Question orale du 06 février 2017 adressée à Rudy Demotte, Ministre-Président
Objet : L’implication de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans la mise en place de l’Observatoire Boutros-Ghali sur le maintien de la paix
Monsieur le Ministre-Président, lors de la Conférence de Paris sur le maintien de la paix en environnement francophone, faisant suite au dernier Sommet de la Francophonie organisé à Madagascar, la décision a été prise de créer un Observatoire sur le maintien de la paix, portant le nom de M. Boutros-Ghali qui fut premier Secrétaire général de la Francophonie mais aussi Secrétaire général des Nations Unies. Ce projet est le fruit d’un partenariat entre l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le ministère français de la Défense et les ministères des Affaires étrangères belge et canadien. Nous connaissons toutefois le contexte géopolitique incertain dans lequel évoluent nos sociétés et qui est à l’origine d’une telle initiative. Nous gardons tous en mémoire les tristes événements qui continuent d’affecter le climat sécuritaire en Belgique, signes d’une conflictualité marquante et malheureusement parfois meurtrière.
Comme l’a rappelé l’actuelle Secrétaire générale Michaëlle Jean dans l’un de ses récents discours, la persistance, dans l’espace francophone, de crises et de conflits inter-étatiques et intra-étatiques, doublés de la problématique environnementale, du terrorisme et des menaces toujours plus asymétriques dans nos pays, ne peut que nous forcer à nous interroger et à mettre en œuvre des stratégies éminemment plus inclusives, concertées et coordonnées entre les nations.
C’est d’autant plus vrai lorsque l’on sait que sept des seize opérations de maintien de la paix actuellement chapeautées par l’Organisation des Nations Unies (ONU) sont déployées sur des territoires où la langue française est couramment utilisée. L’ensemble de ces opérations rassemble plus de 60 % des contingents francophones et atteint, avec la participation de 55 États membres de la Francophonie, plus de 50 % de leur budget total.
C’est pour faire face à ces nouveaux défis et dans le but de jouer un rôle de lanceurs d’alerte que le Canada, la France, la Francophonie et la Belgique partagent le dessein d’accroître l’efficacité des opérations s’inscrivant dans le champ de la consolidation de la paix internationale. Comme l’a rappelé le Ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors de son allocution finale à Paris en octobre dernier, c’est l’expertise de tous qui doit être mise en commun pour parvenir à une meilleure efficacité dans le déploiement des opérations de maintien de la paix en environnement francophone. En l’occurrence, ces efforts concernent les quatre champs suivants : l’amélioration des capacités linguistiques des Casques bleus, l’intégration pleine et entière de la connaissance de la langue française par les troupes déployées, l’augmentation des capacités humaines et matérielles des opérations de maintien de la paix et enfin l’incorporation du «nexus» sécurité- développement dans la planification de sortie de crise, en s’appuyant sur des programmes de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et de réforme du secteur de la sécurité (RSS).
Sur ce dernier point, l’expertise belge n’est évidemment plus à démontrer. En témoigne la désignation, en 1990, du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), basé à Bruxelles, comme Messager de la paix par le Secrétaire général de l’ONU, Javier Pérez de Cuéllar, en raison de sa contribution précieuse à l’action menée en faveur de la paix. Soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles en sa qualité d’organisation d’éducation permanente, le GRIP sera chargé, avec la contribution d’autres partenaires actifs du projet, tels que le Réseau de recherche sur les opérations de paix (ROP) et l’Université catholique de Louvain (UCL), d’animer l’observatoire Boutros-Ghali sur le maintien de la paix.
Monsieur le Ministre-Président, je souhaiterais connaître votre opinion et votre plan d’action sur plusieurs sujets. Pour commencer, la Fédération Wallonie-Bruxelles a-t-elle entamé une réflexion ou une discussion visant à intégrer le projet ? Tout comme l’autorité fédérale belge, la Fédération Wallonie-Bruxelles pourrait valablement proposer son expertise, ses réseaux ainsi que ses différents outils pédagogiques. De ce fait, quelles sont les actions lancées pour réitérer notre engagement en faveur du maintien de la paix et de la sécurité internationale?
Le GRIP est un organisme de recherche indépendant, basé à Bruxelles. Il a prouvé, à maintes reprises, sa formidable expertise sur les enjeux et les mécanismes liés à l’armement, au désarmement, à la prévention et à la gestion des conflits, en particulier sur le territoire africain. Cet organisme bénéficie à ce titre du soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. A-t-il reçu des moyens complémentaires, qu’ils soient humains ou financiers, pour lui permettre de mener à bien cette mission d’animation de l’Observatoire Boutros-Ghali et ainsi faire valoir, à l’échelle internationale, notre expertise belge sur ces questions ?
Réponse du Ministre-Président :
Cette question me donne l’occasion de souligner l’importance du principe d’une contribution du pouvoir fédéral à une initiative de l’OIF. En effet, des 84 membres de l’organisation, la Belgique était le seul État à ne s’acquitter d’aucune cotisation, ni statutaire ni volontaire. Je constate avec plaisir et sans aucune ironie qu’un pas a été franchi dans le soutien à l’organisation, qui plus est au bénéfice d’un objet d’intérêt, puisqu’il s’agit de l’Observatoire Boutros-Ghali.
Cette décision est cohérente avec la répartition des compétences entre les composantes de notre État. En effet, comme vous le rappelez, le renforcement des opérations de maintien de la paix postule notamment l’augmentation des capacités humaines et matérielles, ainsi que de la montée en puissance des programmes de désarmement, de démobilisation, de réintégration et la réforme du secteur de la sécurité.
Quant à notre Fédération, elle agit de manière globale, grâce à ses importantes cotisations statutaires et volontaires qui soutiennent bien évidemment les actions de l’OIF, au bénéfice de la consolidation de l’État de droit et des droits de l’homme, ce qui, à l’échelon international, fait de la Belgique le contributeur le plus important par habitant. Plus spécifiquement, par son investissement matériel, notre Fédération soutient également un certain nombre d’initiatives, notamment indirectes, pour une amélioration des capacités linguistiques des Casques bleus. Il s’agit donc d’une action sur le terrain sécuritaire. Cette nécessité a d’ailleurs été évoquée lors de la Conférence de Paris.
À ce jour, cette contribution à l’OIF s’illustre déjà très concrètement à travers une méthode interactive appelée «En avant» qui s’adresse spécifiquement aux militaires du continent africain et de l’Océan indien qui sont amenés à participer aux opérations de maintien de la paix dans l’espace francophone.
En conclusion, je me réjouis que le GRIP ait été choisi pour animer cet observatoire qui constituera un cadre de discussion entre experts et personnalités francophones issus des pays contributeurs de personnel et s’inscrira en cela dans un objectif de renforcement du dialogue triangulaire entre l’État engagé dans le maintien de la paix, le Conseil de sécurité et le Secrétariat des Nations Unies.
Par ailleurs, je vous confirme également qu’à travers ses linguistes et pédagogues, notre Fédération dispose d’un riche vivier de ressources humaines que l’OIF peut solliciter, dans le prolongement de cette première réalisation concrète que constitue la méthode «En avant». J’espère ainsi vous avoir apporté des réponses concrètes, en complément de ce premier investissement du pouvoir fédéral dont nous avons pu observer la capacité concrète à mettre en œuvre ses politiques dans le domaine de la sécurité.
Ma réplique :
Je vous remercie, Monsieur le Ministre, d’avoir souligné l’aspect positif de cette contribution fédérale de soutien à l’initiative extrêmement positive de l’OIF. De manière globale comme quantitative, je ne doute pas que nos actions menées à travers l’OIF, ou plus largement, soient en faveur de l’État de droit et des droits de l’homme. Nous pouvons évidemment veiller à améliorer les capacités linguistiques des Casques bleus. Votre réponse indique que nous ne sommes pas directement impliqués dans la démarche de l’Observatoire Boutros-Ghali. Si le Gouvernement fédéral s’est engagé dans cette initiative, nous pouvons de notre côté prendre un certain nombre de mesures en vue de soutenir les objectifs des fondateurs de l’Observatoire Boutros-Ghali.
Commission des Relations internationales et des Questions européennes et des Affaires générales du Parlement de la Communauté française. Commission du 06 février 2017.
Consultez ici le compte rendu de la séance, CRIc No 57-RI8 (2016-2017), pp. 6-7