Question orale sur l’utilisation toujours croissante d’antidépresseurs

Question orale de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Cécile JODOGNE, Ministre du Collège de la Commission communautaire française en charge de la Santé

Concernant l’utilisation toujours croissante d’antidépresseurs

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Selon des données transmises par l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami), le nombre de doses journalières d’antidépresseurs délivrés en 2014 a augmenté de façon sensible. Par rapport à l’année précédente, plus de 304 millions de doses standard ont été délivrées en Belgique, selon des extrapolations de l’Inami.

Cette surconsommation d’antidépresseurs est préoccupante. Tout d’abord, si elle est révélatrice du moral plutôt en berne de nos concitoyens, il faut souligner la facilité et la rapidité avec laquelle certains médecins prescrivent ce type de traitement, alors que les symptômes ne le justifient pas. Les chiffres de l’Inami, nous apprend un spécialiste, montrent aussi que les antidépresseurs sont prescrits sur de courtes périodes, pour ce que l’on peut appeler de petits mal-être ou des symptômes isolés. Il ne s’agit donc pas ici de cas de dépression, encore moins de dépression profonde.

Il est aussi à noter que cette surconsommation, et oserais-je dire sur-prescription d’antidépresseurs, qui classe notre pays en septième position des pays européens qui consomment le plus ce type de médicaments, a des conséquences lourdes sur le budget de la santé. Avec pas moins de 126 millions d’euros remboursés par la sécurité sociale, les antidépresseurs représentent en effet 5% des dépenses médicamenteuses.

C’est pourquoi je souhaiterais savoir quelle est l’action menée dans notre Région en termes de prévention de la santé. Bien entendu, la population bruxelloise n’est pas épargnée par cette tendance. Je souhaiterais également avoir si vous disposez d’informations concrètes quant à la prescription d’antidépresseurs en Région bruxelloise. En matière de prévention et d’information, quelles initiatives avez-vous pu prendre afin d’inciter les patients à ne pas recourir systématiquement, auprès de leur médecin traitant, à ce type de traitements ?

Les effets secondaires liés à la prise d’antidépresseurs ne doivent en effet pas être ignorés.

Enfin, les médecins doivent également être sensibilisés et encouragés à ne pas accorder systématiquement des prescriptions à la demande. Leur rôle doit aussi consister à proposer des alternatives lors de la consultation. Des dispositions en ce sens ont-elles été prises ? 

Mme Cécile Jodogne, ministre.- La consommation excessive d’antidépresseurs, et plus largement de médicaments psychotropes, est effectivement un problème de santé publique important.

Vous avez évoqué les données fournies par l’Inami. D’autres sources d’information existent, puisque l’enquête de santé par interview que nous citons régulièrement ici fournit également des données à ce sujet. L’indicateur utilisé par l’Inami dans cette enquête est l’utilisation de médicaments psychotropes sous ordonnance médicale, au cours des deux dernières semaines, parmi les personnes de quinze ans et plus. Par psychotropes, il faut entendre les somnifères, les tranquillisants et les antidépresseurs.

Au niveau national, 16% de la population ont consommé un ou plusieurs psychotropes dans les deux semaines précédant l’interview. Par type de produit, on note 13% pour les somnifères et tranquillisants et 8% pour les antidépresseurs. Quelque 5% des répondants signalent une consommation conjointe de ces deux types de médicaments. L’enquête signale également que les femmes consomment davantage de médicaments psychotropes que les hommes et que l’on observe un gradient social assez net : la consommation est de 33% dans les milieux les moins scolarisés, contre 11% dans les milieux les plus instruits.

Les résultats des enquêtes menées en 1997, 2004 et 2013 ne montrent cependant pas d’augmentation statistiquement significative de la consommation de psychotropes en général.

Au niveau régional, des antidépresseurs sont consommés par 7% des Bruxellois et des Flamands, contre 10% des Wallons. Contrairement à l’ensemble des médicaments psychotropes, on note une progression de la consommation des antidépresseurs au cours du temps.

D’autres données existent, comme celles issues d’une enquête récente de Test-Achats portant sur la prescription de somnifères par les médecins généralistes, qui inclut celle des antidépresseurs. L’association de consommateurs m’a d’ailleurs interpellée à ce sujet, comme d’autres ministres de la Santé.

Face à ces constats, plusieurs types de mesures existent, qui dépendent de plusieurs compétences et niveaux de pouvoir. La prescription de médicaments, en l’occurrence d’antidépresseurs, par des médecins généralistes concerne les soins individuels et relève donc du niveau fédéral. La Société scientifique de médecine générale (SSMG) propose des outils d’information et des exemples de bonnes pratiques à ce sujet. Elle a créé en son sein une cellule santé mentale qui vise à promouvoir la sensibilisation et la formation à la santé mentale en médecine générale. Elle vise également à améliorer les relations entre les médecins généralistes et les autres intervenants du secteur de la santé mentale.

L’asbl Promo santé et médecine générale, financée par la Commission communautaire française, soutient les médecins généralistes afin qu’ils puissent aborder de manière adéquate la prévention avec leurs patients. Dans ce cadre, elle développe des outils de dépistage adaptés à la médecine générale pour différentes pathologies.

L’un de ces outils concerne la dépression, son dépistage, son diagnostic et les propositions qui peuvent être faites aux patients en cas de dépression avérée. Dans ses recommandations, l’asbl privilégie l’orientation vers une psychothérapie, plutôt qu’une prescription d’antidépresseurs.

Les services de prévention et de promotion de la santé soutenus par la Commission communautaire française et actifs en matière de prévention et de réduction des risques liés à la consommation de drogues abordent tous les types de produits, qu’il s’agisse de drogues légales ou illégales. Les messages de prévention et les questions auxquelles ces services répondent concernent donc aussi les médicaments psychotropes.

Enfin, au niveau fédéral, une plate-forme dénommée Belpep, pour Belgian Psychotropics Experts Platform, a coordonné trois groupes de travail :

– usage adéquat de psychostimulants chez les enfants et les jeunes adultes ;

– usage adéquat de psychotropes chez les adultes non institutionnalisés ;

– usage adéquat de psychotropes chez les personnes âgées institutionnalisées.

Leurs travaux ont été synthétisés dans un rapport qui comprend une note de vision globale et trois plans d’action. Ces plans d’action concernent différents niveaux de pouvoir et les entités fédérées sont concernées par certaines des actions préconisées.

La Cellule politique santé drogues fédérale, au sein de laquelle la Commission communautaire française est représentée, s’est donné pour tâche d’identifier les collaborations possibles des différentes entités autour des plans d’action qui ont été élaborés. Il s’agit de l’un des nombreux chantiers que mon cabinet suit avec attention.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’espère que nous aurons l’occasion de nous pencher sur les avancées faites en la matière. Vous êtes représentée dans un certain nombre de groupes de travail et il serait intéressant, ultérieurement, de voir quelles modalités opérationnelles auront pu être mises en place à la suite de ces intéressants travaux.

 

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CR n° 17 (2014-2015), Juin 2015, pp. 32-33