce n’est pas de sa responsabilité et je l’ai clairement communiqué au ministre André Flahaut qui avait lancé un appel à l’aide. Compte tenu de la situation de la Commission communautaire française, je ne pense pas qu’elle doive prendre en charge le Pathé Palace.

Vous m’interrogez aussi sur le Plan culturel pour Bruxelles. Vous n’êtes pas sans savoir que ce Plan a été adopté par le Parlement francophone bruxellois le 4 novembre 2013, sous l’ancienne législature donc, majorité et opposition réunies, selon mes informations. On m’a dit aussi que vous vous êtes beaucoup impliqué dans les débats relatifs à ce Plan culturel et vous savez donc qu’il a été adopté.

Ce Plan oriente évidemment nos politiques culturelles depuis le début de la législature. Le soutien aux structures de proximité que sont les cafés-théâtres en est d’ailleurs une illustration.

Monsieur Colson, vous souhaitiez connaître notre politique de soutien à apporter aux jeunes talents. Avec la disparition de l’asbl Guichet des arts, la Commission communautaire française doit être encore plus proactive en cette matière, pour toutes les disciplines que nous finançons grâce aux budgets culturels de la Commission communautaire française.

Dans le cadre des discussions budgétaires, j’aurai l’occasion d’y revenir. Le débat portera sans doute sur ce beau projet de soutien des nombreux talents dans toutes les disciplines des arts urbains via un important appel à projets. Ces artistes bénéficieront ainsi d’une bonne fenêtre de visibilité.

Madame la présidente, je pense avoir ainsi répondu à l’ensemble des interrogations exposées ce matin. 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je remercie Mme la ministre-présidente d’avoir effectivement répondu à la question lors du débat que nous avons entamé ce matin. Je me félicite des moyens complémentaires apportés aux cafés-théâtres comme d’ailleurs de toute initiative politique pour le soutien de nos institutions culturelles bruxelloises francophones. Une fois encore, j’insiste sur la notion de pérennisation.

Pour le reste, je sais bien que nous ne pouvons pas jouer un rôle central dans le sauvetage d’une institution comme le Pathé Palace mais nous, Bruxellois francophones, ne pouvons pas non plus rester muets vu l’importance d’une telle institution. Son inauguration est prévue au mois de décembre. Nous ne pouvons en tout cas pas assister à la dislocation ou à la menace de dislocation d’un projet pareil, sans réagir.

Bien entendu, nous n’avons pas les dizaines de millions d’euros manquants, mais nous devons peser politiquement et moralement pour éviter le pire dans un tel projet, ce qui serait, de mon point de vue, un horrible gâchis pour la culture bruxelloise. Nous, Bruxellois francophones, en ferions de facto les frais. Je ne vous demande pas de prendre en charge la part de la Communauté française ou de parer les négligences d’autres entités. Mais nous, Bruxellois francophones, devons être vigilants et éviter qu’un certain nombre d’initiatives culturelles de premier plan restent complètement en dehors de notre périmètre.

En tant que ministre-présidente de la Commission communautaire française, vous avez une voix que vous pouvez exprimer même lorsque vous n’avez pas toujours les moyens souhaités. Vous avez un poids moral et un poids politique.

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CR n°55 (2017-2018), Novembre 2017, pp. 4-6