Interpellation sur le projet de changement de nom de Télé Bruxelles, et la volonté de ses dirigeants d’élargir la zone de diffusion de ce media

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Fadila LAANAN, Ministre-Présidente du Collège de la Commission communautaire française, en charge du Budget, de l’Enseignement, du Transport scolaire, de l’Accueil de l’enfance, du Sport et de la Culture

concernant le projet de changement de nom de Télé Bruxelles, et la volonté de ses dirigeants d’élargir la zone de diffusion de ce media

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).– Télé Bruxelles souhaite changer de nom. La chaîne francophone de télévision de notre Région a d’ailleurs récemment lancé un appel à ses téléspectateurs afin de les solliciter dans le cadre de ce projet.

Si cette initiative est sympathique, puisqu’elle suggère aux Bruxellois de transmettre leurs idées, cet appel est surtout le reflet d’une profonde métamorphose à laquelle ce média est en train de se livrer. Comme l’explique son dirigeant à la presse, le mot « télé » est trop restrictif puisque, de nos jours, avec les nouveaux médias, les téléspectateurs d’une chaîne de télévision peuvent en regarder les programmes sur plusieurs supports : leur téléphone mobile, leur tablette ou leur ordinateur. La réflexion des dirigeants de la chaîne va donc plus loin que le simple changement de nom pour mieux répondre à l’évolution des médias.

En effet, si l’on en croit les déclarations du directeur général de Télé Bruxelles, l’ambition est d’élargir la diffusion des programmes de la chaîne à l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les arguments avancés stipulent que Bruxelles est « la capitale de tout le monde ».

Le directeur de la chaîne souligne également que beaucoup de Wallons travaillent à Bruxelles. Il n’y a aucune raison pour qu’une fois rentrés chez eux, ils n’aient pas accès aux programmes de la télévision de la capitale sur le territoire communautaire alors que de nombreuses chaînes étrangères sont accessibles partout en Wallonie.

Avez-vous été informée de cette volonté d’augmenter l’espace de diffusion de ce média à l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Quelle est votre position face à ce projet ? En d’autres termes, approuvez-vous et soutenez-vous une ouverture des émissions de Télé Bruxelles à l’ensemble du territoire francophone de la Belgique ? Le cas échéant, quels contacts ont-ils été pris à ce sujet avec les responsables de la Fédération Wallonie Bruxelles ? Quel est le résultat des discussions que vous avez pu avoir dans ce cadre ?

Avez-vous pu analyser les éventuelles conséquences de cette modification sur la ligne éditoriale de la chaîne ? Les répercussions budgétaires de cette volonté des dirigeants de Télé Bruxelles ont-elles été étudiées et chiffrées ? 

[Intervention de M. Hamza Fassi-Fihri]

[Intervention de M. Michel Colson]

[Intervention de Mme Jacqueline Rousseaux]

Mme Fadila Laanan, ministre-présidente.- Je suis bien consciente de la volonté de Télé Bruxelles de pouvoir diffuser ses programmes au-delà des dix-neuf communes. Il s’agit en effet d’une très ancienne revendication de la télévision régionale, adressée tant à la Wallonie qu’à la Flandre. Le Gouvernement francophone bruxellois s’est d’ailleurs toujours porté solidaire de la chaîne dans cette demande, conscient qu’il en va de la solidarité intra-francophone et du rayonnement de Bruxelles au-delà de ses frontières régionales.

Il faut notamment se souvenir que, en 1996, le gouvernement flamand avait interdit la diffusion en Flandre par les télé- distributeurs de certaines chaînes francophones, dont Télé Bruxelles. La Commission communautaire française est alors intervenue pour défendre le droit des téléspectateurs de la périphérie de recevoir ses programmes. Le ministre-président de l’époque a financé l’installation d’un émetteur hertzien qui permet la diffusion en Brabant flamand.

Avec l’extinction de la diffusion analogique, qui a été rendue obligatoire en Europe à partir de décembre 2011, c’est moi-même, en ma qualité de ministre de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui ai autorisé et financé la diffusion de Télé Bruxelles en TNT, ou numérique hertzien, via l’émetteur de la RTBF. Télé Bruxelles a, bien entendu, bénéficié d’une subvention pour ce faire.

Pour ce qui est de la diffusion via les distributeurs de services (les télédistributeurs comme Proximus TV, etc.), les francophones n’ont malheureusement pas de prise sur la décision de la Flandre.

La problématique de la diffusion en Wallonie se pose par contre en des termes différents. L’article 66 du décret sur les services de médias audiovisuels du 26 mars 2009, que j’avais porté en son temps, dispose que la zone de réception d’une télévision locale n’est pas limitée à sa zone de couverture, mais que l’extension de diffusion requiert l’accord des télévisions concernées par celle-ci sur leur propre zone.

Longtemps, cet accord n’a pas pu être trouvé, et la disposition décrétale fonctionnait bien plus comme un veto que comme une ouverture, particulièrement de la part de la télévision brabançonne TVCom à l’égard de Télé Bruxelles.

Cette problématique m’avait, du reste, été décrite par Télé Bruxelles en mars 2010, en réponse à l’appel à propositions que j’avais lancé aux télévisions locales pour préparer une réforme du financement du secteur. Télé Bruxelles revendiquait la suppression de ce veto dans le décret et l’obtention du « must carry » en Wallonie.

La piste d’un règlement à l’amiable entre télévisions locales a toutefois été privilégiée et le jeudi 17 septembre 2015, un préaccord est intervenu au sein de la Fédération des télévisions locales pour nouer une convention qui autorise la diffusion de toutes les télévisions locales partout, et de facto, celle de Télé Bruxelles en Wallonie.

La concrétisation de cet accord marquera la fin d’une situation anachronique et absurde, ou un téléspectateur de Wavre ou de Mons ne pouvait pas regarder la chaîne de Bruxelles alors qu’il avait accès à des chaînes du monde entier. Il s’agit donc, à mon sens, d’une véritable avancée en termes de droit à l’information et de liberté d’expression. La télévision conférant un effet de levier important aux sujets qu’elle couvre, cet élargissement va donc fortement contribuer au rayonnement de la vie régionale et de l’action francophone à Bruxelles. Ce sera enfin pour Télé Bruxelles un énorme atout en termes de notoriété et de crédibilité, et la promesse d’une audience complémentaire.

Votre question sur l’évolution éditoriale de la chaîne est pertinente, car le but de cet élargissement de la diffusion n’est pas de transformer Télé Bruxelles en chaîne nationale, concurrente de la RTBF ou de RTL-TVI. Sa vocation est et restera régionale et bruxelloise. La zone de couverture, déterminée par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, restera le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. À aucun moment, ni dans le chef du législateur, ni dans celui des instances de Télé Bruxelles, n’a existé l’intention de modifier la mission régionale de la chaîne.

J’ai aussi été interrogée au sujet des éventuelles répercussions budgétaires de cette extension de diffusion. A priori, il n’y en a pas ou très peu : les coûts de transmission ne sont pas pris en charge par les éditeurs de service, mais par les télédistributeurs dont le service est facturé aux abonnés. Les discussions avec ceux-ci permettront de voir si certaines adaptations seraient à apporter et il appartiendra à la chaîne d’éventuellement s’y adapter.

En tout état de cause, Télé Bruxelles mène depuis plusieurs années une politique de réforme et de modernisation. L’extension de la diffusion à la Wallonie lui ouvre de nouvelles portes, et il sera d’autant plus important de faire percevoir ce renouveau au public en l’interpellant par une nouvelle dénomination. 

Selon les dernières informations dont je dispose, 570 propositions de noms ont été envoyées et transmises à Télé Bruxelles par des citoyens. La pertinence et la dimension juridique de celles-ci sont à l’étude. Télé-Bruxelles devrait donc nous annoncer très vite son nouveau nom.

Nous pourrons, j’en suis sûre, être fiers de notre télévision régionale.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je remercie la ministre-présidente pour sa réponse. Je me réjouis que l’avenir de notre chaîne régionale, confrontée comme d’autres à l’évolution rapide des médias, fasse l’objet d’une attention et d’une préoccupation partagées.

 

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CR n°20 (2014-2015), Septembre 2015, pp. 19-21