Interpellation sur l’aide à la formation professionnelle dans le cadre du maintien d’Audi Forest en Région bruxelloise

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Monsieur Didier GOSUIN, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de la Formation professionnelle

concernant l’aide à la formation professionnelle dans le cadre du maintien d’Audi Forest en Région bruxelloise

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Si l’on en croit les diverses informations publiées par la presse, il semblerait qu’à partir de 2017, l’Audi A1 ne sera plus assemblée dans l’usine de Forest.

Le futur du site d’Audi Forest est donc plus que jamais à l’ordre du jour. J’ai pu noter que les trois Régions du pays suivent le dossier et sont en contact avec la firme pour assurer le maintien de l’activité industrielle sur ce site, ce qui est une bonne chose. Il est notamment question d’un plan d’aide, à répartir entre les trois entités fédérées, pour inciter le constructeur allemand à poursuivre, à l’avenir, l’assemblage sur les lieux de ses véhicules.

Avec l’évolution des technologies liées à l’industrie automobile, de nouveaux types de moteurs apparaissent sur le marché – suscitant éventuellement des polémiques, comme on l’a entendu ces derniers jours – et c’est bien entendu le cas des moteurs électriques ou des moteurs hybrides. Il est donc fait état de la possibilité que le constructeur envisage ce type de production dans l’usine de Forest. Il est évident que si cette filière doit être développée, une main-d’œuvre suffisamment qualifiée doit pouvoir relever le défi de participer à la construction de ce véhicule.

J’ai donc lu à ce propos que les Régions, compétentes pour la formation professionnelle, envisagent de fournir un sérieux effort dans ce domaine afin d’encourager Audi à maintenir son activité industrielle à Forest. Une partie des travailleurs actuellement occupés sur le site sont en effet bruxellois, et il importe que ceux-ci puissent, le cas échéant, relever le défi technologique qu’imposerait cette mutation importante.

Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser des questions précises en lien avec votre compétence liée à la formation professionnelle.

Confirmez-vous votre volonté de développer des filières de formation orientées sur la construction automobile électrique ? Comment envisagez-vous la mise en place de centres de formation en ce sens, et avec quel calendrier ? Combien de personnes pourraient suivre ces formations spécifiques ?

Avez-vous déjà budgétisé l’impact financier de la création de tels centres de formation en Région bruxelloise ? Quel est le degré de préparation de nos institutions professionnelles au défi technologique que représentent de telles formations ?

[Intervention de Madame Jamoulle]

[Intervention de Madame Huytebroeck]

[Intervention de Monsieur De Bock]

[Intervention de Monsieur Verbauwhede]

M. Didier Gosuin, ministre.- L’essentiel des questions portent sur ma compétence régionale. Loin de me défiler, je vous fournirai un certain nombre d’éléments évoqués aujourd’hui. Il y a, d’une part, la problématique du scandale de Volkswagen et, d’autre part, le projet industriel novateur qu’est le développement d’une technologie électrique d’avenir chez Audi, à Bruxelles, en Belgique. Le gouvernement est très ferme par rapport à une tricherie, voire une escroquerie : il faut recourir à toutes les sanctions. À côté de cela, il y a un projet industriel. À faire l’amalgame, on contrevient au développement économique. Je pense que ce n’est dans l’intérêt de personne.

En tant que ministre de la Formation professionnelle, je souhaiterais attirer votre attention sur le fait que les trois Régions de ce pays se sont rassemblées (une première en Belgique !) pour réfléchir et agir en vue du développement d’une technologie nouvelle ici, à Audi Bruxelles. De toute ma vie politique, je n’ai jamais vu cela, d’autant plus qu’il s’agit d’une compétence de la Commission communautaire française, puisque nous sommes ici dans une politique de Formation.

Je souhaite d’ailleurs remercier au passage mes deux autres collègues, qui auraient pu nous renvoyer à un problème relevant de la compétence pleine et entière de Bruxelles et en particulier de la Commission communautaire française, confortés en cela par la sixième réforme de l’État.

Mais au contraire, ensemble, nous avons réfléchi. Ensemble, nous avons fixé des objectifs. Ensemble, nous avons arrêté des conditions. Nous avons remis une lettre d’intention à la direction d’Audi Bruxelles, qui traduit la mobilisation des trois Régions et des Communautés en vue du développement d’un nouveau projet industriel. Ce dernier, s’il voit le jour, fera de Bruxelles un centre de développement de nouvelles technologies important, en termes d’innovation et de recherche. Ma collègue, Fadila Laanan, y a également participé et nous appelons de nos vœux ce projet à Bruxelles.

Ne mélangeons donc pas les problèmes. Je peux comprendre la méfiance ambiante, mais quand je lis les journaux, il faudrait mettre tous les groupes automobiles dans le même sac. Faut-il dès lors interdire à toutes les industries automobiles et à tous les concessionnaires d’encore travailler dans notre ville ? Dans le même ordre d’idées, aurait-il fallu, il y a quelques années face aux tricheries des banques, les interdire et les fermer ?

S’agissant d’attirer un projet industriel, je serai très prudent. Je ne peux pas répondre à toutes vos questions, qui sont très pertinentes mais ne trouveront de conclusion que lorsqu’une décision sera prise. Et celle-ci ne nous revient pas. Elle appartient au groupe VW.

Ce qui se passe pour l’instant n’augure rien de bon pour l’ensemble de la marque en termes de choix et d’investissements, voire peut-être de stratégie. Elle va devoir trouver 15 à 18 milliards d’euros pour faire face aux sanctions. Mais c’est son problème.

La question essentielle était de savoir si les responsables politiques des Régions étaient capables de se mettre autour de la table et de développer un projet. Ils l’ont fait, avant le gouvernement fédéral, qui n’a pour l’instant avancé que sur le glissement de la fiscalité (tax shift), lequel ne vise pas spécifiquement Audi.

Nous, nous avons la volonté d’essayer de développer la recherche et l’innovation autour de cette nouvelle technologie, et de développer les politiques de formation en nous appuyant notamment sur le projet Iris Tech+, qui est en quelque sorte immunisé dans le cadre de Beliris. Les avenants ne sont pas encore là, mais le maintien de ce projet est d’ores et déjà acquis.

Nous pouvons donc avancer sur ce projet, qui porte sur 14 millions d’euros. Pour le reste, les négociations continuent. Ceci confirme que nous avons pris toutes les garanties possibles.

Nous sommes prudents, car des déclarations fanfaronnes faites ici pourraient avoir pour conséquence de faire capoter tout le projet. Cela pourrait être interprété comme des aides économiques pour de grands groupes européens, menaçant la concurrence selon les instances européennes. Ce n’est pas moi qui vais faire des déclarations en couvrant mes collègues de médailles… On va jouer cela modestement et nous allons avancer de manière à ce que le projet puisse réussir.

Notre intention n’est pas de faire des effets d’annonce, mais plutôt de faire réussir le projet. Au final, la décision sera de toute manière prise par le groupe Volkswagen.

Nous avons en effet analysé tous les scénarios qui ont été présentés par la direction d’Audi Brussels. À partir de cela, nous souhaitons avoir un projet technologique novateur le plus performant possible. On espère qu’il n’y aura pas de fraude sur ces modèles électriques avec un petit réservoir de diesel dissimulé ! Notre objectif est de garantir un volume d’emplois et éventuellement le développer. On doit tirer de cette initiative industrielle des possibilités de développement de l’innovation, mais ma collègue régionale pourra en parler mieux que moi.

À partir de ce développement économique, de petites entreprises et des sous-traitants vont travailler au développement de cette technologie de pointe. Il y a là une volonté de créer une dynamique économique autour du site de Forest.

En addition, cela pourrait tirer vers le haut les capacités de formation de nos écoles supérieures et de nos universités. Nous avons donc une carte intéressante à jouer. Cela apparaît tellement évident pour Bruxelles qu’on aurait pu s’attendre à ce que les autres Régions et Communautés nous disent de nous débrouiller, puisque c’était notre Région la plus importante bénéficiaire. Ce n’est pas le cas, puisque nous avons pu créer un fédéralisme de dialogue et de concertation.

Vous m’interrogez également sur les aspects liés à la Formation, qui relève de mes compétences. Sachez que ces engagements sont réciproques et conditionnels. Ils forment un tout dans le développement économique industriel de la Région, les nouvelles technologies, l’emploi et la formation.

Notre volonté en matière de filières de formation en construction automobile innovante, et plus généralement en matière de nouvelles technologies, est au cœur du document que nous avons remis à Audi. Nous utiliserons évidemment l’ensemble des instruments régionaux et communautaires mobilisables dans le cadre de nos politiques d’emploi, de formation et d’innovation. Comme vous l’avez souligné, le congé éducation payé est, à ce titre, un exemple d’outil parmi d’autres que nous pourrions activer particulièrement dans cette filière.

Les chercheurs d’emploi constituent bien sûr notre cible prioritaire. L’une des conditions est l’existence d’une convention signée avec Actiris. Or, en ce qui concerne Audi, aucune convention de ce type n’a encore été signée. Bien sûr, j’aurais souhaité que lorsque l’affaire VW a éclaté, cette condition fût mise sur la table. Cela n’a pas été fait. Cette fois, une convention sera bel et bien signée avec Actiris, pour permettre, le plus prioritairement possible, l’accès de chercheurs d’emploi bruxellois à l’emploi chez Audi. Cela peut se faire via l’organisation de formations avec Bruxelles Formation, mais aussi avec l’Espace formation PME (EFP), puisque vous savez qu’en ce domaine, l’EFP possède une expertise plus particulière dans les métiers de l’entretien automobile et du garage.

Ce qui est intéressant – et ce qui pénalise d’ailleurs le groupe Audi depuis longtemps, bien que ce soit également à mettre à son crédit – c’est que l’usine Audi présente une moyenne d’âge très élevée. Je sais que l’on a souvent caricaturé cette entreprise, mais il n’en reste pas moins qu’Audi est une entreprise qui conserve ses travailleurs, quel que soit leur âge. Dans d’autres entreprises, on rencontre le phénomène inverse : dès que les travailleurs deviennent un peu trop âgés, on leur indique la porte de sortie.

Ici, la moyenne d’âge est supérieure à 50 ans. C’est pour cette raison que nous avons demandé, à volume d’emplois constant, quel est le taux de sortie naturel. D’ici à 2025, 1.000 emplois seront libérés à Forest. D’ici à 2020, il y en aura 645.

Dans le cadre d’une convention prévoyant des formations, nous pouvons donc espérer que les Bruxellois seront mieux positionnés qu’auparavant.

Les investissements publics dans les équipements se focaliseront sur le développement d’un pôle de compétence dédié aux technologies avancées dans le domaine de la mobilité. Ils seront partagés avec des formations continuées pour les travailleurs déjà en fonction – le montage industriel d’une voiture classique et celui d’une voiture électrique relèvent de deux métiers différents -, des étudiants et des chercheurs d’emploi. La lettre d’intention évoque aussi la collaboration et l’accès mutuel aux équipements d’Iris Tech+ et d’Audi dans le cadre de la formation.

Nous avons prévu un investissement spécifique dans le pôle de compétence dédié et nous avons immunisé ce projet dans le cadre de Beliris. Il est donc garanti. Le projet d’Iris Tech+ progresse comme prévu. Par ailleurs, au-delà d’Audi, c’est le secteur qui est très intéressé par l’arrivée de cette nouvelle technologie. Nous veillerons donc à ce qu’il s’implique dans le projet.

Il serait prématuré de vous spécifier les formations avant que la décision n’ait été prise. D’ici à 2017, nous aurons le temps, avec les autres Régions et Communautés, d’identifier les meilleurs opérateurs, de préparer le terrain et de sensibiliser les jeunes à ces filières de formation. Le centre de référence sera alors opérationnel.

Nous avons une carte à jouer. Toutefois, nous devons agir avec méthode pour faire aboutir le projet. Si la décision est favorable à Bruxelles, nous pourrons en conclure que les autorités politiques régionales et communautaires auront fait le nécessaire pour le développement d’un grand pôle industriel automobile innovant. 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’ai pris note des éléments dont le ministre nous a fait part. Il s’est montré très prudent à l’égard d’un certain nombre de questions relativement générales, car il reste plusieurs étapes critiques à franchir.

J’ai relevé que le développement de l’outil Iris Tech+ a été assuré dans le cadre de Beliris. Tout le monde s’en réjouit. J’ai également noté que la convention à signer avec Actiris restait à faire.

Nous sommes pour la plupart convaincus qu’il était essentiel de mener à bien ce projet. L’enjeu pour l’emploi direct ou indirect, et plus généralement pour l’activité économique à Bruxelles, est extrêmement important. Il s’agit de pérenniser un secteur automobile actuellement dans la tourmente.

Nous serons appelés à revenir sur cette question importante. Le nombre des interventions montre d’ailleurs qu’une attention toute particulière est portée à ce sujet. J’espère que nous aurons l’occasion, dans un futur proche, d’être plus amplement informés sur les différentes modalités qui permettront à cette filière technologique de s’implanter durablement à Bruxelles, et de créer ainsi de l’emploi et des filières de compétences dont notre Région a manifestement plus que jamais besoin.

 

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CR n°21 (2015-2016), Octobre 2015, pp. 11-14