Proposition d’ordonnance portant création d’un service de médiation de la Région de Bruxelles-Capitale

PROPOSITION D’ORDONNANCE 
portant création d’un service de médiation de la Région de Bruxelles-Capitale.

Proposition déposée par : MM. Vincent DE WOLF et Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN

 

Développements

C’est en Suède, au XIXe siècle, qu’est né l’ombudsman, terme qui désigne « celui qui plaide pour autrui ». L’ombudsman avait pour mission « de contrôler l’observation des lois par les tribunaux et les fonctionnaires et de poursuivre devant les tribunaux compétents, suivants les lois, ceux qui, dans l’exercice de leur fonction, auront par partialité, faveur ou tout autre motif, commis des illégalités ou négligé de remplir convenablement les devoirs de leur office ». Dès son origine, ce jurisconsulte, élu par le parlement, se plaçait dans une situation d’indépendance vis- à-vis du pouvoir exécutif, afin de traiter les réclamations des particuliers contre les activités de l’administration et contre celles de la justice.

L’institution de l’ombudsman ou du médiateur s’est très largement répandue en dehors des frontières suédoises et, partant, a subi quelques modifications, notamment en ce qui concerne son champ d’action. Elle a conquis de nombreux États européens, en ce compris la Belgique, où elle est apparue, en 1995, lors de l’adoption de la loi fédérale instaurant les médiateurs fédéraux. De nombreuses entités fédérées ont également saisi la nécessité d’ériger une telle institution qui vise à aplanir les relations entre l’administration et l’administré.

À l’inverse de la Région de Bruxelles-Capitale, l’ensemble des entités fédérées de notre Royaume disposent d’un service de médiation : la Région wallonne a créé l’institution de médiateur par le décret du 22 décembre 1994, la Région flamande par le décret du 7 juillet 1998, la Communauté française par le décret du 20 juin 2002 et la Communauté germanophone par le décret du 26 mai 2009. Au fil des années, cette voie particulière de résolution des conflits a su prouver son utilité et son efficacité. Nous en donnons pour preuve, le nombre croissant de réclamations introduites auprès de ces médiateurs et de solutions qui leur ont été apportées.

Aussi, la présente proposition d’ordonnance vise à doter la Région de Bruxelles-Capitale d’un service de médiation, afin de réorienter la relation entre le citoyen et le pouvoir et d’instaurer une plus grande compréhension mutuelle.

Le service de médiation doit, avant tout, se concevoir dans un souci de transparence administrative, dans l’objectif d’améliorer les relations entre l’administré et l’administration.

Un tel service serait incontestablement bénéfique pour tous.

Pour l’administré, il est un moyen d’introduire une réclamation contre les dysfonctionnements de toute autorité administrative. Grâce à l’existence d’un service de médiation, l’administré disposera de moyens d’action voire de protection lorsqu’il estime que l’activité d’un service public est inadéquate et lui porte préjudice.

Pour l’administration, il est un outil d’organisation et de fonctionnement. Le service de médiation, mettant en évidence les manquements des autorités administratives, induira les efforts nécessaires à l’amélioration des services rendus aux citoyens.

Si d’autres entités bruxelloises souhaitent disposer d’un service de médiation et que des synergies semblent être possibles et souhaitées entre elles et le service de médiation de la Région de Bruxelles-Capitale, le législateur pourrait prévoir ultérieurement des partenariats étroits, voire une fusion de ces services, afin d’articuler au mieux le fonctionnement des institutions et, partant, d’offrir un meilleur service aux citoyens.

 

PROPOSITION D’ORDONNANCE
portant création d’un service de médiation de la Région de Bruxelles-Capitale

Chapitre Ier
Du service de médiation de la Région de Bruxelles-Capitale

Article 1er

La présente ordonnance règle une matière visée à l’article 39 de la Constitution.

Article 2

Il est créé un service de médiation de la Région de Bruxelles-Capitale. Ce service est dirigé par un médiateur, qui est désigné par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, ci-après dénommé le médiateur.

Lorsque la fonction est assumée par une femme, celle-ci peut être désignée par le terme de médiatrice.

Article 3

Le médiateur de la Région de Bruxelles-Capitale reçoit, dans les conditions fixées par la présente ordonnance, les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des autorités administratives régionales bruxelloises, à l’exclusion des autorités administratives dotées par la loi ou par ordonnance, ou en application de celles-ci, de leur propre médiateur.

Tout document émanant des autorités administratives, à destination de l’information du public, mentionne l’existence du service de médiation.

Article 4

Au sens de la présente ordonnance, il faut entendre par « autorités administratives » : une autorité administrative telle que visée à l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat.

Chapitre II
Organisation du service de médiation

Article 5

§ 1er . – Le médiateur est, après appel public aux candidatures, nommé par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale pour une période de six ans, renouvelable une fois selon la même procédure.

§ 2. – Toute personne ayant exercé la fonction de médiateur pendant au moins trois ans est considérée, dans le cadre de la procédure de renouvellement, comme ayant accompli un mandat.

§ 3. – Pour pouvoir être nommé médiateur, le candidat doit remplir les conditions suivantes :

1° être belge ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ;
2° disposer d’une connaissance suffisante du français et du néerlandais, conformément aux prescrits des lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l’emploi des langues en matière administrative ;
3° être d’une conduite irréprochable et jouir des droits civils et politiques ;
4° être porteur d’un diplôme donnant accès aux fonctions de niveau A auprès des services du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale ;
5° justifier d’une expérience utile d’au moins cinq ans, soit dans le domaine juridique, administratif ou social, soit dans un autre domaine utile à l’exercice de sa fonction ;
6° avoir satisfait à une audition devant une Commission parlementaire aux fins d’évaluer ses qualités, titres et mérites.

L’appel aux candidats est publié au Moniteur belge.

Article 6

Le médiateur prête, entre les mains du Président du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, le serment suivant : « Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge. ».

Article 7

§ 1er  – Pendant la durée de son mandat, le médiateur ne peut être titulaire d’aucune des fonctions ou aucun des mandats suivants :

1° la fonction de magistrat, notaire ou huissier de justice ;
2° la profession d’avocat ;
3° la fonction de ministre d’un culte reconnu ou le délégué d’une organisation reconnue par la loi, qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle ;
4° membre du personnel des forces armées ;
5° un mandat public conféré par élection ; de plus il ne peut être candidat à un tel mandat pendant les quatre années qui suivent sa sortie de charge ;
6° un emploi rémunéré dans tout service public ou un mandat public conféré par la Région ou toute autre entité publique ;
7° toute fonction qui puisse compromettre le bon exercice de sa mission ou porter atteinte à son indépendance, son impartialité ou la dignité de ses fonctions.

§ 2. – Le titulaire d’un mandat public conféré par élection qui accepte sa nomination en qualité de médiateur, est démis de plein droit de son mandat électif.

§ 3. – Les articles 1er, 6, 10, 11 et 12 de la loi du 18 septembre 1986 instituant le congé politique pour les membres du personnel des services publics sont applicables, moyennant les adaptations nécessaires, au médiateur.

Article 8

§ 1er – Lorsqu’il constate que le médiateur est empêché, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale nomme, pour la durée de l’empêchement, un médiateur suppléant parmi les membres du personnel du service de médiation visé à l’article 13, § 2, et répondant aux conditions prévues à l’article 5.

§ 2. – L’empêchement désigne une situation qui place le médiateur dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et qui est constatée par décision du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

§ 3. – Le médiateur suppléant remplace le médiateur dans l’exercice de ses fonctions. Dans ce cas, il a les mêmes droits et devoirs que le médiateur.

§ 4. – Dès l’instant où le Parlement constate la fin de l’empêchement, le médiateur suppléant réintègre sa fonction antérieure.

Article 9

§ 1er  – Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale peut mettre fin aux fonctions du médiateur :

1° à sa demande ;
2° lorsqu’il a atteint l’âge de soixante-cinq ans ;
3° lorsque son état de santé compromet gravement et de manière irréversible l’exercice de ses fonctions.

Sans préjudice de l’adoption de mesures administratives conservatoires que constituent les suspensions provisoires des fonctions et du traitement, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale peut révoquer le médiateur :

1° lorsque survient une cause d’incompatibilité prévue à l’article 7 ;
2° pour des motifs graves ou en cas d’évaluation négative à mi-mandat par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

§ 2. – Dans tous les cas visés au paragraphe précédent ou en cas de décès du médiateur, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale nomme un médiateur ad interim parmi les membres du personnel du service de médiation visé à l’article 13, § 2, et répondant aux conditions prévues à l’article 5.

§ 3. – Le médiateur ad interim remplace le médiateur dans l’exercice de ses fonctions. Dans ce cas, il a les mêmes droits et devoirs que le médiateur.

§ 4. – La nomination du nouveau médiateur pour terminer le mandat initial doit intervenir dans les meilleurs délais et, au plus tard, six mois à dater de la vacance de la fonction.

Article 10

L’évaluation du médiateur est réalisée à mi-mandat par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Cette évaluation comprend l’audition du médiateur.

Article 11

§ 1er . – Dans la limite de ses attributions, le médiateur est totalement indépendant et neutre et ne peut recevoir d’instruction ou d’ordre d’aucune autorité.

Il ne peut être relevé de sa charge en raison d’actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions.

§ 2. – Le médiateur, les membres du personnel du service de médiation et les experts visés à l’article 13, § 2 sont tenus au secret de ce qui leur est communiqué à titre confidentiel lors de l’exercice de leurs fonctions.

Article 12

Les règles régissant le statut pécuniaire des conseillers et des premiers auditeurs directeurs à la Cour des comptes, contenues dans la loi du 21 mars 1964 relative aux traitements des membres de la Cour des comptes, sont applicables respectivement au médiateur.

Article 13

§ 1er . – Les crédits nécessaires au fonctionnement du service de médiation sont inscrits au budget des dépenses. Le médiateur présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

§ 2. – Sur proposition du médiateur, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale nomme et révoque les membres du personnel qui assistent le médiateur dans l’exercice de ses fonctions.

Le médiateur a autorité sur son personnel.

Le statut et le cadre du personnel sont arrêtés par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale sur proposition du médiateur. Il peut se faire assister par des experts.

Article 14

L’article 458 du Code pénal est applicable au médiateur, à son personnel et aux experts qui l’assistent.

Article 15

Le médiateur arrête un règlement d’ordre intérieur déterminant les modalités de fonctionnement du service qu’il dirige. Ce règlement doit être approuvé par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale et publié au Moniteur belge.

Chapitre III
Saisine du service de médiation

Article 16

§ 1er . – Toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, qu’une autorité administrative visée aux articles 3 et 4 n’a pas agi conformément à la mission de service public qu’elle doit assurer, peut introduire sans frais une réclamation individuelle, par écrit ou sur place, auprès du médiateur.

§ 2. – La réclamation doit être précédée de l’exercice des recours administratifs internes prévus, ainsi que des démarches nécessaires auprès des services intéressés aux fins d’obtenir satisfaction.

Chapitre IV
Procédure d’examen des réclamations

Article 17

§ 1er . – Une réclamation est irrecevable si :

1° l’identité du réclamant est inconnue ;
2° elle ne relève pas des compétences du service de médiation ;
3° elle porte sur un différend entre les autorités administratives visées aux articles 3 et 4 et leurs agents pendant la durée de leurs fonctions ;
4° les recours administratifs internes prévus n’ont pas été exercés ou lorsque le réclamant n’a manifestement accompli aucune démarche auprès de l’autorité administrative pour obtenir satisfaction ; Toutefois, cette disposition n’est pas applicable si la réclamation porte sur la manière dont le recours est géré.
5° elle se rapporte à des faits dont le dernier fait utile s’est produit plus d’un an avant l’introduction de la réclamation.

Toutefois, lorsqu’un recours administratif ou juridictionnel a été exercé, le délai nécessaire à cette procédure n’est pas pris en compte pour l’application de la présente disposition.

§ 2. – Le médiateur peut refuser de traiter une réclamation lorsque :

1° elle est manifestement non fondée ;
2° elle concerne des faits pour lesquels une procédure pénale est en cours.

§ 3. – Lorsque la réclamation a trait à une autorité administrative qui dispose de son propre médiateur, le médiateur la transmet à ce dernier dans le mois qui suit le dépôt de la réclamation.

§ 4. – Dans les cas visés aux §§ 1er, 2 et 3, le médiateur informe le réclamant par écrit, dans le délai visé au paragraphe précédent, de sa décision de traiter ou de ne pas traiter sa réclamation. Le refus de traiter une réclamation est motivé.

Le médiateur informe l’autorité administrative concernée de la réclamation qu’il compte instruire.

Article 18

L’examen d’une réclamation est suspendu lorsqu’elle fait l’objet d’une procédure pénale.

Article 19

§ 1er . – Le médiateur s’efforce de concilier les points de vue du réclamant et des autorités concernées.

§ 2. – Le médiateur peut imposer des délais impératifs de réponse aux autorités administratives auxquelles il adresse des questions.

§ 3. – Lorsqu’une réclamation lui paraît justifiée, le médiateur fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi.

§ 4. – Le cas échéant, le médiateur formule toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l’autorité administrative concernée. Il en informe le ministre responsable.

§ 5. – Lorsqu’il apparaît au médiateur, à l’occasion d’une réclamation dont il a été saisi, que l’application de dispositions législatives, ordonnantielles ou réglementaires aboutit à une iniquité, il peut recommander à l’autorité administrative mise en cause toute solution permettant de régler en équité la situation du requérant, proposer à l’autorité compétente toutes mesures qu’il estime de nature à y remédier et suggérer les modifications qu’il lui paraît opportun d’apporter aux textes législatifs, ordonnantiels ou réglementaires. Il en informe le ministre responsable.

§ 6. – Le médiateur ne peut remettre en cause le bien-fondé d’une décision juridictionnelle mais a la faculté de faire des recommandations à l’autorité administrative mise en cause.

Il peut, en outre, en cas d’inexécution d’une décision de justice coulée en force de chose jugée, enjoindre à l’autorité administrative concernée de s’y conformer dans un délai qu’il fixe. Si cette injonction n’est pas suivie d’effet, l’inexécution de la décision de justice fait l’objet d’un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l’article 22, et publié au Moniteur belge.

§ 7. – Le médiateur est informé de la suite donnée à ses interventions.

L’autorité administrative adresse une réponse motivée au médiateur si elle estime ne pas devoir tenir compte d’une recommandation qu’il a formulée.

A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu’il a fixé, il peut rendre publiques ses recommandations. A la demande de l’autorité administrative mise en cause, le médiateur publie la réponse qui lui est adressée par l’autorité administrative et, le cas échéant, la décision prise à la suite de la démarche effectuée par le médiateur, et ce, dans les conditions prévues à l’article 22.

§ 8. – Le réclamant est tenu périodiquement informé des suites réservées à sa réclamation.

Article 20

§ 1er . – Le médiateur peut faire toute constatation sur place, se faire communiquer tous les documents et renseignements qu’il estime nécessaires et entendre toutes les personnes intéressées.

§ 2. – Les membres du personnel des autorités administratives visées aux articles 3 et 4, qui du chef de leur état ou de leur profession ont connaissance d’informations qui leur ont été confiées, sont relevés de leur obligation de garder le secret dans le cadre de l’enquête menée par le médiateur, sur demande écrite de celui-ci.

§ 3. – En vue d’assurer le respect des dispositions relatives au secret de la vie privée, le médiateur veille à ce qu’aucune mention permettant l’identification des personnes dont le nom lui aurait été ainsi révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité.

Article 21

Si, dans l’exercice de ses fonctions, le médiateur constate une infraction, il en informe le procureur du Roi, conformément à l’article 29 du Code d’instruction criminelle.

Si, dans l’exercice de ses fonctions, il constate un manquement grave, il en avertit l’autorité administrative compétente.

Chapitre V
Du rapport du médiateur

Article 22

Le médiateur adresse au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale un rapport annuel de ses activités. Il peut en outre établir des rapports intermédiaires s’il l’estime utile. Ces rapports contiennent les recommandations relatives aux mesures à prendre que le médiateur juge utiles et exposent les éventuelles difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de ses fonctions.

L’identité des réclamants et des membres du personnel des autorités administratives ne peut y être mentionnée.

Les rapports sont rendus publics par le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Chapitre VI
Disposition finale

Article 23

La présente ordonnance entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.

Vincent DE WOLF
Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN

 

 

Pour retrouver la proposition dans son intégralité, cliquez ici.
A-80/1-2014-2015, 13 janvier 2015, 16 p.

Pour retrouver les débats autour de cette proposition, cliquez ici.
CRI 22 (14-15), Mars 2015, p. 14