Proposition de résolution concernant la mise en place d’enquêtes de victimation pour la Région de Bruxelles-Capitale

PROPOSITION DE RÉSOLUTION 
concernant la mise en place d’enquêtes de victimation pour la Région de Bruxelles-Capitale 

Proposition déposée par : MM. Alain DESTEXHE, Alain COURTOIS et Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN

Développements

Selon le CNRS, l’enquête de victimation désigne une technique simple dans son principe : « interroger des gens, échantillonnés de façon à représenter la population d’un pays, d’une région, d’une ville, sur les infractions dont ils ont été victimes ».

Celle-ci permet de connaître « le chiffre noir », c’est à dire le chiffre de criminalité reprenant l’ensemble des actes n’ayant pas fait l’objet de déclaration à la police.

On assiste donc à un décalage entre d’un côté, la criminalité enregistrée, et de l’autre, la criminalité réelle que seules des enquêtes de victimation permettent d’approcher.

Dans ce domaine, les Etats-Unis sont apparus comme précurseurs en mettant en place ce qui s’approche de telles enquêtes dès 1931 au travers de la Commission présidentielle d’enquête sur le crime, la Commission Wickersham.

Dans les années 1940 a été menée la « Self-Reported Delinquency Studies » portant sur la délinquance juvénile après la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait ici de demander à la population si elle avait commis telle ou telle infraction.

A l’inverse, le domaine des « victimization studies » datant des années 1960 interroge les individus victimes d’infractions. L’enquête pionnière a été menée par Ennis et Reiss dans le cadre de la Commission Katzenbach, Commission présidentielle d’enquête sur le crime.

Dans la même lignée, en France, au milieu des années 1980, le CESDIP réalise la première enquête de ce type même si la Commission Peyreffitte avait dès les années 1970 constitué l’embryon des enquêtes de victimation. Au milieu des années 1990, l’INSEE décide de s’approprier ce type d’enquête dans celle qu’elle réalise chaque année sur les conditions de vie des ménages. Le CESDIP a donné une dimension locale aux enquêtes de victimation.

En Belgique, en 1997, ont été mises en place des enquêtes de victimation sous l’impulsion du Ministère de l’Intérieur. Les chiffres fédéraux étaient détaillés par région, province, communes, zone de police. Cependant, faute d’engagements financiers renouvelés, le projet a été abandonné par le Ministère de l’Intérieur, laissant la place à des initiatives locales comme à Liège.

De telles enquêtes présentent l’atout de prendre en compte des actes qui n’auraient pas été enregistrés par les pouvoirs publics, de s’attarder sur les raisons de ce non enregistrement (incitation à témoigner et prise en considération par les forces de police). Il s’agirait également de disposer d’un aperçu non seulement sur les faits mais aussi sur la manière dont ils sont vécus et donc d’avoir une information plus détaillée.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
concernant la mise en place d’enquêtes de victimation pour la Région de Bruxelles-Capitale

Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale :

Rappelant que l’enquête de victimation est largement répandue en Europe et que la France les réalise pour la huitième année consécutive ;

Rappelant que l’insécurité est une préoccupation constante et croissante partagée par l’ensemble des citoyens ;

Rappelant qu’un décalage peut exister entre criminalité enregistrée et criminalité réelle ;

Considérant que les victimes sont aussi des individus qui ne décident pas forcément de porter plainte ;

Considérant que les statistiques policières ne couvrent pas l’ensemble des faits délictueux ;

Considérant que des politiques efficientes et effectives ne peuvent être mises en place sans avoir un aperçu des chiffres qui soit précis et aussi proche de la réalité des citoyens que possible ;

Considérant que l’insécurité peut être vécue mais aussi ressentie et qu’il est indispensable de connaître le sentiment de la population sur la qualité de son cadre de vie ;

Considérant que de telles statistiques permettraient également de recueillir des informations précieuses sur le profil des victimes ;

Considérant que de telles statistiques permettraient, mises en lumière avec les statistiques policières, de mettre en place des mesures préventives de manière à inciter les victimes à porter plainte ;

Considérant que le nouvel organisme régional « Bruxelles – Prévention & Sécurité », prévu dans le cadre de la sixième réforme de l’Etat, qui est censé absorber l’Observatoire bruxellois pour la Sécurité et la Prévention (OBPS), n’a toujours pas été mis en place ;

Considérant que la récolte des statistiques policières présente certaines lacunes que la récolte d’autres statistiques permettrait en partie de combler ;

Considérant que toute information susceptible d’améliorer l’action policière sur le terrain est nécessaire ;

Demande au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale :

 de mettre en place, à l’instar de ses voisins européens et des Etats-Unis, une enquête de victimation annuelle pour la Région de Bruxelles-Capitale ;
 de déterminer quels faits pourraient être couverts par les enquêtes de victimation ;
 de ne pas hésiter à poursuivre une logique de « best practices » en s’inspirant de la manière dont de telles enquêtes sont réalisées ailleurs, de manière à déterminer le modèle le plus approprié pour la Région de Bruxelles-Capitale ;
 de mettre en place le nouvel organisme régional « Bruxelles – Prévention & Sécurité », prévu dans le cadre de la sixième réforme de l’Etat, qui incorporera l’Observatoire Bruxellois pour la Sécurité et la Prévention (OBPS) et qui pourrait coordonner la récolte de telles données et procéder à leur analyse qui, mise en lien avec les statistiques policières, orienterait les politiques régionales en la matière.

Alain DESTEXHE
Alain COURTOIS
Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN

Pour retrouver la proposition dans son intégralité, cliquez ici.
A-126/1-2014-2015, 24 mars 2015, 4 p.

Pour retrouver les débats autour de la proposition, cliquez ici.
CRI 29 (15-16), Mars 2016, p. 39