Question orale sur la restauration des biens mobiliers classés

Question orale de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Alda GREOLI, Ministre du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en charge de la Culture et de l’Enfance

concernant la restauration des biens mobiliers classés.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR). – Madame la Ministre, durant le mois de juin, lors d’une visite à l’Hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines, vous vous êtes exprimée sur la vision, les politiques et stratégies déployées par la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de classification, de rénovation et de conservation du patrimoine culturel mobilier de notre institution.

Actuellement, 159 biens mobiliers sont protégés par notre Fédération et diffèrent tant par leur époque que par leur origine. Plus de 65 % de ces biens sont stockés et conservés dans des musées ou édifices religieux. Le reste est détenu par des universités ou relève de la propriété privée de particuliers. Pour pouvoir entrer dans cette classification, le bien mobilier en question doit, d’une part, être considéré comme un objet rare dans son domaine et, d’autre part, être détenu par une personne publique, morale ou privée.

Bien qu’elles soient le témoin de la richesse et de la diversité de notre patrimoine culturel, nombreuses sont les œuvres qui sont encore méconnues du grand public. Qu’elles soient accessibles au public ou non, la restauration de ces œuvres nécessite d’importants moyens financiers. Lors de votre visite à l’Hôpital Notre-Dame à la Rose, vous avez saisi l’occasion d’annoncer la création d’un fonds budgétaire destiné à la restauration des œuvres classées et protégées par notre Fédération. Par ailleurs, vous avez annoncé que ce fonds serait constitué de contributions publiques et privées. Disponible dès l’année 2018, il permettra à notre Fédération d’affecter des recettes particulières à la restauration des œuvres par le biais d’appels aux dons qui proviendraient aussi bien de particuliers que d’institutions spécialisées.

Si je me réjouis de cette initiative, je m’interroge toutefois sur ses modalités d’application et de concrétisation. Dans l’une de vos déclarations, vous aviez souligné le fait qu’une importante partie de notre patrimoine culturel mobilier restait inexplorée et inexploitée, en partie parce ce dernier relevait du domaine de la propriété privée de particuliers. Quelle est la ré- flexion actuellement menée par vos services pour encourager ces propriétaires à divulguer, voire partager avec le secteur public et le grand public ce patrimoine rare dont ils sont détenteurs?

Apparemment, la constitution de ce fonds budgétaire permettrait d’atteindre votre objectif fixé de 30 restaurations d’œuvres par an. Un particulier qui introduit une demande de restauration de son œuvre pourra-t-il bénéficier du soutien de notre Fédération tout en restant propriétaire de son œuvre? Bien sûr, en contrepartie, il pourrait être convenu que l’œuvre reste accessible au grand public, que l’usufruit de l’œuvre soit transféré à notre Fédération pour, in fine, permettre au particulier d’en rester le propriétaire légal. De cette manière, cela permettrait à une importante partie de la collection d’œuvres privées d’être mise en lumière. Avez-vous prévu d’appliquer ce dispositif dans les différentes modalités que vous proposez?

Je souhaiterais connaître l’ensemble des critères qui retiennent l’attention de notre Fédération, en plus de ceux relatifs à la rareté et au statut du propriétaire, pour parfaire la classification d’une œuvre? Depuis le début de la législature, combien de demandes vous sont-elles parvenues?

Enfin, étant donné la mise en place de ce fonds d’ici 2018, des partenaires ont-ils déjà été approchés pour la conduite de ce projet? Pouvez-vous nous communiquer les résultats des premières discussions?

Mme Alda Greoli, vice-présidente et ministre de la Culture et de l’Enfance. – Effectivement, le décret actuel ne prévoit aucune obligation de visibilité. Dans les faits, la majorité des biens est déjà visible, car exposée dans des lieux conformes aux règles en vigueur. Généralement, les détenteurs de ces biens sont sensibles à la question de leur valorisation. Les propriétaires privés consentent, par exemple, à des prêts temporaires et à des mises en dépôt. Je les en remercie.

De ce fait, il n’est pas indispensable d’édicter des règles supplémentaires à ce sujet.

Par contre, le développement d’outils contribuant à la promotion de ces biens peut être envisagé. Des initiatives ont déjà été prises. Par exemple, en 2015, mes services et l’Institut du patrimoine wallon ont collaboré afin de produire deux ouvrages de grande qualité scientifique. Ces documents portent sur l’ensemble des biens classés depuis le début de la mise en œuvre du décret. Depuis leur publication, d’autres biens ont rejoint cette liste.

Une communication régulière et dynamique reste l’atout principal pour dynamiser la politique de classement des biens culturels mobiliers et sa connaissance auprès du grand public. Par exemple, le fait de systématiquement communiquer sur les biens classés, permet de susciter l’intérêt de particuliers, d’associations ou autres détenteurs d’un patrimoine important. Compte tenu de l’éventail de possibilités qu’ils offrent, le recours à des outils numériques – cela va vous plaire – constitue la piste principale pour dynamiser cette communication. La collaboration de l’organe préservation et exploitation des patrimoines (PEP) est déjà très précieuse pour la numérisation des biens classés et qualifiés de «trésors de la Fédération Wallonie-Bruxelles».

En termes d’outils, le développement d’une application pour smartphone permettant au public de situer géographiquement chaque bien classé et de disposer de fiches techniques explicatives, pourrait être envisagé. Cette application pourrait également contenir des informations sur les lieux qui abritent les biens mobiliers classés, car, nous le savons, certains se trouvent dans des endroits eux-mêmes classés par les Régions.

Par ailleurs, j’ai annoncé récemment mon intention de créer un fonds budgétaire spécifique destiné à collecter des fonds pour aider à la restauration de biens classés. Le lancement des futures campagnes de restauration permettrait également de parler de chaque bien, de son histoire et de son état. À propos de ce fonds, il convient de préciser que l’objectif visé n’est pas de restaurer 30 biens par an. Par contre, mes services m’ont effectivement remis une liste d’une trentaine de biens qui doivent, à court ou moyen terme, être restaurés. Il faudra planifier les restaurations lors des prochains exercices budgétaires, en fonction du degré d’urgence desdites restaurations et des fonds qui pourront être récoltés pour compléter les budgets déjà dégagés par la Communauté française.

Concernant les conditions d’accès aux fonds pour les restaurations, il est à noter que tout détenteur d’un bien classé peut solliciter une aide. En outre, la commission compétente n’examine le projet de restauration et sa faisabilité et ne remet un avis sur son opportunité, que sur demande du détenteur. Les propriétaires resteront toujours les détenteurs de leur(s) bien(s). De ce fait, on peut difficilement envisager l’élaboration d’un processus de transmission de l’usufruit de ces biens à la Communauté française, même si celle-ci finance leur restauration. De plus, comme je vous l’expliquais à l’instant, la plupart de ces biens sont déjà exposés. Ceux qui ne le sont pas encore sont soit des biens d’une fragilité telle qu’une exposition à la lumière les endommagerait, soit des biens dont les propriétaires privés ne disposent pas de conditions de sécurité suffisantes pour permettre de les exposer chez eux. Toutefois, ceci n’empêche pas la mise en place de grands projets de prêts.

Quant aux critères de classement, l’article 4 du décret du 11 juillet 2002 les énonce comme suit: «L’état de conservation; la rareté; le lien que présente le bien avec l’Histoire ou l’Histoire de l’Art; l’esthétique; la grande qualité de conception et d’exécution; la reconnaissance du bien par la communauté en tant qu’expression de son identité historique, esthétique ou culturelle; l’intérêt de l’ensemble ou la collection dont le bien fait partie».

Il est également important de souligner qu’un bien «pourra relever de la procédure de classement dès lors qu’il aura réuni au moins deux de ces critères». À propos de ce dernier point, il existe une procédure légale à suivre dès que la proposition de classement est recevable. Celle-ci doit être soumise à l’avis de la Commission consultative du patrimoine culturel mobilier, et ensuite à la décision de la ministre de la Culture. Une demande recevable n’aboutira pas automatiquement à un classement. C’est la localisation du bien et non le statut du propriétaire qui détermine le champ de compétence de la Communauté française. L’article 2, paragraphe 1er du même décret définit les modalités relatives à ce sujet.

Depuis le début de la législature, 32 demandes ont été traitées; 27 ont abouti à un classement, quatre sont en ouverture de classement et une a fait l’objet d’une décision négative fondée sur l’avis négatif émis par la Commission consultative. Les demandes émanent généralement de la Commission consultative, bien qu’il y ait de plus en plus de demandes extérieures, issues de titulaires de droits réels, de collèges de bourgmestre et échevins, ou encore de pétitions ayant recueilli au moins 500 signatures. Ce phénomène démontre l’engouement grandissant pour le processus de classement offert par la Communauté française.

Pour terminer, je peux vous confirmer que des partenaires ont été approchés dans le cadre de la création du fonds budgétaire. Permettez-moi toutefois de ne pas en dire plus pour le moment, car les discussions sont en cours. Je ne manquerai pas de transmettre les informations nécessaires lorsque le processus aura abouti.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR). – Madame la Ministre, je prends acte de votre volonté de dynamiser, par une série d’outils numériques, la communication relative aux biens mobiliers classés. C’est évidemment une excellente chose. Je me réjouis, par ailleurs, que des partenaires aient été approchés. Bien que vous ne souhaitiez pas nous en dire plus en ce moment, vous ne manquerez pas de nous tenir informés des avancés à ce sujet. J’attends avec beaucoup d’intérêt vos «révélations» à ce propos, et ceci le plus rapidement possible! 

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CRIc n°120-Cult17 (2016-2017), Juillet 2017, pp. 8-10