PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à prévenir l’importation des conflits étrangers en Région de Bruxelles-Capitale
Proposition déposée par : M. Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN et Mme Françoise SCHEPMANS
Développements
Tout au long de ces dernières années, la plupart des pays occidentaux ont été particulièrement perméables à des événements dramatiques qui se sont déroulés aux quatre coins du globe. La Belgique et, partant, la Région bruxelloise n’échappent pas à ce constat ; des situations de crise qui ont ému la population par leurs résonances fortes, mais aussi favorisé régulièrement des élans de sympathie et de solidarité. Les exemples ne manquent pas pour illustrer combien les citoyens bruxellois ont toujours répondu présents lorsqu’il s’agit d’apporter de l’aide et du soutien dans les moments de crise, à l’instar du tsunami qui a sévi dans l’océan indien en 2004 et du tremblement de terre survenu en Haïti en 2010.
Malheureusement, il faut admettre que cette porosité des consciences aux événements internationaux a aussi eu pour conséquence l’importation d’un certain nombre de conflits au coeur de notre Région (entre autres, le déclenchement de la seconde intifada, les attentats du 11 septembre, la situation au Kurdistan, la crise au Kivu, le conflit israélo-libanais, la guerre en lrak). Cette réalité est d’autant plus interpellante qu’elle s’est manifestée de façon récurrente depuis une décennie, au travers de comportements délictueux inacceptables ou, à tout le moins, contraires aux valeurs élémentaires de notre société (citons notamment la recrudescence des actes antisémites enregistrés dans le sillage des troubles au Proche-Orient, l’incendie d’une mosquée chiite à Anderlecht et les manifestations violentes contre le régime congolais qui se sont déroulées dans le quartier de la Porte de Namur).
En réalité, la question de l’importation de conflits étrangers a pris une tournure plus complexe puisqu’aux troubles et tensions qui ont débordé en Région bruxelloise, il s’ajoute aujourd’hui une dynamique croissante qui est celle de la présence de citoyens, en ce compris donc des Bruxellois, sur des théâtres d’opérations situés aux confins. A cet égard, au mois de mars 2013, il a ainsi été confirmé par la Ministre fédérale de l’Intérieur que plusieurs dizaines de jeunes Belges auraient pris les armes contre le régime syrien et ce, dans un certain nombre de cas, en compagnie de mouvements radicaux islamistes.
Cette situation rappelle d’autres faits qui ont émaillé l’actualité par le passé, avec le démantèlement, par les forces de l’ordre et la justice, de filières soupçonnées d’envoyer clandestinement des combattants vers la Somalie, l’Irak ou encore l’Afghanistan.
S’il est évident que les citoyens peuvent être heurtés par des situations de crise à travers le monde, s’il est légitime qu’ils puissent exprimer leur soutien à une cause, à un peuple ou à un Etat, l’expression de cette liberté ne saurait pour autant s’opposer aux lois et aux fondements qui régissent notre Etat démocratique. En ce sens, l’actualité internationale et ses vicissitudes ne peuvent indiscutablement pas être les prétextes à la division d’une société plurielle qui repose sur l’Etat de droit et ses valeurs humanistes.
Au regard de la sociologie cosmopolite de sa population et de la taille réduite de son territoire, la Région bruxelloise est sans nul doute l’entité fédérée au sein de laquelle l’impact de l’importation des conflits étrangers est potentiellement le plus grand. Il appartient dès lors aux pouvoirs publics de ne pas sous-estimer ce facteur d’instabilité pour la cohésion sociale et, partant, de prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour en contenir les effets.
Si la Région bruxelloise ne dispose pas des compétences régaliennes et encore moins des moyens du pouvoir fédéral, elle peut néanmoins activer certains dispositifs clés qui lui permettent de coopérer et de contribuer activement à la gestion globale de ce problème de société.
Primo, nous pensons évidemment à l’Observatoire pour la prévention et la sécurité qui a pour mission de collecter et de traiter les données récoltées par les acteurs de terrain, mais aussi d’alimenter par ses analyses (ou les études commanditées) la réflexion et l’action des différents niveaux de pouvoir qu’il accueille au sein de sa plateforme de concertation. Il nous semble indispensable que la problématique de l’importation des conflits étrangers fasse l’objet d’un monitoring permanent et d’une stratégie coordonnée pour assurer la concorde sociale.
Secundo, la Région bruxelloise peut apporter sa contribution aux dispositifs publics et ce, en s’inscrivant dans une logique de complémentarité des politiques, des effectifs et des moyens. En effet, outre l’action policière et judiciaire face aux retombées négatives de l’importation des conflits, il convient évidemment de pointer l’importance des mesures préventives qui participent à une logique d’efficacité globale.
Nous proposons que les « plans locaux de prévention et de proximité » adoptés entre la Région bruxelloise et les communes, tout comme les subsides alloués aux acteurs associatifs dans le cadre des « politiques de prévention ASBL », permettent le financement d’initiatives qui contribuent à décourager toute tentative d’importation de conflits étrangers et, partant, à promouvoir la compréhension mutuelle, le droit de vivre et de s’émanciper tous ensemble dans le respect et la sécurité (citons entre autres les jumelages entre les lieux de culte, les visites des lieux de mémoire ou encore les rassemblements sportifs pour la paix). Il est entendu que ces cadres d’action ne doivent pas être développés de façon éparse et non structurée, mais bien dans un schéma de coordination défini grâce à l’Observatoire de la prévention et de la sécurité.
Il nous semble également important que les différentes ressources humaines mobilisées sur le terrain, en ce compris notamment les éducateurs de rue, les stewards urbains et les gardiens de parc, puissent bénéficier d’une formation qui leur permette de réagir de la manière la plus adéquate lorsqu’ils sont confrontés à cette problématique. Le Centre de référence pour les métiers de la ville et de la fonction publique pourrait être ainsi mis à contribution pour organiser des séminaires d’information et de sensibilisation des effectifs communaux.
Tertio, il est indispensable que l’action politique soit accompagnée par une ligne de conduite qui ne souffre d’aucune équivoque. En ce sens, il est demandé au Gouvernement de condamner systématiquement et fermement tous les individus ou groupes d’individus qui instrumentalisent des crises internationales pour propager des idées de haine et encourager des actes délictueux. C’est une exigence de cohérence et de crédibilité dans le message qui est adressé à celles et ceux qui voudraient mettre au défi le modèle sociétal bruxellois, en ce compris par la duplicité de certains discours adaptés selon les audiences auxquelles ils s’adressent.
En déposant cette proposition de résolution, nous visons tout simplement à renforcer l’équilibre de notre modèle sociétal et à protéger ce dernier des ferments de la division.
PROPOSITION DE DE RÉSOLUTION
visant à prévenir l’importation des conflits étrangers en Région de Bruxelles-Capitale
Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale,
Considérant les cas récurrents d’importations de conflits étrangers qui ont eu lieu en Région bruxelloise ces dernières années, ainsi que les actes délictueux qui ont été commis dans leurs sillages ;
Considérant le danger que représente l’instrumentalisation des vicissitudes internationales en termes de division de notre société plurielle qui a fait le choix de l’Etat de droit et de ses valeurs humanistes ;
Considérant l’acuité de la problématique de l’importation des conflits étrangers en Région bruxelloise et ce, en raison de sa mosaïque sociologique et de l’exiguïté de son territoire ;
Considérant le droit des citoyens à l’indignation et à l’expression de la solidarité pour une cause, un peuple ou un pays, exercé strictement dans le respect de la dignité et de l’intégrité physique de tous les autres membres de la collectivité ;
Considérant la nécessité impérieuse de traiter la problématique de l’importation des conflits étrangers dans le cadre d’une collaboration active et d’une stratégie coordonnée réunissant l’ensemble des pouvoirs publics concernés ;
Considérant les différents programmes de prévention qui sont mis en oeuvre par la Région de Bruxelles-Capitale et qui peuvent contribuer directement à l’effort global face aux défis de la problématique ;
Demande au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale :
de confier la mission à l’Observatoire bruxellois pour la prévention et la sécurité d’opérer un monitoring permanent des risques de l’importation de conflits étrangers en Belgique (par le traitement interne de données ou par le biais d’études commanditées), et d’assurer une coordination stratégique avec les autres niveaux de pouvoir pour mener des actions à la fois complémentaires et efficaces, alliant les objectifs de prévention et de sécurité ;
d’augmenter les fonds relatifs aux plans locaux de prévention et de proximité, ainsi que ceux liés aux politiques de prévention (ASBL), pour permettre le financement d’initiatives qui contribuent à décourager toute tentative d’importation de conflits étrangers et, partant, à promouvoir la compréhension mutuelle, le droit de vivre et de s’émanciper tous ensemble dans le respect et la sécurité (citons entre autres les jumelages entre les lieux de culte, les visites de lieux de mémoire ou encore les rassemblements sportifs pour la paix), étant entendu que ces cadres d’action doivent être développés dans un schéma de coordination défini grâce à l’Observatoire pour la prévention et la sécurité ;
de mobiliser le Centre de référence des métiers de la ville et de la fonction publique, en vue de fournir des séminaires d’information et de sensibilisation des acteurs communaux de terrain (citons notamment les gardiens de parc, les éducateurs de rue et les stewards urbains) à la gestion de la problématique ;
de condamner systématiquement et fermement tous les individus ou groupes d’individus qui instrumentalisent des crises dans le monde pour propager des idées de haine et encourager des actes délictueux. C’est une exigence de cohérence et de crédibilité dans le message qui est adressé à celles et ceux qui voudraient mettre au défi le modèle sociétal bruxellois, en ce compris par la duplicité de certains discours adaptés selon les audiences auxquelles ils s’adressent.
Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN
Françoise SCHEPMANS
Pour retrouver la proposition dans son intégralité, cliquez ici.
A-390/1 – 2012-2013, Avril 2013, 5 p.
Pour retrouver les débats autour de la proposition, cliquez ici.
CRI 1 (2013-2014), Octobre 2013