Interpellation concernant le contrôle et la dispense de la disponibilité des chômeurs

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Didier GOSUIN, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de l’Emploi et de l’Economie,

concernant le contrôle et la dispense de la disponibilité des chômeurs.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Dans la presse du 23 décembre dernier, nous apprenions la modification de la procédure de contrôle et de dispense de la disponibilité des chômeurs. En l’occurrence, il s’agirait d’accorder une plus grande sécurité juridique aux demandeurs d’emploi face aux sanctions définitives et d’objectiver le plus largement possible les décisions prises par les examinateurs.

Dès lors, à partir de ce mois de janvier, sera appliqué ce que vous appelez le triple check, à savoir les trois étapes auxquelles sera confronté tout demandeur d’emploi menacé de sanction définitive éventuelle.

Ces étapes consistent en un premier entretien d’évaluation suivi d’un deuxième, si le premier s’avère négatif par le premier examinateur. Si le demandeur d’emploi estime avoir été victime de partialité dans son dossier, il pourra avoir recours à un collège de trois examinateurs à savoir une personne d’Actiris, un représentant syndical et un représentant patronal.

En vertu de tout ce qui précède, je souhaiterais vous interroger sur quelques thématiques. D’abord, pourriez-vous nous préciser les éléments qui vous ont motivé à adopter cette réforme ? Avez-vous des informations concernant un nombre trop élevé de ces cas problématiques et ce, lorsque la matière était gérée par l’Office national de l’emploi (ONEM) ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous apporter un éclairage sur la procédure qui permet d’aboutir au troisième entretien ? Par exemple, à qui le demandeur d’emploi est-il censé s’adresser lorsqu’il suspecte une partialité dans l’analyse de son dossier ? Doit-il se tourner vers Actiris, vers son syndicat ? Peut-il être accompagné d’une tierce personne lors de cette troisième évaluation ?

La réunion du collège des trois personnes est-elle automatique ? Dans le cas contraire, de combien de temps le demandeur d’emploi dispose-t-il pour introduire un recours après la seconde évaluation négative ?

Le précédent mode de contrôle sur la dispense et la disponibilité des chômeurs comportait une possibilité de recours ultime pour le demandeur auprès du tribunal de travail. Cette option est-elle aujourd’hui abrogée ?

Au niveau de l’organisation générale du nouveau cadre, pouvez-vous me dire si ce dernier nécessite des besoins nouveaux en termes de ressources humaines et budgétaires ? Comment allez-vous financer ce nouveau mode de fonctionnement ?

J’en viens maintenant aux dimensions qualitatives et quantitatives qui entourent ce nouveau cadre. Outre la dimension du recours, qu’est-il prévu pour ce qui concerne la fréquence et le contenu des contrôles des disponibilités actives et passives ?

Nonobstant le cadre normatif fixé par le pouvoir fédéral, disposez-vous d’une certaine marge de manœuvre ? Le cas échéant, quelles sont vos priorités ?

Votre homologue Mme Tillieux s’est prononcée en faveur de contrôles plus qualitatifs que quantitatifs. Quid au niveau bruxellois ? Pour le MR, l’un et l’autre sont indissociables et doivent être renforcés.

Sachant que vous avez toujours été le partisan de la culture de l’évaluation des politiques publiques, nous souhaiterions savoir si ce nouveau cadre est soumis à une période de rodage avec une phase d’évaluation et de correction éventuelle. Le cas échéant, pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Enfin, Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si le nouveau cadre bruxellois diffère de ce qui est pratiqué en Wallonie et en Flandre ? Quelles sont les principales différences entre les dispositifs ? Quelle plus-value offrent les choix que vous avez posés ?

[Interpellation jointe de Monsieur Bea Diallo]

[Intervention de Monsieur Bruno De Lille]

[Intervention de Madame Zoé Genot]

M. Didier Gosuin, ministre.- Je vous remercie de vos interpellations, car elles me donnent l’occasion de faire le point avec vous sur la question du contrôle de la disponibilité des demandeurs d’emploi mis en œuvre en Région bruxelloise. Je pense avoir déjà expliqué qu’il y a une distinction entre les services, qui ne sont même pas logés dans le même bâtiment.

Suite au transfert de cette compétence aux Régions dans le cadre de la sixième réforme de l’État, une nouvelle direction a été créée au sein d’Actiris, la Direction disponibilité. Elle n’est pas logée au même endroit.

Créée en avril 2015, cette direction s’occupe d’une part des dispenses de disponibilité et d’autre part du contrôle de la disponibilité des demandeurs d’emploi. L’équipe en charge du contrôle de la disponibilité est composée de 50 collaborateurs : les évaluateurs et les collaborateurs de la cellule administrative, qui sont chargés de la gestion des flux, du planning des convocations, etc. La coordinatrice de cette équipe a été engagée en juin 2015 pour préparer la transition et reprendre l’opérationnalité du service à partir du 1er janvier 2017. Au niveau budgétaire, les agents transférés du niveau fédéral font partie de la comptabilité des salaires d’Actiris depuis le 1er janvier 2016.

Pour rappel, l’ordonnance modifiant l’ordonnance du 18 janvier 2001 portant sur l’organisation et le fonctionnement de l’Office bruxellois de l’emploi, approuvée par le parlement le 20 octobre 2016, confie à Actiris la mission de contrôler la disponibilité active et passive des chômeurs, ainsi que d’adopter et exécuter les décisions y relatives, en ce compris l’imposition des sanctions. Je vous renvoie à cette ordonnance que vous avez votée et qui détermine les sanctions.

Conformément à l’article 4 de la nouvelle ordonnance, un avant-projet d’arrêté organisant le contrôle de la disponibilité des demandeurs d’emploi résidant sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale est passé en deuxième lecture au gouvernement le 22 décembre 2016. Il est actuellement au Conseil d’État pour avis.

D’ailleurs, vous avez noté que cet arrêté avait reçu l’approbation des partenaires sociaux et même davantage puisque les syndicats, unanimes, ont parlé d’une nette avancée en termes de droits pour les demandeurs d’emploi.

Cet arrêté a été négocié avec les partenaires sociaux, à la fois au niveau du Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale (CESRBC), ainsi qu’au niveau de l’organe de gestion dirigé par les organisations paritaires.

L’avant-projet a été rédigé sur la base des orientations données par le gouvernement et des options validées par le comité de gestion d’Actiris, à savoir la création d’une direction distincte, le principe d’une décision collégiale en cas de sanction et l’organisation d’un recours facultatif, gratuit et paritaire, ainsi que dans le respect du cadre normatif fédéral, modifié en date du 14 décembre 2015.

Le cadre normatif, toujours sous la responsabilité du niveau fédéral, définit trois types de disponibilités :

– la disponibilité passive, qui consiste en l’obligation d’accepter un emploi convenable ou de participer aux actions/démarches définies entre le demandeur d’emploi et son conseiller ;

– la disponibilité active, qui consiste en l’obligation de rechercher activement un emploi. Il existe deux procédures pour cette disponibilité : celle qui vise les jeunes en stage d’insertion professionnelle et celle pour les chômeurs complets indemnisés ;

– la disponibilité adaptée. Pour les personnes de plus de 60 ans, le gouvernement voulait imposer une disponibilité active, mais les Régions sont parvenues à instaurer le concept de « disponibilité adaptée ». Instaurée par le gouvernement fédéral lors de la réforme du cadre normatif en 2015, ce type de disponibilité vise les chômeurs complets âgés de 60 ans et plus et les travailleurs à temps partiel avec maintien des droits. Cette disponibilité consiste en l’obligation de collaborer à un accompagnement personnalisé. Le cadre normatif relève de la compétence du niveau fédéral.

La procédure d’évaluation prévoit plusieurs étapes. C’est ce que prévoit notre cadre légal.

En premier lieu, l’évaluateur procède à un examen sur la base du dossier du demandeur d’emploi. Si les éléments du dossier sont jugés suffisants, l’évaluation est positive.

Si les éléments du dossier demandent des clarifications, le demandeur d’emploi est convoqué pour un entretien individuel avec l’évaluateur. Si, lors de cet entretien, le demandeur d’emploi apporte les éléments nécessaires, l’évaluation est positive.

Si, à l’issue de l’entretien, il n’est pas possible pour l’évaluateur de donner une évaluation positive, le demandeur d’emploi est convoqué devant un collège de trois évaluateurs – innovation bruxelloise – qui est le seul à pouvoir émettre une évaluation négative.

Ce n’est donc pas au demandeur d’emploi de demander un entretien au collège des trois évaluateurs.

Lors de cet entretien, le demandeur d’emploi peut être assisté d’un avocat ou d’un délégué syndical.

En cas d’évaluation négative, le demandeur d’emploi peut introduire un recours administratif auprès du Comité paritaire de recours, dans les 15 jours qui suivent la notification de la décision d’évaluation négative.

Le comité paritaire de recours est composé au minimum d’une chambre francophone et d’une chambre néerlandophone.

Chaque chambre est composée :

– d’un président désigné au sein des membres du personnel d’Actiris par le comité de gestion (plus un suppléant) ;
– d’un membre effectif représentant les organisations interprofessionnelles représentatives des employeurs (plus deux suppléants) ;
– d’un membre effectif représentant les organisations interprofessionnelles représentatives des travailleurs (plus deux suppléants).

Comme expliqué précédemment, il existe des procédures distinctes en fonction du public cible : la dispo J pour les jeunes qui sont en stage d’insertion, la dispo G pour les chômeurs complets indemnisés et la dispo adaptée pour les chômeurs complets de plus de 60 ans et les travailleurs à temps partiel avec maintien des droits.

Les délais entre les contrôles varient en fonction de la procédure et, donc, du public cible. Par exemple, le jeune en stage d’insertion est évalué une première fois au terme de son cinquième mois d’inscription auprès d’Actiris et une deuxième fois au terme de son neuvième mois d’inscription. Le chômeur indemnisé, quant à lui, sera vu en entretien pour la première fois au terme de neuf mois d’inscription.

Je tiens à préciser que ce sont les décisions du comité paritaire de recours qui vont donner lieu à une jurisprudence administrative, et pas les décisions prises par le collège d’évaluation.

Dès son inscription, le demandeur d’emploi reçoit une lettre d’information avec un guide de recherche d’emploi qui précise ce que l’on attend de lui en termes de démarches. Entre les diverses étapes du processus, le demandeur d’emploi est continuellement informé par l’envoi de convocations explicatives. C’est ce guide de recherche qui sera adapté en fonction de son évaluation future et de la jurisprudence administrative.

Pour faire face aux difficultés de garde des enfants et, donc, au risque d’absence des demandeurs d’emploi à leurs convocations, Actiris propose à ces derniers de s’adresser à la Maison d’enfants, dont un siège se trouve dans la Tour Astro. L’accroissement de la capacité d’accueil de celle-ci est inscrit au budget 2017.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).– Je voudrais vous entendre sur la dimension qualitative du contrôle. Vous n’avez pas vraiment répondu à ma dernière question non plus : est-ce que le nouveau cadre bruxellois diffère significativement des cadres wallon et flamand ?

M. Didier Gosuin, ministre.- Je vous ai décrit chacune des étapes. Celles-ci témoignent de l’importance du qualitatif. Cela n’aurait aucun sens d’exiger un nombre prédéfini de suspensions ou de sanctions. Le qualitatif n’a tout simplement pas sa place ici. Soit les demandeurs d’emploi ont fait ce qu’ils devaient faire, soit ils ne l’ont pas fait. On juge donc bien la qualité des efforts faits par les uns et les autres sans devoir se préoccuper d’un quota de sanctions.

[Réplique de Monsieur De Lille]

M. Didier Gosuin, ministre.- Les distinctions de procédure ne relèvent pas de ma compétence, mais de celles de l’État fédéral, car il s’agit du cadre normatif. Nous devons avoir des mesures qui sont adaptées aux différences du cadre normatif fédéral. Vous pouvez trouver cela stupide, mais ce n’est pas ici le lieu dans d’en débattre.

Pour répondre à votre première question, les évaluations sont très majoritairement positives. Si, à chaque fois, on devait faire se déplacer les personnes, cela poserait beaucoup de problèmes et il faudrait augmenter le personnel d’Actiris, ce qui serait très coûteux. 

[Discussion de Madame Genot]

M. Didier Gosuin, ministre.- C’est ce que j’ai dit. J’ai parlé d’un guide avec des conseils sur ce qu’il faut faire pour aider le demandeur d’emploi à chercher un travail.

 

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CRI COM (2016-2017) n°45, Janvier 2017, pp. 29-40