Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Monsieur Rudi VERVOORT, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de la Cohésion sociale,
concernant le parcours d’intégration francophone.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- La déclaration de politique générale a rappelé l’ouverture de deux bureaux d’accueil de primo-arrivants et l’importance de continuer à développer et d’accompagner ce dispositif aux côtés de la Commission communautaire commune par un dialogue constructif, afin de mettre en œuvre l’obligation évoquée sur le parcours d’intégration.
Le projet initial d’ouverture de six bureaux d’accueil des primo-arrivants (BAPA) devait permettre l’inclusion de 10.000 à 12.000 personnes au sein des parcours, à raison de 2.000 primo-arrivants par année. Deux BAPA ont effectivement vu le jour. Après un an de réalisation vient l’heure d’un premier bilan et d’une éventuelle correction des actions pour atteindre les objectifs initialement fixés et répondre aux besoins des principaux intéressés.
Le parcours d’intégration se structure en plusieurs étapes. La première – outre le temps nécessaire pour procéder à l’accueil et au bilan social et linguistique – consiste à recevoir 10 heures de cours sur les droits et obligations en tant que primo-arrivant. La seconde permet aux primo-arrivants de bénéficier de 50 heures de cours sur la citoyenneté, de cours de français ou d’alphabétisation et d’une orientation socioprofessionnelle via un accompagnement personnalisé.
Concernant le BAPA BXL, inauguré il y a quatre mois, 50 personnes y ont procédé à la première étape du parcours d’intégration, et 30 seulement ont poursuivi la procédure en suivant les cours de français et de citoyenneté. Avec un rythme de 30 personnes par quadrimestre, permettez-moi de douter du chiffre de 2.000 bénéficiaires annuels par bureau d’accueil.
Quant au second bureau, Via, établi à Schaerbeek et à Molenbeek et inauguré en mars 2016, 900 primo-arrivants s’y sont présentés, dont 550 ont bénéficié de la première étape en attendant de passer à la suivante.
Sur le plan budgétaire, la Commission communautaire française assure équitablement le financement des bureaux Via et BAPA BXL à raison de 1,5 million d’euros chacun, et vise, je le répète, à atteindre une intégration de 2.000 primo-arrivants par an et par structure.
Du côté flamand, les bureaux situés à Bruxelles et financés par la Région flamande ont une capacité d’accueil de 3.000 primo-arrivants pour une année. Pour la seule année 2016, ils ont accueilli 3.200 personnes, lesquelles ont toutes terminé la première étape du dispositif (accueil, bilan et cours sur les droits et devoirs).
Certes, les bureaux qui bénéficient du soutien de la Commission communautaire française sont récents et il leur faut du temps pour atteindre un rythme de croisière et gagner en publicité et renommée. Pourtant, lorsqu’on compare les sites internet de ces bureaux, force est de constater la différence dans la qualité d’informations disponibles.
Les informations, fournies en français uniquement, sur la page d’accueil du site du bureau d’accueil pour primo-arrivants à Bruxelles (BAPA BXL), www.bapabxl.be, sont strictement limitées aux dates et heures d’ouverture, à l’adresse postale, à un numéro de téléphone et une adresse électronique.
Le bureau d’accueil Via, www.via.brussels, va un peu plus loin et informe le visiteur, toujours en langue française, sur le public auquel le bureau s’adresse et sur les étapes qui attendent les primo-arrivants dans leur démarche.
Côté flamand, sur le site bon.be, les informations sont retranscrites en neuf langues, sans compter le néerlandais, l’anglais et le français. Outre la présentation de la vision, la mission et l’accompagnement du bureau, le site fournit des renseignements aussi larges qu’utiles pour les personnes concernées.
M. le ministre, en vertu de tous les éléments qui précèdent et au vu de notre difficulté d’atteindre le public visé, comment expliquez-vous une telle différence dans la disponibilité des informations entre les circuits francophone et néerlandophone ?
Plus important, comment expliquer un tel écart entre le nombre de personnes qui préfèrent s’adresser aux bureaux néerlandophones aux dépens des bureaux francophones ? Les bureaux soutenus et financés par la Commission communautaire française ont pourtant les mêmes capacités d’accueil.
Au-delà de la nécessité de laisser du temps au temps, comment comptez-vous réorienter vos actions pour obtenir des résultats plus prometteurs ?
Sachant que le parcours d’intégration deviendra obligatoire cette année, quelles propositions allez-vous concrétiser pour rendre nos bureaux plus attractifs et visibles ?
Il s’agit d’un autre enjeu de cohésion sociale fondamental pour les années à venir.
[Intervention de Madame El Yousfi]
[Intervention de Monsieur Maron]
M. Rudi Vervoort, ministre.- Je ne souhaite pas polémiquer sur le choix des BAPA retenus. Dans le cadre des négociations sur la confection du budget de la Commission communautaire française, la décision a été prise d’en ouvrir deux tout de suite, au lieu d’un seul. Désormais, deux BAPA sont donc agréés. Il s’agissait de bons projets. Ne jetons pas la suspicion sur les raisons qui ont conduit à les sélectionner, et réjouissons-nous de leur mise en œuvre. Bien entendu, il en faudra davantage, mais nos moyens sont limités.
Mettre en perspective les BAPA et BON participe du même constat. Il y a d’abord un constat historique : BON existe depuis une dizaine d’années, tandis que les BAPA sont nés il y a à peine un an. Rien que cet aspect explique que nous sommes dans deux mondes différents.
Il faut se donner du temps. Une structure ne va pas, du jour au lendemain ou au tout premier jour de son fonctionnement, pouvoir travailler à plein régime. Ce qu’il faut faire, c’est procéder à un gros travail d’information et de conscientisation auprès d’un certain nombre d’acteurs locaux qui sont en première ligne – CPAS, associations – pour orienter le public cible vers les BAPA.
M. Colson a déjà évoqué les initiatives prises par les CPAS et le secteur associatif. Plutôt que de critiquer les uns ou les autres, il faut faire en sorte que le dispositif fonctionne bien. Pour ce faire, il faut voir là où l’on peut améliorer les choses et comment nous pouvons aider à notre niveau.
En outre, en ce qui concerne la comparaison avec BON, son public cible n’est pas tout à fait le même que celui de la Commission communautaire française. En effet, ne fût ce qu’en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité, le parcours BON peut servir.
[Intervention de Monsieur Maron]
Bien sûr. Mais comme BON est en fonction depuis dix ans, son historicité fait qu’on va plus facilement se diriger vers lui, avec l’idée que l’on est certain d’avoir immédiatement le package complet permettant d’acquérir la nationalité.
L’objectif est bien sûr que les BAPA fonctionnent et acquièrent rapidement leur vitesse de croisière.
En tout cas, ce que nous avons comme retour, c’est que les deux opérateurs travaillent à la réalisation de cet objectif. Donnons-nous encore un peu de temps avant d’évaluer le fonctionnement. Nous sommes de toute façon en contact permanent avec les BAPA pour voir comment nous pouvons les rendre plus accessibles au public cible.
J’imagine que le développement en plusieurs langues des sites des BAPA est en cours. Mon cabinet a pris contact avec les opérateurs pour veiller à ce que les sites soient multilingues.
Nous travaillons sur la visibilité, mais le public cible n’est pas toujours joignable via les canaux classiques. Nous sommes presque dans le domaine du bouche à oreille à côté des CPAS et de l’associatif. Leur connaissance du terrain depuis dix ans est évidemment meilleure.
Rappelons que le décret désigne le Centre régional d’appui en cohésion sociale (Cracs) comme évaluateur de ce dispositif. Je lui ai également confié les missions d’accompagnement et de recherche, qu’il accomplira comme toujours avec sérieux, pour pouvoir mieux piloter le secteur. Je serai évidemment attentif à ses conclusions, mais je n’ai pas encore d’informations quant à la date de remise du rapport.
Enfin, l’introduction du caractère obligatoire en particulier risque de modifier le paysage. Nous menons, avec la Commission communautaire commune et la Flandre, une réflexion pour réussir ce passage dans une autre dimension. Des réunions se sont déjà tenues à ce sujet, notamment avec les cabinets compétents de la Commission communautaire commune, c’est-à-dire ceux de Mme Fremault et de M. Smet. Nous évaluerons la situation en fonction de l’évolution de ces discussions.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Les Flamands ont dix ans d’avance, ce qui montre par l’absurde combien le retard que nous avons pris par manque de proactivité et par aveuglement se paie comptant. Et l’on ne peut nous reprocher de ne pas avoir tiré la sonnette d’alarme en son temps. Nous sommes dans une situation d’urgence et nous devons accélérer le rythme pour atteindre le niveau d’efficacité nécessaire en matière de cohésion sociale.
En outre, cette année est cruciale, puisque le parcours d’intégration deviendra obligatoire. Il est indispensable que dans les prochains mois, nous comblions une bonne part de notre retard, lequel s’ajoute à une décennie de procrastination. Pour une politique purement cosmétique, nous pourrions encore attendre, mais pour atteindre nos objectifs de cohésion sociale et d’intégration des nombreux primo-arrivants, nous devons agir.
Je souhaite que votre administration et votre cabinet soutiennent ces bureaux d’accueil pour leur donner une efficacité qui soit à la hauteur du défi.
Lorsque nous reviendrons sur leur évaluation, j’espère que nous aurons droit à de meilleures nouvelles.
M. Rudi Vervoort, ministre.- Je n’évoquerai pas la problématique de la procrastination : je laisse M. Van Goidsenhoven à ces pratiques particulières.
Vous évoquez dix années de retard. Il faudrait quand même rappeler la philosophie du concept d’ « inburgering » flamand, et le fait que les dix ans de retard côté francophone n’ont pas trait à la question des primo-arrivants. Vous faites un raccourci un peu rapide. L’ « inburgering » flamand consistait surtout à assurer l’étanchéité de Bruxelles et de sa périphérie et à pallier le risque que la périphérie soit gagnée par le « virus » de la langue française. À la base, l’approche flamande était avant tout culturelle et linguistique, et pas du tout inclusive dans le sens où nous l’entendons à Bruxelles.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’entends bien les propos tenus par le ministre-président. Toutefois, même si je ne suis pas membre de cette assemblée depuis des décennies, je me souviens que nous plaidons depuis une douzaine d’années pour un parcours d’intégration. Pendant de trop longues années, ce débat a malheureusement été mis au frigo et nous en payons aujourd’hui les conséquences.
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CR n°45 (2016-2017), Février 2017, pp. 14-17