Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Alda GREOLI, Minsitre du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en charge de la Culture et de l’Enfance,
concernant «le prix unique du livre à Bruxelles».
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR). – Madame la Ministre, nous devons encore déterminer la manière dont le prix unique du livre sera appliqué à Bruxelles. À la suite d’une décision du gouvernement fédéral, il ne peut y être appliqué aux librairies, dites bilingues, vendant des ouvrages en français et en néerlandais. Si l’adoption d’une telle réglementation en France permet de soutenir l’activité de petits libraires face aux grandes enseignes et grandes surfaces, rien n’est moins sûr en Belgique. Pourtant, depuis la sixième réforme de l’État, il revient aux entités fédérées de statuer sur le prix des livres.
Comme pour faire écho au surréalisme belge, le tarif tel qu’instauré par un éditeur ne sera protégé en Flandre que pour une période de 6 mois contre 24 en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour Bruxelles, à moins de parvenir à un accord tripartite entre la Communauté flamande, la Communauté française et le niveau fédéral pour la mise en application des différents décrets communautaires dans la capitale, la fixation des prix dans les points de vente bilingues est libre. Le ministre fédéral Kris Peeters s’est récemment positionné sur ce point et il vous aurait fait part le 31 octobre dernier de son argumentation sur un avis de l’Autorité de la concurrence selon lequel l’application conjointe de ces décrets apporterait à Bruxelles de trop grandes incertitudes juridiques. Kris Peeters considèrerait que les deux textes sont trop différents pour pouvoir être appliqués conjointement. Selon certains, un même livre pourrait in fine être soumis à trois réglementations différentes!
Confirmez-vous cette information? Comme l’avait souligné M. Culot lors du vote en commission du projet de décret, la non-application de ce dernier à Bruxelles nous interpelle. Je souhaiterais revenir sur plusieurs points, notamment sur l’impact de cette mesure à Bruxelles. Pouvez-vous nous dresser un résumé des arguments mis en avant dans le courrier du ministre fédéral Kris Peeters? Pourriez-vous nous fournir le courrier du 31 octobre? Quelle réponse lui avez-vous communiquée? Que vous a indiqué le Centre d’expertise juridique de la Fédération Wallonie-Bruxelles? Avez-vous évalué l’impact de cette situation sur les librairies bruxelloises? Enfin, quelles mesures votre cabinet imagine-t-il pour limiter ces effets négatifs?
[Intervention de Monsieur Doulkeridis]
[Intervention de Madame Emmery]
Mme Alda Greoli, vice-présidente et ministre de la Culture et de l’Enfance. – En effet, le premier échange que j’ai eu avec le ministre Peeters en réponse à notre proposition d’accord de coopération pour Bruxelles n’allait pas dans le sens que M. Gatz, mon homologue néerlandophone, et moi-même souhaitions. Toutefois, M. Peeters terminait son courrier en écrivant: «Étant donné qu’il ne m’est pas possible de savoir clairement de façon prévisible si le projet d’accord de coopération est opportun ou pratique, j’ai pris la décision de, provisoirement, ne pas prendre de mesures». À la suite de ce courrier, j’ai pris personnellement contact avec lui, en concertation et en coordination avec M. Gatz, afin de lui expliquer plus précisément la situation et de relancer les négociations. J’ai de toutes bonnes raisons de ne pas douter du fait que nous parviendrons à un accord avec le gouvernement fédéral dans le courant de 2018 pour plusieurs raisons basées sur l’analyse juridique qui m’a été communiquée.
Premièrement, «les deux décrets des Communautés ont été adoptés sur la demande des principaux acteurs du secteur du livre». La plupart d’entre vous l’ont d’ailleurs rappelé. Il s’agit donc d’une politique dans laquelle les Communautés ne font que mettre en œuvre une réforme réclamée par le secteur depuis des années. Cela faisait trente ans que nous étions en retard sur ce dossier. Deuxièmement, «le projet d’accord de coopération, tel que proposé par les Communautés, n’implique pas d’obligations particulières de l’autorité fédérale». Les Communautés ont simplement «besoin de l’appui et de la participation de l’autorité fédérale à la conclusion de l’accord de coopération pour leur permettre de pouvoir créer un système complet de protection culturelle du livre et de la langue sur le territoire bilingue de la Région de Bruxelles-Capitale».
Comme M. Gatz et moi-même l’avons répété, les deux Communautés souhaitent poursuivre la concertation avec l’autorité fédérale. Le projet d’accord de coopération que nous proposons est une opportunité pour l’autorité fédérale de montrer son intérêt pour la compétence biculturelle de Bruxelles. De plus, l’accord de coopération pré- voit un système basé sur un critère pertinent et objectif, la langue de rédaction du livre, qui permet un rattachement clair soit à la Communauté française soit à la Communauté flamande.
Pour finir, l’absence d’intervention de l’autorité fédérale dans l’instauration d’un système juridique cohérent sur le territoire de Bruxelles pourrait être mise en évidence par la Cour constitutionnelle qui n’hésite désormais plus à critiquer les autorités publiques lorsqu’elle considère que ces dernières n’ont pas suffisamment collaboré. Cette absence d’intervention pourrait être considérée comme une faute de l’autorité fédérale, au sens de la responsabilité des pouvoirs publics, et entrer en contradiction avec le principe de loyauté fédérale, tel que le dispose l’article 143 de la Constitution.
Bref, vu les concertations ayant eu lieu avec l’autorité fédérale et grâce au fait que M. Gatz et moi-même travaillons de concert, je pense que les choses peuvent aboutir et ont de bonnes raisons de le faire. Je crois que M. Peeters a mieux compris et qu’il a pu mieux prendre en considération tous les éléments que nous avons portés à sa connaissance. Je vous propose donc de vous fournir le plus rapidement possible les conclusions de la reprise de nos concertations.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR). – Nous comprenons de votre réponse, Madame la Ministre, que nous n’avions pas anticipé cette difficulté. Toutefois, vous dites que vous ne doutez pas qu’un accord interviendra avec le gouvernement fédéral en 2018. Espérons qu’il n’y aura pas trop d’impact négatif sur les librairies bruxelloises dans ce laps de temps. Nous suivrons donc l’évolution de ce dossier, car une solution devra être trouvée dans les meilleurs délais.
[Intervention de Monsieur Doulkeridis]
Mme Alda Greoli, vice-présidente et ministre de la Culture et de l’Enfance. – Je n’ai pas, pour l’instant, l’intention de saisir la Cour constitutionnelle puisque les contacts avec le cabinet du ministre Peeters ont repris et que les concertations ont recommencé. Je ne considère donc pas que j’ai reçu une décision du gouvernement fédéral, mais un courrier qui ouvre la porte à des concertations plus approfondies.
[Intervention de Monsieur Doulkeridis]
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CRIc n°36 – Cult6 (2017-2018), Décembre 2017, pp. 5-7