Question orale de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Fadila LAANAN, Ministre-Présidente en charge de la Culture
concernant BX1 sur le futur site « Reyers 2020 »
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Le projet lié au futur site Reyers, désormais rebaptisé Reyers 2020, avance. Ce quartier devra accueillir entre autres le futur siège de la RTBF, mais aussi celui de BX1, notre chaîne de télévision communautaire bruxelloise.
Véritable pôle médias de la Région, il regroupera également des entreprises spécialisées dans l’audiovisuel, les nouvelles technologies qui y sont liées, voire l’Institut national de radioélectricité et cinématographie (Inraci), institut spécialisé dans la formation de professionnels de l’audiovisuel (caméramans, monteurs, preneurs de son, etc.)
Il est donc logique, et vous me l’aviez confirmé lors d’une interpellation le 10 juillet 2015, que BX1, anciennement Télé Bruxelles, rejoigne ce futur pôle médias de la Région bruxelloise. L’intérêt principal étant, comme vous le souligniez à l’époque, de favoriser les synergies en termes d’exploitation de ressources et de constitution de nouveaux projets.
Malheureusement, cette vision optimiste de l’avenir de notre média, intégré sur ce futur site stratégique, semble déjà avoir du plomb dans l’aile. En effet, il est annoncé que si BX1 s’installera bien à Meiser, il n’est hélas plus question de mutualisation des moyens avec la RTBF. BX1 s’installera sur le site, mais dans ses propres locaux, et à quelques pas de la RTBF.
Madame la ministre-présidente, il s’agit là d’une bien mauvaise nouvelle. Je dirais même que si ces informations sont confirmées, on pourra vraiment qualifier cette nouvelle d’occasion manquée. Il est en effet décevant, pour ne pas dire inconcevable, que deux médias francophones, qui se trouvent dans un même quartier voué au développement de l’audiovisuel, s’appuyant sur les mêmes technologies, ne collaborent pas activement afin de mieux contrôler et maîtriser leurs coûts de fonctionnement.
Que dire des nombreuses collaborations techniques qui auraient pu naître de ce rapprochement géographique ? Je parle ici bien entendu de matériel qui aurait pu être utilisé par les deux médias, dans le parfait respect de leur indépendance éditoriale. Des bancs de montage, des locaux, des studios de production, de maquillage ou du matériel auraient pu être utilisés de manière efficace.
Je regrette également le partage de connaissances et l’expérience des professionnels dont aurait pu profiter le personnel des deux médias. Enfin, d’un point de vue financier, cette absence de mutualisation va certainement entraîner des coûts importants pour BX1.
Pouvez-vous confirmer cette décision de ne pas procéder à la mutualisation des moyens de la RTBF et de BX1 ? Quelle est la raison justifiant cette décision lourde de conséquences, qu’il s’agisse de moyens financiers, humains, ou de savoir-faire d’un point de vue technologique ? Avez-vous pu estimer l’impact budgétaire que cette absence de mutualisation aura sur le fonctionnement quotidien de BX1 ?
Mme Fadila Laanan, ministre-présidente.- Vous avez raison de le souligner : j’ai bel et bien confirmé l’été dernier l’information selon laquelle BX1 rejoindrait le pôle médias de la Région bruxelloise. J’y voyais l’occasion de développer des synergies avec les futurs acteurs présents sur le site. Cette information n’a pas été démentie depuis, et en tant que ministre de la Culture à la Commission communautaire française ayant BX1 dans ses attributions, je n’y vois qu’une excellente nouvelle.
La Région de Bruxelles-Capitale fait en effet du Mediapark une priorité pour le développement régional. Ce nouveau quartier comportera 3.000 logements, des services, des commerces et des espaces verts, et il sera bâti sur un axe économique et culturel fort : les médias. La RTBF en est naturellement un acteur majeur, comme la VRT, mais aussi les chaînes privées présentes dans le secteur. Ce pôle a pour vocation d’accueillir toute activité médiatique ou de production audiovisuelle, ainsi que des écoles de communication et des métiers de l’audiovisuel. En tant que télévision régionale bruxelloise, BX1 doit naturellement y trouver sa place.
Fin 2015, le ministre-président de la Région, M. Vervoort, a proposé à BX1 et à son homologue TV Brussel de s’installer sur une parcelle située à front du boulevard Reyers, la parcelle Émeraude, sur laquelle la Région souhaite créer une maison dédiée aux médias et à l’innovation dans le cadre du programme du Fonds européen de développement régional (Feder). Il s’agira d’y édifier le bâtiment emblématique du Mediapark, dont il sera la porte d’entrée en venant de l’ouest. Ces équipements seront en soi porteurs de synergies bénéfiques pour BX1, d’autant que d’autres acteurs comme la Cinematek ont marqué leur intérêt pour cette localisation.
BX1 a également envisagé de s’installer sur une parcelle mitoyenne de la RTBF, derrière l’enclos des Fusillés, qui présentait bon nombre d’atouts en termes de localisation et qui aurait permis à notre chaîne régionale d’être voisine de la RTBF, favorisant les synergies tout en conservant un bâtiment distinct. Cela aurait évité toute confusion, voire toute assimilation, entre les deux médias. Fin octobre, la RTBF a toutefois fait savoir que le périmètre du terrain ne pourrait être connu avant la fin du premier semestre de 2016, soit trop tard pour BX1, tenue aux délais de la programmation du Feder.
La RTBF a alors proposé d’intégrer totalement BX1 dans son propre bâtiment. Cette option comportait a priori plusieurs difficultés :
– elle contredisait la volonté de BX1 de disposer de son propre bâtiment, afin de garantir son autonomie fonctionnelle et éditoriale, et d’affirmer celle-ci symboliquement. Les télévisions locales et régionales doivent en effet garder leurs spécificités. Il y a souvent eu des craintes que le service public généraliste ait pour vocation de manger leur espace médiatique. La scission est importante, car il s’agit de missions de service public bien différentes : la RTBF s’adresse à l’ensemble des citoyens, avec des particularités et des publics de niche, tandis que la télévision régionale s’adresse à un public local sur des sujets de proximité ;
– elle demandait un travail d’étude qui aurait pris plusieurs mois, alors que la Région bruxelloise avait besoin d’une réponse avant la fin de l’année 2015 ;
– elle aurait privé BX1 du soutien financier régional au projet développé sur le terrain Émeraude.
Par contre, le site Émeraude a de nombreux avantages :
– la disponibilité immédiate d’un terrain appartenant à la Société d’acquisition foncière (SAF) ;
– un terrain idéalement situé à front du boulevard Reyers, donc tourné vers le centre-ville, parfaitement desservi en transports en commun et particulièrement visible ;
– la promesse d’une aide régionale en complément de son budget Feder pour s’y installer ;
– la possibilité d’édifier un bâtiment qui consacre son statut de média régional indépendant ;
– enfin, la perspective de synergies fructueuses avec la Maison des médias, voire avec TV Brussel et la Cinematek.
Entre le projet régional financé et répondant parfaitement à ses attentes et une proposition de la RTBF à définir et financièrement aventureuse, le choix s’imposait donc de lui-même. La construction du nouveau BX1 sur la parcelle Émeraude, au cœur d’un espace emblématique de l’investissement de la Région de Bruxelles-Capitale sur le Mediapark, constitue la voie la plus sûre et une perspective de développement extraordinaire pour notre télévision régionale.
D’ailleurs, je sais gré au ministre-président M. Vervoort d’avoir apporté tout son soutien à la télévision, dont le principal pouvoir subventionnant est la Commission communautaire française.
Ne disposant pas de ces éléments, je comprends aussi vos préoccupations, Monsieur Van Goidsenhoven, quant aux synergies que l’intégration dans la RTBF pourrait apporter. Vous aurez également compris qu’elle n’aurait peut-être jamais existé, compte tenu de l’incertitude financière de cette piste.
Toutefois, le choix de la parcelle régionale ne signifie en rien que BX1 ne peut pas mutualiser certaines activités ou certains équipements avec la RTBF. En effet, elles ne seront distantes que de quelques centaines de mètres. C’est très peu, en particulier pour une activité aussi dématérialisée que la télévision du 21e siècle, et cela ne constitue bien entendu pas une barrière infranchissable.
BX1 ne manquera pas d’élaborer, avec la RTBF, une liste de synergies facilitées par leur rapprochement. Voici plus de trente ans que l’actuelle BX1 réussit, contre vents et marrées, à se développer à l’échelle régionale et en toute autonomie.
De même, sa position n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui et il n’aurait été ni convenable, ni pertinent que cette dernière soit absorbée par la RTBF. Les deux télévisions publiques présentes sur Bruxelles seront plus que jamais des alliées dans l’univers fortement évolutif des médias contemporains.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Madame la ministre-présidente, j’ai bien entendu vos arguments. Il est incontestable que l’implantation future de BX1 sera meilleure que l’actuelle, mais je crois néanmoins que nous avons manqué une occasion.
Vous parlez de synergies mais, concrètement, elles n’apparaissent pas clairement à ce stade, si ce n’est à travers une proximité de quelques centaines de mètres avec la RTBF. On sait bien que, compte tenu de la complexité institutionnelle à Bruxelles, quelques centaines de mètres équivalent parfois à des centaines de kilomètres.
Une possibilité de coopération existait pourtant. On sait que les moyens d’une télévision régionale ne sont pas extensibles à l’infini et mener une synergie à son terme eût été logique. La collaboration de deux télévisions francophones sur un site commun était un projet de bon sens, au regard des moyens toujours limités dont jouissent tant la RTBF que BX1. Nous verrons bien demain si les synergies que chacun appelle de ses vœux voient le jour, mais elles restent pour l’heure très hypothétiques.
Je suis en tout cas navré de voir que l’on ait manqué le cœur même de ces rapprochements géographiques : faire travailler ensemble des professionnels de l’un des principaux médias du 21e siècle, afin de produire, en faveur des Bruxellois, une information de la meilleure qualité et au moindre coût possible.
Vous nous dites rencontrer des difficultés administratives et opérationnelles, mais une partie au moins du sens de ce vaste projet de cité des médias se perd ainsi. Malheureusement, nous aurons peut-être à le regretter dans le futur.
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CR n°31 (2015-2016), Mars 2016 , pp. 28-30