Question orale de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à Madame Fadila LAANAN, Ministre-Présidente en charge de la Culture
concernant les subsides de la COCOF au Brussels Film Festival
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Vous n’ignorez sûrement pas que le Gouvernement bruxellois a annoncé le 8 mars dernier le retrait des subsides qu’il octroyait habituellement au Brussels Film Festival (BFF). Il s’agissait d’un montant annuel de 100.000 euros versé par la Région.
Alors que l’information avait été communiquée par téléphone au directeur général de l’événement par le cabinet du ministre-président, ce dernier a confirmé ce retrait en séance plénière du Parlement régional, à l’occasion d’une question d’actualité que je lui ai posée le 10 mars. La Fédération Wallonie-Bruxelles a bien confirmé la décision de ce retrait par voie de presse, par l’intermédiaire de la ministre en charge de la Culture.
Plus concrètement, ce festival – qui est un festival phare connu aux quatre coins de l’Europe – nécessite approximativement un budget de 400.000 euros, dont 150.000 euros pour les prestations diverses, nuitées d’hôtel, etc. Le retrait des subsides de la Région, qui était jusqu’à ce jour le premier partenaire du festival, remet fortement en question la tenue de l’événement, qui devait avoir lieu du 16 au 22 juin prochains. C’est d’autant plus vrai que l’année dernière déjà, la Fédération Wallonie-Bruxelles avait décidé de raboter ses subsides, les passant de 70.000 à 35.000 euros.
Aujourd’hui, ce dossier est apparemment classé au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il sera désormais retiré. Dès lors, nous comprenons la crainte qu’expriment les organisateurs quant au futur du BFF. Du côté de la Région, il a été argué que le problème était essentiellement budgétaire. En séance plénière, les arguments étaient de toute autre nature, puisqu’il a été question de la perte du caractère bilingue de l’événement, jugé trop francophone, ainsi que d’une baisse de fréquentation.
Alors que la presse faisait part d’un succès toujours aussi franc auprès des visiteurs et des médias, le ministre-président M. Vervoort a, pour sa part, déploré le nombre par trop insuffisant de tickets vendus (3.562 exactement), en comparaison avec un événement tel que le festival Anima, qui rencontrerait un succès autrement plus important.
L’allocation au festival était, à l’origine, prévue dans le budget du cabinet du ministre-président consacré à l’image de Bruxelles. Au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le choix d’une première réduction de subside, opérée l’an dernier, prenait apparemment appui sur un avis négatif de la Commission d’aide aux opérateurs audiovisuels.
Cette année par contre, le retrait total du subside a été justifié par l’émission d’un second avis négatif de la même commission, malgré le fait que des efforts dans l’organisation de l’événement auraient été constatés. Dans ce second rapport, il a été déploré un manque de clarté dans la ligne éditoriale, des problèmes organisationnels, une programmation trop dense et, à tout le moins, en décalage par rapport à la disponibilité des crédits, ainsi que des manquements dans la communication comptable.
Alors que les justifications des institutions se contredisent, le ministre-président M. Vervoort a eu à cœur de préciser en séance plénière que la décision du retrait a été le fruit d’une concertation entre les autorités subsidiantes. La Commission communautaire française faisant partie de celles-ci, a-t-elle participé à cette concertation ?
S’il est vrai que l’édition de 2016 a pu souffrir de quelques difficultés, notamment managériales d’après les informations que nous avons obtenues, j’aurais souhaité savoir si une réflexion était en cours au sein du Collège quant à une potentielle remise en question du subside qu’octroie la Commission communautaire française au BFF actuellement.
Par souci du détail, il est à mon sens important de préciser ce que le Brussels Film Festival représente comme opportunité pour Bruxelles et pour sa valorisation au-delà de nos frontières. Ce festival a été initié en 1974 et a permis de mettre en lumière, au sein même de la capitale européenne, tout le talent du cinéma belge et européen. Chaque année, pas moins d’une centaine de courts et longs métrages y sont présentés. Avant-premières, ciné-revues, découvertes, promotions événementielles, projections en plein air et mises à l’honneur de célébrités prestigieuses du cinéma sont autant d’événements qui viennent chaque année rythmer ce rendez-vous des amateurs du septième art.
Pouvez-vous nous dresser un bilan des raisons – si vous les connaissez – qui ont motivé la décision de retrait des subsides prise par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région ? Pouvez-vous confirmer les différents manquements signalés dans la presse ? Quels sont-ils exactement ?
Nous connaissons les montants versés par la Région et la Fédération Wallonie-Bruxelles pour l’organisation de ce festival. Pouvons-nous dès lors connaître les montants des subsides que la Commission communautaire française a versés au BFF en 2015 et 2016 ?
Pouvons-nous avoir un écho des discussions conjointes qui ont eu lieu entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Région et la Commission communautaire française, soit pour tenter de trouver vaille que vaille une solution aux problèmes rencontrés, soit, au contraire, pour s’accorder sur les justifications avancées pour les retraits de subsides ?
Enfin, je souhaite savoir si la Commission communautaire française a décidé de poursuivre son soutien au BFF via l’octroi d’un subside, afin que l’édition 2017 ait effectivement bien lieu en ce mois de juin. Le cas échéant, quel est le montant de ce subside ?
Mme Fadila Laanan, ministre-présidente.- Vous me demandez de dresser un bilan des raisons qui ont motivé le retrait des subsides accordés au Brussels Film Festival (BFF) par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région bruxelloise. Je m’exprimerai au seul titre de ministre-présidente du Gouvernement francophone bruxellois.
Vous venez en réalité d’énoncer avec beaucoup de précision l’ensemble des critères qui ont présidé à cette décision : perte du caractère bilingue de l’événement, baisse de fréquentation étayée par le nombre de tickets vendus en comparaison d’autres festivals, manque de clarté dans la ligne éditoriale, avis négatif de la commission d’aide aux opérateurs audiovisuels qui évoque des manquements et problèmes comptables et organisationnels.
Quant à savoir si la Commission communautaire française a participé à la concertation entre les autorités subsidiantes, je serai très claire : nous n’avons pas été associés à cette décision, qui relève exclusivement de la Région bruxelloise et de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cela résulte du fait que le subside accordé par la Commission communautaire française à ce festival s’élève à 12.000 euros, soit très exactement 3% du budget global de l’événement. La décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre le soutien au BFF relève de facto des principaux bailleurs de fonds, à l’exclusion de la Commission communautaire française dont l’intervention ne peut être considérée comme déterminante.
Pour ce qui est de la poursuite du soutien de la Commission communautaire française à cet événement, mon administration est en contact avec l’opérateur pour faire le point sur sa situation. Toutefois, il ressort déjà clairement que le festival ne pourra plus avoir lieu sous sa forme actuelle, ce qui rend sans objet le soutien de la Commission communautaire française.
M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je prends acte que la ministre-présidente rappelle les arguments portés par le ministre-président Vervoort en séance plénière. Je prends également acte du fait que ses explications divergent assez de celles exposées pour justifier la suppression de subsides par la ministre de la culture en Fédération Wallonie-Bruxelles. Manifestement, nous sommes dans une situation qui va porter un coup de grâce définitif à ce festival. Nous craignons que cela ne porte un coup sérieux au septième art et à son expression à Bruxelles et ne pouvons que le déplorer, même si nous prenons aussi acte de la part très limitée du soutien de la Commission communautaire française à cet événement.
Concernant le fait que la Commission communautaire française n’ait pas été associée à la concertation entre les pouvoirs subsidiants, je crains, hélas, que cette concertation n’ait jamais vraiment eu lieu. La réponse de la ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles nous indiquait aussi sa perplexité à l’égard de cette affirmation.
Un festival majeur à Bruxelles disparaît aujourd’hui. Nous pouvons le regretter. J’espère qu’il y aura moyen de recréer un tel événement, solide et rayonnant, autour du cinéma, outre ce festival thématique qu’est le Brussels International Fantastic Film Festival (BIFF).
Pour retrouver l’intervention dans son intégralité, veuillez cliquer ici.
CR n°47 (2016-2017), Mars 2017, pp. 38-40