Interpellation sur le rayonnement du caractère francophone de Bruxelles

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Céline FREMAULT, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de l’Aide aux personnes handicapées, de l’Action sociale, de la Famille et des Relations internationales

concernant le rayonnement du caractère francophone de Bruxelles

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).– Le 20 mars de chaque année, en notre qualité de Bruxellois francophones, nous célébrons la Journée internationale de la francophonie.

Le combat pour le rayonnement de la culture française doit cependant être livré tous les jours, a fortiori lorsque le français n’est pas la langue officielle d’un pays ou d’une région. Le caractère francophone de notre Région doit, aussi souvent que possible, être mis en avant. Bruxelles dispose des arguments nécessaires pour prétendre à la visibilité internationale de sa francophonie. J’en veux pour seul exemple le fait qu’elle est la deuxième métropole francophone en Europe après Paris.

On se souviendra que l’absence du Premier ministre, pourtant francophone, au dernier Sommet de la francophonie, à Kinshasa en 2012, avait été très remarquée. À l’époque, un sénateur flamand avait profité de l’incident pour demander l’évaluation de l’adhésion de la Belgique à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et suggéré que celle-ci soit assumée par la seule Fédération Wallonie-Bruxelles.

La participation à ce type de manifestations est pourtant un signal fort de soutien et de promotion au rayonnement de la francophonie. Tous les deux ans, les Bruxellois se demandent par ailleurs pourquoi le Sommet de la francophonie n’a jamais réaffirmé, par sa présence, l’importance du rôle de Bruxelles comme grande ville francophone.

Dans ce contexte, quelles manifestations pour la promotion et le rayonnement de la francophonie la Commission communautaire française soutient-elle en 2014 au niveau international ?

La contrainte budgétaire a toujours été avancée pour écarter la candidature de Bruxelles à une manifestation de l’ampleur du Sommet de la francophonie. Comme dit l’adage, il faut avoir les moyens de sa politique et les impératifs, en matière de sécurité notamment, ont un coût bien réel. Il est cependant dangereux aussi d’avoir la politique de ses moyens, surtout quand ceux-ci sont étriqués. Car, après tout, il y a d’autres manifestations internationales de promotion de la francophonie que nous pourrions également accueillir, avec un impact budgétaire bien moindre que l’organisation d’un sommet. Je pense notamment aux conférences ministérielles de la francophonie ou au Forum francophone de l’innovation, qui s’est tenu fin septembre, en Belgique certes, mais à Namur. Encore ne sommes-nous pas visibles parmi les partenaires cités dans le programme de cette manifestation.

La Belgique accueillera le deuxième Forum mondial de la langue française, en juillet de l’année prochaine, mais à Liège. Une conférence sur l’avenir des médias francophones s’est tenue début octobre à Montréal. Quant au prix littéraire des cinq continents, il sera remis, lui, à Dakar.

Les occasions de mettre la capitale de l’Europe en avant ne manquent donc pas, et nous ne pouvons pas nous retrancher éternellement derrière la complexité des institutions de notre Région et du pays pour ne rien entreprendre en la matière. Les lieux prestigieux de congrès à Bruxelles ne manquent pas non plus et sont internationalement reconnus. La presse le rappelait encore au mois de juin de cette année : « Bruxelles est la seconde ville hôte de congrès dans le monde », titrait La Libre Belgique en juin 2014.

En 2011, votre prédécesseur avait été interrogé sur la proposition faite par le gouvernement, dans l’accord de majorité, de présenter sa candidature à l’OIF en qualité de membre observateur, en collaboration avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, lors des sommets et des conférences ministérielles. La proposition avait été abandonnée parce que, avait répliqué le ministre-président de la Commission communautaire française, « avoir un statut de membre observateur impliquerait un coût, mais n’apporterait pas, semble-t-il, de plus-value substantielle ».

J’avais égaiement interpellé le précédent ministre en charge des Relations internationales au sujet de cette candidature. Il avait assuré que le nécessaire serait fait pour que la candidature de la Commission communautaire française soit introduite dès 2013 en tant que membre observateur de l’OIF.

J’aimerais donc savoir dans quelle perspective vous axez votre politique. Sera-t-elle davantage alignée sur la position plus que réservée de l’ancien ministre-président ou sur celle, plus volontariste, rappelée ci-dessus, soutenue dans le cadre des relations internationales ?

[Intervention de Madame Sidibé]

Mme Céline Fremault, ministre.– La Commission communautaire française est une entité fédérée dotée de compétences propres en matières de diplomatie et de relations internationales. Elle a établi une série de partenariats de coopération internationale pour faire rayonner le caractère francophone de Bruxelles.

Elle entretient aujourd’hui des relations diplomatiques avec quinze pays différents de par le monde : le Maroc, l’Algérie, la Pologne, le Bénin, la République démocratique du Congo, le Vietnam, etc. En tant que représentante de pratiquement un million de francophones bruxellois, elle est amenée à participer au développement et à la promotion de la francophonie dans le monde.

La Commission communautaire française promeut aujourd’hui la francophonie avant tout via sa participation à Wallonie-Bruxelles international (WBI) aux côtés de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région wallonne. Les délégations, en lien avec leurs partenaires du monde associatif bruxellois, représentent les francophones de Belgique, leur culture et leur savoir-faire à l’étranger.

La Commission communautaire française participe aussi, via WBI, au financement du Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, qui a pour but de participer à la diffusion de la culture belge francophone à travers le monde et en France en particulier. Elle met en avant ce qu’on appelle les arts vivants comme, par exemple, le théâtre, les arts plastiques, le cinéma et les lettres. La semaine dernière, je me suis rendue à Paris pour rencontrer les équipes qui travaillent pour Bruxelles. Elles m’ont fait part des projets en cours et de leurs souhaits. Comme vous le savez, il est question de vendre un bâtiment situé boulevard Saint-Germain. Mme Laanan répondra à ce sujet à l’interpellation de Mme Persoons.

Toujours au niveau des partenariats avec WBI, la Commission communautaire française subventionne aussi l’Institut pour la coopération audiovisuelle francophone (ICAF), qui assure la visibilité de la francophonie et la valorisation du français via les émissions du magazine Espace francophone, diffusées sur France 3, France Ô (Outre-Mer), TV5 Québec, Télé Bruxelles et une trentaine de chaînes africaines et asiatiques. Les émissions réalisées par l’équipe bruxelloise participent au rayonnement culturel belge francophone dans les pays de langue française à travers le monde.

La Commission communautaire française aide entre autres au développement de la francophonie et à la connaissance de la langue française sur le territoire bruxellois. Elle soutient ainsi, avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Centre européen de langue française, l’Alliance française de Bruxelles-Europe. Ce centre a pour principales missions l’enseignement de la langue française et la promotion de la culture francophone à destination d’un public immigré et aux représentants de l’Union européenne à Bruxelles.

En ce qui concerne le monde associatif, et plus particulièrement les asbl francophones bruxelloises, la Commission communautaire française subventionne régulièrement les voyages de représentants dans le cadre de colloques, tables rondes et rencontres ayant lieu à l’étranger. Elle intervient dans des subventionnements destinés à inviter des chercheurs ou des représentants de secteurs spécifiques étrangers dans le cadre d’événements bruxellois organisés par des associations reconnues par la Commission communautaire française.

La Commission communautaire française subventionne également la Délégation générale Wallonie-Bruxelles à Paris. L’objectif de cette délégation est diplomatique, à savoir représenter la Belgique francophone dans le monde.

La mission de cette délégation, outre la gérance, concerne trois aspects. Le premier consiste à s’occuper des missions bilatérales entre des entités belges francophones, ainsi que des relations transfrontalières.

Elle participe aux travaux des grandes organisations internationales et suit l’agenda de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l’Unesco en lien avec le niveau fédéral. Les réunions et travaux sont suivis par des conseillers qui travaillent avec les délégations et qui peuvent être assistés d’experts techniques de WBI.

Elle représente par ailleurs WBI aux travaux de l’OIF, en tant que représentante des entités fédérées belges francophones. C’est WBI qui constitue la délégation diplomatique officielle et la Fédération Wallonie-Bruxelles est principalement compétente en la matière.

Mon prédécesseur avait effectivement pris des dispositions pour présenter la candidature de la Commission communautaire française à l’OIF. Elle n’a pas pu aboutir, étant donné le coût que cela représenterait. Je n’abandonne pas l’idée, mais il est vrai qu’au vu des coûts évoqués, cette approche devrait se passer en concertation avec la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il nous faudrait évaluer l’intérêt de la Commission communautaire française à se porter candidate. Je ne préjuge nullement de cet intérêt, puisque j’ai moi-même soulevé la question au début du mois de septembre avec l’administration.

En ce qui concerne l’organisation de grands événements tels que le Sommet mondial de la francophonie, nous n’y sommes évidemment pas opposés. Si une telle opportunité se présente, il faudra voir comment y associer la Fédération Wallonie-Bruxelles. En ce qui concerne des événements francophones de moindre importance, nous ne pouvons qu’être favorables à la proposition. Bruxelles a effectivement l’habitude d’accueillir de nombreux congrès annuellement.

Les contraintes budgétaires existent bel et bien, mais ce n’est pas pour autant que l’on ne peut améliorer, via la Commission communautaire française, la visibilité et la promotion de la communauté francophone de Bruxelles. Plusieurs initiatives sont déjà à l’étude, comme l’élaboration de documents qui la rendent davantage attractive à tous les niveaux : savoir-faire au niveau social, de la santé, de l’aide aux personnes handicapées, de la formation professionnelle ou de la valorisation du pôle touristique bruxellois.

L’administration travaille également à la mise sur pied d’un événement à Paris à l’automne 2015, en collaboration avec la délégation générale Wallonie-Bruxelles et le Centre Wallonie-Bruxelles.

J’aimerais également souligner que le niveau de sophistication de nos institutions est, certes, une difficulté, mais pas toujours un frein au rayonnement de notre Région. En effet, nous possédons un véritable savoir-faire en matière d’ingéniosité institutionnelle, qui attire l’attention des experts venant des quatre coins du monde, généralement de pays ou régions confrontés à la cohabitation de communautés culturellement différentes. Ils en tirent tous les enseignements et cela participe aussi au rayonnement de nos institutions.

Nous accordons également une attention particulière à la représentation de la Commission communautaire française, et donc des francophones de Bruxelles, au sein de Wallonie-Bruxelles International et au sein de la délégation générale Wallonie-Bruxelles. J’ai rencontré à mon cabinet l’ensemble de ces acteurs pendant le mois de septembre.

Au cours des journées diplomatiques, lors de la soirée inaugurale, j’ai eu l’occasion de rappeler notre volonté de faire émerger l’identité de la Commission communautaire française.

On se retrouve dans des espaces où la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne sont très bien représentés, alors que l’on ne remarque même pas l’identité visuelle de la Commission communautaire française. Nous sommes un troisième partenaire, certainement de plus petite taille, mais nous devons être égaux aux autres. Dans la mesure de nos moyens, certes, mais cela ne doit pas nous empêcher de promouvoir notre identité propre en fonction de nos objectifs.

Pour valoriser les francophones de Bruxelles, la politique de la Commission communautaire française doit être volontariste et réaliste. Les projets les plus coûteux ne sont pas nécessairement les meilleurs. Les contraintes budgétaires appelant la retenue ne doivent pas nous empêcher de faire preuve de créativité, d’intelligence et d’efficacité.

J’ai demandé que l’on évalue les avantages et les inconvénients des projets en cours, pour déterminer ceux qui sont les plus porteurs en fonction du coût qu’ils représentent et de nos ambitions pour l’avenir. Activer au mieux les initiatives en matière de coopération internationale, valoriser le caractère francophone de Bruxelles et de ses habitants, faire connaître la Commission communautaire française comme un acteur sur la scène internationale et sur celle de la francophonie, voilà résumés les axes de ma politique.

J’ai rencontré l’administration et je ne suis rendue la semaine dernière à Paris afin de rencontrer ceux qui participent au rayonnement francophone. J’ai vu nos représentants lors des journées diplomatiques. Durant les mois à venir, je vais essayer de déterminer une ligne de conduite pour les prochaines années.

L’accueil des nouveaux arrivants à Bruxelles a été discuté avec l’administration. Comment se situe-t-on ? Quel est le rôle de l’Alliance française ? Nous projetons de travailler avec une association afin de répondre à la demande. L’opérateur le plus efficace doit encore être identifié.

La candidature de Bruxelles à l’OIF est introduite sans retenue de ma part, mais il faut également en évaluer le budget. Il s’agit de la question numéro un de cette législature. Nous avons prospecté et rencontré ceux qui, au quotidien, promeuvent le rayonnement francophone de Bruxelles. J’ai chaque fois réaffirmé qu’il est important que la Commission communautaire française soit considérée comme un partenaire à part entière. 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Il était important de commencer avec cette question. J’ai pris note de ce que vous appelez votre volontarisme en la matière.

Nous interrogeons régulièrement le Collège sur l’image de notre institution et sur la reconnaissance qu’elle peut avoir dans le cadre institutionnel complexe belge et bruxellois. Ce rayonnement au travers de la francophonie est utile non seulement à la reconnaissance de notre institution, mais aussi pour qu’elle puisse jouer son rôle à l’égard des francophones bruxellois. On n’est pas francophone par défaut. Il y a une adhésion autour d’une culture, d’une langue et de leur apport à mon sens fondamental à la culture européenne et mondiale.

Pour le reste, vous nous avez dressé le catalogue des actions en cours. Vous avez dit que vous étiez ouverte à l’organisation d’événements sans préciser lesquels. Vous avez parlé d’événements de moindre importance.

Mme Céline Fremault, ministre.- J’ai dit que ce n’était pas parce qu’ils étaient de moindre importance qu’ils n’étaient pas pertinents.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- J’ai cité des événements qui se passaient à Namur, à Liège, etc. Ils ont aussi leur intérêt. Ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas organiser un sommet de la francophonie que nous ne pouvons rien faire du tout. Certes, vous avez laissé la porte ouverte. Il sera donc intéressant de voir ce que vous proposerez concrètement dans les mois qui viennent.

Vous êtes restée un peu floue sur l’adhésion. M. Doulkeridis et M. Kir avaient été assez pessimistes en la matière. J’avais été très surpris, lors de la dernière législature, de l’enthousiasme de M. Madrane. Vous pourriez peut-être vous en inspirer et reprendre cet élan. Il nous faut nous en tenir aux intentions exprimées dans cette enceinte et soutenues tant par la majorité que par l’opposition. Il s’agit d’initiatives intéressantes et proactives en la matière. Vous laissez la porte entrouverte, mais vous n’osez pas trop vous engager. J’aurais préféré une réponse plus claire. Je regrette ce flou.

Vous allez évaluer les projets. Vous ne serez donc pas étonnée que, dans quelques mois, je dépose une nouvelle interpellation. En effet, je n’ignore pas que nous sommes en début de législature. Même si vous avez rencontré les principaux acteurs du domaine, vous ne disposez pas encore de toutes les réponses.

Je souhaite toutefois que ce dossier ne reste pas sous une pile oubliée, à l’instar du sort qui lui a été réservé sous la précédente législature. Mis à part l’enthousiasme de M. Madrane à la fin de cette période, ce dossier est resté quatre ans en jachère. J’espère cette fois-ci que dès le début de la législature, nous allons pouvoir poser des actes qui permettront un vrai bilan en la matière.

Mme Céline Fremault, ministre.- Lors du débat budgétaire, nous aurons l’occasion de faire les premiers choix, mais une évaluation est nécessaire. Il nous faut voir où les actions sont les plus pertinentes et où elles rayonnent le plus.

Le fait d’avoir rencontré tous les acteurs et de m’être déplacée rapidement témoigne de mon intérêt à l’égard de leur action et de ma volonté de travailler avec eux pour déterminer les meilleurs projets et de créer le lien entre les institutions, comme je l’ai dit à Pascale Delcomminette, Administratrice générale faisant fonction de WBI, lors d’une rencontre à mon cabinet.

 

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CR n°5 (2014-2015), Novembre 2014, pp. 5-9