INTERPELLATION DE M. GAËTAN VAN GOIDSENHOVEN À MME EVELYNE HUYTEBROECK, MINISTRE DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLESCAPITALE, CHARGÉE DE L’ENVIRONNEMENT, DE L’ÉNERGIE ET DE LA POLITIQUE DE L’EAU, DE LA RÉNOVATION URBAINE, DE LA LUTTE CONTRE L’INCENDIE ET L’AIDE MÉDICALE URGENTE ET DU LOGEMENT,
concernant « la législation régionale en matière de protection de la nature et de la biodiversité ».
M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- L’année 2010 était l’année internationale de la biodiversité. Je vous avais interpellée à l’époque sur cet enjeu important. Nous vivons dans un environnement essentiellement urbanisé, où le lien avec la nature est d’autant plus précieux et délicat à conserver. L’ordre du jour d’aujourd’hui témoigne d’ailleurs de son importance aux yeux de très nombreux citoyens et des représentants de ce parlement.
Je souhaiterais connaître les mesures concrètes que vous avez prises. Vous nous annonciez il y a quelques mois votre volonté de concevoir une ordonnance-cadre, appelée ordonnance Nature. Celle-ci concentrera toute la législation en matière de nature et de biodiversité. L’objectif est de renforcer le cadre réglementaire bruxellois et de permettre une meilleure coordination de la politique de la nature.
Vous nous informiez, dans le courant du mois d’octobre 2010, que la réalisation de l’état des lieux de la biodiversité était en cours. Cet état des lieux est la base du futur rapport sur l’état de la nature et, de ce fait, il participe au renforcement de la protection de la biodiversité en Région bruxelloise. Où en est la réalisation de cet état des lieux, dont la publication était prévue fin 2010 ? Quelles pistes ressortent de cet examen ?
Qu’est-ce qui permettra de renforcer la protection de la biodiversité en Région bruxelloise à l’avenir ? Quelles sont, dès à présent, les conclusions de cet état des lieux ? Pourriez-vous nous en dire plus au sujet de l’identification des problèmes et des besoins rencontrés en Région de Bruxelles-Capitale, mis en évidence grâce à cet état des lieux ?
Au risque de paraître candide, je voudrais savoir si, au lendemain de cette année internationale de la biodiversité, celle-ci se porte mieux dans notre belle Région ?
[Intervention de Mme Mahinur Ozdemir]
[Intervention de Mme Annemie Maes]
[Intervention de Mme Olivia P’tito]
[Intervention de M. Ahmed Mouhssin]
Mme Evelyne Huytebroeck, ministre.- Actuellement, la réglementation bruxelloise ne prévoit pas de planification spécifiquement consacrée à la conservation de la nature. C’est pour cette raison que le projet d’ordonnance Nature, aujourd’hui soumis au conseil d’État, prévoit un tel système. Cette ordonnance permet de transposer les dispositions de l’article 6 de la convention sur la diversité biologique, adoptée à Rio en 1992.
Celle-ci prévoit l’obligation, pour les parties, d’élaborer des stratégies, plans ou programmes, tendant à assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Une fois le rapport sur l’état de la nature rédigé, il vous sera communiqué, après l’ordonnance Nature. Vous aurez donc un état des lieux de la biodiversité, puisque ce rapport permettra de disposer d’une vue d’ensemble synthétisée du patrimoine biologique.
Par ailleurs, une telle évaluation est requise en vertu de l’article 11 de la directive 92/43 concernant la conservation des habitats naturels. Ce rapport permettra en outre à la Région de s’acquitter des obligations de rapportage fixée par l’article 17 de la même directive. Ce dernier impose aux états membres de communiquer tous les 6 ans à la Commission européenne un rapport décrivant les mesures prises pour garantir l’état de conservation des zones Natura 2000 et évaluant l’effet de ces mesures.
La mise en œuvre de ces outils permettra de lancer un processus itératif et continu de récolte de données, de fixation d’objectifs, de programmation des actions et d’évaluation des résultats obtenus.
Les principaux éléments de cette planification sont la récolte de données biologiques et l’adoption du plan régional nature et de plans d’action particuliers.
Comme son nom l’indique, le rapport Nature permettra d’évaluer l’état de la nature et son évolution, d’apprécier l’efficacité des outils de gestion existants et d’identifier les menaces. Ce rapport est en cours de rédaction. Les chapitres sur l’état de la flore, de la faune et des habitats sont presque terminés. L’analyse des principales menaces qui pèsent sur ce patrimoine est toujours en cours. Le rapport Nature servira de base au plan régional nature, qui visera à déterminer les priorités de conservation et à identifier les mesures de protection et de gestion nécessaires.
Les conclusions du rapport Nature seront mises à la disposition du public et le plan régional nature fera l’objet d’un processus participatif en amont de l’enquête publique. C’est à ce moment qu’une concertation sera organisée avec les communes.
Ce processus d’aide à la décision visera à assurer la pertinence des objectifs et des mesures proposées et à optimiser l’intégration de la politique de conservation de la nature dans les autres politiques publiques susceptibles d’interférer avec elle. Elles sont nombreuses. Il permettra également d’améliorer l’assise du plan et de susciter des engagements pour la mise en oeuvre des mesures proposées. Ce plan nature fera, en outre, l’objet d’une étude d’incidence et sera soumis à une enquête publique.
Avant de mettre en oeuvre ce processus, il est nécessaire de disposer de la base légale que constitue le projet d’ordonnance Nature. Ce projet d’ordonnance a été adopté en seconde lecture par le gouvernement en décembre dernier. Il est actuellement soumis au Conseil d’État, dont nous devrions recevoir l’avis le 20 février. Il passera ensuite en troisième lecture.
Le projet d’ordonnance devrait être soumis à la commission au printemps.
Par ailleurs, nous entretenons de nombreux contacts avec le secteur associatif, par l’octroi de subsides et par des collaborations, notamment avec Natagora, Nature au jardin, la commission ornithologique de Watermael-Boitsfort et les associations en lien avec la Forêt de Soignes, ainsi que par des consultations auprès de l’ACB et la CEBO.
Notre participation à la conférence de Nagoya nous a permis de constater combien nous n’avions pas à rougir de l’action menée en Région bruxelloise en matière de biodiversité. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de faire de nombreux exposés, notamment sur le thème « Biodiversité et centre urbain », dont je vous fournirai une copie.
L’accord « Local Action Biodiversity » signé il y a deux ans avec Bruxelles Environnement dans le cadre du réseau du Conseil international pour les initiatives écologiques locales (ICLEI) comprend des programmes d’aide à l’élaboration de plans de gestion et des d’indicateurs de biodiversité. En avril dernier, nous avons d’ailleurs présenté aux représentants d’ICLEI les diverses actions réalisées par la Région en matière de biodiversité. Mon exposé portait sur les actions entreprises en matière de biodiversité à Bruxelles dans les espaces verts, mais également dans le domaine de l’aménagement du territoire. Il s’agissait plus particulièrement des actions que nous avons intégrées dans le Règlement régional d’urbanisme ou les contrats de quartier, ceci afin de montrer combien la nature, la biodiversité et les espaces verts sont des domaines intimement liés aux matières d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Je vous fournirai cet exposé.
Je partage l’avis de Mme P’tito sur l’amélioration et la préservation des espaces de verdure.
Nous connaissons les défis des années à venir : boom démographique, manque de logements, etc. Il faudra y répondre tout en arrivant à préserver ce grand acquis de la Région bruxelloise qu’est la nature en ville. Nous débattrons des modifications du Plan régional d’affectation du sol (PRAS), ainsi que du Plan régional de développement durable (PRDD). Dans ce dernier cadre, la discussion sur les grands espaces verts, mais aussi sur la nature dans les intérieurs d’îlots, ainsi que dans les espaces publics et sur les grands axes, est fondamentale. Cette question n’est pas qu’urbanistique, mais aussi sociale et environnementale. Il y aura donc, dans les deux ans à venir, de grands moments de discussion et de réflexion sur la nature en ville.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven.- Au lendemain de l’année internationale de la biodiversité, j’aurais souhaité que nous soyons arrivés plus loin dans les processus et plus proches de mesures concrètes.
Ici et là, l’urgence s’impose. Mme la ministre a évoqué ces poches de nature qui sont forcément aussi un enjeu du développement urbain. Là où subsistent des réserves foncières, mais aussi des poches de nature, il faut décider de leur affectation et savoir comment en conserver la richesse et la biodiversité, et avec quels moyens. Si ces moyens ne sont pas présents, s’il n’y a pas une volonté forte de conserver cette nature, ces poches vont forcément perdre leur intérêt et seront rognées petit à petit.
Il faut se donner du temps pour développer des outils, mais il est tout aussi important d’accélérer le mouvement, pour éviter que nous ayons à déplorer la dégradation, voire la disparition d’un certain nombre de ces espaces. Ils sont absolument indispensables pour la conservation de la qualité de vie en faveur de l’ensemble de nos concitoyens.
Mme Evelyne Huytebroeck, ministre.- Nous n’avons pas traîné. Vous constaterez à Pâques que le travail fourni est gigantesque. En effet, aujourd’hui, nous n’avons pas encore de plan nature.
Le travail réalisé consiste en une véritable ordonnance-cadre qui regroupe pas moins de six textes actuellement insuffisants. Il a fallu également mettre en parallèle l’ordonnance Nature avec tout ce qui existe en matière d’urbanisme.
Le travail de codification a donc été gigantesque. On a fait au plus vite, tout en procédant aux concertations nécessaires. En effet, pareil texte doit également être soumis au Conseil économique et social, au Conseil de la nature, au Conseil de l’environnement et au Conseil d’État, tout en étant approuvé au sein du gouvernement. Nous avons donc vraiment fait le maximum.
J’espère que nous aurons l’occasion d’en débattre avec vous à Pâques.
Pour retrouver l’interpellation dans son intégralité, cliquez ici.
CRI COM (20140-2011) n° 39, Février 2011, pp. 4-11