Interpellation sur la lutte contre la tuberculose

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Cécile JODOGNE, Ministre du Collège de la Commission communautaire française, en charge de la Fonction publique et de la Santé

concernant la lutte contre la tuberculose

[Interpellation principale de Monsieur du Bus de Warnaffe]

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a institué le 24 mars Journée mondiale de la lutte contre la tuberculose. C’est une des maladies infectieuses qui entraînent le plus de décès dans le monde.

Chez nous, elle touche environ un millier de personnes par an. Si ce chiffre peut être considéré comme moins inquiétant que dans d’autres pays, il n’en reste pas moins que les programmes actuels de dépistage et de traitement ne font pas diminuer l’incidence de cette maladie. Or, pour rappel, l’OMS souhaite, d’ici 2035, mettre un terme à l’épidémie de tuberculose dans le monde. Cette ambition semble aujourd’hui assez loin de la réalité.

Parmi les populations les plus touchées en Belgique, celle de Bruxelles arrive en tête, avec un taux de 26 personnes atteintes pour 100.000 habitants, soit un taux quatre fois supérieur à celui de la Flandre ou de la Wallonie. Ces chiffres s’expliquent, d’après les experts du Fonds des affections respiratoires (Fares), notamment par la paupérisation de la population. De nombreuses personnes défavorisées, vivant des conditions précaires, comme les sans-abri, sont particulièrement concernées.

Si des traitements existent, plus inquiétante encore est la réussite très limitée de ces soins dans notre pays, et donc dans notre Région. L’un des éléments mis en évidence par les experts pour souligner cette situation est l’abandon des traitements par les personnes infectées, qui atteint 20% à Bruxelles. Sans accompagnement qui permette la prise régulière de médicaments, cette situation ne semble pas près de s’améliorer.

À la suite de la sixième réforme de l’État, la compétence de la promotion de la Santé a été transférée à la Région wallonne et à la Commission communautaire française. Elle fait donc partie de vos compétences. À cet égard, je souhaiterais vous poser quelques questions quant à la mise en œuvre de la lutte contre ce fléau, singulièrement du point de vue de la promotion de la Santé et de la sensibilisation.

En matière de prévention, quelles actions avez-vous entreprises afin de sensibiliser davantage les populations concernées sur la nécessité de procéder à des dépistages ?

Quels budgets avez-vous consentis afin de conscientiser les personnes atteintes des dangers que représente l’abandon ou le suivi incorrect d’un traitement ?

Quelles initiatives ont-elles été menées, notamment auprès des associations ou du corps médical, pour les inciter à informer et à sensibiliser sur le terrain les personnes atteintes, en particulier les plus vulnérables d’entre elles ?

[Intervention de Monsieur Manzoor]

[Intervention de Madame Payfa]

Mme Cécile Jodogne, ministre.- Monsieur du Bus de Warnaffe, vous avez résumé avec justesse la situation épidémiologique de la tuberculose dans notre pays et, plus particulièrement, à Bruxelles.

Les données de 2013 montrent que l’incidence est au niveau le plus bas jamais enregistré en Belgique, mais qu’elle est nettement plus élevée à Bruxelles en comparaison des autres Régions. Cette situation s’explique évidemment par le caractère urbain de notre Région et par sa forte concentration de populations à risques.

Le contrôle de la tuberculose était financé par la Communauté française jusqu’en 2014 et relève maintenant de la Commission communautaire française et de la Région wallonne. Les missions du Fonds des affections respiratoires (Fares) sont fixées par l’arrêté royal du 21 mars 1961, devenu ensuite arrêté du gouvernement de la Communauté française, dont la dernière modification remonte à la fin 2013.

En plus des missions du Fares, cet arrêté reprend les éléments suivants :

– le développement de partenariats permettant de cibler les publics précarisés ;

– la mise en place d’un comité d’accompagnement portant sur le rapport d’activités et du compte des recettes et dépenses ;

– la présentation d’un plan opérationnel à l’administration, tous les trois ans, qui doit servir de base à l’allocation des subsides.

Dans le cadre des actions entreprises, le Fares a élaboré un plan opérationnel 2015-2017, qui constitue son cadre de travail pour cette période. Ce plan s’articule autour de trois axes de travail :

– la surveillance épidémiologique et la rédaction d’un rapport épidémiologique ;

– la socio-prophylaxie ;

– la communication et l’expertise.

Je ne peux évidemment pas détailler ce plan très complet, qui compte une soixantaine de pages sans les annexes. Je ne vous en dirai donc que quelques mots en lien avec vos interrogations sur la sensibilisation, la conscientisation et la formation des personnes concernées et des professionnels.

La sensibilisation des personnes concernées à la nécessité d’un dépistage passe par des stratégies de communication diversifiées. Le Fares développe sa propre communication via son site internet, sa page Facebook ou encore la diffusion de lignes directrices aux professionnels.

Cependant, il travaille surtout en ciblant les acteurs en contact avec des populations précarisées et en établissant des partenariats avec ces professionnels. Cela va des médecins généralistes aux travailleurs médico-sociaux de l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), en passant par des centres publics d’action sociale (CPAS), des hôpitaux ou des pharmaciens, notamment. De plus, le Fares identifie en continu de nouveaux acteurs et de nouvelles institutions avec lesquels il convient de travailler.

Par ailleurs, la formation initiale et continue des médecins (généralistes, urgentistes et pédiatres) et autres professionnels de la santé et du secteur social est également une approche développée.

Le Fares intervient également en direct auprès du patient et de son entourage, dans le cadre de sa mission de socio-prophylaxie, lors de l’annonce du diagnostic, en apportant des informations fiables et en répondant aux questions du malade et de son entourage. Par-là, il s’agit aussi de contribuer à diminuer l’aspect stigmatisant de la maladie.

Des difficultés se présentent parfois pour des patients ne maîtrisant pas la langue française, ce qui implique le recours à d’autres membres de la famille ou à des interprètes.

En ce qui concerne la sensibilisation des populations à risques et la prévention, le Fares intervient dans divers lieux comme des cours de promotion sociale ou d’alphabétisation, soit via des relais formés, soit directement, si des relais ne peuvent être trouvés.

Enfin, le 24 mars est l’occasion de délivrer un message général au grand public, notamment via la presse ou le site internet, pour rappeler que la tuberculose existe encore dans notre pays.

En ce qui concerne le dépistage des réfugiés et des prisonniers, c’est la Communauté française qui a décidé, à la suite d’une étude juridique poussée, que cela ne relevait plus de sa compétence. Ce sont donc les ministères de l’Intérieur et de la Justice qui gèrent les dépistages de la tuberculose dans ces milieux particuliers.

En ce qui concerne les budgets, pour le court terme, le Collège de la Commission communautaire française a donné son approbation pour l’octroi d’une subvention de 445.000 euros au Fares pour l’année 2015 en vertu du principe de standstill. J’en avais déjà prévenu ses dirigeants fin décembre et ils n’ont donc pas eu à attendre pour être rassurés. Cette subvention représente la moitié de la subvention totale octroyée pour le programme de lutte contre la tuberculose du Fares, l’autre moitié étant prise en charge par la Région wallonne. La clé de répartition de 50-50 est spécifique au Fares, la plupart des autres subventions en promotion de la santé étant réparties selon une proportion d’1/3-2/3. Cela est dû à l’incidence importante de la tuberculose à Bruxelles et au volume d’activités qu’elle implique.

Pour le long terme, vous savez que l’ensemble des compétences que reçoit la Commission communautaire française dans le cadre du transfert fait l’objet d’une réflexion. Cette réflexion inclut bien évidemment les programmes de médecine préventive, dont la lutte contre la tuberculose.

J’ai personnellement rencontré les responsables du Fares à la fin de l’année 2014 et mon cabinet est représenté au sein du comité d’accompagnement qui s’est réuni en janvier 2015. Ces rencontres ont permis au Fares d’attirer mon attention sur plusieurs questions qui se posent, notamment dans le cadre du transfert de compétences. J’ai invité le Fares à me fournir tous les éléments nécessaires pour pouvoir définir une politique cohérente de lutte contre la tuberculose dans les années à venir.

Comme je l’y ai invité, le Fares m’a transmis un mémorandum qui met en évidence une série de points et de recommandations qui me permettront de guider les choix politiques que nous poserons à l’issue de cette phase transitoire de réflexion.

Pour la tuberculose, il existe un protocole d’accord concernant la prise en charge des patients atteints de tuberculose et qui rassemble les ministres de la Santé des diverses institutions du pays : État fédéral, Communauté flamande, Région wallonne, Communauté française, Communauté germanophone, Commission communautaire française et Commission communautaire commune.

Ce protocole réaffirme la nécessité d’une concertation optimale entre les différents niveaux de pouvoir et sur le terrain pour optimiser la gestion de la tuberculose à l’échelon national.

J’espère qu’avec tous ces dispositifs, Monsieur Van Goidsenhoven, nous atteindrons l’objectif de l’OMS d’éradiquer complètement cette terrible maladie dont vous avez tous rappelé les conséquences sur la population.

[Intervention de Monsieur du Bus de Warnaffe]

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Il y a encore bien des choses à faire dans la lutte contre la tuberculose, comme M. du Bus de Warnaffe nous l’a rappelé.

J’entends bien la ministre, qui souhaite apporter de la cohérence dans cette politique. J’insiste aussi sur la nécessité de rassurer les associations quant à leur fonctionnement durant cette période charnière, car le travail qu’elles accomplissent est absolument indispensable, surtout si nous voulons atteindre des objectifs ambitieux.

Il vous revient, Madame la ministre, de délivrer un message susceptible de les rassurer et de leur permettre de se cantonner à leur mission : lutter de manière permanente contre cette maladie insidieuse qui touche des catégories de la population particulièrement fragilisées.

 

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CR n°14 (2014-2015),  Avril 2015, pp. 8-12