Interpellation concernant la zone d’intérêt régional Josaphat

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique

concernant la zone d’intérêt régional Josaphat

 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Nous passons, de l’ouest à l’est de Bruxelles, à un autre projet majeur dont nous avons jusqu’à présent moins parlé.

Le site de l’ancienne gare de triage Josaphat, propriété de la Région, constitue une réserve foncière d’une quarantaine d’hectares vouée à se transformer en un quartier mixte et dense. En effet, le schéma directeur de cette zone d’intérêt régional (ZIR) prévoit la création de 1.800 logements – dont 44% publics et 56% privés – et des activités économiques intégrant école, crèche et salle de sport ainsi que des commerces de proximité. Sont également prévus la revalorisation et la densification de la zone industrielle et l’implantation d’une gare RER au nord du site, de bureaux et d’un hôtel.

Ce sont 1.029 logements privés – 759 logements standards et 270 logements de standing – et 810 logements publics qui vont être créés d’ici quelques années. Le projet propose en termes de logement public une répartition à hauteur de 60% pour le logement social et 40% pour le logement moyen, lesquels devront être produits par tous les opérateurs publics du logement afin d’offrir au sein d’un même quartier des formules diversifiées d’accès au logement.

Plus de 4.000 habitants supplémentaires étant appelés à occuper ce nouveau quartier, la gestion de la mobilité constitue l’un des enjeux majeurs de ce projet qui, parallèlement au développement du quartier Reyers – pôle médias, réaménagement de la place Meiser, démolition du viaduc… – participe à la mue de toute une zone. Quelles options ont-elles été prises en matière de mobilité pour gérer les déplacements quotidiens de ces 4.000 personnes ? Quels sont les impacts sur les quartiers voisins, l’accès au quartier devant se faire, selon toute vraisemblance, par un goulot relativement étroit ?

Comment ce nouveau quartier s’intègre-t-il dans le tissu urbain actuel ? Plus précisément, quels sont les gabarits envisagés pour permettre d’ériger les 1.800 logements prévus ? La densité semble en effet poser question et en inquiéter certains.

Qu’en est-il enfin de la faisabilité financière de l’opération ? Quels sont les investissements publics nécessaires ?

Nous sommes effectivement confrontés à un projet majeur situé à l’est de Bruxelles. C’est l’une des dernières grandes réserves foncières dans cette partie de la Région. Ce projet nécessite donc des équilibres délicats à trouver sur cette importante parcelle enclavée entre le chemin de fer et un quartier composé majoritairement de maisons unifamiliales. 

[Intervention de Monsieur Clerfayt]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- L’abandon du projet de tunnel n’est pas lié à des questions de coûts, mais à des aspects de mobilité.

[Intervention de Monsieur Clerfayt]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- L’étude démontrait que le tunnel n’apportait pas de solution en termes de mobilité. Dépenser 250 millions dans ces conditions eût été irresponsable.

[Intervention de Monsieur Clerfayt]

[Intervention de Monsieur Verstraete]

[Intervention de Madame Van Achter]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- J’ai lu aujourd’hui une intéressante interview d’un président de parti dans le journal Le Soir, qui pose de manière fondée le débat entre Région et communes. Nous sommes arrivés à un carrefour dans la redéfinition de nos rapports et nous voyons bien quel est le positionnement des uns et des autres, suivant, entre autres, la taille des communes.

La dernière remarque de M. Clerfayt était intéressante en ce sens, car elle traduit une nécessaire redéfinition de ces rapports. Si les communes étaient la solution à tous les problèmes de développement territorial, cela ferait longtemps que cela se saurait. Le développement d’un organe de coordination me paraît nécessaire, car c’est l’image de Bruxelles qui en jeu. Nous n’avons pas besoin de division, de considérer que les uns travaillent mieux que les autres…

L’accord de majorité définit dix quartiers prioritaires, où la Région a la maîtrise du foncier, ce qui n’est pas courant, pour définir des projets intégrant des priorités à l’échelon régional, en ce compris en développant des logements publics. La question de la densité se pose de manière sous-jacente, car elle renvoie à l’équilibre économique de projets. Si on ne promeut pas les fonctions dites faibles, comme le sont le logement public et le logement social, nous aurons un développement de logements moyens, ce dont certaines communes rêvent par ailleurs. Quand nous parlons de logements publics et de solidarité avec les communes, on nous envoie gentiment promener. Tout le monde dit qu’il en faut, mais pas chez eux.

Je suis à l’aise par rapport à cela puisque j’aurai 15% de logements sociaux et un bon quota de logements publics.

La nécessaire coordination de politiques qui souhaitent à un moment donné rencontrer des objectifs globaux a malheureusement ses limites si on laisse le développement territorial aux seules mains des communes. Cela me semble une erreur, car nombre d’entre elles sont assez frileuses face à la construction de logements publics. C’est pourquoi la Région doit jouer son rôle pour rétablir un certain équilibre. C’est pareil pour les équipements, les écoles, etc. Les initiatives et les efforts des communes à cet égard sont inégaux. Ils dépendent du boom démographique, du besoin d’équipements, ainsi que des capacités financière et spatiale.

Comme on dit souvent, l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers. Il faut trouver un équilibre entre les deux.

Étant municipaliste, je comprends les craintes qui s’élèvent ici et là mais, dans le contexte actuel, je pense que c’est un mauvais débat. Il n’est pas constructif. Dire que c’est bien pour les autres, mais pas pour moi, n’est pas une position tenable. Et ceux qui, dans le Nord du pays, nous regardent avec bienveillance n’attendent que ça. Et je ne parle pas que de Josaphat. Je suis intimement convaincu que si on ne veut pas que la politique sécuritaire échoue, il faut que des choses évoluent.

Je reviens maintenant sur Josaphat.

Le projet de schéma directeur a été approuvé par le gouvernement en mars 2014. Les données que vous citez datent d’ailleurs de cette époque. Ensuite, des études complémentaires ont été menées, avec pour objectif de résoudre certaines questions spécifiques liées à l’enclavement du site, notamment les questions de mobilité et de gestion des eaux. Une étude de qualification paysagère du site est achevée, sans remettre en cause le résultat.

Certaines questions très précises ont été posées. Je n’y répondrai pas aujourd’hui, car le processus est en cours et donner des réponses demandera un délai raisonnable.

Le projet de schéma directeur a fait l’objet d’une évaluation détaillée de ses incidences environnementales. Des recommandations sont émises par le rapport d’incidences sur l’environnement (RIE) pour améliorer l’insertion du nouveau quartier dans le contexte bâti qui l’entoure. Le gouvernement sera donc appelé à se prononcer dans les prochaines semaines sur l’évolution du schéma directeur et les recommandations et améliorations potentielles à apporter au projet initialement approuvé.

Les choses ne sont pas figées, nous sommes dans un processus dynamique. La discussion intervient donc un peu tôt dans le processus en cours d’adaptation du document. Mes réponses tiendront le mieux possible compte des développements pressentis.

Vous signalez à juste titre que la gestion de la mobilité constitue en enjeu capital du projet, non seulement pour la commune de Schaerbeek mais aussi celle d’Evere. Le fait que le projet s’insère dans une zone en mutation en ce qui concerne la mobilité est également un point d’attention que vous relevez et que je partage. Par rapport à la situation actuelle, on va très vite pouvoir compter sur une nette amélioration de la desserte ferroviaire du site grâce la mise en service du tunnel Schuman-Josaphat, qui connecte le site avec plusieurs pôles d’emploi de la Région et de la périphérie.

Le RIE a montré que le développement des premières phases du site peut être mis en œuvre dans des conditions de mobilité relativement acceptables pour la situation régionale. La prévision de la situation pour les dernières phases, qui correspondront avec la mise en service du métro nord – auquel la Région tient particulièrement -, indique que des mesures complémentaires devront être prises pour maîtriser les déplacements en voiture en provenance du site.

Ces mesures viseront l’amélioration de la desserte en transport public, la perméabilité du site aux modes actifs, la modulation de l’offre de stationnement et le développement de la multimodalité. Elles devront également être adaptables pour tenir compte de l’évolution des comportements en matière de mobilité.

Trop souvent, les tenants du tout-à-l’automobile nous disent : « Tant qu’on n’a pas ça, ne faisons rien. » Mais commençons plutôt par faire des choses, ne faisons pas l’éloge du statu quo et de l’immobilisme ! Il est indispensable qu’à un moment donné, les pouvoirs publics donnent un signal clair en la matière. Pour le tunnel Meiser, c’est précisément parce que des spécialistes nous ont démontré, dans le cadre d’une étude, que cela n’apportait pas de solution – ou, du moins, une solution insuffisante en regard de l’investissement – que nous avons renoncé à développer le tunnel. Mais cela ne nous dispense pas d’aller vers un réaménagement intelligent de la place Meiser. Ce ne sera pas simple, car c’est le point noir de toute cette zone en termes de mobilité. Si on veut redonner une certaine qualité à cet espace public, il va falloir mener une réflexion, mais sans le tunnel.

Parler du tissu urbain actuel lorsque l’on évoque Josaphat est un peu particulier. Il est en fait assez disparate : il y a des immeubles des années 60 de gabarit rez+6 sur le boulevard Wahis, des petites maisons rez+2, un immeuble du Foyer Schaerbeekois de la même époque mais d’un gabarit rez+8, ensuite des maisons rez+2 sur l’avenue Conscience et des gabarits rez+15 sur le boulevard Léopold III, qui font face aux maisons rez+2 du clos de l’Oasis à Evere… On ne peut pas parler d’unité. C’est cette disparité qui caractérise le pourtour du site, qui présente en outre la caractéristique d’être situé 10m – soit trois étages – plus bas que son voisinage.

Le schéma directeur répond très précisément à chacune des situations en veillant à une correspondance des hauteurs des bâtiments du site avec leurs voisins immédiats et en réservant les gabarits les plus élevés pour le centre du site. Les gabarits passent donc, comme dans les quartiers environnants, d’un rez+2 à un rez+15 pour l’unique tour, située au nord, mais en répondant ici à une logique paysagère. Vous voyez qu’on est ouverts, dans le nord !

La mission de programmation et de définition du projet urbain comprenait une étude de faisabilité financière du projet qui a balisé le cadre des réflexions. Tous les investissements nécessaires à la réalisation complète du projet ont donc été chiffrés.

Comme je l’ai déjà dit à propos d’autres projets, l’équilibre est une nécessité absolue si l’on veut développer, en partenariat avec le secteur privé, des projets. Sinon, c’est toute la capacité d’intervention publique qui sera mise à mal. En effet, si l’on entre dans une logique de consolidation de ce type de projet, ce sera à terme impossible à tenir dans le chef des pouvoirs publics. Nous devons relever le défi de projets économiquement équilibrés. Or, ils le sont plus difficilement car ils intègrent des équipements, des logements publics et des fonctions faibles. Mais il est de notre responsabilité de les réaliser au sein de projets globaux qui doivent allier plusieurs exigences en termes de densité.

La SAU devra donc obligatoirement garantir cet équilibre. Pour les différents opérateurs publics, on parle d’un montant de 113 millions d’euros en termes d’investissements immobiliers et d’infrastructures, à prendre en charge sur 10 ans. Enfin, la répartition public-privé doit être équilibrée de manière à pouvoir assumer les ambitions du développement d’un quartier urbain, mixte et durable.

Nous avons pris note des questions plus précises qui ont été posées. Nous vous transmettrons les éléments de réponse.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je constate que l’interpellation a fait ressurgir l’éternel débat sur quelles actions relèvent de quel niveau de pouvoir et qui, entre Région et communes, doit l’emporter sur l’autre.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Non, vous posez très mal le cadre du débat. Je peux vous citer un exemple de dossier dans un autre quartier où nous sommes quasiment en train de supplier pour obtenir le PPAS local que nous attendons depuis des années. J’ai déjà menacé la commune de lui reprendre le dossier.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Attendez que je finisse ma phrase avant d’affirmer que je pose mal le cadre du débat. Je constate qu’il est possible de rechercher des coalitions plutôt que de toujours se positionner en affirmant que le travail commun est impossible. Cette coopération renforcera et améliorera Bruxelles. Dans d’autres villes ayant connu des difficultés, les responsables politiques ont trouvé la voie pour fédérer les différents niveaux de pouvoir. Nous pourrions aussi le tenter.

Mon collègue a évoqué les éventuels retards du processus, pourrions-vous nous éclairer et nous dire quand les premières phases de réalisation seront finalisées ? Dans les prochaines semaines, le gouvernement s’exprimera sur le schéma directeur. Toutefois, avez-vous déjà un calendrier réactualisé ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Le calendrier constitue toujours un élément délicat. J’ai commencé à m’intéresser à ce dossier alors que je remplissais d’autres fonctions.

[Intervention de Monsieur Clerfayt]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Pas du tout. À ce moment-là, l’Europe avait fait miroiter un certain nombre de choses. Vous vous en souvenez ?

[Intervention de Monsieur Clerfayt]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- J’ai bien entendu le message subliminal de M. Van Goidsenhoven. J’attends les exemples des autres villes, mais pas dans ce cadre. N’entrons pas dans ces considérations.

Quant au délai, il est toujours fixé en 2018-2019. Les choses évoluent. Si l’on passe en revue tout l’historique du dossier et ce qui a été fait depuis la déclaration de politique régionale de juillet 2014, en deux ans, on a sans doute réalisé plus que ce qui a été fait durant les années précédentes. C’est toujours le verre à moitié vide ou à moitié plein. Je sais qu’en la matière, nous n’avons pas tous la même vision des choses.

 

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CRI COM (2015-2016) n°89, Avril 2015, pp. 33-45