Interpellation sur l’annonce du subside accordé aux secteurs actifs en matière de promotion de la santé

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Cécile JODOGNE, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de la Fonction publique et de la Santé

concernant l’annonce du subside accordé aux secteurs actifs en matière de promotion de la santé

[Interpellation principale de Monsieur Alain Maron]

Nous avons appris avec satisfaction votre annonce, le 2 juillet dernier, de consacrer un budget de plus de 200.000 euros à certains acteurs de la promotion de la santé. À plusieurs reprises, il a été rappelé dans cette assemblée que la précarité pousse trop souvent les Bruxellois à retarder leurs démarches en matière de soins de santé. Les initiatives visant à pallier cette difficulté, qui n’est pas toujours d’ordre financier, sont donc les bienvenues.

Vous avez, certes, fait un effort budgétaire que nous saluons, mais pour juger de l’importance de ces 200.000 euros, il faut les mettre en relation avec le public auquel ils sont destinés.

Pouvez-vous me dire si vous avez arrêté une liste des « publics vulnérables », pour reprendre les termes utilisés, auxquels sont destinées prioritairement ces actions ainsi financées ?

De même, lors que vous parlez de quartiers à forte population précarisée, pouvez-vous nous dire si certains d’entre eux sont visés et feront l’objet d’une concentration des moyens disponibles ?

Les thématiques ainsi financées par le subside en question, que vous avez succinctement présentées dans votre communiqué, sont, certes, primordiales en matière de promotion de la santé, mais aussi très générales : développer le travail en réseau, adapter les stratégies pour faire face aux inégalités sociales de santé… Pouvez-vous me dire si ces objectifs stratégiques sont déjà déclinés dans des objectifs concrets par les acteurs retenus ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous les présenter ?

Pour les cinq projets retenus en matière de promotion de la santé sexuelle, votre communiqué fait référence aux personnes prostituées et aux personnes détenues. Ce sont là deux publics auxquels nous avons récemment accordé notre attention au sein de ce parlement. Pouvez-vous nous dire s’il s’agit de consolider des projets existants ou d’en développer de nouveaux ? S’agira-t-il de démarches informatives sur le terrain et dans l’affirmative, quels acteurs ont été retenus ?

En réponse à une interpellation récente de ma collègue Viviane Teitelbaum concernant l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras), la ministre en charge de la matière avait elle-même pointé les faiblesses de la logique de financement par projet :

– l’absence de centralisation des projets, puisque chaque centre de planning familial recevait un petit subside supplémentaire pour faire des animations d’Evras, ce qui n’offrait pas beaucoup de lisibilité de l’offre globale sur les zones et les écoles couvertes ;

– le manque de stabilité pour les animateurs concernés qui participent à des projets définis sur une base annuelle et les difficultés de recrutement conséquentes.

La ministre annonçait alors sur la question de l’offre en matière d’Evras que « l’objectif est de ne plus passer par un appel à projets », mais d’octroyer directement le budget disponible aux fédérations concernées, qui devraient elles-mêmes gérer le budget global pour les animations d’Evras. Cependant, des partenariats des asbl n’étaient pas totalement exclus. Pouvez-vous nous dire quelle sera la logique de répartition retenue dans ce cas-ci ? Ces projets pourront-ils débuter dès la rentrée scolaire prochaine ?

Par ailleurs, il avait également été avancé que grâce à un nouvel outil informatique, le gouvernement pourrait disposer d’un chiffre très précis et objectivé de la répartition des heures d’animation assurées dans le domaine de l’Evras par les centres de planning familial dans les écoles. Les premiers résultats de cette cartographie des animations d’Evras sur le territoire bruxellois avaient été annoncés pour fin 2015 seulement.

Disposez-vous de ces résultats ? La planification des activités en matière d’Evras qui bénéficieront de subsides tient-elle déjà compte de ces résultats ? Pouvez-vous me dire s’il s’agit de reconduction des partenariats déjà noués avec les écoles ou s’il s’agit de toucher de nouveaux établissements ?

Pour l’ensemble des projets soutenus, vous avancez que l’octroi de ces subventions via des projets de terrain est une manière de construire des solutions durables. Or, la logique de l’appel à projets a souvent été pointée, au contraire, comme une solution synonyme d’instabilité pour le projet et de précarité pour les animateurs concernés.

Pouvez-vous me préciser ce que vous entendiez par-là ?

Enfin, le manque d’échange d’informations entre les acteurs de terrain a été pointé à de nombreuses reprises. Pour l’expliquer, les centres de planning familial, notamment, invoquent le manque de temps ou de ressources.

Or, on connaît les bénéfices à retirer du partage de bonnes pratiques entre les acteurs d’un même secteur. Le rapport d’évaluation du décret ambulatoire, qui nous a été récemment présenté, concluait d’ailleurs de la même manière.

Qu’est-il prévu en la matière ? Si des initiatives existent, quel succès rencontrent-elles ? La question de la centralisation des moyens, tant financiers que relatifs à l’expertise du personnel, a-t-elle trouvé écho dans la logique d’attribution de ce subside ?

[Intervention de Mme Moureaux]

[Intervention de M. du Bus de Warnaffe]

Mme Cécile Jodogne, ministre.– Mon cabinet a effectivement diffusé un communiqué de presse à l’issue de la réunion du Collège du 2 juillet dernier, au sujet d’une dizaine de projets de promotion de la santé soutenus par la Commission communautaire française.

Il s’agit plus précisément de cinq projets relatifs à la promotion de la santé sexuelle, qui sont menés par cinq opérateurs ; Espace P, le Service éducation pour la santé (SES), l’Association de recherche et d’action en faveur des personnes handicapées (ARAPH), le Point d’appui Evras au niveau du Centre bruxellois de promotion de la santé (CBPS) et l’Observatoire du sida et des sexualités de l’Université Saint-Louis.

Je ne vais pas énumérer ici tous les intitulés des programmes et les montants correspondants.

Tous ces programmes sont financés dans le cadre du principe de standstill. Il s’agit donc de projets soutenus par la Communauté française, pour lesquels nous avons un engagement de maintien des montants pour l’année 2015. Il n’y a donc ni nouveaux budgets, ni changement de politique.

À l’exception du point d’appui Evras, ces projets sont subventionnés à concurrence d’un tiers par la Commission communautaire française et de deux tiers par la Région wallonne. L’allocation budgétaire concernée pour les cinq projets cités est l’allocation 23.30.33.03 intitulée « Opérateurs sida et Evras ».

En matière de santé communautaire, cinq autres projets sont retenus, qui sont défendus par les cinq institutions suivantes ; Entr’Aide des Marolles, Les Pissenlits, Médecins du monde, Repères et le Point culture (ex-Médiathèque).

Là aussi, il s’agit de programmes financés dans le cadre du principe de standstill.

Les programmes de l’asbl Repères et du Point culture sont subventionnés selon la clé de répartition un tiers Commission communautaire française, deux tiers Région wallonne. Les trois autres programmes sont purement bruxellois et, à ce titre, financés à 100% par la Commission communautaire française. L’allocation budgétaire est la 23.30.33.06, intitulée « Opérateurs de santé communautaire ».

Ces subventions ont été octroyées pour honorer notre engagement relatif à la continuité des programmes et des subventions pour l’année 2015, dans l’attente de l’élaboration d’un nouveau cadre décrétal. Leur période de subvention varie en fonction des échéances des conventions qui les liaient à la Communauté française. Le montant du financement accordé par la Commission communautaire française correspond au nombre de mois restants pour chaque projet jusqu’à la fin de l’année 2015.

Si ces subventions ont été octroyées dans le cadre du principe de standstill, ces projets me semblent néanmoins répondre en tous points à la volonté du Collège de lutter contre les inégalités sociales de santé. C’est en ce sens que j’ai souhaité attirer l’attention sur ceux-ci. On se plaint parfois de l’absence de la Commission communautaire française dans les médias. Il s’agit donc ici de bien expliquer ce en quoi la Commission communautaire française intervient dans ces matières.

Trois projets s’adressent non pas directement à des publics cibles, mais visent les professionnels de la promotion de la santé. Ils ont pour objectif de développer la recherche-action, renforcer la concertation et les échanges de pratiques ou encore la formation des professionnels pour, in fine, améliorer la qualité des interventions menées sur le terrain. C’est le cas des programmes de l’Observatoire du sida et des sexualités, de l’asbl Repères et du point d’appui Evras.

Monsieur Van Goidsenhoven, vous me posez plusieurs questions au sujet de l’Evras. Comme vous l’évoquez vous-même, il s’agit d’une compétence de ma collègue Céline Fremault.

En ce qui me concerne, seuls quelques programmes sont soutenus dans le cadre de la promotion de la santé. Il s’agit du point d’appui d’une part, et d’autre part du programme coordonné par la Fédération laïque de centres de planning familial (FLCPF), qui comporte deux volets :

– la formation des intervenants au sujet de l’Evras ;

– et le projet Sex & Co, qui consiste en un travail de terrain au sujet de l’Evras dans des lieux festifs tels que les festivals de musique. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de les rencontrer la semaine dernière en me rendant au festival Couleur Café, où ils étaient présents afin de faire de la promotion et de la prévention.

Une série de questions que vous me posez au sujet de l’Evras concerne ma collègue Céline Fremault, qui s’est d’ailleurs exprimée récemment à ce sujet, en répondant à Mme Teitelbaum.

En ce qui concerne vos interrogations plus globales relatives à l’évaluation transversale des matières de santé et des critères qui permettront d’établir des priorités dans le cadre du futur décret, ce travail avance bien. Il nous permet d’obtenir progressivement une vision d’ensemble des projets financés par différentes sources :

– les services financés dans le cadre du décret ambulatoire de la Commission communautaire française ;

– les projets soutenus en initiatives par la Commission communautaire française ;

– les programmes de promotion de la santé transférés de la Communauté française à la Commission communautaire française ;

– les programmes soutenus précédemment dans le cadre du Fonds fédéral de lutte contre les assuétudes, qui nous reviennent également.

Cette vision d’ensemble doit nous permettre, à terme, d’adopter une approche cohérente et de mettre en évidence les complémentarités. Cette mise en cohérence doit profiter d’une part aux acteurs de terrain, en évitant des financements multiples qui les obligent à multiplier les démarches administratives, et d’autre part, aux responsables politiques, qui souhaitent donner plus de lisibilité au secteur qu’ils soutiennent et aux actions qu’ils financent.

Monsieur Maron, la communication qui a été faite cette semaine portait sur un autre budget et d’autres subventions. Initialement, la subvention qui faisait principalement l’objet de cette communication visait à améliorer l’accessibilité aux soins de santé pour un public précaire.

Il est vrai qu’il y était aussi fait allusion à un autre projet, qui touche plutôt le réseau d’aide alimentaire porté par la Fédération des maisons médicales, avec la Fédération des services sociaux (FDSS) et une collaboration notamment avec Culture & Santé. Il s’agit d’un nouvel agrément pour un projet en promotion et prévention de la santé en matière de qualité alimentaire. Nous en avons parlé en lien avec les subsides qui ont été attribués hier par le Collège.

J’en arrive aux questions relatives au décret, notamment celles posées par M. André du Bus de Warnaffe et Mme Catherine Moureaux.

Monsieur du Bus de Warnaffe, je salue tout d’abord votre vigilance concernant la terminologie employée. Vous avez, à juste titre, parlé de sémantique. Pour ma part, je n’ai pas de master en philosophie et lettres et peut-être n’ai-je pas été suffisamment attentive dans ce domaine. Dans mon chef, je n’avais pas l’intention d’établir une distinction, vous allez rapidement vous en rendre compte.

Pour désigner des acteurs qui contribuent à la promotion de la santé, plusieurs termes sont utilisés : acteurs de terrain, porteurs ou promoteurs de projets, opérateurs, etc. Ces termes ne renvoient pas tous aux mêmes notions, et un même terme n’est pas forcément utilisé dans le même sens par tous. Je m’en suis rendu compte en écoutant votre question et je serai plus attentive à l’avenir. Le terme « opérateur » suscite parfois des critiques, car il est considéré comme renvoyant à un rôle de pur exécutant de décisions prises par le haut : l’administration, le politique. Pour ma part, je ne partage pas cette vision. C’est sans doute pour cette raison que je suis passée d’un terme à l’autre, sans me rendre compte de ce que cela pouvait susciter comme interrogations ou inquiétudes.

Dans le débat sur les approches descendantes – dites aussi couramment « top-down » – et les approches ascendantes – dites aussi « bottom-up » -, je plaide pour une approche qui puisse concilier l’expertise, l’initiative et l’innovation venant du terrain d’une part et les priorités politiques d’autre part. La promotion de la santé est au cœur de cette logique. Nous devons à la fois écouter les constats des acteurs de terrain et des divers relais qui sont en deuxième ligne, tenir compte des données d’enquêtes et de recherches fournies pas des instances scientifiques, intégrer des recommandations nationales et internationales relatives à la santé et, sur la base de tous ces éléments, identifier des priorités et fournir les moyens à tous les acteurs de les mettre en œuvre. Sans oublier la nécessité d’évaluer en continu cette mise en œuvre et ses résultats, pour ajuster le cas échéant les politiques.

Le terme « acteur de terrain » est, selon moi, réducteur puisque, comme vous le savez, beaucoup d’intervenants en promotion de la santé interviennent en deuxième ligne, en travaillant avec des relais qui sont eux-mêmes en contact avec la population, par le biais de la formation par exemple.

Le terme « opérateur » ne renvoie pas à un rôle de pure exécution. Il doit être vu comme un acteur qui, à partir de priorités déterminées sur la base des besoins de la population, définies en concertation et formulées sous la forme d’un programme ou d’un plan, contribue, en fonction de sa place et de ses spécificités, à la mise en œuvre de ce plan.

En ce qui concerne votre question sur le Plan santé et ses articulations, je me suis exprimée plusieurs fois sur ce sujet devant cette assemblée.

Il est tout à fait évident que la politique de promotion de la santé doit être articulée avec tous les responsables politiques ayant la santé dans leurs compétences à Bruxelles, et même, au-delà, avec les compétences non sanitaires ayant un impact sur la santé.

Le décret en préparation a pour objectif de fixer la charpente d’un dispositif qui permet ces articulations. Le processus de consultation et de concertation du Plan santé doit, lui, aboutir, entre autres, à l’identification des modalités concrètes de ces collaborations : avec qui, sur quel sujet, avec quel objectif, selon quelles modalités et suivant quel agenda ?

C’est l’un des enjeux majeurs de ce processus qui n’en est qu’à ses débuts. Si le planning de cette première vague de réunions est serré, les ministres Gosuin et Vanhengel ont rappelé qu’ils souhaitaient inscrire le processus dans le long terme et que nous n’allions pas tout construire en quelques mois. J’ai moi-même eu l’occasion de m’exprimer devant vous sur la nécessité de prévoir du temps pour la concertation.

Des concertations sont donc bel et bien en cours, c’est un aspect essentiel. L’articulation de celles-ci se fait autour du Plan santé.

Au sujet du modèle de base, une expertise et une connaissance de la situation existent, mais nous ne nous sommes pas fiés à un modèle spécifique.

Concernant l’agenda, j’espère pouvoir, à la rentrée prochaine, déposer une proposition sur vos bancs afin que nous puissions en discuter. Nous nous étions engagés à ce que le standstill porte sur une année.

Par ailleurs, tant certains députés que mes collègues au gouvernement me poussent aussi à ce que le standstill se termine le plus vite possible, afin que l’on puisse sortir de cette configuration « un tiers/deux tiers » et obtenir ainsi la répartition des moyens financiers entre la Région wallonne et la Commission communautaire française la plus fidèle à la réalité bruxelloise possible.

Le défi de sortir les associations du standstill et donc d’une certaine incertitude quant à leur avenir nous impose un agenda relativement serré.

[Réplique de Monsieur Maron]

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je ne prolongerai pas inutilement ce débat, mais ferai la même remarque que mon collègue. Nous nous inscrivons ici dans une continuité, sans réelle politique nouvelle.

Néanmoins, il est toujours intéressant de faire le point sur ces politiques et j’imagine que nous y reviendrons lorsque le nouveau cadre, annoncé par la ministre, entrera en vigueur.

 

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CR n°19 (2014-2015), Juillet 2015, pp. 28-33