Interpellation concernant la nomination d’un nouveau maître architecte

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique,

concernant « la nomination d’un nouveau maître-architecte ».

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Voici quelques semaines, le gouvernement bruxellois a désigné un nouveau maître-architecte en la personne de M. Kristiaan Borret. Jusqu’au changement de majorité lors des dernières élections communales d’Anvers, la presse signale que M. Borret occupait le même poste de maître-architecte à la ville d’Anvers.

Puisqu’il s’agit d’une désignation à une fonction clé pour le devenir de notre Région, je souhaite tout d’abord vous entendre à propos de la procédure de sélection de ce poste. Vos services ont-ils procédé à un large appel au public en vue de récolter les candidatures pour cette fonction laissée vacante, à la suite de la volonté de M. Bastin de ne pas rempiler ? Dans l’affirmative, combien de candidatures ont-elles été retenues ?

Après le premier dépouillement des candidatures, une sélection a-t-elle été organisée par un organisme indépendant ? Si oui, lequel ? Cet organisme ou ce jury a-t-il rendu une proposition de classement des candidatures avant que le gouvernement ne procède à la désignation ? Si oui, le lauréat était-il bien le premier classé ?

Quant aux missions du maître-architecte, j’y suis particulièrement attentif. Je sais en effet combien sont grandes les ambitions de la majorité en matière de développement urbain. Je songe tout d’abord à la mise en œuvre du Plan canal. Il s’agit d’un dossier majeur, notamment pour répondre au boom démographique tant annoncé, mais aussi pour faire surgir de terre la ville du XXIe siècle.

Il m’est revenu que M. Borret s’est impliqué par le passé dans la reconversion d’une partie du Port d’Anvers. J’ai pu visiter longuement cette transformation de quartiers anversois autrefois laissés en déshérence et qui sont aujourd’hui très agréables à vivre. Si elle se confirme, l’implication de M. Borret dans la mutation de cette partie d’Anvers me semble de bon augure pour Bruxelles.

À cet égard, quel sera son rôle comme maître-architecte dans le cadre de la finalisation et de la mise en œuvre du Plan canal bruxellois ?

Comment son travail va-t-il s’articuler avec celui d’Alexandre Chemetoff, les membres de votre Cabinet, l’Agence de développement territorial pour la Région de Bruxelles-Capitale (ADT) et les représentants publics impliqués de longue date dans cet important dossier ? Jusqu’ici, je n’ai pas encore pu constater l’implication du maître-architecte régional dans cette problématique. Une nouvelle mission explicite lui est-elle aujourd’hui confiée ? Dans l’affirmative, laquelle ?

Plus largement, le maître-architecte est un agent régional d’un statut particulier. Son expertise doit en effet pouvoir s’exprimer librement auprès de tous ses interlocuteurs, en ce compris régionaux. Dès lors, quelle sera la garantie d’indépendance dans l’action de M. Borret, notamment lorsqu’il s’agira de se pencher sur les dix zones de développement qui ont été identifiées par votre majorité et qui constituent le cœur de votre accord de politique sur le plan du développement urbain ?

Quelle sera aussi sa liberté d’expression dans un dossier aussi sensible ? Je pense par exemple au futur musée que vous voulez établir dans le bâtiment Citroën. Si j’ai bien compris, le maître-architecte doit être considéré comme une forme de courroie de transmission entre les différents acteurs publics et privés impliqués dans la gestion des dossiers touchant à la reconversion de notre Région.

Dans les faits, quelle est sa marge de manœuvre effective ? Pouvez-vous affirmer qu’il pourra agir librement ? Pour matérialiser ce rôle de facilitateur, est-il prévu qu’il rencontre rapidement les différentes entités communales, fédérales, ainsi que les différents organes para-régionaux, sans oublier les acteurs économiques très actifs dans les zones de développement envisagées ?

Pour réaliser l’ensemble des missions, il est évident que le maître-architecte devra pouvoir compter sur un sens inné de la diplomatie, mais aussi une solide équipe. À cet égard, est-il vrai que son prédécesseur a jeté le gant en raison d’un manque de moyens mis à sa disposition pour qu’il puisse entreprendre correctement son travail ?

Des budgets plus considérables sont-ils aujourd’hui mis à disposition du nouveau maître-architecte afin de maximaliser ses chances de réussite dans sa nouvelle mission ? Dans l’affirmative, de quel ordre ? Des synergies administratives sont-elles en outre prévues avec l’ADT ?

Pour conclure, je me réjouis à l’idée que nous puissions compter sur cette nouvelle expertise. Par souci de transparence, je souhaite donc que vous preniez l’engagement de transmettre aux membres de cette commission les différents avis que pourra rendre le maître-architecte au sujet des projets majeurs sur lesquels il sera consulté.

Il me semble essentiel que ces prises de position en théorie neutres puissent circuler auprès de nous afin de mieux nous éclairer dans le suivi attentif que nous réservons aux grands dossiers de modernisation de notre Ville-Région.

Enfin, je souhaite qu’une rencontre entre le maître-architecte et cette commission puisse être fixée dès que possible. 

[Interpellation jointe de M. Mohamed Azzouzi]

[Intervention de Mme Julie de Groote]

[Intervention de Mme Caroline Persoons]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- L’exposition comportait deux volets principaux : une partie plus intime où M. Bastin présentait son quotidien et une partie relative à l’architecture où était exposé ce que M. Bastin a pu apporter dans les projets.

Kristiaan Borret a été désigné comme nouveau bouwmeester par le gouvernement en date du 11 décembre dernier, à l’issue d’une procédure que l’on peut synthétiser comme suit :

– Publication d’un avis de marché le 31 mars 2014 auquel 6 candidats ont répondu ;

– sélection de 2 candidats par le gouvernement en date du 16 octobre 2014 via l’administration et le jury composé de spécialistes ;

– réception des offres des 2 candidats sélectionnés le 20 novembre 2014 ;

– réunion du comité d’avis composé d’experts et de fonctionnaires régionaux le 5 décembre 2014 ;

– désignation par le gouvernement de M. Kristiaan Borret le 11 décembre 2014.

Cette procédure a été pilotée administrativement par le secrétariat général du ministère et encadrée par la cellule marchés publics et la cellule du maître-architecte.

L’expérience de Kristiaan Borret et sa volonté de franchir une nouvelle étape dans la nouvelle mission ont notamment été à la base de l’unanimité du comité d’avis en sa faveur.

Sur les missions confiées au nouveau maître-architecte, il doit bien sûr continuer à tout mettre en œuvre pour que la qualité architecturale des projets à Bruxelles se renforce. C’est un enjeu majeur dont nous avons déjà discuté au sein de cette commission.

Pour ce faire, il doit :

– incarner cette ambition architecturale pour la Région bruxelloise ;

– définir des lignes stratégiques et pratiques d’intervention de la Cellule d’assistance à la maîtrise d’ouvrage publique ;

– stimuler la prise de conscience architecturale générale, tant vis-à-vis des maîtres d’ouvrage (publics ou privés), des fonctionnaires que du grand public ;

– mettre en place des processus d’assistance aux maîtres d’ouvrage ;

– participer aux procédures de sélection des auteurs de projets ;

– conseiller le gouvernement sur les options politiques à prendre en matière architecturale ;

– accompagner les maîtres d’ouvrage en ce qui concerne les auteurs de projet, les procédures, les bonnes pratiques, … ;

– représenter aux niveaux national et international la Région de Bruxelles-Capitale dans le cadre de ses attributions et sur la base d’un programme validé par le gouvernement ;

– établir un rapport annuel sur l’activité de la cellule du maître-architecte.

La méthodologie à développer devra par ailleurs tenir compte de :

– la volonté du gouvernement de mieux encadrer et soutenir l’action du maître-architecte en réunissant au moins tous les 3 mois un comité d’accompagnement chargé du suivi technico-administratif de la mission et réunissant les représentants des membres du gouvernement, du secrétariat général, de la direction générale de Bruxelles Développement urbain (BDU) et du maître-architecte ;

– la volonté du gouvernement de faire travailler le maître-architecte sur la base d’un programme de travail défini annuellement par le gouvernement ;

– la volonté du gouvernement de ne pas exclure cependant la possibilité d’une intervention du maître-architecte dans le cadre de certains projets publics ou privés dont il n’a pas été saisi dès l’origine ;

– la volonté du gouvernement d’examiner dans quelle mesure d’autres procédures que la procédure négociée avec publicité peuvent le cas échéant être utilisées en vue de garantir la qualité architecturale d’un projet de bâtiment ou d’espace public ;

– la volonté du gouvernement de déterminer le programme annuel du maître-architecte avant le début de chaque année civile en sélectionnant des projets financés directement ou indirectement, en tout ou en partie, par la Région de Bruxelles-Capitale ou de projets figurant au programme de l’Accord de coopération Beliris ;

– la décision du 2 octobre 2014 portant sur la création du Bureau bruxellois de la planification et de la société d’aménagement urbain.

Pour rappel, le cahier spécial des charges de la mission laisse au maître-architecte désigné une période de 6 mois pour rédiger une note d’orientation à soumettre au gouvernement et définissant dans le détail la façon dont il organisera son travail.

L’influence de M. Borret devra évidemment se faire sentir prioritairement au sein des pôles de développement sélectionnés par le gouvernement, mais pas seulement. Il s’agira, avec les moyens à sa disposition, de créer les conditions de l’émergence d’une ambition architecturale partagée par tous les acteurs (publics et privés), pour tous types de projet et sur l’ensemble du territoire.

La note d’orientation devra aussi éclairer le gouvernement sur sa façon d’appréhender l’autre aspect de sa mission, à savoir la définition d’une stratégie visant l’intégration de l’art dans l’espace public.

Concernant les moyens humains et budgétaires dont disposera le maître-architecte, l’évaluation du mandat d’Olivier Bastin a amené le gouvernement à augmenter très sensiblement le budget affecté à la mission de M. Borret. De 590.000 euros en 2009, nous sommes en effet passés à 1.000.000 d’euros pour 5 ans. Cette décision n’est pas anodine et témoigne de la volonté du gouvernement de s’engager avec force en faveur de la qualité architecturale à Bruxelles. Ce projet est partagé par l’ensemble des membres du gouvernement.

La question des moyens humains est évidemment essentielle et tout sera mis en œuvre pour qu’un maximum de personnes puisse être affecté à la cellule du maître-architecte. À ce stade, celle-ci compte 5 personnes.

Parallèlement, compte tenu du contexte budgétaire difficile, rien n’exclut que nous abordions la question d’une augmentation de l’équipe de M. Borret. Nous ne voulons pas limiter ses moyens d’action, mais il est vrai qu’il existe peu de responsables de service tout à fait satisfaits par le nombre de leurs effectifs.

Ils vont tous vous dire qu’ils sont insuffisants. C’est assez normal. Mais c’est au gouvernement de fixer, dans le cadre budgétaire qui est le nôtre, la manière dont on distribue les moyens budgétaires.

La concertation avec tous les acteurs publics est une nécessité et une condition sine qua non de la réussite de la mission. Celle-ci ne peut livrer de bons résultats que si la démarche fait l’objet de l’adhésion du plus grand nombre.

Il s’agit d’un problème que ne rencontrera pas M. Borret. Olivier Bastin partait de rien. Fatalement, cela a changé les habitudes, dérangé certains dans les administrations… Il fallait légitimer la fonction.

Cette fois, je pense que tout le monde est d’accord pour dire que cette mission est indispensable pour arriver aux objectifs que nous visons. De plus, M. Borret ayant déjà l’expérience de la fonction, il ne rencontrera pas ce type de problèmes. Cela lui permettra d’être plus rapidement opérationnel que son prédécesseur.

Nous avons tiré les conclusions du bilan de M. Bastin. Il faut savoir que le maître-architecte, c’est essentiellement une personnalité qui a une vision. La difficulté la plus sensible, c’est qu’il y a d’un côté le politique et de l’autre le maître-architecte. Les administrations également peuvent venir parasiter cette relation.

Un équilibre doit être trouvé. La responsabilité sera portée au final par le politique. C’est lui que l’on interpellera. À cet égard, le fait d’encadrer cette mission par un dispositif légal ne me semble pas être une bonne idée. Qui plus est, je suis convaincu que ce ne sera pas une demande du maître-architecte lui-même. Cela apparaîtra comme une manière de cadrer sa fonction à l’avance.

L’élément de confiance est déterminant. Il est heureux de ne pas devoir tout encadrer par des textes légaux. Cette mission nécessite un dialogue permanent entre le politique et le maître-architecte, afin que ceux qui sont responsables puissent prendre les décisions adéquates.

En même temps, si le gouvernement fait le choix d’un maître-architecte, ce n’est pas pour refuser de l’écouter. L’équilibre se situe entre les deux. Nous avons besoin de quelqu’un qui a cette expertise et cette réflexion et qui n’est pas soumis aux mêmes contraintes que nous. C’est ce qui lui permet d’avoir cette vision différente.

On évoquait le Plan canal. L’un est évidemment imbriqué dans l’autre, même si celui-ci requiert un processus et une procédure propres, ce qui figure clairement dans l’accord de gouvernement. Cela implique un dialogue, prévu prochainement, entre l’architecte de référence du canal, Alexandre Chemetoff, et le maître-architecte, cela va de soi. Ce n’est pas incompatible. Au contraire, l’idée est de garantir la cohérence du Plan canal qui doit s’inscrire dans une vision régionale de la qualité architecturale.

Le Plan canal mérite à lui seul, de par l’ambition qu’il porte, un architecte de référence. Sans cela, M. Borret aurait quelques difficultés à rencontrer les autres missions qui lui sont dévolues. Il faut voir cela comme quelque chose de coordonné et de positif.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Il est évidemment important d’avoir les moyens nécessaires pour qu’une mission puisse être rencontrée. Ce ne fut pas le cas par le passé, mais il semblerait que les choses peuvent s’améliorer.

Chacun doit jouer son rôle. Vous avez insisté sur la nécessaire interaction entre l’administration, le pouvoir politique et les éventuels architectes à la tête de missions importantes comme cela peut être le cas pour le Plan canal ou un certain nombre de schémas directeurs.

Le fait de trouver la bonne place à donner au maître-architecte est très important d’autant que les bureaux d’architectes et les urbanistes qui ont été engagés pour ces grands projets sont occupés par une multitude de missions et l’aspect architectural doit pouvoir émerger. C’est pourquoi il est intéressant d’avoir un référent architectural dans ce cas. On verra comment ce rôle sera rempli dans ces grands projets et comment se dérouleront les interactions entre des personnes qui ont un ego difficile à mettre entre parenthèses. Espérons que ce maitre-architecte aura une capacité d’agir de manière indépendante, car je ne vous ai pas tellement entendu sur ce point !

Est-il envisageable d’être tenu au courant, au sein de cette commission, des principaux avis produits par ce maitre-architecte ? Principalement au niveau des projets majeurs de la Région ?

Il importe que nous soyons éclairés sur le sujet et que nous en ayons une connaissance plus aboutie que celle acquise par le biais d’un article ou d’une déclaration. Nous avons tout à gagner à entretenir une relation harmonieuse avec le maître-architecte. Toutefois, il faut que nous soyons informés, nous aussi, de ses avis principaux sur les projets fondamentaux qui décideront de l’avenir de notre Région.

[Intervention de M. Mohamed Azzouzi]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Je rappelle que M. Borret est bruxellois. Il habite depuis des décennies à Bruxelles. Qu’il ait été employé à Anvers fait juste partie de son parcours.

[Intervention de M. Mohamed Azzouzi]

 

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CRI COM (2014-2015) n°30, Janvier 2015, pp. 42-54