Interpellation sur les enseignements our les villes belges francophones du Moniteur européen sur les villes culturelles et créatives

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Alda GREOLI, Ministre du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en charge de la Culture et de l’Enfance,

concernant « les enseignements pour les villes belges francophones du Moniteur européen sur les villes culturelles et créatives»

 M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR). – Le 6 juillet dernier, la Commission européenne publiait le Moniteur des villes culturelles et créatives. Cet outil est censé fournir aux 168 villes européennes étudiées des données comparables sur leurs performances réciproques dans les matières culturelles et créatives.

La première édition de ce Moniteur européen s’inscrit dans la continuité des efforts de la Commission européenne pour placer la culture au cœur de son programme d’action et dans le prolongement de son travail de promotion du développement socio-économique des villes et régions d’Europe. Cet outil est supposé aiguiller les décideurs dans l’adoption des politiques dans les matières qui relèvent de la culture et de la créativité et qui ont un impact vérifié sur la vie économique et sociale d’une ville. Il permet également aux acteurs sectoriels de se comparer à leurs pairs européens et de s’inspirer, s’ils le désirent, de leurs succès.

La Commission européenne s’est appuyée sur des mesures qualitatives et quantitatives censées représenter le dynamisme culturel, l’économie créative et l’environnement propice d’une ville. Le volet quantitatif comporte 29 indicateurs touchant neuf dimensions telles que celles de la propriété intellectuelle, l’accessibilité locale et internationale, l’innovation, la création d’emplois dans ce même domaine, la participation des citoyens à la vie culturelle de leur ville, etc. Les résultats obtenus pour chaque ville ont le mérite de mettre en évidence leurs points forts ainsi que les domaines dans lesquels elles excellent et les pistes d’amélioration possibles.

Comme cela a déjà été rappelé à plusieurs reprises et notamment dans le Plan de travail de l’Union européenne en faveur de la culture pour la période 2015-2018, les secteurs de la création et de la créativité figurent parmi les secteurs les plus dynamiques des économies européennes. En plus de stimuler l’innovation, ces secteurs favorisent la croissance et la création d’emplois et encouragent la cohésion sociale. À titre d’exemple, à l’échelle européenne, les secteurs créatifs et culturels représentent 4,4 % du produit intérieur brut et emploient près de 8,8 millions de personnes à travers le continent, soit 3,8 % du taux d’emploi européen.

Vu la frilosité des gouvernements belges, en particulier celle du gouvernement bruxellois, à inscrire Bruxelles comme candidate au Réseau des villes créatives de l’UNESCO, je souhaiterais aborder quelques éléments centraux ressortant de cette étude et plus spécifiquement les performances de notre pays, qui y sont mises à l’honneur. Ceci accélèrera peut-être la réflexion autour des actions possibles, autrefois annoncées par le gouvernement, et leur mise en œuvre. L’étude rappelle que les villes de Bruxelles, Anvers, Bruges et Mons ont été qualifiées de capitales européennes de la culture. Seule Gand a été sélectionnée pour appartenir au Réseau des villes créatives de l’UNESCO. Quant aux villes de Liège, Louvain, Namur et Ostende, elles ont accueilli chacune au moins deux festivals culturels internationaux.

Concernant Bruxelles, notre ville est relativement bien placée dans la catégorie «Économie créative», en partie grâce à sa capacité à générer de l’emploi dans le secteur créatif – 6,5 % des emplois de la capitale. Elle figure à la troisième position d’un classement de 21 villes européennes.

Dans la catégorie «Vitalité culturelle», Bruxelles occupe la dixième position, derrière Anvers, elle-même placée après la ville de Gand. Cette dernière excelle dans la dimension des installations et infrastructures culturelles. Enfin, grâce à ses performances en matière d’innovation et de propriété intellectuelle, Louvain se distingue dans la catégorie «Économie créative». Elle occupe la quatrième position d’un classement de 64 villes européennes.

J’insisterai aussi sur l’importance et le rôle que jouent la culture et la créativité dans l’amélioration des perspectives de résilience économique d’une ville. En outre, il est primordial de susciter l’investissement pour promouvoir ces domaines. Je ne saurais trouver de meilleurs arguments pour rappeler l’attractivité de Bruxelles et l’importance de la faire participer à ce réseau et d’approfondir nos politiques qui pourraient jouer un effet de levier sur la culture, l’économie d’une ville et le bien-être de ses habitants.

Madame la Ministre, avez-vous pris connaissance du contenu de ce Moniteur et des différentes performances et faiblesses des villes belges francophones dans les matières culturelles et créatives? Quels sont les enseignements que vous en retenez et quelles sont les stratégies et réflexions menées par votre administration pour améliorer les performances de la Wallonie et de Bruxelles dans ces domaines? Avez-vous, par exemple, déjà rencontré les autorités d’autres villes européennes excellant là où nous échouons? Enfin, où en sont nos collaborations avec l’UNESCO et quelle est notre implication dans son réseau culturel, créatif et international? Outre l’annonce des 20 millions d’euros dégagés pour soutenir les industries culturelles et créatives, quels sont votre position et vos projets pour saisir cette opportunité et renforcer la synergie culture-créativité-économie, et ce pour toutes les politiques relevant de votre compétence?

Mme Alda Greoli, vice-présidente et ministre de la Culture et de l’Enfance. – Monsieur le Député, permettez-moi de répondre à vos différentes questions dans l’ordre.

En premier lieu, je tiens à souligner que le Moniteur des villes culturelles et créatives constitue une initiative très récente. Elle date du début du mois de juillet 2017 et a été entreprise par la Commission européenne et, plus particulièrement, vous l’avez d’ailleurs souligné, son Centre commun de recherche (CCR). La mission de ce centre est de fournir des éléments scientifiques pour étayer le processus de prise de décision au sein de l’Union européenne. Le document a donc été publié sous la responsabilité de la Commission européenne, et n’implique aucun État membre – du moins à ce stade.

Il y a tout lieu de saluer cette initiative, car elle témoigne d’un intérêt croissant de la Commission européenne pour les questions culturelles. Cela étant dit, j’espère que la Commission sera également à nos côtés pour nous aider à défendre correctement chacune de nos cultures. En outre, il est utile de pouvoir établir des comparaisons à l’échelle internationale. Elles sont régulièrement sources d’inspiration et de progrès.

Néanmoins, un tel document mérite un examen plus approfondi, notamment quant aux critères retenus par les auteurs de l’étude. Comme vous l’avez noté, Monsieur le Député, les comparaisons se fondent, tout à la fois, sur des critères que je qualifierais de «purement culturels», la participation du public ou les infrastructures culturelles, par exemple, et sur des critères «économiques», qu’ils soient liés à l’emploi, au capital humain, ou encore à la gouvernance locale.

J’ai donc demandé à l’administration générale de la Culture, et plus particulièrement à l’Observatoire des politiques culturelles, de mener une analyse complète de cette étude, dont les destinataires premiers me semblent être les villes elles-mêmes. En effet, s’il est pertinent de procéder à des comparaisons entre les politiques culturelles municipales, elles seront d’autant plus efficaces si les initiatives émanent directement des villes souhaitant s’impliquer.

Le Réseau des villes créatives de l’UNESCO a été créé en 2004 pour promouvoir la coopération entre les villes désirant placer la créativité au sein de leur stratégie de développement humain. Actuellement, en Belgique, seule la ville de Gand en est membre. Selon les informations dont je dispose et sur proposition de Wallonie-Bruxelles International (WBI) et de la Délégation générale à Paris, l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW) a sensibilisé ses membres à l’appel à candidatures en vue d’intégrer ce réseau. Pour information, le dernier appel de l’UNESCO a eu lieu le 15 février 2017.

S’agissant de WBI, je vous invite à interroger son ministre de tutelle, c’est-à-dire le ministre-président, sur le résultat des démarches entreprises, ainsi que sur les initiatives parallèles qui auraient été menées vis-à-vis des municipalités de la Région de Bruxelles-Capitale.

Quant aux synergies entre la culture, la créativité et l’économie, je pense que tant le secteur culturel que moi-même avons parfaitement saisi ces enjeux dans le cadre de l’opération «Bouger les lignes» et de son plan d’action; 40 actions en découlent. Je vous invite à parcourir ou à relire les actions consacrées, par exemple, au soutien à la création artistique et à l’expérimentation artistique, au renforcement des liens entre la création et la recherche scientifique, à la rédaction de la coupole «Plan culturel numérique» ou encore, pour prendre un dernier exemple au hasard, aux connexions culturelles entre les secteurs marchand et non marchand.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR). – Madame la Ministre, je vous ai écoutée attentivement. Bien qu’il soit récent, l’outil est intéressant parce qu’il permet de nous situer. Même teintés d’une certaine subjectivité, les critères retenus permettent d’enrichir notre réflexion et peut-être de nous interroger sur nos forces et faiblesses.

J’entends également que WBI, par l’intermédiaire de l’Union des villes et communes, relayait le fait qu’il y a régulièrement des appels à candidatures pour participer au Réseau des villes créatives de l’UNESCO. L’enjeu est important et la Belgique peine étonnamment à s’inscrire dans ce réseau. Ce dernier est bien représenté sur les cinq continents. D’ailleurs, des villes de tous gabarits et ayant des cultures très différentes ont souhaité entreprendre une démarche particulière pour appartenir à ce réseau.

Nous avons des résultats à faire valoir et il serait, à mon sens, intéressant d’élargir notre spectre de connaissances et de compétences et d’échanger nos informations et bonnes pratiques. J’interrogerai à ce sujet le ministre-président en sa qualité de responsable de WBI, mais un certain nombre de choses et de progrès à réaliser entrent également dans vos compétences!

C’est un enjeu culturel et de développement économique qui doit nous aider à redéfinir les projets urbains dans les principales villes de notre Fédération.

 

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CRIc n°120 (2016-2017), pp. 3-5