Interpellation concernant l’avenir du projet culturel de Flagey

Interpellation de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique ainsi qu’à Monsieur Didier GOSUIN, Ministre en charge de l’Emploi et de l’Economie

concernant l’avenir du projet culturel de Flagey.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- M. le ministre-président, nous avons appris par la presse les négociations en cours dans le cadre du changement d’actionnariat du bâtiment Flagey. Ce sont les 83% des actions détenues par la trentaine d’actionnaires de la Maison de la radio Flagey qui sont au cœur des discussions. Pour l’instant, la presse a fait part de trois acquéreurs potentiels : un premier est issu du secteur des assurances, le deuxième est un brasseur et collectionneur d’art ; quant au troisième, il s’agit de l’héritier du magnat de l’acier wallon.

Pour l’heure, une offre de l’ordre de 25 millions d’euros, soumise conjointement par les deux derniers, n’était valable que jusqu’à la fin mars. Quant aux 17% du capital restant, ils sont répartis respectivement entre trois sociétés publiques : la Société fédérale de participations et d’investissement (SFPI), la Société régionale d’investissement de Bruxelles (SRIB) ainsi que la Société publique d’investissement flamande (Participatie Maatschappij Vlaanderen ou PMV).

Nul ne peut ignorer aujourd’hui le franc succès que remporte le projet culturel de l’asbl Flagey.

Hôte d’événements incontournables comme les demi-finales du concours Reine Élisabeth, les Piano Days et Religion dans la cité, le bâtiment Flagey est l’un des fleurons de la culture à Bruxelles, et l’asbl Flagey compte bien poursuivre cette mission culturelle bien au-delà de 2024.

Dans un entretien à la presse, le président du conseil d’administration de l’asbl Flagey partageait ses inquiétudes quant à l’impact sur son association des changements en cours au sein de l’actionnariat de la Maison de la Radio Flagey. Pour l’heure, le contrat d’occupation qui lie la société anonyme Maison de la Radio et l’asbl Flagey court jusqu’en 2024, date à laquelle la mise à disposition du bâtiment arrivera à son terme.

Les conditions, autant que les obligations, sont donc bien différentes de celles d’un contrat de bail ou d’une emphytéose. Entre-temps, l’asbl Flagey n’a pas été invitée à participer aux discussions. Si ses projets culturels ne sont pas menacés à court terme, il faut toutefois garantir sa pérennité audelà de 2024. Bien évidemment, rien n’oblige les nouveaux investisseurs à le faire.

Si toutes les dettes de l’asbl Flagey envers la société anonyme sont épongées, l’une des seules incertitudes, reconduite chaque année, est le subside de 300.000 euros provenant de la Loterie nationale, premier sponsor de ladite asbl. La difficulté qui pourrait surgir de la vente du bâtiment concernerait les clauses de mise à disposition du bâtiment à l’asbl.

Toutes ces clauses n’ont pas été entièrement négociées entre les actionnaires et l’asbl. À terme, si une vision divergente devait opposer les nouveaux actionnaires et l’asbl, l’attractivité du site ainsi que l’intégrité et la pérennité du projet culturel s’en verraient fortement perturbées, de même que la fréquentation des bars avoisinants si Flagey devenait un lieu de spéculation immobilière.

Ce dossier est à ce point délicat que le président du conseil d’administration de l’asbl a dit ne pouvoir assumer une augmentation de loyer si ce cas venait à se présenter.

Actuellement, 2,3 millions d’euros sont versés par la Région, les Communautés et la commune d’Ixelles pour honorer le loyer et les charges induites, qui s’élèvent à un million d’euros.

À moyen terme, ce ne sont pas moins de 2,5 millions qui doivent être investis dans le bâtiment d’ici cinq à sept ans pour des travaux divers : peintures, sièges, matériel de scène, etc. Mais, là encore, les clauses ne semblent pas claires sur celui à qui incombent les travaux de rénovation et d’entretien.

La programmation culturelle de Flagey rencontre un franc succès auprès du public et des artistes. En plus d’être le lieu d’une cohabitation à tous niveaux, tant concernant la provenance des subsides qu’au niveau de la gestion et la présence de francophones et de Flamands dans les instances, Flagey est un outil irremplaçable à Bruxelles en matière de découvertes culturelles et musicales. Si nous ne prenons pas garde, Flagey peut devenir l’objet d’une fragile construction financière et institutionnelle qui pourrait, le cas échéant, porter atteinte à cette exception culturelle à la belge située au cœur de la capitale.

Dès lors, sachant que la Société régionale d’investissement de Bruxelles (SRIB) dont vous avez la tutelle partage 17% des actions avec deux autres sociétés publiques, pourriez-vous m’éclairer sur un certain nombre de points ? Tout d’abord, confirmez-vous l’information selon laquelle 83% du capital de la Maison de la Radio Flagey serait en cours de négociation pour trouver de nouveaux acquéreurs ? Pouvez-vous nous faire un état des lieux sur les informations dont vous disposez dans cet important dossier ?

Quelle est la position que défend la SRIB quant à une nouvelle augmentation de son capital dans le bâtiment Flagey ? Des rencontres ont-elles lieu ou sont-elles prévues entre les différents actionnaires actuels de l’asbl Flagey ?

Quelles sont les réflexions en cours quant à la clarification des clauses qui portent sur la mise à disposition du bâtiment, y compris le détail des charges et responsabilités incombant à chaque partie ?

Quelles sont, à ce stade, les éventuelles garanties que les actuels actionnaires sont en mesure de donner pour la poursuite du projet culturel au-delà de 2024 ? Ce dernier point me paraît essentiel.

[Interpellation jointe de Madame Isabelle Emmery]

[Interpellation jointe de Monsieur Christos Doulkeridis]

[Intervention de Monsieur Arnaud Verstraete]

[Intervention de Madame Cieltje Van Achter]

[Intervention de Madame Julie de Groote]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Permettez-moi de faire un bref rappel historique avant d’en arriver à la situation actuelle. Je ne vous parlerai pas en détails de l’état de la situation puisque les négociations sont toujours en cours à l’heure où je vous parle. Il est donc difficile de mener les négociations « en place publique » et j’espère que vous le comprendrez.

D’un point de vue historique, j’évoquerai la création, en 1998, de la Maison de la Radio Flagey Sa qui avait pour but premier de sauver ce que l’on appelle encore communément aujourd’hui le « paquebot Flagey ». À l’époque déjà, différents projets existaient et cherchaient le soutien du monde politique. En d’autres termes, c’est l’émergence d’une série de demandes qui a amené le monde politique à être partie prenante et non l’inverse.

À cette époque, Charles Picqué a proposé de coaliser un certain nombre d’acteurs intéressés afin de pouvoir dégager une solution pour Flagey. Ensemble, ils ont rassemblé différents investisseurs issus des secteurs privé et public pour financer l’opération. La mise en fonds propres était de 23 millions d’euros.

La Société régionale d’investissement de Bruxelles (SRIB) a investi un million d’euros, aux côtés de la Société fédérale de participations et d’investissement (SFPI) et de la Participatie Maatschappij Vlaanderen (PMV), la société d’investissement publique flamande, qui ont injecté respectivement 1,5 million et 1 million d’euros dans le capital.

Deux autres actionnaires, la Fondation Roi Baudouin et Belfius, peuvent également être assimilés à de l’actionnariat public. Au total donc, l’actionnariat public ou assimilé représente 20,9% du capital et 18,6%, si l’on retire Belfius.

La SA et l’asbl exploitent ensemble un espace évalué à 11.000m².

Tout le travail créatif de production et d’animation est réalisé par l’asbl, qui organise un grand nombre d’événements culturels chaque année. Cette co-exploitation est régie par un contrat qui vient à échéance en décembre 2024 et les obligations financières de l’asbl à l’égard de la SA sont garanties par ses pouvoirs subsidiants, c’est-à- dire la Région bruxelloise, la Communauté flamande et la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Il y a à la fois les pouvoirs publics investisseurs – l’État fédéral, la Flandre et Bruxelles – et les pouvoirs publics subsidiants, qui financent la vie quotidienne de l’asbl, où l’on ne trouve plus l’État fédéral mais bien la Fédération Wallonie-Bruxelles.

La société anonyme a d’autre part une activité purement immobilière sur les surfaces de bureau, soit 10.000m², sur lesquelles elle perçoit des loyers. On y trouve des commerces emblématiques tels que le Café Belga ou le restaurant Les Variétés, des bureaux de sociétés privées mais aussi des organismes publics tels que la Communauté française, Bruzz, l’ambassade de Pologne ou encore la police d’Ixelles. 

Suivant les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2016, la société anonyme dégage un bénéfice de 99.000 euros, un résultat positif récurrent depuis quatre ans, ce qui montre que le modèle est viable. La question des investissements futurs reste évidemment encore sur la table.

En effet, un changement d’actionnariat est en cours de négociation. Le président du conseil d’administration de la sa Maison de la radio Flagey a été sollicité, ces derniers mois, par certains actionnaires aux fins d’organiser la vente de leurs parts en trouvant un acheteur commun.

Plusieurs offres et solutions au sein de l’actionnariat ont été envisagées. À ce titre, le souhait du gouvernement bruxellois était qu’une proposition émanant des institutions publiques puisse être formulée, afin d’assurer une capitalisation publique renforcée et la bonne coexistence des activités de l’asbl Flagey avec les autres affectations de l’immeuble.

L’idée est de pérenniser le modèle, ou, à tout le moins, de le stabiliser, dans le rapport entre secteurs public et privé, pour que l’objet du montage demeure. Le partenariat resterait un partenariat dans lequel chacun trouve son compte. Nous ne voulons pas d’une situation où un projet absorberait l’autre par intérêt foncier.

J’ai lu attentivement les déclarations des uns et des autres. On ne peut pas faire n’importe quoi de ce bâtiment ! Il y a des limites à une logique purement spéculative, mais il ne faut pas non plus être trop craintif. D’ailleurs, il ressort des propos de certains grands actionnaires qu’ils ne veulent pas sortir du modèle de Flagey et se lancer dans une opération purement spéculative. Je crois qu’ils y trouvent largement leur compte. De notre côté, nous pouvons aussi saisir cette opportunité pour stabiliser les choses. C’est dans cet esprit constructif que nous travaillons.

Cette proposition commune de la SRIB, de la SFPI et de la PMV est donc en cours de négociation et vise bien une prise de participation au sein du capital qui garantisse cette représentation, et surtout la préservation des activités publiques. Nous avons invité la SRIB – notre véhicule naturel – à prendre part à l’opération, ce qui a été confirmé par son conseil d’administration le 31 mars dernier.

Je ne peux aller plus loin dans l’exposé de cette négociation, qui se déroule dans un esprit constructif. Je me réjouis cependant du bon déroulement de la collaboration entre la SFPI, la SRIB et la PMV.

J’ai été alerté du sujet de votre préoccupation sur les plans d’investissement. Ils existent et pourraient se concrétiser dans les opérations que nous réalisons ici. 

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je prends acte du fait que les négociations en cours limitent la portée de votre réponse. Je relève cependant avec satisfaction l’esprit de coopération qui anime les acteurs publics.

Si je comprends bien, vous avez sollicité la SRIB pour qu’elle augmente sa participation dans le capital. Je relève également que les négociations se déroulent dans un esprit constructif, ce qui vous autorise à faire preuve d’un optimisme raisonnable sur les chances d’arriver à une solution qui permettrait, au-delà de 2024, de pérenniser l’activité et les orientations culturelles existantes.

Sans dévoiler la couronne, vous semblez rassuré sur l’aboutissement des négociations en cours avec les différents partenaires.

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- On aurait pu imaginer qu’un des acteurs publics se désiste, mais cela ne s’est pas produit, heureusement.

[Réplique de Madame Emmery]

[Réplique de Monsieur Christos Doulkeridis]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.– J’ai dit que nous souhaitions peser suffisamment dans le processus de décision.

[Intervention de Monsieur Arnaud Verstraete]

[Intervention de Madame Julie De Groote]

 

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CRI COM (2016-2017) n° 93, Avril 2017, pp. 8-22