Interpellation jointe concernant les problèmes liés à la rétrocession de l’argent résultant de la lutte contre les infractions urbanistiques

Interpellation jointe de Monsieur Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN, Député, adressée à M. Rudi VERVOORT, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Recherche scientifique et de la Propreté publique

concernant les problèmes liés à la rétrocession de l’argent résultant de la lutte contre les infractions urbanistiques.

Interpellation principale de Monsieur Marc Loewenstein.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- A la suite d’une question écrite qui vous avait été adressée en janvier dernier par M. Loewenstein à propos de la répression des infractions urbanistiques, vous aviez dressé le bilan de la lutte contre ces infractions à Bruxelles.

Les chiffres que vous donniez alors faisaient état de 325 amendes administratives, résultant de 466 procès-verbaux dressés, pour un montant de 440.000 euros. Sur ces 466 procès-verbaux, 446 provenaient des services de contrôle communaux, là où seulement vingt étalent rédigés par les inspecteurs régionaux.

Comme vous l’aviez égaiement rappelé, ces amendes administratives ne sont décidées par le service du fonctionnaire sanctionnateur régional que lorsque le Parquet n’y a pas donné suite après 45 jours. Comme nous pouvons le constater, il en est ainsi dans la très grande majorité des cas, puisque l’on dénombre 323 amendes pour 466 procès-verbaux.

Enfin, vous indiquiez aussi à l’époque que sur les 440.000 euros d’amendes infligées en 2016, seuls 150.000 euros avaient été perçus par Bruxelles Fiscalité, en ce compris les amendes non payées en 2015. Cependant, vous indiquiez dans la foulée qu’aucune de ces sommes ne serait rétrocédée aux communes en 2015 et que de nombreux problèmes persisteraient pour l’année 2016, compliquant sérieusement une éventuelle rétrocession. Parmi ceux-ci, vous citiez des problèmes pratiques liés à l’ordonnance du 9 juillet 2015. Je ne vais pas revenir sur tous les points qui ont déjà été énumérés par mon collègue.

Plusieurs observations peuvent encore être faites concernant les données que vous avanciez. Il est à noter que l’essentiel du travail étant fait par les communes, il est inconcevable qu’elles ne puissent en récolter les fruits. La rétrocession de 85% du montant des amendes administratives avait été décidée afin de convaincre les communes d’intensifier leurs efforts, ainsi que de leur permettre de développer des moyens pour ce faire.

Il est dès lors très simple de réaliser que c’est bel et bien un cercle vicieux auquel nous avons affaire ici. Vous indiquiez en effet que les deux agents régionaux responsables du contrôle urbanistique n’ont pu dresser qu’une vingtaine de procès-verbaux sur l’année 2016 en raison des manquements dans le chef des agents communaux à propos du suivi de leurs dossiers. Ces manquements seraient alors compensés par les deux agents régionaux, ce qui expliquerait le faible nombre de procès-verbaux dressés pour l’année 2016.

Si l’argent destiné aux communes ne leur arrive pas, il leur est difficile d’améliorer de manière structurelle et pérenne leurs modes de fonctionnement, ainsi que le personnel qui y est alloué, ce qui contribue à ralentir le fonctionnement des services régionaux de contrôle. Sans cette manne financière importante, les communes sont en outre découragées dans leurs efforts en la matière.

Vous indiquiez qu’en 2014, 546 procès-verbaux avaient été dressés. Comment expliquez-vous une telle diminution par rapport à cette époque ? Est-il pertinent de laisser seulement deux inspecteurs à la Région ? Une augmentation des effectifs a-t-elle été décidée par vos soins afin de pallier cette situation ?

Comment expliquez-vous une telle disparité dans le nombre de contrôles effectués dans chaque commune bruxelloise ? En effet, les trois quarts des procès-verbaux dressés le sont sur le territoire de sept communes seulement. Est-ce le fruit du hasard ? Voyez-vous une explication logique qui permettrait de comprendre pourquoi sur les vingt procès-verbaux dressés par les inspecteurs régionaux, douze, soit plus de la moitié, l’ont été sur le territoire de la Ville de Bruxelles ?

Vous mentionnez des manquements dans le chef des autorités communales de contrôle, qui expliqueraient l’efficacité relative des agents régionaux qui doivent en assurer le suivi. Cependant, vous ne précisez pas ces manquements et n’avancez aucune solution pour y mettre un terme.

Êtes-vous en contact avec les différentes autorités communales ? Après concertation avec les pouvoirs locaux, constatez-vous que des communes sont plus touchées que d’autres par ces manquements ? Quels sont-ils ? Quelle en est la cause principale ? Entrevoyez-vous déjà quelques pistes pour y mettre fin ?

Vous avancez l’existence de divers problèmes, qui retardent la rétrocession des montants destinés aux communes, notamment pour l’année 2016. Ces problèmes sont fondamentaux et urgents, puisqu’ils menacent la sécurité des Bruxellois, le travail des autorités communales et leur indépendance. Vos services ont-ils prévu un calendrier afin de les résoudre au plus vite ? Pouvez-vous nous présenter des solutions pour chacun d’eux ?

Un agenda a-t-il été fixé pour libérer les fonds de l’année 2016 ? Le cas échéant, pouvez-vous nous en communiquer la teneur ? Des engagements ont-ils été pris afin de régulariser la situation pour l’année 2017 ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Dans l’absolu, il serait opportun, si ce n’est d’abroger l’ordonnance du 9 juillet 2015, au moins de la réécrire, afin de tenir compte à la fois de la nature de la procédure d’amende administrative et de la réalité de sa mise en œuvre. La seule adoption d’un arrêté précisant les modalités d’application de cette ordonnance ne permettrait en effet pas de corriger le contenu de celle-ci.

Je réfléchis actuellement à la rédaction d’un nouveau texte, tenant notamment compte des considérations émises par le service d’inspection, qui est conscient des difficultés de mise en pratique du texte actuel. L’une des problématiques soulevées est l’opportunité de la rétrocession aux communes, dès lors que celles-ci appliquent déjà des majorations de frais de dossier (sous forme de règlements-taxes ou de redevances) pour des demandes de permis visant à faire cesser des infractions, en plus des augmentations de frais sollicitées pour les renseignements urbanistiques. Il s’agit de viser une mise à niveau de politiques qui se déclinent différemment d’une commune à l’autre.

À l’heure actuelle, le personnel du service d’inspection régional n’est pas en mesure de distinguer les types de dossiers pour lesquels une amende ou une part d’amende a été versée, ni de déterminer si ces amendes concernent des infractions auxquelles il a été mis fin.

Sauf comptage manuel, il est actuellement impossible de distinguer l’incontestablement dû au départ d’un programme SAP qui n’est pas en liaison avec Nova 4. Tout cela est très technique, mais c’est la réalité. Nous sommes donc confrontés à un aspect lié purement au fonctionnement administratif, qui ne nous permet pas à l’heure actuelle de fixer un agenda stabilisé au niveau de la rétrocession. Il importe de mener une réflexion globale sur le système lui-même.

Nous pensons que la diminution du nombre de procès-verbaux par rapport à 2014 est notamment liée aux formations qui ont été mises en place par le fonctionnaire sanctionnateur. Ce sont des formations que nous organisons notamment au travers de l’École régionale d’administration publique (ERAP) et qui permettent aux procès-verbaux d’être plus documentés. Je pense que cela a entraîné une diminution mécanique du nombre de dossiers, puisque chaque dossier nécessite un temps de travail nettement plus important.

Deux inspecteurs sont-ils suffisants ou pas ? Aujourd’hui, je ne peux évidemment pas répondre à cette question, puisque nous n’avons pas encore approuvé de plan de personnel. Il est clair que l’on pourrait imaginer devoir augmenter ce nombre. Ceci dit, rendons hommage à ces inspecteurs, puisqu’ils ont effectivement dressé vingt nouveaux procès-verbaux en 2016. Ils ne font pas que cela, puisqu’ils suivent également les jugements et les décisions administratives.

Si l’on compare avec les chiffres dont nous disposons – et j’imagine que les agents communaux ne font pas que cela non plus – il y a globalement, sur le territoire des différentes communes, cent agents communaux qui ont produit 440 procès-verbaux. Il n’y a donc pas de problème sur ce plan, mais le tout est de voir si nous pouvons augmenter le nombre d’inspecteurs. C’est un autre débat, qui sera mené lors de la discussion du plan de personnel.

La Région a financé une formation devenue récurrente, élaborée avec l’ERAP et destinée à l’ensemble des contrôleurs. Son objectif est de disposer de procès-verbaux plus complets et étayés, pour pouvoir poursuivre les auteurs d’infractions de manière plus efficace. Elle est également dispensée à une grande partie des agents des services de l’urbanisme communaux en charge de l’instruction des demandes de permis, des permis d’environnement et d’autres dossiers environnementaux. Elle dépasse donc largement le public initialement visé des inspecteurs.

La disparité du nombre de procès-verbaux émanant des communes peut s’expliquer par les priorités politiques des unes et des autres en matière urbanistique. Il se peut aussi que certaines ne poursuivent pas ou privilégient la voie amiable. Peut-être les plus grandes communes disposent-elles également de services plus étoffés.

Il est exact que la majorité des procès-verbaux ont été dressés sur le territoire de la Ville de Bruxelles. Il ne faut pas y voir un choix délibéré, mais la Région accorde bien évidemment une attention toute particulière à certaines zones, telle que la zone Unesco.

Pour le suivi, par les communes, des devoirs d’enquête et des vérifications de décisions, nous continuons, notamment avec l’ERAP, à organiser des formations spécifiques.

Au-delà de la perception des amendes, notre objectif premier est de faire cesser les infractions, soit parce qu’elles ne sont plus commises, soit parce qu’un permis rectificatif est accordé. Le constat d’une infraction constitue aussi le démarrage d’un processus qui va amener à la résolution du problème.

Nous avons proposé au fonctionnaire sanctionnateur d’inviter tous les responsables communaux pour établir un bilan de la collaboration et échanger les bonnes pratiques. Nous pourrons, à cette occasion, voir avec les communes les moins actives, les raisons de leur inertie et la façon dont nous pouvons éventuellement les aider.

En résumé, nous réfléchissons aux dispositifs de l’ordonnance et poursuivons les formations et la collaboration avec les dix-neuf communes.

[Réplique de Monsieur Marc Loewenstein]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.– Il y a deux possibilités. Soit nous procédons à une rétrocession ponctuelle, sans distinction, soit nous modifions l’ordonnance et rétrocédons ensuite. La question n’a pas encore été tranchée, mais s’il y a vraiment urgence, nous pouvons trouver une solution transitoire, consistant à tout liquider en une fois. Cela devrait cependant se faire en accord avec tous les acteurs.

[Intervention de Monsieur Marc Loewenstein]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Le risque est que nous rétrocédions à des communes des montants d’infractions dont elles sont elles-mêmes responsables.

Soit nous appliquons la répartition manuellement au cas par cas, de manière équitable, ce qui sera difficile à réaliser, soit nous rétrocédons un peu à l’aveugle, au risque de favoriser des communes qui ont entretenu des infractions.

[Intervention de Monsieur Marc Loewenstein]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Je n’ai pas dit que nous ne rétrocéderions rien.

[Intervention de Monsieur Marc Loewenstein]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Bien entendu.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- Je vous citerai un chiffre pour illustrer le propos. À Anderlecht, en 2016, 76 dossiers ont été activés via les procès-verbaux. Parmi ces dossiers, 25 sont clôturés et les montants qui devraient bénéficier à la commune représentent 29.000 euros. Nous pouvons donc extrapoler ce qu’il en serait par rapport à 76.

Il s’agit de sommes qui ne sont, a priori, pas faramineuses, mais qui peuvent compenser un certain nombre d’engagements de personnel et encourager les communes, qui s’investissent dans un boulot particulièrement astreignant et pénible, à poursuivre sur cette voie. C’est pour cette raison que je plaide pour une solution allant vers une liquidation anticipant une éventuelle rédaction d’un nouveau texte ou d’une nouvelle ordonnance, parce que cela nous projette dans un temps difficilement mesurable.

Vous dites qu’il n’est pas possible de déterminer l’incontestablement dû. Soit. Vous dites également que vous ne savez pas si deux inspecteurs sont suffisants. Or, il apparaît de façon évidente que c’est trop peu, malgré leur travail estimable. Je vous encourage donc encore une fois, par rapport à l’enjeu fondamental de la lutte contre les infractions qui démolissent de façon significative un certain nombre de quartiers, à donner un signal clair de soutien aux communes qui se mouillent. C’est un travail dans lequel elles prennent beaucoup de coups et pour lequel toute forme d’encouragement est la bienvenue.

[Intervention de Monsieur Marc Loewenstein]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Non.

[Intervention de Monsieur Marc Loewenstein]

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Non, ce ne sera pas lié au Cobat.

M. Gaëtan Van Goidsenhoven (MR).- D’où la nécessité de la liquidation ?

M. Rudi Vervoort, ministre-président.- Oui, j’ai bien compris, mais je ne peux pas vous donner de délai.

 

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CRI COM (2016-2017) n°100, Mai 2017, pp. 36-47