INTERPELLATION DE M. GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN À M. RUDI VERVOORT, MINISTRE-PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE, CHARGÉ DES POUVOIRS LOCAUX, DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DES MONUMENTS ET SITES, DE LA PROPRETÉ PUBLIQUE ET DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT,
concernant « le plan directeur Canal ».
M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Votre prédécesseur, M. Picqué, a confié une mission d’élaboration d’un plan directeur Canal qui a porté sur des sites situés le long du canal, plan que vous avez d’ailleurs dévoilé cet été. Le groupe chargé des études a identifié des zones transformables et des zones à construire.
La zone portuaire serait une zone transformable. En d’autres termes, le domaine portuaire pourrait être affecté à d’autres fins que l’activité liée à la voie d’eau et servir à des constructions.
Un atelier de 48 heures était prévu au début du mois de juillet 2013 en vue de fixer des objectifs prioritaires. J’y ai participé.
À ce jour, peu d’informations ont été communiquées quant à la suite réservée à cette étude. En conséquence, je voudrais connaître les conclusions qui se sont dégagées des journées de juillet 2013. Les zones ont-elles été définies avec précision ? Quelles sont les priorités retenues ? Quelles seraient, parmi les zones retenues, celles qui affecteraient le domaine portuaire ? Un échéancier a-t-il été fixé ?
[Intervention de Mme Annemie Maes]
[Intervention de Mme Marie Nagy]
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Si vous souhaitez plus d’informations sur le Plan canal, mes services sont à votre disposition.
À propos du budget, nous sommes toujours au stade de l’étude. Le premier montant dégagé était de l’ordre de 190.000 euros. Il est prématuré d’annoncer d’autres chiffres. Nous abordons la deuxième phase de l’opération et sommes dans l’impossibilité de vous fournir des montants plus précis.
Concernant la fonction industrielle le long du canal, notre réflexion va au-delà des six zones à développer en priorité dans une logique immédiate de projets. Je reviendrai sur celles-ci dans un instant. De par la décision du gouvernement à Ostende d’affecter l’ensemble du site Schaerbeek-Formation à la zone Pôle logistique, il va de soi qu’une série d’activités pourront aussi être transférées vers le nord de la voie d’eau.
La fonction économique ne sera certainement pas sacrifiée sur l’autel exclusif du logement. Il y a toutefois des types d’activités économiques qui n’ont plus leur place dans les zones densément peuplées le long du canal, d’autant qu’il s’agit parfois d’activités industrielles peu propices à générer une image accueillante de la ville, surtout quand vous passez le long de la voie d’eau, du côté de l’allée Verte.
Par ailleurs, certaines de ces activités ne sont pas génératrices de nombreux emplois. J’en veux pour exemple un dossier concernant une activité qui allait amener deux ou trois emplois, mais mobilisant toute une superficie le long du canal. Pour un tel résultat, je ne vous cache pas que je préfère répondre à d’autres priorités de notre Région.
L’élaboration de ce plan a démarré en novembre 2012. Il vise le renforcement du logement et des équipements ainsi que celui de l’activité économique par la consolidation de son intégration urbaine et en travaillant sur la densification et la mixité fonctionnelle. Ces deux défis découlent de la croissance démographique qui génère des besoins nouveaux. Il vise aussi le renforcement de la qualité des espaces publics et le lien entre les quartiers.
La première phase du plan, d’une durée de neuf mois, a consisté en l’organisation d’ateliers de travail réunissant tous les acteurs concernés.
Elle s’est clôturée par l’organisation des 48 heures du Plan canal, un événement public qui s’est tenu les 1er et 2 juillet 2013 et au cours duquel Alexandre Chemetoff a fait part de ses premières propositions.
Le 26 septembre 2013, le gouvernement a décidé de retenir six sites témoins à développer en priorité dans une logique immédiate de projets. Il s’agit des sites Biestebroeck, Birmingham, Heyvaert, du centre TIR, du bassin Vergote et de la zone Buda.
La philosophie du Plan a consisté à mettre en évidence un domaine public de 313ha sur lequel agir en priorité. En effet, sur les domaines publics, notre capacité d’intervention est totale. En commençant par eux, nous pourrions engager un mouvement qui entraînerait les zones où nous ne sommes pas maîtres du domaine.
Il s’agira aussi d’accompagner certains projets privés d’envergure pour qu’ils convergent vers les objectifs du gouvernement.
La décision du gouvernement du 26 septembre ouvre la deuxième phase du Plan canal, une phase de mise en œuvre des projets que le cahier des charges de l’étude prévoit devoir durer trois ans. Les premières propositions ont déjà été présentées au public. Il est évident qu’il faudra reprendre ce type de rendez-vous régulièrement en fonction de l’état d’avancement de l’opération.
Il nous faut en outre progresser de façon convergente. Tout le monde a pu être partie prenante au processus : partenaires régionaux, communes concernées, monde académique, monde associatif, citoyens, promoteurs… Tous ces publics ont eu l’occasion de participer au processus.
Il convient maintenant de lancer la phase de mise en œuvre du projet à laquelle, bien entendu, s’adjoindront les mêmes acteurs. Votre commune d’ailleurs reçu une invitation à participer à une première réunion, le 19 novembre prochain.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Je viens en effet de la recevoir.
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Il s’agira, dans un premier temps, de se mettre d’accord sur une programmation de projets dans la zone de Biestebroeck qui converge vers les objectifs du Plan canal.
Sans que les périmètres de ces zones ne soient définis avec précision, les zones prioritaires retenues sont celles que j’ai évoquées il y a quelques instants. Il ne me semble pas utile de fixer des périmètres de manière intangible, tant le Plan canal a vocation à se saisir d’un maximum d’opportunités. Cela ne veut pas dire que nous irons au-delà du périmètre, mais figer ce dernier n’est pas la méthode idéale car de nouvelles opportunités se présenteront peut-être.
Les priorités retenues sont les mêmes dans toutes les zones sélectionnées. Je les ai rappelées au début de ma réponse : logement et équipement, renforcement de l’économie par son intégration urbaine et sa densification, espaces publics, lien entre les quartiers… Tout cela en recherchant la plus grande cohérence possible.
Concernant les zones retenues qui affecteraient le domaine portuaire, il faut bien comprendre une chose, que la première phase du plan a mise en évidence : il faut cesser de considérer les fonctions économiques et résidentielles comme exclusives l’une de l’autre. Ce n’est même plus une question de choix. C’est l’un des éléments essentiels abordés avec Alexandre Chemetoff, puisque chacun des acteurs exprime, lors des discussions, sa crainte de se voir spolié dans la maîtrise de son activité ou de ses priorités.
À titre d’exemple, les représentants du Port pensent à tort qu’on va attaquer leur activité économique et ils finissent par camper sur leurs positions. La même réflexion peut s’appliquer à d’autres acteurs. Il faut dépasser cet état d’esprit et amener l’ensemble des acteurs à l’idée qu’un choix n’en exclut pas un autre. La ville doit se densifier pour absorber l’essor démographique, et la condition de cette densification, c’est l’intégration urbaine des fonctions, pour plus de logements et plus d’emplois pour les Bruxellois.
[Intervention de Mme Annemie Maes]
M. Rudi Vervoort, ministre-président.– Le terrain n’a pas été sélectionné parce qu’il est trop loin du canal et qu’il existe de nombreuses possibilités.
Le potentiel en termes de terrains est important, d’où la nécessité de maintenir un équilibre tout en laissant la Région hiérarchiser les fonctions et veiller à ce qu’une fonction n’exclue pas l’autre.
La phase de mise en œuvre des projets durera trois ans. L’objectif est de créer une impulsion dans cette zone qui s’est déstructurée ou est devenue monofonctionnelle au fil du temps, de lancer un mouvement d’urbanisation qui ne puisse pas être remis en cause.
Entre autres constats, Alexandre Chemetoff a relevé le fait que la voie d’eau avait été complètement négligée à Bruxelles. Il a cité des exemples de logements dont la partie aveugle donne sur la voie d’eau alors que, dans n’importe quelle autre ville, on y trouverait une terrasse.
Cette réflexion fait défaut à Bruxelles, en partie à cause du contexte institutionnel. Du temps où régnait une logique de ville d’usage, personne ne se préoccupait de cette question, dans la mesure où les Bruxellois ne décidaient pas par eux-mêmes. Dans le grand modèle léopoldien, la zone du canal ne servait qu’à générer de la richesse. La voie d’eau était uniquement destinée à cet usage, sans aucune attention pour son caractère polluant, par exemple.
Aujourd’hui, nous devons opérer une véritable révolution. Nous disposons d’une opportunité d’encadrer la tendance actuelle, en veillant à maintenir une mixité globale. C’est en cela que réside l’intérêt du Plan canal.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- On sait que les strip-teases les plus réussis sont ceux au cours desquels on nous dévoile le moins… Toutes les questions n’ont donc pas nécessairement été abordées, mais il est vrai qu’une nouvelle phase va débuter. Une fois cette phase entamée, j’imagine que nous verrons davantage quels seront les différents impacts et comprendrons mieux les compromis qui devront émerger, certaines activités devant naturellement cohabiter de façon équilibrée.
De ce point de vue, il s’agit d’un enjeu urbain fondamental. C’est peut-être même la mutation urbaine la plus importante de ces dernières décennies, celle qui aura le plus d’impact sur l’évolution et la modernisation de cette ville. Nous y reviendrons donc certainement.
Par ailleurs, en tant que député et mandataire de façon générale, nous portons un intérêt particulier à ce dossier qui conditionnera l’évolution de la ville d’une façon prononcée et durablement. Nous avons la capacité de faire en sorte que celle-ci soit choisie et non, à l’image de la « ville d’usage » que vous évoquiez, subie.
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Le grand mérite du Plan canal est d’avoir donné aux mandataires une vision transversale de cette zone. Les plans qui nous ont été présentés par M. Chemetoff lui confèrent une unicité au-delà des limites communales ou de toute autre perception territoriale plus limitée. Il donne une cohérence à la manière d’aborder cette zone. Il faut maintenant avoir l’ambition d’aller plus loin.
Mme la présidente.- Nous allons demander que le Plan canal soit présenté à notre commission.
Je vous remercie par ailleurs pour l’autorisation qui nous a été accordée de visiter le site Reyers. Les commissaires étaient ravis de la visite et des échanges avec l’Agence de développement territorial pour la Région de Bruxelles-Capitale (ADT) et les occupants du site Reyers, de la RTBF et de la VRT.
M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Contrairement à l’avis de certains, cela prouve que les décisions du gouvernement vont au-delà des effets d’annonce. Les phases opérationnelles deviennent tout doucement irréversibles.
Dans la zone de Reyers notamment, d’ici la fin de l’année ou le début de 2014, d’autres décisions concrétiseront le processus d’accompagnement projeté par la Région.
Il est clair que notre vision du développement de ces zones est cohérente et réaliste.
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CRI COM (2013-2014) n°14, Novembre 2013, pp. 21-29