Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Pascal SMET, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Travaux publics et des Transports,
concernant l’état des stations de prémétro Bourse et Anneessens et l’impuissance de la STIB à améliorer cette situation.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- L’état catastrophique des stations de prémétro qui assurent la jonction Nord-Midi est préoccupant : je fais ici référence tout particulièrement aux stations Bourse et Anneessens. Tout usager des transports en commun n’aura pas manqué de remarquer plusieurs éléments qui laissent à penser que ces deux stations et leurs abords sont quasiment à l’abandon, suscitant de fait un sentiment d’insécurité pour les voyageurs, sans compter l’image déplorable que ces deux arrêts peuvent donner de notre ville-Région. Je pense, entre autres, aux touristes qui seraient tentés d’emprunter les transports en commun pour se déplacer et qui découvriraient des aspects bien peu reluisants de notre réseau de transports.
Un quotidien a consacré un reportage à cette situation et les témoignages des usagers sont particulièrement éloquents : il est question de régulières prises de drogue à tout moment de la journée, de personnes blessées, de traces de sang et j’en passe.
Pour en avoir le cœur net, je me suis personnellement rendu dans ces deux stations, la première fois mardi dernier en fin d’après-midi. J’ai pu constater en effet que ces lieux sont dans un état plus que préoccupant. La station Bourse est très vaste et c’est le point d’accès le plus proche, avec la station Gare centrale, à la Grand-Place en transports en commun. Quand on pénètre dans cette station, on est frappé par l’odeur permanente d’urine. Vous conviendrez que c’est loin d’être agréable.
Au niveau supérieur, quand on a quitté les quais, se trouve un immense espace, une sorte de no man’s land occupé par de nombreuses personnes en situation précaire. J’ai pu personnellement constater, alors qu’il était 16h55, que des groupes de gens accompagnés de chiens y étaient installés. Certaines de ces personnes dormaient dans des couvertures, d’autres étaient assises par terre. Certaines consommaient de la drogue, parfois avec des seringues au vu et au su de tous. Ces personnes étaient installées en bas des deux escaliers menant au boulevard Anspach, escaliers qui conduisent au cœur du piétonnier.
Déambuler dans ces espaces, au milieu de la forte odeur d’urine et de vomissures tout en slalomant parmi les innombrables flaques d’urine séchées, ne procure en aucun cas un sentiment de sécurité. Vous m’excuserez de vous donner des détails aussi crus, mais il me semble important de décrire cette ambiance que subissent chaque jour des milliers de voyageurs.
Je me suis également rendu à la station du prémétro Anneessens, située non loin de là sur le même axe. L’état des escaliers qui permettent de pénétrer dans la station à partir du boulevard Anspach est impressionnant ; les escaliers sont jonchés de déchets et de canettes de boisson, qui sont là depuis plusieurs jours et qui ne sont pas régulièrement enlevés. Si le restant de la station Anneessens, beaucoup plus petite que celle de la Bourse, est relativement propre, ce n’est pas le cas des escaliers qui joignent les quais à la sortie. Ceux-ci n’ont manifestement plus été nettoyés ou entretenus depuis belle lurette si l’on en juge par la présence de détritus ou autres traces de liquides.
Bref, Monsieur le ministre, ce tableau presque dantesque ne nous encourage pas à emprunter les transports en commun, tout comme il ne peut, en aucun cas, contribuer à diffuser une image positive de Bruxelles, qui souffre déjà, malheureusement, d’une réputation plutôt négative en termes de propreté.
Quelles sont les mesures qui sont prises pour assurer au quotidien l’entretien et le nettoyage de ces stations ? Je parle ici des accès depuis le piétonnier, mais aussi de l’entretien intérieur des stations. Quelle est la fréquence des rondes d’agents de sécurité de la STIB pour garantir la sécurité au sein de ces stations ? Qu’en est-il des caméras de surveillance ?
Concernant la présence permanente de personnes en situation précaire à l’intérieur de la station Bourse, avec toutes les conséquences négatives qui en découlent, quelles sont les initiatives qui ont été prises afin de remédier à cette situation ? J’ai lu avec surprise les déclarations de la porte-parole de la STIB, qui fait part de l’impuissance de la société de transports face à ce problème. Des collaborations sont entreprises entre la police et la ville de Bruxelles, mais sans succès nous apprend-on. Le travail avec des associations ne donne pas davantage de résultats.
Au-delà des travaux qui pourraient intervenir, quelles mesures urgentes et structurelles allez-vous prendre pour remédier à cette situation actuellement hors de contrôle et qui font que ces stations sont dans un état d’insalubrité évidente ?
Quels contacts avez-vous pris avec des associations actives dans la solidarité et l’aide aux personnes qui se trouvent dans ces situations particulièrement compliquées, pour tenter de trouver des solutions permettant un meilleur accueil ?
Quant aux travaux qui sont annoncés prochainement, pouvez-vous nous en dire plus quant à leur durée, leurs différentes phases ? Avezvous procédé à des concertations avec la Ville de Bruxelles et Beliris pour coordonner de manière efficace les travaux du piétonnier avec ceux de la station Bourse ? Quel en est, le cas échéant, le calendrier ?
Avez-vous déjà pris des mesures de sécurité concrètes pour garantir une sécurisation sérieuse de ce futur chantier ? La situation, que chacun peut d’ailleurs vérifier quotidiennement, impose un certain nombre de constats, de questions mais aussi de réponses et d’engagements précis de votre part.
[Interpellation jointe de Madame Cieltje Van Achter]
[Interpellation jointe de Monsieur Sven Temiz]
[Intervention de Monsieur Paul Delva]
[Intervention de Madame Céline Delforge]
M. Pascal Smet, ministre.- Je partage évidemment vos analyses. C’est la raison pour laquelle il y a quand même de grands changements qui vont être réalisés avant la fin de cette législature. Je vais répondre en détail.
En ce qui concerne le nettoyage des stations, la STIB effectue quatre passages par jour en semaine à la station Anneessens. Au total, neuf heures de nettoyage sont effectuées par jour. Il y a trois passages le samedi, le dimanche et les jours fériés, soit 2 heures et 45 minutes quotidiennes.
Pour la station Bourse, quatre passages par jour sont réalisés en semaine, soit 11 heures et 45 minutes de nettoyage quotidiennes. Quatre passages sont effectués le samedi, le dimanche et les jours fériés, soit 5 heures et demie par jour.
En ce qui concerne la partie métro de la station De Brouckère, quatre passages quotidiens sont réalisés en semaine, soit 9 heures et demie de nettoyage, quatre passages le samedi, soit 4 heures et 45 minutes quotidiennes, et trois passages les dimanches et les jours fériés, soit 2 heures et demie par jour.
Dans la partie prémétro, ce sont quatre passages quotidiens qui sont réalisés en semaine, soit 9 heures et demie de nettoyage, quatre passages le samedi (6 heures et vingt minutes de nettoyage par jour) et trois passages les dimanches et les jours fériés, soit 2 heures et demie par jour.
Une équipe d’assainissement passe également régulièrement dans ces stations afin d’évacuer les encombrants (matelas, couvertures, cartons, etc.) laissés par les personnes en errance. Une ronde spécifique pour le traitement des urinoirs sauvages est organisée chaque jour lors du dernier passage. Un neutralisateur d’odeurs est utilisé dans l’eau de rinçage de l’autolaveuse afin de diminuer, tant que faire se peut, les nuisances olfactives. Le nettoyage est très difficile tellement l’urine est imprégnée.
Les prestations sont contrôlées par le chef d’équipe de la station et par trois superviseurs de l’entreprise sous-traitante. Les inspecteurs de la Cellule Propreté de la STIB assurent au moins trois contrôles des prestations par semaine dans la station Bourse.
J’ai toujours plaidé pour une augmentation budgétaire. Le budget alloué par la STIB à la propreté est en constante augmentation avec 3 millions d’euros en 2009, 5 millions d’euros en 2013 et nous en sommes déjà à 7 millions d’euros en 2016 pour le nettoyage qui est donc bien réalisé. Le problème, c’est le comportement de certains.
La conclusion à en tirer est que l’on nettoie, mais qu’il y a un vrai problème de comportement des gens. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement le cas dans le métro, mais dans l’ensemble de l’espace public. Bruxelles est l’une des villes les plus sales au monde. Bien sûr, la situation n’est pas la même partout, cela dépend des quartiers.
Le problème est grand et nous y remédions en permanence. Certaines personnes sont sales, il faut pouvoir le dire. Elles ne respectent pas les règles du vivre ensemble et c’est problématique.
Concernant la présence de personnes en situation précaire dans la station Bourse, j’ai chargé mon cabinet, la STIB et les associations de gérer ce public en errance, particulièrement au sein de la station Bourse. Selon moi, que cela soit dans cette station ou ailleurs, on ne devrait plus trouver des personnes sans abri ou en errance. Mon objectif est très clair : instaurer une zone de tolérance zéro après la rénovation de ces deux stations. Il faut un moment clic que nous sommes en train de préparer. Depuis quelques mois, des associations d’aide aux sans-abri, la STIB, mon cabinet et la Ville de Bruxelles y travaillent.
Quotidiennement, des maraudes et des visites de travailleurs de rue sont organisées. Une concertation est faite afin d’accompagner et de suivre les personnes concernées. Il ne s’agit évidemment pas de jeter ces dernières à la rue, car cela ne ferait que déplacer le problème sur le piétonnier. Ces personnes sont orientées vers l’assistance sociale existante par des infirmiers de rue : maraudes offrant un accompagnement psycho-médico-social, séances de supervision des agents de la STIB, réponses aux appels données par les agents.
L’asbl Bij ons – Chez nous est également présente sur le terrain. N’oublions pas le projet Médibus et les collaborations non contractuelles du SAMU social, de Diogènes, de Dune et de Transit avec la STIB.
J’ai également demandé l’organisation d’une réunion de concertation mensuelle de tous les partenaires pour tenter de trouver des solutions.
Une convention a été signée entre l’asbl Opération Thermos et la STIB. Différents projets sont aussi à l’étude, afin d’avoir encore plus d’informations.
Nous constatons que le public change. Aux stations Bourse et De Brouckère se trouvent de plus en plus de toxicomanes, qui prennent de l’héroïne, du crack et d’autres substances probablement. Ce n’est pas évident, car il s’agit totalement d’une autre problématique.
D’aucuns avaient eu l’idée de placer dans la station Anneessens une salle de consommation, mais j’ai refusé. Je suis pour l’existence de salles de consommation contrôlées, afin de guider les personnes vers une aide, mais pas dans les stations de métro.
Des actions sont en cours pour préparer le déplacement de ces gens, et mettre en œuvre une politique où l’on va activement vers les gens pour proposer des alternatives et ne presque plus laisser le choix de faire autrement.
En ce qui concerne la présence de personnes la nuit, la STIB constate que des personnes en errance, et en particulier des toxicomanes, forcent les volets des stations afin d’y pénétrer. Entre le 22 mars et le 1er mai, la STIB a mis du gardiennage privé en poste fixe à la station Bourse, afin de prévenir les intrusions.
Cette mesure a permis de réduire les nuisances à la station Bourse mais a déplacé le problème vers les stations De Brouckère, Anneessens et Lemonnier. Les passages des équipes du service Security STIB, des polices fédérale et zonale à la Bourse ont lieu jusqu’à 8 fois par jour et 2 fois par nuit depuis 12 mois.
Malheureusement, la zone du centre est devenue un lieu de vente de stupéfiants. Il s’agit d’un problème qui concerne la police et non la STIB. Le pouvoir judiciaire doit plus intervenir en surface, ce qui aura comme conséquence une amélioration de la situation en sous-sol.
Il y a de plus en plus d’équipes de sécurité multimodales. Du personnel supplémentaire va être engagé. Nous en avons déjà parlé. Nous sommes en train d’analyser la situation station par station et, sur cette base, nous y mettrons plus de personnel.
Nous regardons également si certains des nombreux accès de la station Bourse ne doivent pas être fermés pour mieux gérer les entrées et sorties, d’autant que des travaux de rénovation vont y être entrepris.
La STIB travaille avec un système d’information dynamique qui lui permet de placer des hommes et passer des messages et de la signalétique. Ce système a ses limites, liées aux effectifs disponibles – qui vont être augmentés – mais également au temps de réaction, certaines fermetures d’accès étant ordonnées en temps réel. On peut trouver des informations sur internet, mais la STIB a bien reçu le message d’améliorer la mise à disposition de l’information. Ce travail est en cours, avec notamment un nouveau système de balisage qui devrait être disponible en 2017.
La seule réponse qu’on peut donner pour les stations Bourse et De Brouckère en particulier – puisque la station Lemonnier va disparaître pour devenir une sorte de gare de trams – est qu’elles vont être rénovées prioritairement. Pour la Bourse, nous avons avancé : cela aura lieu soit à la fin de cette année, soit début 2017. Cela n’a rien à voir avec le permis du piétonnier. Nous faisons le forcing pour réaliser les travaux d’étanchéité des stations qui doivent de toute façon être faits, indépendamment de l’aménagement des boulevards centraux. Ces travaux, qui sont menés avec Beliris, devraient commencer dans les prochaines semaines.
Les plans des rénovations en cours seront bientôt finalisés. Dès qu’ils seront prêts, je montrerai les esquisses. De ce que j’ai vu, cela sera très beau. En 2018-2019, on verra les stations Bourse et De Brouckère : elles seront méconnaissables. Ce seront des stations de nouvelle génération donnant une tout autre ambiance.
La station Bourse devrait être terminée en 2019.
Le budget des travaux de rénovation de génie civil et parachèvements est estimé à environ 5 millions d’euros. Ce budget est important pour l’amélioration de notre réseau. Des parkings Villo seront prévus. On va ouvrir des salles inaccessibles actuellement et créer des sorties de secours supplémentaires. L’avant-projet est en cours. Dès qu’il sera finalisé, le projet sera présenté et ce sera probablement en septembre.
Nous partageons donc les analyses faites ici. Le grand défi sera ensuite de trouver un endroit pour les sans-abri avec le CPAS de la Ville de Bruxelles, avec cette dernière et les associations. Nous y travaillons actuellement et quand les rénovations seront terminées, l’idée sera pour les stations Bourse et De Brouckère d’appliquer une tolérance zéro.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’entends bien vos déclarations volontaristes, singulièrement pour l’avenir. Je pense néanmoins qu’il y a un certain nombre de choses qui pourraient être menées dans l’immédiat.
Vous citez des chiffres en termes de rondes et d’entretien des stations. Vous parlez notamment de quatre passages par jour. Ce sont des chiffres interpellant, car quand on voit l’état des stations, cela ne semble pas possible. Je vous parlais de traces d’urine séchées tout à l’heure, elles sont là depuis un bon bout de temps.
C’est donc le mode d’entretien à propos duquel je m’interroge. Quand vous dites entretien, qu’est-ce que cela veut dire ? Ces équipes sont-elles correctement équipées ? Au-delà du problème de propreté, il y a une véritable question d’hygiène publique. Utilise-t-on du savon et de l’eau ou d’autres produits qui permettent d’enlever ces traces d’urine ? Pour les escaliers, je peine à croire qu’ils sont régulièrement entretenus. Sont-ils seulement parfois lavés à grande eau ? Ces chiffres ne reflètent pas la situation ou l’état de ces stations. Chaque fois que je m’y suis rendu, il m’a semblé évident que l’entretien et l’hygiène y font gravement défaut.
Vous appelez à une tolérance zéro, une fois la station rénovée. Vous faites une fois de plus un pari sur l’avenir. On a l’impression que quand ce sera rénové, on s’imposera des règles d’entretien et de sécurité, mais pourquoi ne pas se les imposer dès à présent ? Comment pouvons-nous faire la preuve de notre capacité à maintenir ce futur équipement qui va nous coûter cinq millions d’euros si nous ne parvenons pas aujourd’hui à assurer le minimum requis en termes de sécurité et d’hygiène ? Permettez-moi d’exprimer mes craintes par rapport à votre volontarisme, sans doute sincère, mais qui ne s’applique qu’à l’avenir.
M. Pascal Smet, ministre.- La situation s’est améliorée, même s’il reste beaucoup à faire. Des zones sont imprégnées par l’urine et elles ne peuvent plus être nettoyées. La seule solution consiste à les rénover complètement sur la base d’un plan global, ce qui sera bientôt fait. Des affiches seront placées pour informer les usagers.
M. Van Goidsenhoven, les équipes chargées du nettoyage connaissent leur travail. Vous semblez dire qu’elles font n’importe quoi.
Depuis quelques mois, j’organise des réunions avec tous les acteurs concernés. Nous avons multiplié les maraudes. La réponse est aussi dans les mains de la police. Je rappelle que la STIB n’a pas de pouvoir de police.
Pour retrouver le texte dans son intégralité, cliquez ici.
CRI n°146 (2015-2016), Juillet 2016, pp. 6-20